- Pourquoi faire la distinction ? Toi, les Sabres, cet équipage, vous êtes ma famille. Rétorquais-je avec calme mais sincérité. Je fermais les yeux, il y avait du bon à se laisser un peu chouchouter, parfois, et nous avions besoin l’un comme l’autre de ce petit moment de complicité. Mais le temps nous manquait et je dû sortir et m’habiller, je passais une tenue confortable tout en pestant contre les soins inadapté à mon espèce.
- Le substitut existe, ça s’appelle le kolto, c’est ce qu’on utilisait sur Nirauan. C’est vrai, tu n’as jamais dû y faire de corvée de Cadet dans les réserves de l'infirmerie, mais sur la réserve de kolto on avait dû mettre une note pour rappeler que les humains étaient priés d’utiliser le bacta et de laisser le kolto tranquille. C’est devenu rare en dehors des Régions Inconnues, en faire venir ici serait bien trop coûteux, ce n’est pas demain la veille qu’on fera une exception pour le confort de la poignée de non-humains du Premier Ordre.
Surtout quand le budget favorise les super-armes vouées à l’autodestruction plutôt qu’aux soins de ses guerriers, mais ça, c’était une autre histoire. Au moins, l’humour de James allégeait un peu la situation, même si aucun sourire ne vint en réponse : j’avais la mine sombre de celle qu’on envoie à l’échafaud.
L’infirmerie était bien trop proche à mon gout et je venais de monter mentalement mon troisième plan d’évasion quand nous fument arrivés. Je blêmis en voyant la cuve installée. Pourtant au fond de moi je m’étais doutée que je n’allais pas m’en tirer avec un simple patch, quelques minutes de douleur modérée puis plancher sur mon rapport le temps de m’en remettre. Dans une très grande majorité des cas, j’étais du type pragmatique et je voyais la réalité en face, mais cette chose faisait partie des rares qui me plongeait dans le déni le plus total. J’étais capable de résister à la torture, s’il le fallait, je tiendrais bon de nouveau, j’avais été entraînée pour et les années m’avaient endurcies. Mais me livrer volontairement à cette épreuve “pour mon bien” était une de mes limites et je repoussais l’échéance depuis bien trop longtemps. Ma main agrippa un instant celle de James, posée sur mon épaule et je l’étreignis brièvement avant qu’il ne s’éloigne. Je me forçais à respirer calmement, dans un exercice de concentration visant à ne pas me laisser submerger par la panique, et plantais un regard flamboyant vers l’infirmière.
- Ce n’est pas nécessaire, il me semble que le Commandant Syn a déjà fait sa mise à jour toute à l’heure.
- Je sais bien, mais il semblerait qu’il y ait eu quelques réglages pouvant être améliorés.
Semblerait… Inutile de chercher plus loin, Thrawn avait remarqué un détail dans le peu de temps où nous nous étions croisés et s’était bien gardé d’en parler pour laisser la “surprise”. C’était fourbe, même venant de lui.
- Et qu’est ce qui justifie la cuve ? Demandais-je, tendue, y mettant de toute ma dignité en m’approchant de ladite cuve. Il me semblait qu’on avait décidé que ce ne serait qu’en dernier recourt, je n’ai que quelques contusions au bras.
- A vrai dire… C’était prévu pour votre retour de Naboo, mais comme vous êtes rentrée blessée, j’ai préféré reporter. Mais le Grand Amiral Thrawn a tenu à ce que ce soit fait.
- Le Grand Amiral Thrawn adore me casser les pieds. Grognais-je d’un air presque enfantin, arrachant un sourire compatissant à l’infirmière. Allez… plongez moi dans ce truc, qu’on en finisse. Et soyez gentille avec James, c’est ma faute s’il a des ennuis. Je fermais les yeux et retins instinctivement ma respiration en sentant le liquide sur mon visage, malgré la présence du masque respiratoire.
Je ne pouvais plus reculer, immobilisée pour ma propre sécurité, immergée et comptant mentalement les secondes avant que le liquide entre en action. Le premier spasme me secoua et je priais pour perdre connaissance sur le coup, ce ne fut pas le cas et une douleur indicible me traversa le bras avant de me terrasser toute entière, irradiante, réveillant jusqu’à mes anciennes blessures. J’étais seule face à la souffrance, incapable d’en échapper, avec pour seule compagnie mes cris assourdis par le liquide et le masque. Faible réconfort que de savoir que personne d’autre ne l'entendait au-delà de la paroi de la cuve. Dans un flash, je la revis, cette pièce sordide du vaisseau où j’avais été captive, et cette créature s’approchant de moi avec ses outils… Non ! Je hurlais de nouveau : je devais lutter, je ne voulais pas vivre ça, pas encore. Avec rage et de toute ma volonté, je repoussais les souvenirs, les images. Ce foutu bras, ne pouvait-il pas guérir plus vite ? Vite était relatif, je n’avais déjà plus aucune notion du temps, incapable de déterminer si cela faisait des minutes ou des heures que je me débattais ainsi.
J’avais si mal que je n’eus même pas conscience d’être sortie de la cuve. Quand la douleur reflua enfin, laissant mes sens libre de ressentir autre chose, je réalisais que je respirais de nouveau librement, étendue sur un lit, encore sanglée mais dans un confort notable. Je me sentais faible, épuisée, incapable du moindre mouvement, mais savourais cette sensation où la douleur devenait à chaque instant moins présente, oubliable. C’est avec lenteur que je tournais la tête, cherchant du regard mon comparse, dont je captais enfin le regard.
- Toujours vivants. M’exclamais-je faiblement en lui adressant un petit signe de victoire.