Fort heureusement pour nous, mon talent reposait bien plus sur ma réflexion et mon analyse que sur mes aptitudes physique. Tout cela ne s’était exprimé que quand j’avais été privée de ce que j’avais mis des années à acquérir, un entrainement rigoureux que je m’étais imposée très jeune dans le but de devenir pilote, mon rêve, mon unique volonté. J’avais perdu beaucoup, mais gagné plus encore, et mes blessures ne m’empêchaient pas de repartir régulièrement en première ligne. Seule, souvent, incognito, juste armée de mon charric et mon sens de l’improvisation, il m’arrivait d’en faire ainsi bien plus que ce que j’avais accomplis aux commandes de ma Griffe Chiss.
Cinq ans, j’en avais fait du chemin depuis. Je me rapprochais un peu de James qui avait posé sa main sur mon épaule, m’appuyant brièvement sur lui. Comme toujours, un peu distante, mais j’avais besoin de ce contact, c’était rare, mais parfois j’avais besoin de ces instants de vulnérabilité. Surtout auprès de lui qui avait tant contribué à ma guérison et l’acceptation. J’avais accepté beaucoup de choses, surtout sur cette nouvelle vision que j’avais de ma vie et de mes buts, mais James m’avait aidé à me relever personnellement, et pas juste professionnellement. L’affection qui nous liait avait aussi contribué à accepter mon image, tout comme j’avais fait en sorte de l’épauler au mieux quand lui avait été blessé, des années plus tôt.
Cesser d’y penser, c’était facile à dire, j'arrivais en général, mais à force de toujours le repousser, ça revenait quand je m’y attendais le moins.
- K’atini… Répondis-je en Mando'a dans un haussement d’épaule. Ce n’est jamais que de la douleur. Ce que je voulais dire était que ce n’était pas la douleur qui me dérangeait, mais les souvenirs que cela ravivait.
Si seulement je parvenais à m’exprimer là-dessus, ne serait-ce que raconter ce que j’avais vécu. Même à l’écrit, dans le secret de mes documents personnels les plus confidentiels, je n’arrivais pas à l’évoquer sans détours. Peut-être était-ce là mon dernier blocage avant la guérison : j’avais accepté cet état qui faisait ma vie désormais. Je savais que jamais je ne retrouverais ce qui me caractérisait, avant, et je l’avais accepté, je n’avais pas la moindre volonté de revenir sur le passé. Mais l’incident que je ne nommais jamais directement, lui, me poursuivait encore.
- Tu sais bien que je m’en suis fait une force. Je sais que je ne suis plus très loin de… hey !
Je protestais soudain en sentant sa main se refermer sur ma fesse, il m’avait surprise le fourbe ! Je me retournais pour m’assurer que nous étions bien seuls, sans quoi il aurait eu le droit à une réaction très virulente de ma part et tout mon répertoire de nom d’oiseaux.
- Tu fais bien d’apporter cette précision. Grondais-je, menaçante. Ce mouvement ne faisait pas vraiment partie des techniques de combat que nous étions censés travailler. Je m’éloignais de quelques pas, d’un air digne, avant de me retourner soudain, un sourire presque enfantin aux lèvres, pour lui retourner le plat de ma botte sur l’arrière train. Dent pour dent, fesse pour fesse. Satisfaite d’avoir rétablit un équilibre appréciable, je me surpris à garder un petit sourire. Ce salopard avait réussi son coup et avait su me dérider dans un moment assez désagréable, si ses méthodes étaient très peu orthodoxes, ça avait le mérite de fonctionner.
- Maintenant que tu le dis… Piloter un peu me ferait le plus grand bien. Admis-je après un instant de réflexion. Un jour… Ajoutais-je avec une hésitation, tout en me rapprochant de lui, d'une voix faible, si loin du ton assuré et clair que j'employais naturellement au quotidien. Peut-être que je parviendrais, tu sais, à en parler. Peut-être que c’est seulement là que ça cessera de me poursuivre.
Je raccrochais l’arme d’entrainement sur son râtelier et passa une serviette sur ma nuque, ma main s’attarda sur l’épaule, là où commençais une longue entaille qui parcourait tout mon dos.
- J’en ai rêvé, il n’y a pas longtemps. Des Vagaaris. Sauf que le Jedi était parmi eux. Me rappelais-je, pensive. Lui aussi j’aimerais bien cesser d’y penser. Conclus-je de mon ton le plus glacé, tout en enfilant une tenue de pilotage.

De l’alcool ? Cette cervelle de gungan était vraiment en train de me préconiser une bonne cuite pour me remettre d’un traumatisme si profond qu’il me poursuivait malgré les années, une carrière reprise en main et d'innombrables heures de méditations pour accepter et vivre avec une expérience qui aurait dû me détruire ? Peut-être que les humains trouvaient la guérison dans l’alcool (ce dont je doutais, très honnêtement) mais j’étais sûre d’une chose : ça ne marchait pas ainsi chez les chiss.
- Tu crois que je n’ai jamais essayé de me saouler jusqu’à en oublier pourquoi je n’arrive pas à en parler ?! Je m’emportais d’une voix glacée. Même dans mes pires colères, je n’élevais jamais la voix, elle prenait juste l’effet des pics de glace de Csilla. Tu crois que je n’ai pas déjà tout essayé ?… Laisse tomber, oublie ça. Achevais-je
Je cachais sous la colère toute la honte que ce blocage m'inspirait, mais cachant encore plus combien la réaction de James me laissait désemparée. A moi d’être forte ? C’est donc ainsi qu’il me voyait, comme une faible ? S’il avait un talent exceptionnel pour le pilotage et pour les activités intimes, il était décidément un bien mauvais confident.
J’avais la chance d’être forte, je n’avais pas à le devenir et je savais ce que je valais. Les Vagaaris en avaient fait les frais, quand j’avais traqué la flotte sur laquelle j’avais été captive, dont j’avais analysé la composition et les défenses, pour la détruire. Je n’avais laissé aucun survivant, pas par vengeance, mais parce que nous étions le rempart. Cette attaque, je l’avais menée blessée, détruite, à peine mobile, épuisée, mais consciente que si nous ne l’arrêtions pas, grâce aux informations que je détenais, alors ils auraient pu réussir une percée vers les mondes centraux.
Je n’avais rien à prouver, je savais que je n’étais pas faible, j’aurais juste voulu abattre cet ultime barrage. Cela ne nuisait pas à mon travail, au contraire, il me rappelait jour après jours pourquoi je me battais, pourquoi, même si j’étais détachée des idéaux de Snoke, je servais sans faille le Premier Ordre.
Je passais la tenue de pilote et mis de côté ma colère ainsi que toute émotion parasite, contemplant un instant le reflet dans le vestiaire. C’est vrai, ça m’allait toujours bien, même j’étais bien loin de la gamine qui l’avait revêtue pour la première fois. Un petit effort d’imagination et c’était elle que je voyais : la petite Thrace de 16 ans, trop précoce pour être prudente, trop agile pour s’épanouir ailleurs que dans l’espace, trop énergique pour imaginer sa vie ailleurs qu’aux commandes de son chasseur. Elle était loin, mais toujours là, ça se sentait chaque fois que je prenais les armes, ou que je lançais mon Destroyer dans des manœuvres peu conventionnelles mais ridiculement efficace. J’étais toujours cette gamine, juste un peu plus vieille et un peu plus forte.
- Toi, par contre, t’es un peu serré dans la tienne. Répondis-je enfin quand nous fûmes près de sa Griffe et qu’il passa à son tour la tenue de pilote, ponctué d’un sourire sarcastique.
Je grimpais à bord, un peu trop fière de cette petite vacherie mais il l’avait bien mérité, cet ami en carton. Je retrouvais immédiatement tous mes réflexes, attacher les sangles, passer mon casque, vérifier les instruments de bord, demander les autorisassions de pont. James fit demander des cibles d’entraînement, c’était une bonne idée.
- Merci.
Le bruit caractéristique de l’écoutille d’entrée se verrouillant précéda le silence le plus profond. Je me tournais vers James.
- T’es vraiment naze comme ami, mais tu te rattrapes bien comme Commandant, tu sais.
La rancune n’était pas dans mon caractère, heureusement pour lui. Sous le casque il ne pu voir mon sourire, mais le cœur y était. Sur ce, j’allumais les moteurs du chasseur, puis décollais en douceur vers la sortie du hangar. L’immensité de l’espace nous engloba aussitôt, rien devant moi, sinon une myriade d’étoile. Un frisson de délice me parcouru l’échine alors que je mis en route les moteurs principaux, nous projetant dans le vide, puis plongeais pour retrouver le Precursor, m’amusant même à vriller en passant devant le pont de commandement secondaire : les quartiers de Thrawn. S’il regardait à cet instant, je savais qu’il reconnaîtrait immédiatement ma manière de piloter. Sur ce petit caprice, je changeais de cap pour trouver les fameuses cibles d’entraînements.
- Et bien, je suis moins rouillée qu’au blaster. Qui l’eut cru ! Lançais-je dans mon comlink de casque à destination de mon passager. On va aussi tester la stabilité de tes nouvelles jambes, j’espère qu’ils te les ont équipés de crochets, il n’en faudra pas moins.

Les cibles étaient là et je savourais chaque instant, chaque sensation, chaque virement de bord de l'appareil dont je ressentais la puissance des moteurs comme une extension de moi-même. C’était grisant, jamais je ne pourrais laisser tout cela derrière moi. Je pilotais moi-même ma navette quand je me déplaçais, mais ce n’était qu’un pâle aperçu comparé à la symbiose qui s’opérait à bord d’un chasseur. La Griffe, je la pilotais depuis tant d’années, cette série j’en avais participé à l’élaboration, j’avais testé la plupart de ses étapes. Je connaissais par cœur le moindre ronronnement, la moindre impulsion. Et encore, c’était l’appareil de James, pas le mien. Son ordinateur de bord n’était pas le mien et quelques petits détails me rappelaient que ce n’était pas mon chasseur, mais je passais vite outre ces détails. J’étais à ma place, les commandes en main, les étoiles tout autour.
Passé ce petit élan lyrique à contempler l’espace et évaluant les positions des cibles, je relançais les moteurs, retenant un rire en entendant James pendant l’accélération. Concentrée sur les objectifs, j’en oubliais mes membres un peu raides, mon bras dont les élancements étaient pourtant à la limite du supportable. Plus rien n’avait d’importance. J’étais en situation de combat et mes reflexes n’avaient jamais été oubliés. Il fallait dire aussi que même durant ma convalescence, je passais toujours du temps en simulateur et que dès que j’avais obtenu (et un peu forcé) l’autorisation médicale, je ne perdais jamais une occasion de m’exercer. Mais face à des cibles d’entrainements aussi perfectionnés, cela faisait bien trop longtemps. Je ratais la première mais ne me laissais pas démonter, piquais pour attaquer la suivante par le flan, une réussite. Alors, je poussais à fond sur les retromoteurs et effectuais un demi-tour très raide pour faire face à la suivante, tirais, et accélérais en vrillant pour éviter l’impact et me trouver face à la suivante. J’enchainais ainsi les figures de combat, bien sûr je ne touchais pas toutes les cibles, mes reflexes étaient encore un peu trop lents, mais je retrouvais les commandes et les manipulations parfois très techniques du pilotage comme j’avais su le pratiquer. Enfin, je touchais une dernière cible et les restantes se désactivèrent, marquant la fin du programme d’entrainement. Je repris mon souffle, en proie à cette euphorie de combat et réalisant que j’avais perdu toute notion du temps.
C’est là que je me tournais vers James pour le découvrir à genou sur le sol, le casque retiré et la mine d’une couleur fort peu avenante pour un humain.
- Une excellente idée, je dirais. Répondis-je avec le plus grand sérieux.
Je tins encore deux seconde avant d’éclater de dire, n’en pouvant plus de la mine déconfite de mon pauvre ami et commandant. Je lui en aurais fait subir des belles aujourd’hui. Je riais certes à ses dépens, mais par les Étoiles, que ça faisait du bien ! Je ne me rappelais plus m’être sentie aussi bien depuis trop longtemps. Je repris un peu mon sérieux en posant sur James un regard bien plus avenant : je lui devais une fière chandelle, à ce pauvre humain verdâtre qui avait visiblement oublié à quoi ressemblait mon pilotage.
- Allez, j’arrête de te tourmenter, on rentre. J’ai bien besoin d’une douche et on pourrait avoir besoin de pire que ça si tu ne retrouves pas rapidement un sol stable.
Je pris la direction du hangar, de nouveau concentrée sur les manœuvres d’appontage et commençant à sentir le contrecoup de l’effort et l’épuisement physique. A mon tour, j’ôtais mon casque et écartais une mèche de cheveux collé à mon front.
- A propos. Si ta Leader était du genre à s’arrêter au physique, crois-moi, elle n'aurait jamais craqué un jour pour un humain. Lâchais-je dans un sourire, après un temps de silence. Je répondais ainsi à une remarque qu’il avait dit avant de monter à bord et que je n’avais alors pas relevée, encore de mauvaise humeur.
A présent j’étais de nouveau d’humeur à la plaisanterie et, tout comme il était loin de refléter un laisser-aller, je n’étais pas non plus sérieuse sur son physique. Pour moi il était difficile de juger du physique d’un Humain, mais je savais que James étaient un bel homme, c’était dans sa réputation. Le fait d’être d’une espèce différente me rendait aveugle à ces considérations, ce qui, à mes yeux, était d’autant plus positif pour lui : si je l’appréciais ce n’était pas pour des choses aussi vaines que l’apparence physique.
Et surtout pas là avec sa mine qui le rapprochait en cet instant plus du rodien que du chiss. Je laissais échapper un petit rire bref à cette pensée, tout en finalisant les étapes de fixation de la Griffe sur son support de pont.
- Terminus. Ça va aller, tu vas savoir marcher ?

Je m’y attendais mais il ne passa pas à côté et sembla rester bloqué sur le mot “douche”. Oui James, une douche, cette petite cabine avec de l’eau qui coule et du savon, généralement employée dans un but d'hygiène corporelle, salutaire après un effort physique. Je levais les yeux au ciel (pour autant qu’il y eut un ciel dans l’espace) en retenant un petit sourire.
D’ailleurs il était assez clair qu’il commençait à avoir certaines intentions, je le voyais venir à des années lumières, depuis le temps, et me retins de rire quand il demanda ce qui m’avait plu chez lui. Une chose était sûre, ce n’était pas pour sa résistance au pilotage chiss que je l’avais choisi. Je restais parfaitement sérieuse, comme je savais si bien le faire, et lui répondit avec le plus grand naturel : C’est ta capacité décomplexée à poser des question stupides sans trembler. Bien sûr, je savais qu’il espérait quelques compliments, c’était donc volontairement que je le rabrouais. C’était un jeu. Je reportais mon attention sur le pilotage. Parler des sentiments n’était pas dans ma nature, les sentiments je les éprouvais, je les exprimer par touches discrètes mais directes, l’affection que je lui portais n’était pas feinte, même si cela passait pour de la froideur et de la distance aux yeux des humains. Je pouvais sans peine énumérer les qualités professionnelles et personnelles des gens que j’appréciais, mais dans le cadre affectif, c’était bien moins rationnel et se résumait généralement à “bah, je t’aime bien.”. Je ne me souciais pas vraiment de pourquoi j’éprouvais de la tendresse pour certaine personne, je l’éprouvais, c’était tout. C’était un jeu : il cherchait la flatterie et je ne savais pas flatter. Parce que tu es toi.

Thrawn avait finalement décidé de sortir de son bureau pour se diriger vers le pont. Thrace allait sans doute passer plus tard mais après avoir assisté à sa petite démonstration de vol et le besoin de faire une pause dans son travail l’avait poussé à aller à sa rencontre. Au fond, il ne se sentait pas en colère, cette gamine lui avait déjà causé bien plus d'inquiétude que cette nouvelle folie du jour, mais compte tenu de la situation, il était de son devoir de la ramener à la réalité. Elle et Syn d’ailleurs, jamais seuls pour se mettre inutilement en danger. L’ascenseur s'immobilisa et, derrière la porte encore fermée, Thrawn entendit d’ailleurs la voix de Syn.

- Autorisation refusée.
Je m’étais attendue à ce qu’il nous intercepte à l’arrivée, mais comme toujours, Thrawn savait faire des entrées parfaites. J’étais face à James et ses propositions qui laissaient présager une douche plutôt récréative, quand la porte de l’ascenseur s’ouvrit et que la voix polaire vint couper court à ce projet. Il nous toisait de son air le plus glacial, même moi, je sentis mon cœur rater quelque battements sous la surprise et fit un pas en arrière. Mais comment faisait-il pour gérer le timing avec une telle perfection ? Mes réflexes prirent aussitôt le dessus et je me fendis du salut militaire règlementaire.
- Grand Amiral Thrawn.
Je connaissais ce regard et il n’annonçait jamais grand-chose de bon.
- Capitaine Thrace. Commandant Syn.
Il se recula avec un geste pour nous inviter, enfin, nous ordonner à monter dans l’ascenseur. La porte se referma derrière nous.
- Ton bras.
Prise en faute, je le laissais examiner mon bras dont l'hématome avait salement empiré pendant l’entrainement. Rien ne lui échappait et surtout pas mon infime grimace de douleur quand il saisit mon poignet. Comment aurait-il pu ne pas le voir alors que je me devais de soutenir son regard avec le plus grand calme ? Je le soupçonnais de maintenir la pression pour bien me faire réaliser la gravité de la blessure… et il avait raison. J’avais bien trop forcé. Les secondes s’écoulèrent avec pour unique bruit le vrombissement de l’ascenseur, juste le temps qu’il fallait pour que s’installe en moi une appréhension palpable. La douleur était telle que je me demandais s’il allait me briser le bras de nouveau, pour être certain que je ne refasse plus la même erreur. Il en aurait été capable, même avec moi. Surtout avec moi.
- Commandant Syn. Il relâcha enfin mon bras. Je me gardais bien de pousser le moindre soupir de soulagement. Ramenez le Capitaine à l’infirmerie et veillez à ce qu’elle arrange ça correctement. Capitaine, je veux votre rapport de Naboo avant la fin de la journée. En mains propres. Je vous rappelle que vous êtes tous les deux en service dès demain et qu’aucune séquelle de votre entraînement ne sera recevable comme excuse.
La porte de l’ascenseur s’ouvrit. Il nous salua d'un signe de tête avant de partir, après un dernier salut de notre part.
- On s’en tire mieux que prévu... Reconnus-je, une fois certaine qu’il était vraiment parti. Enfin, “mieux”, la journée n’était pas encore terminée. Tes quartiers sont sur le chemin de l’infirmerie… Si on ne veut pas infecter les lieux, on ferait tout de même mieux d’y faire une escale. Et puis… Je désignais mon bras, exprimant clairement que pour ne pas empirer son cas, j’allais avoir besoin d’un petit coup de main.

Non seulement il surgissait toujours au bon moment mais il avait un don pour me faire me sentir comme une gamine en faute quand j’avais fait une erreur personnelle. C’était comme si nous étions de retour sur Nirauan et que je venais de me planter en m’étant figurée pouvoir grimper une des falaises abruptes infestées de Quom-Jha, après qu’il m’ait clairement signifié que ce n’était pas une bonne idée. Ce qui était déjà arrivé. Trois fois. Mais je n’étais plus une enfant même si je le soupçonnais parfois de l’oublier, surtout quand je me blessais. Je retrouvais donc mon attitude normale malgré le tiraillement de mon bras et la pression encore omniprésente de sa main sur mon poignet. Ceux qui se demandaient pourquoi “la Main de Thrawn” comme nom pour son armée n’avaient jamais expérimenté sa poigne.
Je hochais de la tête à la remarque de James. Passer par un SAS, oui, c’était aussi une possibilité. Le chemin vers les quartiers fut assez laborieux, même si je n’en donnais pas l’air, l’épuisement me guettait et la douleur s’étendait au-delà de mon bras. J’allais me prendre un savon à l’infirmerie et sans doute encore un en remettant mon rapport, sans compter les soins qui s’annonçaient peu agréables. Il était presque impossible de me soigner le bras assez rapidement pour répondre à l’ordre de Thrawn tout en étant ménagée, ce qui était probablement son intention, là aussi. La porte se referma derrière nous et je me trouvais dans cette situation ridicule où je ne parvenais pas à ouvrir ma fermeture de ma seule main valide. Réalisant que j’étais en difficultés, James vint m’aider. Merci. Je me débarrassais de la tenue de vol, collante sur ma peau humide et rencontrais moins de problèmes avec la tenue de sport que je portais en dessous. James avait raison, nous ne pouvions pas nous attarder.
- Oui, le connaissant il a dû demander à l’infirmerie de le prévenir quand je serais arrivée. Mais je ne me suis pas posée depuis Naboo, sans rire je pense que j’ai encore du sang dans les cheveux. Dis-je en entrant dans la cabine de douche et faisant couler l’eau encore glacée sur moi. Je fermais les yeux quelques instants, savourant la sensation bienfaisante du froid sur mon visage, mes épaules et ruisselant sur mon bras meurtris. Au sol, l’eau s’était teintée de rouge et prenait lentement une température humainement supportable. Je laissais de la place à James. Mon ami, tu sens le jawa ! Plaisantais-je en me savonnant laborieusement les cheveux. De la mousse plein les doigts, j’en jetais nonchalamment sur lui.
- Ce coup-ci, je vais pas échapper au bacta. Lâchais-je après avoir contemplé l’eau en silence pendant quelques instants. Le bacta et moi étions peu amis, comme beaucoup de mon espèce. Un jour, les directives médicales inclurons enfin autre chose que les humains. Ce jour-là, j’arrêterais peut-être de traiter les medics de tous les noms chaque fois que j’ai affaire à eux. Soupirais-je en sortant de la douche et me séchant.
Je cherchais clairement un peu de réconfort car James savait déjà très bien tout ça. Les soins inadaptés aux non-humains était un de mes thèmes de prédilection quand l’envie me prenait de râler, et James était l’un des seuls de toute la galaxie avec qui je me sentais libre de râler et pester sur des détails triviaux. Heureusement pour lui, cela restait rare, mais malheureusement pour lui, comme il était le mieux placé pour ramasser les morceaux quand je revenais blessée de mission, cette rengaine là il ne la connaissait que trop bien. J’eus un petit sourire d’excuse. Désolée, tu vas encore avoir le droit à mon couplet de “je ne veux pas y aller.”, je le crains. Ah, je me doutais bien que j’avais laissé ça là. En fouillant dans ses affaires, je venais de retrouver quelques vêtements à moi propres et rangés. A force de rester régulièrement tard avec lui, majoritairement parce qu’il nous arrivait de travailler tard sur l’organisation des vols de cette flotte, j’avais pris l’habitude de semer quelques affaires. Dans des cas comme celui-ci cette habitude était décidément bien utile.