L’apprentissage de l’obéissance a été rude auprès de mes supérieurs. J’ai passé des mois entiers à l’autre bout de la galaxie, pour avoir seulement soutenu qu’ils avaient tort à propos de Gamora. J’aurais peut-être dû me mêler de mes affaires, ou au moins réfléchir à deux fois avant d’agir, mais pour une fois, une seule, je n’en avais pas été capable. Confronté à la détresse de Gamora à son retour de mission, j’avais laissé mon impulsivité parler avant de songer aux conséquences, et j’en avais payé le prix fort. En plus de ne pas admettre que Gamora n’était plus apte au service, ils avaient décidé de m’envoyer voir ailleurs si elle y était, en bordure extérieure. La mission m’avait paru durer des lustres, malgré tous mes efforts pour la raccourcir. Je me souviens encore des nombreuses fois où je songeais à elle, inquiet de savoir comment elle se portait. En mission d’infiltration, il était toujours dangereux de contacter ses collègues et amis, alors je n’avais pas eu beaucoup de nouvelles.

C’est quand je suis finalement revenu, que j’avais appris la grande nouvelle : elle n’était plus là. Sur le moment, la nouvelle m’avait laissé abasourdi, sans comprendre une telle disparition. Je ne pouvais pas croire que ses supérieurs avaient été assez stupides pour la renvoyer si tôt en mission, et pourtant c’était la seule explication à son absence. C’est ce que je croyais, jusqu’à ce que je mène ma petite enquête. Elle n’était pas en mission – dieu merci – mais en convalescence. Sur le coup, j’étais furieux. J’avais finalement été puni parce que l’évidence m’avait frappé avant mes supérieurs, qui avaient pris leur temps pour accorder cette pause bien méritée et nécessaire à Gamora. J’aurais été capable de pister celui qui avait eu la bonne idée de m’envoyer loin d’elle quand elle avait besoin d’aide, mais l’inquiétude de la savoir en repos m’avait finalement convaincu de retourner vers elle au plus vite. Voilà qui expliquait mon périple vers Corellia.

Désormais, après avoir dépassé les nombreux chantiers navals en orbite autour de la planète, je sens la nervosité me gagner en entrant dans le spatioport de Tyrena. Je ne suis pas encore certain de comment va réagir Gamora. A vrai dire, je ne suis même pas sûr qu’elle ait envie de me voir. Plus j’avance vers elle pour la retrouver, et plus j’ai cette pensée terrible qui me murmure qu’elle pourrait tout aussi bien m’accueillir avec un sourire que me renvoyer à la base. Après tout elle est ici pour se reconstruire, pour profiter des Plages d’Or, et oublier un moment le Premier Ordre. Par bonheur, j’ai pris le temps de troquer mon uniforme pour une tenue plus décontractée, en laissant moi aussi le Premier Ordre derrière moi pendant cette escapade rapide. En atterrissant, je me glisse donc facilement dans la masse de touristes venus profiter de la station balnéaire.

Avec une paire de lunettes de soleil sur le nez et mon sac que je jette sur mon dos, je n’ai plus qu’à trouver le bon hôtel pour mettre la main sur Gamora.  J’affiche un bref sourire lorsque mon regard se pose sur la vaste étendue d’eau que l’on aperçoit au loin. Le paysage maritime est vraiment idyllique, je suis forcé d’admettre que Gamora a bien choisi sa planète pour ses vacances forcées. Néanmoins, je n’ai pas de temps à perdre avec l’océan, alors je me mets aussitôt en marche. D’un pas tranquille, je gagne l’une des rues principales, et je glisse une main dans ma poche pour attraper le papier où j’ai marqué l’hôtel dont on m’a parlé. Je me répète le nom encore une fois, dans un geste purement nerveux, parce qu’à force je le connais de tête. Ici, l’ambiance est tranquille, les traits sont détendus, et les visages affichent des sourires. J’espère que c’est ce dont Gamora avait besoin pour se remettre de cette mission qui l’a blessé plus que certains n’avaient voulu l’admettre. Je soupire, et puis je finis par demander mon chemin à un commerçant, sinon je ne vais jamais m’en sortir. Il y a des hôtels dans tous les sens ici.

Quand je trouve enfin le dit-hôtel, j’hésite un instant devant, comme un idiot. Brutalement, je me demande ce que je vais bien pouvoir lui raconter, et j’ai presque envie de faire demi-tour et d’attendre qu’elle rentre à la base pour la revoir. Pourtant, je n’ai pas fait tout ce chemin pour rien. Je n’ai pas pensé à elle toutes ces fois pour repartir au dernier moment. Alors quand une drôle de créature me pousse dans le dos en grognant pour que je dégage du chemin, je finis par me tirer de mes fabulations sans fondement, et j’entre. Mes pas me dirigent aussitôt vers la réception, alors que je fais courir mon regard sur l’endroit. L’hôtel est luxueux, mais je ne vois aucun signe de celle que je cherche. « Hum. Bonjour. Est-ce que vous pouvez m’aider ? Je cherche la chambre de Mademoiselle Gamora Kelso. » Je prends mon air le plus adorable pour amadouer la réceptionniste et lui arracher le numéro de chambre de Gamora. La fourbe fait semblant de résister un instant, mais après avoir glissé quelques crédits pour supporter ma requête, elle finit par me lâcher l’info sans plus de difficulté, en convoquant même un droïde pour me montrer le chemin. Il était facile de comprendre que la pauvre femme était sous-payée.

Je la remercie chaleureusement, et me détourne finalement pour suivre docilement le droïde en question qui m’entraine dans les couloirs. Le chemin n’est pas long, et rapidement, le petit robot s’arrête devant la bonne porte et nous annonce en frappant à la porte « Mademoiselle Kelso, vous avez de la visite. » J’inspire, et j’espère qu’elle est là.