40 BBY, Kor Vella.

Rehan sort de son appartement pour le travail, rarement lorsqu’il s’agit de ses emplettes personnelles. Pour ça, elle a déjà des amis qui lui font parvenir ce dont elle a besoin : le moins de déplacements elle fait, le mieux c’est. Avec le prix des voyages interstellaires, elle ne peut plus se permettre de prendre son vaisseau aussi régulièrement que lorsqu’elle avait un revenu de mercenaire régulier. Son vaisseau restait dormant dans un garage qu’elle louait pour une misère, elle se rendait souvent à Coronet City lorsqu’elle nécessitait quelque chose, mais plus rarement à Kor Vella. Ce n’était qu’un détour de circonstances et elle serait bien vite rentrée : Lyswen n’était pas à l’appartement, occupée à travailler au garage où elle était apprentie. Elle espérait que son application et sa détermination résultent en un emploi qui permettrait d’augmenter le niveau de vie des jeunes femmes.

Rehan pouvait se reposer sur les crédits qu’elle avait rassemblés de son passé, mais elle devait être très prudente sur les transactions, pour éviter qu’on ne remonte à elle trop facilement. Cette ressource était du dernier recours.

Kor Vella est agitée aujourd’hui, les rues sont pleines et Rehan se balade avec sa capuche sur la tête, les lunettes de speedster qu’elle ne conduit même pas sur le dessus de son crâne. Le plus d’accessoires qui l’éloignent de sa véritable identité, le mieux c’est. S’engouffrant dans un marché bondé, Rehan est à l’écoute des conversations autour d’elle, feignant d’avoir un intérêt pour ce qui est présenté sur les comptoirs. Alors qu’elle pose une main sur l’étalage pour saisir un exemplaire, elle tressaille : “Hey !” s’écrie un impressionnant tenancier lasat en la pointant du doigt. “Tu comptais prendre des trucs et filer, c’est ça ?!” Rehan hausse un sourcil : comme si la camelote exposée avait un quelconque intérêt pour elle, mais elle préférait ne pas faire de vagues sur sa planète, d’autant plus que son apparence et sa manière de s’habiller pouvait effectivement faire penser à un voleur prêt à prendre la fuite entièrement recouverte de tissu pour ne pas être reconnue. “Non, monsieur. Je fais un contrôle qualité.” Cette excuse passe habituellement, mais le tenancier ne prend  visiblement pas la justification en considération. “Je ferais venir la Milice si vous ne dégagez pas immédiatement ! Voleuse !”

@Elizand Vod

Rehan s’apprêtait à répliquer, acerbe. Elle n’aime pas être impliquée dans ce genre d'histoires stupides, encore moins si c’est pour l’afficher publiquement en tant que voleuse. Elle prend une inspiration pour répliquer mais sent soudainement une présence dans son dos fait soudainement tressaillir l’ancienne mercenaire comme le vendeur qui se calme presque instantanément, une petite transaction s’effectuant entre les deux. Faisant volte face pour voir qui se trouvait là, la figure imposante commence déjà à s’éloigner et Rehan comprend implicitement qu’elle doit le suivre. D’un point de vue stratégique, c’était mieux que les gens du marché pensent qu’elle est accompagnée, cela fera taire les rumeurs. Lui emboîtant le pas, l’homme semble prendre un chemin un peu au hasard avant de s’arrêter dans une cantina.

Ça connait bien Rehan, ce genre d'endroits. D’ailleurs, la plupart des mercenaires et autres pirates s’y retrouvaient régulièrement. Se pourrait-il qu’il s’agisse d’une ancienne connaissance ? Elle pouvait au moins lui offrir un verre pour le remercier de son intervention, tout en restant sur ses gardes. Il commande et la voix ne lui est pas étrangère, sans réussir à le replacer directement. Enfin, après quelques instants de silence gêné, l’homme se défait de ses vêtements pour révéler une figure familière, laissant Rehan pantoise. “...Elizand ?” Cela faisait bien longtemps qu’ils ne s’étaient vus, à l’époque Rehan se faisait encore appeler Valkyrie. Après une hésitation, l’ancienne mercenaire s’installe en face de lui, détendant ses muscles. "Ça fait longtemps, en effet… Je ne crois pas vraiment au hasard. Je crois pouvoir dire que je te connais assez pour savoir que tu n'es pas ici sans raison.” Elle tente de lui sourire. Elizand avait été un allié pendant de nombreuses missions et la situation était assez inédite pour lui arracher un peu de sympathie. Faisant un signe, elle demande également un verre. “Que fais-tu sur Corellia ? Tu es en mission ?” Elle le désigne du menton, amusée : “Merci pour tout à l’heure. Ce vendeur n’allait pas me lâcher, sans ton intervention. J’évite les problèmes d’ordinaire.” Enfin, à une époque, elle les cherchait activement. Il faut croire que la roue tourne.

@Elizand Vod

Dans la vaste galaxie où ils évoluent, il y a plusieurs façons de s’assurer un semblant de sécurité : rester nébuleux sur ses objectifs et ses intentions ou tuer les personnes qui en sauraient malheureusement trop. Rehan n’en veut pas à Elizand de choisir l’option de ne pas en dire trop, tout simplement parce qu’elle recourt souvent à ce genre de tour pour se sortir de situations malencontreuses. Lorsqu’elle recroise d’anciennes connaissances, rares sont les fois où elle délivre la totalité des événements l’ayant conduit à devoir disparaître et de s’occuper de Lyswen. “D’accord. Tant que tu n’as pas prévu de me jeter dans la gueule du loup, je suis prête à te laisser le temps que tu souhaites pour m’expliquer tout ça.” Elle n’a pas le temps de réfléchir trop aux conséquences de cette confiance donnée, puisqu’il détache quelque chose de sa ceinture avant de le poser délicatement sur la table. Après un coup d'œil, il n’y a pas de doute : il s’agit du manche d’un sabre laser.

Elizand et elles s’étaient croisés sur de nombreuses missions, certes… Mais le fait qu’il possède un sabre laser, ce n’est pas rien. Cela donne même une toute autre profondeur au personnage, d’autant plus s’il a le luxe de pouvoir se séparer d’une relique pareille. Presque d’instinct, Rehan se pose la question de combien cela vaudrait au marché noir, avant de balayer la pensée tout aussi vite. “J’ignorais que des noms pouvaient être donnés à ces choses-là.” Puis avant de reprendre elle secoue doucement la tête : “Je ne suis pas certaine de voir où tu veux en venir. Je ne suis pas faite pour manipuler ce genre d’armes.” Du moins, pas à sa connaissance.

Elizand en vient finalement aux explications, les sourcils de l’ancienne mercenaire se fronçant à mesure qu’il avance dans son discours. Elle ouvre et ferme la bouche plusieurs fois, la langue pressée de poser des questions mais sans vouloir couper la parole à son vis à vis. “Est-ce que tu es en train de me dire que je peux manipuler la Force ?” Jamais cette idée ne lui avait traversé l’esprit. L’implication de tout cela lui serre l’estomac, si bien que le plat devant elle reste intact. “Du Côté Obscur ?” Les choses prennent un tournant de plus en plus inattendu. “Tu ne me paraît pas être un homme tombé du Côté Obscur. J’ai entendu beaucoup de contes à leur sujet, il paraît que s’y laisser tenter te prive de bien des choses, notamment de caractéristiques physiques. Tu es trop bien conservé pour ça.” C’est un compliment.

La curiosité la dévore alors que ses doigts hésitent à frôler le métal du sabre posé devant elle. Elle en vient à se demander de quelle couleur la lame était, quelle sensation cela faisait de la tenir en mains. “Es-tu de la Nouvelle École de la Force ? Je refuse de tout quitter pour m’y rendre.” Cette nouvelle opportunité, aussi étrange était-elle, avait son lot de conséquences. Les choix faits autour de cette table pourraient changer toute la trajectoire de leurs vies. “Tu me proposes d’être mon Maître.” Affirmation à voix haute, juste pour confirmer ses doutes.

@Elizand Vod

“C’est beaucoup à encaisser.” Elle hésite un instant, les yeux rivés sur le sabre qui la fascine et la dérange à la fois. Rehan savait qu’elle se trouvait à un embranchement de sa vie, où le choix qu’elle ferait aurait des conséquences permanentes. Devait-elle accepter ? Il n’y a qu’elle pour y répondre. Est-ce que ça lui apporterait quelque chose ?

En réalité, oui. Ca lui apportait bien plus qu’elle ne pourrait l’imaginer. Si un jour elle devait revenir en tant que Valkyrie, le faire avec un sabre à la ceinture ferait davantage trembler. Si elle devait protéger bec et ongles Lyswen, elle aurait désormais la Force pour l’y aider. S’abreuver des connaissances que lui proposait Elizand semblait particulièrement bénéfique. “Dois-je te donner quelque chose en échange de tout cela ? J’imagine que tu ne fais pas ça de bonté de coeur.” Ou tout du moins, Rehan ne pouvait pas le croire. Dans une Galaxie régie par les échanges commerciaux et autres transactions, quand bien même l'École de la Force le faisait pour des motifs moraux, elle doutait que cela soit aussi aisé. “Tu as l’air profondément attaché à tes idéaux… j’ignorais cette part de toi. Cela change toute la perspective que j’avais à ton sujet.” Rehan l’avait imaginé comme un mercenaire intrépide qui avait de la bouteille, il avait décidément bien plus que ça à offrir.

Finalement, elle croise les bras sur la table et se penche davantage au-dessus d’elle, pour approcher sa tête de celle de son interlocuteur : “De quelle couleur est la lame ?” demande-t-elle, d’une curiosité presque amusée, comme pour temporiser sa réponse. “Tu serais prêt à me donner ton enseignement sur Corellia ? Je ne compte pas partir en vadrouille trop longtemps, même si bien sûr je peux me déplacer, j’ai quelqu’un qui dépend de moi aussi. Et aussi… Tu as raison. J’ai quelques problèmes qui m’obligent à être discrète.” Ca aussi, il fallait y penser. Affronter le Soleil Noir en tant que Valkyrie était une chose, mais en tant que manipulatrice de la Force ? Elle ne pourrait bien sûr pas les renverser, mais elle aurait de quoi faire peser sur la balance. “Je vais être honnête avec toi. J’ai le Soleil Noir à mes trousses depuis deux ans car j’ai sauvé la vie de l’une de leur cibles qui en sait un peu trop à leur sujet. Elle a à peine vingt ans. J’ai du mal à comprendre ce qui m’a poussée à tout lâcher pour elle, mais je l’ai fait. Maintenant, je dois en assumer les conséquences et la protéger. Si je peux manipuler la Force pour le faire comme tu le dis… Je suis prête à accepter, oui. Je t’ai fait confiance lorsque nous étions mercenaire, je peux te faire confiance à présent, si on se lance là dedans.” Ses doigts saisissent le manche du sabre entre eux et elle le rapproche enfin d’elle.

@Elizand Vod

Plus Rehan y pensait, plus cela piquait sa curiosité : de quoi était-elle capable ? Quelle était la limite ? Y avait-il même une limite au pouvoir que lui proposait Elizand ? Elle se savait sur le bon chemin en acceptant sa proposition, un instinct difficile à décrire mais qui lui laissait un sentiment de sérénité profonde. Elle sait qu’elle ne le regrettera pas et qu’elle pourra lui faire entièrement confiance. Au-delà des années de travail à ses côtés, Elizand avait été un allié exemplaire mais aussi un ami ? Si des boulets étaient encore accrochés à ses pieds, Rehan savait désormais qu’elle ne serait plus seule à les porter : il avait donné sa parole, sans même savoir tous les détails et à vrai dire, il ne semblait pas en avoir besoin. Le calme dont il fait preuve empêche toute forme d’angoisse. Rehan se demande dans un flash s’il fait ça en utilisant la Force, mais elle chasse cette idée presque aussitôt en réalisant que ça lui est égal. “Je comprends. Ce sabre… C’est comme s’il m’appelait.” Et encore une fois, c’était peut-être effectivement le cas.

L’appétit revient à l’ancienne mercenaire qui s’empresse de commander davantage. Peut-être l’excitation de la situation, d’avoir basculé soudainement d’un quotidien où elle était effrayée à la perspective de devenir autre chose, de devenir plus forte. “C’est peut-être beaucoup à encaisser, mais peut-être que tu pourrais déjà m’en enseigner des bases maintenant, enfin quand tu auras fini. Si je commence maintenant, je n’aurais pas le temps d’y réfléchir davantage et c’est le mieux pour nous deux.” S’il pouvait lui apprendre à sentir quelque chose de plus dans ce monde, d’effleurer sous la surface qu’elle avait connue pendant trente ans, cela donnait un tout nouveau sens à sa vie et dans ce cas elle ne souhaitait pas perdre plus de temps dans ce côté du miroir qui avait tout l’air d’être fade et où elle était prisonnière.

@Elizand Vod