Mal se rappelle de la brise légère contre sa peau et des brins d'herbes coincés entre ses doigts. Il se rappelle du voile épais qui semble s'évaporer avec l'arrivée du soleil à l'horizon. Lueurs ambrées qui éclairent son visage d'ébène. Regard fixé sur l'astre qui lentement s'élève dans le ciel. Il ferme les yeux. Caresse salvatrice.

Le réveil sonne, sortant brusquement Mal de son rêve.  Il cherche à éteindre le bruit caractéristique de l'objet.
Silence.
Dans l'obscurité de la pièce, seule sa respiration est audible. Il se lève, cherche à atteindre sa fenêtre pour ouvrir les volets métalliques.
A l'extérieur, taxis et autres transports circulent dans les airs, se frayant un passage entre les immeubles, émettant un bourdonnement lointain. Prisonnier de son propre reflet, Mal s'éloigne de la vitre. Structures grises et métal glacial. Son rêve semble être loin. La porte de sa chambre glisse, laissant entrevoir sa mère derrière. Elle arbore un sourire, plaçant une main dans ses cheveux bouclés.

– Ton père t'attends à la clinique, tu vas être en retard.

• • •

Mal se rappelle du souffle frais qui fait balancer les branches des arbres, Il se rappelle des feuilles qui tombent avec paresse et douceur sur le sol. Il se rappelle du soleil qui disparaît derrière les nuages au loin, avant que le ciel ne se parsème d'étoiles. Mais il se rappelle aussi les longs couloirs, les vieux néons qui clignotent sur leurs visages brillants, pales. Des bruits de pas menaçants qui s'accélèrent. De la sève pourpre sur ses doigts, qui semble se glisser sous sa peau.

Deux heures du matin. Mal sort de son rêve, perdu. La noirceur l'entoure, prête à l'engloutir. Une main sur la lumière. Tout semble revenir à la normale. Derrière sa prison de verre, la citadelle ne dors pas. Les lumières colorées scintillent, seuls repères dans la jungle.

Il se ressaisit, puis se lève de sa couchette. Son esprit reste néanmoins embrumé. Il repense à son rêve, simple souvenir de cette planète qui semble si froide aujourd'hui. Rêve qui tourne au cauchemar sans crier gare. Parfois, il aimerait oublier à qui appartient les lieux. A qui appartient cette planète. A qui il appartient.

Il passe une main dans ses cheveux bouclés, avant de descendre sur sa joue, au dessus de ses lèvres. Cicatrice anodine. Blessure qui semble être guérie depuis des années. Pourtant, elle brûle quand sa chair passe sur son relief.

Mal semble tituber quand il marche près de sa porte, comme si le sol se dérobe sous ses pas. La réalité est aussi terrible que ses nuits cauchemardesques. Ici, la clinique n'est plus. Triste réalité d'un père enfermé. Trahison ils disent. Trahison qui emporte un mari, un père loin de sa famille. Les jours et mois passent, inlassablement.

Les prairies verdoyantes de Télos sont loin, encore trop loin. Il se demande quand est-ce qu'il les reverra. Sa mère ne veut pas qu'il aille là bas. Elle a peur que des mercenaires s'en prennent à lui, dehors, dans les zones de reconstruction.

Il ouvre la porte de sa chambre. L'appartement semble vide. Les yeux sombres de Mal semblent se perdre dans le vide.
Il pense à son père. Il pense à lui car il sait qu'il ne le reverra sans doute jamais. Il pense à son frère, qui n'aura jamais vécu son enfance. A sa mère, qui garde sa voix derrière ses barreaux de chair. Il pense à fuir. Il pense au travail que son père a accompli. A ce qu'il a pu faire pour la Résistance. Graine d'espoir dans une terre stérile.

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Mal se rappelle des cris et des égratignures sur son visage. Il se rappelle de la sensation douloureuse qui parcourt ses jambes et de la hargne qui parcourt ses veines. Il se rappelle de ses pieds qui semblent ne plus quitter les airs. Il se rappelle de la lumière rougeâtre et de la fumée qui s'échappe du canon de son arme. Mal se rappelle d'une main qui agrippe fermement la sienne. Il se rappelle de ses perles azurées dont il ne peut détourner son regard. Lumières au loin qui le guide. Il se rappelle du fluide visqueux qui teinte son visage de rouge, lui laissant un goût de fer sur ses lèvres.

Il est presque six heures. Mal se relève brusquement sur son lit. Sur sa droite, la douce lueur jaunâtre de la lampe éclaire son visage effrayé. Fines gouttes de sueur qui glissent sur sa peau. Il passe une main sur son front avant de repousser la fine couverture au pied de sa couchette. Mal n'a jamais aussi mal dormi qu'ici. Des années que ses cauchemars le hantent. Obsession. Souvenir morbide qui le poursuit. Presque trois ans qu'il a fuit Télos. Presque trois ans qu'il a rejoint la Résistance. Presque trois ans qu'il ne sait ce qu'il est devenu, lui, son sauveur. Presque trois ans qu'il rêve de lui. Presque trois ans qu'il a vu pour la dernière fois le regard de sa mère. Presque trois ans qu'il fait ce qu'il fait de mieux.