Il n'est pas de voyages inutiles, nous finissons toujours par emprunter un chemin intéressé

La navette grince. Les plaques de métal claquent. Les réacteurs fulminent. L'isolation sonore est de petite facture. Les visages des passagers laissent transparaître l'inquiétude quant au caractère sûr de l'embarcation. Peu rassuré, ils imaginent le pire. Pourtant quand l'on observe la population à bord, l'on aperçoit cravates et costumes. Des gens de la haute. Quoique, un peu en retrait, on peut apercevoir un ou deux désireux, sûrement rentrés par erreur. Quelque part, perdu entre trois dignitaires grassouillets se tient un homme d'âge mûr, peut-être un peu plus, arborant une barbe de plusieurs semaines, grisonnante. Tout juste vêtu d'une chemise au col peu rigoureux surmonté d'un simple gilet sans manches, il se démarque des trois compères à l'appétit, à priori, vorace. Les yeux fermés, sur ses genoux repose une canne argentée, ornée de gravures originaire de millénaires oubliés. Ses mains reposent sur un pommeau représentant la tête d'une créature disparue. Il sourit. Pour quelle raison ? Il reste murer dans son silence, ne participant pas à la discussion, à n'en pas douter intéressante, des trois gros bonnets l'accompagnant. Le vieil homme semble rêvasser.

Emporté dans le flot de ses réflexions habituelles, son esprit vogue, au grès des turbulences, à l'exosphère de sa conscience, frontière de son subconscient. Il ne se pose aucune question. Il vit. Son corps immobile, l'esprit agile, il se laisse porter par la brise d'un avenir qu'il sait incertain, mais s'amuse à essayer d'en percer les secrets. Elle est puissante en lui. Elle lui permet des choses insoupçonnées. Un véritable cadeau qu'il exploite au quotidien pour ses petites parties de rêvasseries peu avenues. Lors des réunions, des rendez-vous importants, nul lieu n'est point adéquat pour franchir la porte à partir de laquelle la conscience n'est plus. Pour les moins ouverts d'esprits, il ne ressemble qu'à un vieillard narcoleptique. Bien loin de l'image qu'est censé véhiculer le PREX. Son nom suffirait peut-être à faire froncer quelques sourcils,... Après tout, il n'est que le chef de l'administration d'une région de la galaxie que tout ses hommes et femmes en costume doivent connaître. Il ne s'en soucie guère. Son statut lui importe peu en public, l'avis de bureaucrates avides de pouvoirs et d'argents n'est bon à prendre que s'il est avisé... hors c'est malheureusement rare. Il restera donc, tout le long de ce voyage un simple vieillard narcoleptique.

Des heures de voyage arrivent à leur terme. Tonitruant, l'atterrissage secoue les voyageurs. Le vieil homme, tout souriant se lève, saisissant sa canne qui vint gratter le sol devant lui. De la poche de son gilet, il sort une paire de lunettes aux verres teintés. L'on comprend rapidement que sa vue est un outil arrivant en bout de vie. Les trois rondouillards l'entourent, et l'un d'eux le guide vers l'extérieur. Aux portes du SAS, il prend une grande inspiration. « Aaaah, exalte-t-il, sentez-vous cela Valto ? ». Le riche homme à sa droite ne lui répond guère, trop occupé à renifler l'air ambiant avant de dire "non" de la tête. « La tension est palpable, cette terre empeste la rage... et le Premier Ordre aussi ». L'homme se tenant derrière lui pour assurer sa sécurité affiche un air surpris en plus d'essayer, lui aussi, de s'assurer de la véracité des propos de son patron. « Mais comment faîtes-vous pour savoir ça ? » s'empresse-t-il de demander. Le vieil homme pointe de sa canne le chemin devant le spatioport où évolue une colonne de Stormtroopers dont chacun des pas claquent sur l'acier recouvrant l'allée. « Si je ne m'abuse, ces bruits de pas sont ceux d'une marche militaire... Or ici, la seule force militaire existante est celle du Premier Ordre messieurs,... il serait peut-être judicieux de vous intéresser un peu à nos destinations et aux actualités,... surtout si vous êtes là pour assurer ma sécurité. » . Les trois ahuris restent bouche bée devant les propos du vieux Kaeros. Ce-dernier n'attendit d'ailleurs pas pour reprendre son chemin...

Une foule en délire. La clameur emplie l'atmosphère de l'excitation caractéristique d'un champ de course. Quoi de plus normal en cette période qu'est celle de La Grande Course de Malastare. Un événement des plus sportifs réunissant les meilleurs pilotes des secteurs de la galaxie entière. C'est d'ailleurs pour cette raison que le vieil homme est présent. De nombreuses firmes du Secteur Corporatif sponsorisent les pilotes, il était donc nécessaire qu'un représentant des corporations se déplace... Soren s'est porté responsable, laissant les affaires du Secteur entre les mains de son second. Les trois gaillards s’apprêtent à pénétrer dans l'enceinte quand le vieillard s'arrête soudainement. Son esprit l'alerte. Son regard vogue, passant outre la constitutions des bâtiments avoisinants. Il peut les percevoir, comme des sphères de couleurs... leur présence... deux autres détails retiennent son attention. D'un côté, une explosion de ressentiment : une tristesse profonde... et de l'autre, le néant. Comme si une pellicule imperméable recouvrait la dite zone.      Intéressant. Sous le regard abruti de ses gardes du corps, il marmonne en retirant ses lunettes : « Il n'est de voyages inutiles, nous finissons toujours par emprunter un chemin intéressé... ». Ils s'interrogent quant à la pertinence d'une telle... phrase ? à un moment pareil. Il reprend rapidement. « Entrez, assurez-vous que nos pilotes soient au meilleur de leur forme, après vous pourrez parier. » Celui avec la tête la moins stupide lui répond : « On ne peut pas vous laisser ici Monsieur... et votre sécurité ? ». D'un geste simple, il pointe la nouvelle colonne de Stormtrooper qui rentre dans l'enceinte, escortant un haut dignitaire semble-t-il. « Au vu de la sécurité, je pense que je ne risque pas grand-chose, puis je trouverai bien un jeune enfant prêt à m'emmener à l'intérieur contre une poignée de crédits. » Les trois affreux haussent les épaules, leur patron avait toujours la fâcheuse manie de faire des choses totalement dénué de sens de toute façon... du moins pour eux. Ils entrent dans le bâtiment tandis que Soren s'installe sur le reste d'un pied de colonne.

Il sourit, percevant de nouveau ces sphères distinctes. Sans plus attendre, son esprit s'envole, comme pour s'aventurer dans celui d'un autre. Un esprit tourmenté, perdu,... s'abandonnant à une tristesse dévorante. Attendant patiemment, il ressent ce passage de colère, il le visionne, comme s'il s'agissait d'un film,... mais sans images, sans sons. C'est lorsqu'il ressent cette profonde lassitude,... qu'il comprend que cette tristesse habite l'individu continuellement, tellement qu'il lui-même oublié depuis combien de temps elle le ronge. C'est alors, qu'espérant briser la solitude de l'étrange personnage, qu'il murmure par-delà les murs, par-delà le brouhaha environnant, s'adressant à son esprit. « Pourquoi ne pas simplement faire de cette tristesse incomprise, dont l'origine t'es peut-être inconnu, une force ? Il existe en ce monde des personnes capables de telles prouesses, il suffit de croire cela possible et de se donner les armes nécessaires. » Ses lèvres bougent à peine, mais aucun son n'en ressort... et pourtant ses paroles sont bel et bien adressé à quelqu'un présent quelque part, non loin de ce pied de colonne... « Tu peux continuer à te poser ses questions continuellement et attendre qu'une âme généreuse apporte les réponses,... ou alors tu peux choisir de forcer le destin... ou une dernière option : rester une carapace vide, une âme en peine. ». Il clôt ce qui semble être un monologue, repêchant sa paire de lunette qu'il repose sur son nez. Il saisit sa canne arrêtant un petit garçon courant vers l'intérieur. Amicalement, il se présente comme étant malvoyant. Il dépose une poignée de crédits plus que conséquente dans la main de l'enfant et lui demande de l'emmener à l'intérieur... Toujours souriant, il repense une dernière fois à la raison de sa venue... qui paraît bien insignifiante comparé à ce qui l'entoure alors.