L’angoisse monte dans la poitrine de Rehan à mesure que le point rouge se rapproche de leur position sur le radar. Elle sent de la sueur couler sur sa tempe, la gorge serrée. Les légendes n’étaient jamais basées sur rien, Valkyrie était bien placée pour le savoir mais elle refusait de devoir y faire face maintenant : elle était affaiblie, fatiguée et inquiète pour sa protégée. Ikaar ne semblait pas plus apprécier l’idée. Puis, alors que l’angoisse semblait l’engloutir dans les rouleaux de sa mer agitée, un semblant de soulagement la retient de sombrer : autour d’eux, de nombreux moteurs rugissent et des points viennent s’ajouter autour d’eux. “What a timing.” murmure-t-elle. “You certainly did good, Ikaar.” Pas de réponse. “Ikaar ?” Ce silence ne pouvait pas être de bon augure…

***

Découvrir la vie Wookie avait un côté apaisant. Ils s’étaient occupés d’elle et de Lyswen avec soin. La rouquine avait repris connaissance et avalé tant de nourriture que Rehan fut certaine qu’elle finirait par faire un autre malaise. Les séquelles étaient plutôt moindres à priori : Rehan aussi avait eu droit à quelques soins. Kashyyyk n’était pas si terrible, finalement. Si on se concentrait juste sur une partie de la planète et pas sur la zone où il ne fallait absolument pas se rendre au risque de rencontrer des créatures prêtes à réduire son vaisseau en cendres… Une fois la nuit tombée, Lyswen rejoint la chambre qui lui avait été attribuée mais Rehan savait qu’elle ne trouverait pas le sommeil. Une fois sa protégée en sécurité, elle retrouve assez de concentration pour se demander dans quel état est son sauveur.

Question de crédits uniquement, bien sûr.

Nyrkhar lui désigne personnellement où se trouve Ikaar. Rehan toque à la porte mais n’entend pas de réponse, elle en conclut qu’elle est autorisée à entrer et pousse doucement la porte pour trouver l’homme accoudé sur la rambarde du balcon, le torse décoré de bandages. Entouré du halo des lumières douces du village, il semblait pensif. “Hey stranger” dit-elle en approchant pour s’accouder à côté de lui. “How do you feel ?” Rehan n’en laissait rien paraître, mais elle avait été inquiète pendant tout le rapatriement jusqu’au village. Elle n’avait pas réussi à faire taire le droïde qui avait pris le relais et cela l’avait d’autant plus agacée : maintenant que la pression était redescendue, l’ancienne mercenaire pouvait se concentrer sur ce qui était important : la santé de son sauveur. “I still owe you money.” ment-elle pour justifier sa présence.

Rehan traverse l’encadrement de la porte, étonnée par la difficulté que cela représente. Il lui aurait fallu admettre qu’elle s’était inquiétée pour lui, mais elle ne pouvait pas avoir le luxe de prétendre qu’elle n’en avait rien à faire. Après tout, il est venu. Un simple appel et il était venu, sans questions, sans rétribution, sans promesse : il avait juste entré les données et avait fait face au danger, peu importe ce qu’il pouvait lui arriver. En guise de récompense, il arborait désormais ce bandage autour de son torse, bien maigre compensation pour l’héroïsme dont il avait fait preuve.

Il n’avait pas demandé un seul crédit.

Elle entre presque timidement dans les lieux. Rehan qui d’ordinaire se présente si imposante essaye de se faire toute petite. Ikaar se retourne et leurs regards se croisent. Hey Red. Ce surnom lui convenait. Cela aurait même pu lui arracher un fin sourire si la situation n’était pas aussi rocambolesque. Tous les deux prennent appui sur la barrière, observant le village qui avait accepté de les accueillir malgré leurs péripéties. Il y a bien des choses que l’amitié peut gagner, Rehan en était consciente. De l’affection, des services, de la protection. A cela ne s’échangeait que les exactes mêmes choses en retour, pas d’histoires de crédits. L’espace d’un instant, l’esprit de l’ancienne mercenaire imagine que leur nuit passée ensemble avait suffi à le rendre plus doux et à lui accorder ce genre de statut. Mais là encore, à observer la figure robuste du chasseur de prime, elle ne l’imaginait pas ainsi. “How do you feel ?” Les gens posent souvent cette question sans réellement attendre une réponse mais ce n’était pas le cas de Rehan : elle se sentait responsable de son état.

Ikaar lui arrache un sourire lorsqu’ils parlent d’argent : il n’est pas décidé à donner un prix pour ses services, et Rehan décide de ne pas insister davantage. Bien sûr, elle déteste être redevable à qui que ce soit, mais là ? C’était différent. Elle pouvait bien faire une exception, comme il l’avait fait également. Lui s’enquiert directement de l’état de Lyswen et les épaules de Rehan s’affaissent, visiblement soulagée. “Oh she’s fine. She woke up earlier and she’s resting… She got quite shell shocked but she’s getting better. Thanks by the way.” Ikaar avait jeté un œil sur elle et Rehan lui avait confiée la personne la plus précieuse pour elle dans cette galaxie. Quelque part, ils étaient désormais tous les deux responsables du bien être de la gamine. Mais l’ancienne mercenaire n’ajoute pas d’informations concernant son propre bien-être : cela est loin d’être important.

“You too got pretty knocked out. Don’t apologize, you couldn’t know. I just hope it’s just the idea of the birds ruining your cargo that made you collapse and not something else.” Fort heureusement, si quelque chose de plus grave s’était produit en lui, son med bot aurait déjà reçu ces informations n’est-ce pas ? “It’s okay. I know we’re safe for now. I believe you.” Ce n’est pas encore exactement de la foi en lui… Mais elle pouvait commencer à lui faire confiance. Ses yeux sont soudain attirés par des tâches sombres au niveau de son bandage et Rehan balbutie : “No, you may not. But you can let me help you instead. How did you get so fucked up ?” Il n’avait pas l’air blessé en arrivant sur Kashyyyk. Sortait-il d’un autre contrat ? “I won’t insult you by helping you to your bed like an old man, which I’m sure you are, but let’s go over there and I’m gonna change this. It doesn’t look good.” Rehan quitte le balcon pour fouiller la pièce à la recherche de matériel médical et les wookies ont été assez sympathiques pour garder tout le nécessaire à portée de main, sûrement pour être prêts en cas de nécessité. “Lay down. And no, I’m not gonna play doctor with you… for now.” lance-t-elle avec amusement. “I think I’m having the biggest crush on you right now.” ajoute-t-elle en le voyant arriver.

Un silence s'installa entre eux alors qu'ils observaient la nuit, loin d'être silencieuse, de la forêt. La figure à ses côtés resta silencieuse un moment, comme si elle prenait en considération tout ce qui s'était déroulé. Ikaar la laissa se plonger dans ses pensées, heureux de pouvoir respirer, loin du flot de paroles incessant du tas de boulot. Quand elle finit par reprendre la parole, il reposa ses yeux sur elle. « Didn't you ask that a few seconds ago ? » Il sourit. « I'm as good as possible. Been worse, so don't worry too much about it. » Ses pensées se tournèrent vers la jeune protégée de Rehan, qu'il avait vu pour la dernière fois sur le Wellerman avant qu'il ne perde conscience. Il acquiesca lentement en entendant qu'elle se remettait. « It makes sense. If she's as strong as her mother, she'll be fine. Speaking of, how are you ? I don't think you are asked that enough. » Elle semblait avoir pris l'habitude, comme lui, de camoufler son état de santé physique et mentale, et peut-être qu'elle avait simplement besoin de quelqu'un pour lui poser la question.

« You don't need to thank me. » C'était une phrase toute simple, et qui pouvait être dit sans vraiment le penser. Mais Ikaar, pour une raison qu'il ne pouvait pas tout à fait expliquer, ne pouvait pas imaginer laisser Rehan contracter une dette envers lui. « I didn't do this because I wanted something in exchange. I did it because I wanted to do it. And to help. » Il posa doucement la main sur son épaule, avant de l'enlever rapidement, pour respecter l'espace dont elle pouvait avoir besoin. Il pouffa lorsqu'elle rappella le fait qu'il s'était aussi évanoui. « Ahah, let's say that it was the birds and leave it at that. » Il n'avait aucune honte à évoquer ses blessures, notamment parce qu'il pouvait encore voir le myckal penché sur la jeune fille. Si quelque chose lui était arrivé, il ne se le serait sans doute jamais pardonné.

Alors qu'il commençait à se diriger vers l'intérieur de la hutte, et Rehan se propose de l'aider. Pendant un instant, le mandalorien balbutia, sentant une légère couleur rosir ses joues. « I mean ... you don't have to ... alright.  » En un instant, il se sentit plus vulnérable que recouvert de son armure. Il rebondit sur les différentes piques qu'elle lui lança. « Hey ! I'm not that old ! It's not the first time I've been hurt, I guess it's obvious. With years in front of us, I could tell you all the stories behind every scar. » Une grande partie de son corps était couverte de cicatrices, et certaines apparaissaient à la lueur des flammes de la pièce. Pendant que la rousse fouillait les différentes étagères, il se réinstalla au bord du lit, soupirant. Il n'avait jamais aimé qu'on prenne soin de lui, de se sentir impuissant. Mais les ombres projetées de Rehan créaient une ambiance agréable, dans la douceur du début de soirée. Il sourit et releva la tête vers elle lorsqu'elle s'approcha. « Shame. But I wasn't even going to ask. You would have kicked my ass. » Et elle lança une phrase à laquelle il ne s'attendait pas, restant silencieux. Il sentit sa machoire descendre et il la referma aussitôt, pour ne pas avoir l'air d'un imbécile. « ... » Lorsqu'elle finit par n'être qu'à quelques mêtres de lui, s'apprêtant à l'aider avec ses bandages, il saisit lentement sa main, laissant un moment passer, avant d'embrasser doucement ses doigts. « I think that makes two of us. » Passant une main sur sa hanche et l'attirant vers lui, il chercha ses lèvres pendant quelques instants, leurs souffles se mêlant.