« Le sujet le plus jeune semble être le plus viable, malgré son caractère assez coriace. Il a passé les tests d’intelligence primaire haut la patte, ma seule inquiétude est qu’il ne supporte pas la pose de l’exosquelette. S’il y survit, il sera sûrement l’une de mes plus grandes réussites et une arme aussi efficace qu’intéressante. J’espère que l’Empereur sera fier de ma découverte. Qui aurait cru qu’on pouvait manipuler à ce point la vie ? »

« Le sujet EXO-9 a passé l’étape de la pose de l’exosquelette. Deux autres y ont survécu, EXO-3 et EXO-16. Les autres sont morts. »

« EXO-3 est un sujet docile, très maniable et à la résistance impressionnante, tout comme EXO-16. EXO-9 est intelligent, mais peut-être trop. Il est réticent à certains tests, notamment ceux sur la violence faite à des cobayes. Il va falloir que je règle ça. »

« Tous les sujets ont atteint la fin de mon expérience. Si EXO 3 et 16 sont parfaits en tous points, EXO-9 reste un peu rebelle. Il fera un bon élément mais il doit être surveillé de près. Son ingéniosité est supérieure, aussi s’il peut résoudre des problèmes rapidement, il peut en causer tout aussi vite. »



La conscience de soi n’est pas une chose qui nous vient comme ça. La question doit être posée, et pour cela, il faut apprendre, comprendre, percevoir. La réalité est … floue, ça doit être le mot, oui. Et puis comment a-t-il appris à s’exprimer ainsi ? Il ressent deux choses à la fois, un sentiment profond de … de douleur, et aussi celui de quelque chose au fond de lui qui réfléchit. Des pensées mécaniques qui s’exécutent en binaire : 0 oui, 1 non. Ses yeux, choses étranges qui provoquent dans sa tête une multitude de réactions chimiques, ses yeux … perçoivent la lumière. Les couleurs. Des … formes ? Concept étrange. Est-ce la réalité ? La réalité est blanche, éblouissante. Il semble y avoir d’autres, comme lui. Leur vision ensanglantée lui noue l’estomac. Pourquoi ? Non, pas cette question, ce n’est pas la bonne. Elle le titille, au fond de sa conscience. Il doit faire un effort pour qu’elle sorte au grand jour.

Qui suis-je ?

Cette question marque le début de l’existence de tout être vivant, car c’est ce qu’il est : vivant et conscient.



Cela fait quoi, deux ans ? Oui, deux ans qu’il travaille avec ses deux congénères pour l’Empire. Au début, il ne comprenait pas tout, mais chaque mission apportant son lot d’informations, il a fini par comprendre les tenants et les aboutissants de cette réalité.

Deux ans à saboter, infiltrer, tuer. Deux ans à souffrir sous le bistouri de l’homme qui l’a créé. Chaque jour amène son lot d’améliorations, d’idées toujours plus douloureuses. Cet homme … il est ce qu’EXO-9 comprend comme le mal.

Deux ans de souffrance. Il ne supporte plus celle qu’on lui inflige, mais aussi celle que subissent ses congénères, 3 et 16. Et pourquoi les appelle-t-on par leur numéro ? Ils ont vite compris le concept d’identité, crucial pour un être vivant conscient. Ils ont, au fil du temps, choisi leur propre nom. Mais en silence. Chaque pensée individualiste est punie par l’homme. Ils le savent, ils sont différents. Leur fourrure, leur taille … C’est différent des hommes et des machines. Ils sont un peu humains, un peu machine, un peu … comment a dit l’homme ? Un peu animal.

Cet homme, c’est le mal. Il voudrait le voir mourir, pour que tout s’arrête : la douleur, la violence, la réalité. Et un jour, c’est la punition de trop. Neuf, ou Tyvokk, comme il se plait à se nommer, explose de rage. Il attaque l’homme. Les murs blancs du laboratoire où il est né sont couverts de rouge. Le sang de la liberté. Il le laisse pour mort et fuit.

Mais la liberté n’est pas pour aujourd’hui. Non, à la place de ça, on lui offre un nouvel environnement de vie : une geôle au cœur des laboratoires de Scarif. Ses compagnons, il ne les verra plus jamais. Qu’ils soient morts ou non, cela, il ne le saura pas de sitôt.



Ça fait des années qu’il pourrit ici, comme le dernier des parias. Les droides n’ont jamais cessé de l’alimenter. Mais quelque chose a changé au fil du temps. Moins d’humain, moins de vie, toujours plus de silence. Jusqu’à ce jour. Une femme est venue le voir. Autoritaire, malfaisante, indigne de confiance, mais première forme de vie qu’il rencontre depuis des années.

« EXO-9, c’est ça ? » Elle le regarde de haut. Il ne lui répond que par un signe de tête. « Tu reprends du service. On t’emmène au laboratoire. »

De nouveau, la même vie infernale. Exploité, trituré jusqu’au fond de ses entrailles, toujours conscient de la violence qu’on lui inflige. Il agit à cause de cette seconde conscience mécanique, implantée dans son cerveau. Il est un cyborg, à ce qu’il entend dire. Mot étrange. Il préfère son propre nom. Il apprend au fil des jours qu’il a été emprisonné pendant plus de 20 ans. Les scientifiques sont étonnés de son bon état mental et physique. Il a été conçu pour durer, apparemment. Pas de chance pour lui, mais les gens du Premier Ordre paraissent plutôt satisfaits. Il le sait, il le sent, un nouvel enfer débute. Il regrette déjà sa solitude.

Tyvokk, du fond de sa cage, échafaude à nouveau des plans d’évasion, qui échouent tous. Il veut partir, ne plus avoir à tuer des gens. Il n’est pas né pour faire le mal. D’ailleurs où est-il né ? Il voudrait pouvoir voir cet endroit. Sûrement un havre de paix où la violence n’existe pas. Mais la machine en lui continue à se mettre en route à chaque mission, à lui faire faire des choses immondes. Que quelqu’un fasse que ça s’arrête.