« Descend Al ! C’est interdit ! »

Et qu’est ce qui ne l’est pas exactement ? D’aussi loin qu’elle se souvienne sa vie est régentée par les tu dois et les tu ne dois pas. Aucun tu peux. Les sœurs de la nuit sont à leur porte, il se murmure qu’elles se sont alliées avec le premier ordre. Il est temps de faire quelque chose, les anciennes ne font que se réunir sans prendre aucune décision.
La nuit est sombre, sans lune mais Alvilda se déplace souplement contre la paroi du temple de la louve. Elle est concentrée, puise dans la force. Ses sœurs en bas trépignent, elles savent qu’elle fait une bêtise et sont tiraillées entre leurs loyautés. Alvilda ne se fait aucune illusion elles finiront par aller prévenir quelqu’un, mais d’ici là elle sera en haut et brandira Evgir Unslaad. Elle en sera digne, elle n’a aucun doute là dessus.

Ses petits doigts agrippent les bas reliefs. Elle n’a que 10 ans et une très haute opinion d’elle même.  Elle se hisse jusqu’à l’ouverture étroite par laquelle seule une enfant peut passer. Ses mains et ses genoux sont écorchés, mais peu importe, elle fait seulement attention à son tatouage de clan frais d’une semaine qu’elle ne veut pas abîmer.
La salle est déserte, bien entendu les gardiennes sont à l’extérieur. De toute façon personne ne peut toucher la lame, encore moins la voler. Elle est très sombre, la légende dit qu’elle a été forgé dans la plus brûlante des flammes et refroidit dans les chutes qui donnent leur nom à ce clan. La lame serait gardée par les esprits des anciennes, peut-être même par Allya, leur ancêtre à toute. C’est une belle arme, la lame est hérissée d’aspérité, le manche travaillé est lui même terminé par deux pointes. Alvilda hésite perdant un instant sa détermination, mais elle a trop d’orgueil pour fuir. Elle tremble un peu mais dresse sa main, sa paume frôle le manche sombre et froid, elle ne ressent aucune insoutenable chaleur. Confiante alors elle referme sa petite main et instantanément la douleur la foudroie. Elle hurle, l’odeur de sa chair brûlée lui soulève le cœur. Incapable de retirer sa main elle a l’impression de la sentir fusionner avec le métal.

Soudain des sœurs entrent, le visage fermé toute drapée du pourpre commun. Alvilda pleure mais aucune ne s’émeut, brutalement l’une arrache sa main du métal, de la peau reste collée. La blessure est déjà cautérisée.

« Tu garderas le stigmate de ton imbécillité. » annonce froidement une première
« Tu es orgueilleuse, ambitieuse…. » crache une autre la toisant avec tout le mépris que son comportement lui inspire.

Alvilda est prostrée sa main valide entourant son poignet,elle ne les écoute pas faire son procés. Elles la détestent, elle les déteste. Cette fois-ci c’était l’incartade de trop.

« Tu es bannie de ce clan Alvilda Vestrit. »
« Et si les sœurs de la nuit …. » commence l’une soulevant la question qu’elles se posent toute.

Les sœurs de la nuit ont été détruite et reformée d’innombrables fois. Assemblée des cohortes d’exclues des indignes. Le meurtre est indigne mais la grande prêtresse à une solution.

« Elles ne la récupéreront pas. Un vaisseau marchand s’est posé en catastrophe pas loin du canyon ou réside nos sœurs du Sang du Dragon. Une délégation doit partir celle-ci ira en tant que prisonnière et sera confiée aux marchands. Ils en feront ce que bon leur semblera. Tant que c’est loin d’ici. »

Le ton est ferme et aucune voix ne s’éleva contre cette opposition. Alvilda fut enfermée, destituée du rouge des sœurs. La haine au cœur elle fut conduite attachée comme une esclave jusqu’aux marchands bien embêtés par un si lourd fardeau et qui avait pour tout projet de la troquer dès leur arrivée sur Ankhural. Si la fillette n'avait plus prononcé un mot c'est qu'elle comptait bien s'enfuir dès leur arrivée. Elle était déchue mais gardait la tête droite, son regard était celui d'une louve acculée. Elle attaquerait quiconque l'approcherait.

C’était la seconde fois qu’ils le rencontraient. Le second Qual portait un soin particulier à ses vêtements, chamarrés, de différents mondes. Il avait un ton grandiloquent et négociait une cargaison. Alvilda savait qu’il arnaquait Jubbal et ça lui arrachait un demi sourire.

Il y avait six mois qu’elle avait été vendu à ce type. Ce n’était pas le pire et il n’y avait jamais de meilleurs. Son exil lui avait fait prendre conscience de n’être qu’une gamine, elle commençait à ne pu l’être et elle voyait l’ombre des bordels se dessiner. Elle était passée de mains en mains, trop jeune d’abord, trop abîmée ensuite. Elle faisait mentir ceux qui assuraient, dans le but d’en avoir un meilleur prix, qu’elle venait de Dathomir. Pire que catin y’avait chair à canon pour un seigneur de guerre.

« Et celle là ? »
Elle redressa la tête en comprenant que le capitaine Qual parlait d’elle.
« Elle est pas à vendre. »
« Est ce que c’est ta fille camarade ? »

Jubbal grogna et Alvilda baissa les yeux une crispation bien visible. Elle l’avait choisit celui là, elle avait planté un couteau dans la main d’une autre fille pour l’avoir. C’était un voyageur elle espérait pouvoir se tirer de ce trou mais il avait acheté cette cantina et elle récurait le sol pendant qu’il régulait le trafic.

« Elle est pas à vendre j’te dis. »
« Vous donneriez combien, par curiosité? » demanda t-elle une innocence feinte sur ses traits tirés.

La réplique de Jubbal ne se fit pas attendre, il lui décocha une gifle qui la fit tomber de la chaise bringuebalante sur laquelle elle était assise. Le choc ouvrit sa lèvre, son demi sourire était sanglant, tout ce qu’il fallait c’était de quoi déclencher une bagarre. Jubbal c’était redressé prêt à frapper encore. Elle savait endurer mais le coup suivant ne vint jamais au contraire d’une giclée de sang qui macula sa robe. Qual venait de lui trancher la gorge, elle n’hésita pas une seconde quand il lui tendit la main.


Elle n’attendait rien pourtant ne voulait rien et surtout pas d’un sauveur. Alvilda avait été exilé parce qu’elle n’avait jamais supporté les stupides règles qui régentaient sa vie. Celles qui lui disaient qui elle serait et quel serait son rôle dans la société qui l’avait vu naître et qu’elle ne quitterait pas. Elle avait été envoyé là et avait serré les dents face au pire en imaginant qu’elle finirait pas trouver la liberté. Elle était une gamine naïve qui avait maladroitement appris à survivre, en se mettant dans l’ombre de porc. Elle avait expérimenté le travail forcé, coupé ses cheveux au couteau pour ressembler à un petit garçon mais peu importe le sexe être un enfant seul craignait dans ce monde. Alors Jubbal ou un autre peu importe.

Qual ne la toucha pas, il parlait beaucoup mais ne semblait attendre aucune réponse. Elle le toisait. Quand il s’endormit elle grimpa sur le toit de l’hotel miteux dans lequel il logeait.
Ses jambes nues battaient dans le vide. Assise sur la bordure métallique, elle profitait du calme, de la trop rare solitude. Elle n’avait plus été seule depuis bien longtemps. C’était assez calme, elle prit le temps de réfléchir. Elle venait d’avoir 14 ans et elle avait déjà l’impression d’avoir trop vécu.  
Quelques bruits de pas la firent à demi se retourner, c’était Qual. Elle tourna vers lui le bleu orage de son regard, il avait la couleur des mers de Carlac. Elle ne dit rien, ne montra aucun signe particulier, pas même un questionnement. Anne s’en désintéressait déjà. Pas lui. Elle lui plaisait terriblement, peut-être que c’est sa douleur, sa rage. Il y a chez cette gamine tout ce qu’il faut pour une bonne recrue. Mais c’est une gamine et il a un supérieur à convaincre.  Il parle un peu, sans jamais la regarder elle répond, sa voix cassée, sourde un peu rauque le désarçonna et l’encouragea à continuer cette conversation. Il s’accouda à côté d’elle son regard glisse sur ses jambes, sur le vide, il doit se rappeler qu’elle est plus jeune que son regard.

« T’es vraiment de Dathomir ? »

Elle haussa les épaules, perdant le calme qu’elle affichait jusqu’alors. Il appuya d’un doigt sur le tatouage d’un rouge sanguin triangulaire qui décorait sa peau.

« Fait recouvrir ça alors. »
« Pas tant que je peux ternir leur image. »

Il sourit et l’aida à redescendre le lendemain elle montait à bord du Walrus. Le capitaine avait beuglé sur Qual, elle était sous sa responsabilité et il la voulait pas dans ses pattes.

Tous à genoux face au sas devant lequel se tenait leur capitaine Paltar attaché, mais la tête haute. Woodes avait gagné, il avait arrêté leur vaisseau. Ce mec était un putain de robot vengeur, il les avait traqué des mois durant. Lui sont but c’était de mettre un terme à la piraterie et le Walrus était l’un des plus gros vaisseaux de la flotte de l’empereur Ad-Dîn. Woodes pavanait encapé dans son costume de la nouvelle république. Alvilda gardait la tête basse, elle écumait de rage, attachée à côté de Qual sérieusement amoché, au milieu de ce qui restait de leur équipage et des esclaves qu’ils transportaient.
Ils ne le virent pas se faire avaler par l’espace et il marcha la tête haute dans le sas mais ça crevé le cœur d’Alvilda. Il l’avait accepté sur son vaisseau et après quelques temps il lui avait appris à se battre, pas à la façon presque chorégraphiée des sœurs, mais à celles plus instinctives des malfrats. Elle apprenait vite et bien et elle l’accompagnait souvent dans ses déplacements, elle avait même rencontré l’empereur quelques fois.
Paltar était souvent un sale con borné mais il avait une très haute opinion du code, il parlait souvent du temps d’avant. De celui ou la piraterie était une valeur. Il était vieux et tellement rafistolé qu’il paraissait parfois plus froide qu’homme. Elle détestait savoir qu’il était mort comme ça, pas en combattant, comme ça jeté dans l’espace par un guignol qui voulait gagner des galons.

« J’ai promis à mes hommes qu’ils pourraient avoir des combats, cogner du pirate avant qu’on ne les extermine tous. »

Son ton mielleux était intolérable, il écorchait ses oreilles et sa patience. Quand il demanda un volontaire pour se battre, un grand Nikto se dressa et fut détaché. Bien entendu il n’avait le droit de se battre qu’à mains nues et son adversaire eut tôt fait de récupérer une masse. C’était une boucherie indigne. Un déferlement de violence et de sang, un massacre organisé dont aucun pirate, aucun esclave ne parvenait à se détacher. Qual qui la sentait bouillir à côté de lui, tenta de la dissuader de la stupidité suicidaire qu’il devinait en elle, mais harnaché comme il l’était il n’avait que la force d’insistants regards. Peine perdue. Elle se dressa. Alvilda était grande et élancée mais n’impressionnait pas vraiment le gaillard à la masse ensanglanté de trop de camarades. Elle était rapide, mais pas assez. Le coup brisa son bras et la projeta violemment contre la paroi métallique du sas.  Elle tomba durement un cri de douleur au bord des lèvres qu’elle ravala.

La rage la faisait trembler. Sa respiration hachée, la force a fleure de peau, effleure ses nerfs. La Force qui le prit à la gorge tandis qu’elle se redressait, qu’elle récupérait de son bras valide la masse  la Force qui fit sauter les verrous magnétiques de l’équipage et des esclaves. Un coup violent et le craquement sinistre du squelette du boucher. Il n’y eut pas d’instant de flottement et chacun se jeta sur les spectateurs cruels, s’ils essuyèrent encore quelques tirs, ils reprirent l’avantage rapidement avant même qu’ils aient pu appelé du renfort. A ce stade ils n’avaient pas encore récupéré leur vaisseau. Galvanisée par sa puissance fluctuante elle brailla

« On va récupérer les armes planquées. Que les esclaves soient armés aussi. Vous êtes avec nous maintenant. »

C’est une affirmation, un ordre. Ils avaient été libéré, ils seraient exécutés de toute façon. Pas un n’avait hésité pendant l’assaut, poussé par l’odeur du sang, par le parfum de lutte et de violence. Il y avait une solidarité dans l’horreur, il y avait une possibilité de sauver leur peau, de gagner leur place.

Ils récupérèrent leur vaisseau non sans autre perte et Alvilda pris les commandes malgré son bras. Il fallait refaire un équipage alors ils prirent pour cible les convoyeurs d’esclaves, les officiels, pas les corsaires, pas les collègues. Ils firent le tri entre les utiles et ceux qu’ils débarquaient. Alvilda pris le pouvoir et l’assurance, puisant dans la rage. Elle les détestait la république ou le nouvel ordre, deux noms qui voulaient la même chose, le contrôle et c’est tout.