Noyau dur des Services secrets, le Bureau des opérations supervise six divisions d’importance capitale : surveillance ; contre-espionnage ; diplomatie ; infiltration ; déstabilisation et assassinat.

Viralli Girden faisait les cents pas dans son bureau. Son visage aux traits durcis par le sérieux que la situation lui demandait d’afficher cachait en réalité une inquiétude qui lui tordait les entrailles. Cela avait sûrement à voir avec le groupe de chasseurs de prime qui la toisaient tous avec un regard suspicieux. La twi’lek avait déjà eu affaire à de tels énergumènes un nombre incalculable de fois, et elle savait très bien que dans une telle situation, ils n’avaient qu’une chose en tête : tuer.
“...et il semblerait qu’il ait passé ses derniers instants à votre enseigne”, acheva l’un d’eux.

La twi’lek s’arrêta net en même temps que le chasseur de prime terminait son monologue. Le silence s’imposa d’une manière étonnament lourde, contrastant avec l’activité et le tumulte ambiant qui régnait à l’extérieur du bureau panoptique, dans la salle principale du club.
“Donc, votre euh… collègue ? ami ? Oh, et puis peu importe ; que votre associé a disparu et mon club serait le dernier endroit où on l’a vu. En quoi est-ce que ça me concerne ?” demanda-t-elle sur un ton qu’elle voulait cordial, mais qui révélait une profonde rancoeur.

Les chasseurs de prime se regardèrent tous, certains arborant un air amer, d’autres affichant un sourire amusé. L’un d’eux, qui s’était tenu à l’écart, détourna le regard du spectacle qui s’offrait à ses yeux en bas, dans la salle principale du club, et toisa la propriétaire du club. Il semblait être le chef.
“Ça vous concerne parce que tout porte à croire que notre associé a disparu dans les environs de votre club, si ce n’est dans votre club.” répondit-il sur un ton des plus amers. “Vous n’avez aucune information qui pourrait nous aider à le retrouver ?” demanda-t-il sur un ton faussement interrogateur. De toute évidence, il se doutait très bien que Viralli Girden en savait plus qu’elle ne le laissait entendre. Après tout, en plus d’être la tenancière de l’un des clubs de strip-tease les plus populaires du quartier corellien de Nar Shaddaa, elle était réputée comme étant l’une des personnes les mieux informées de ce qu’il se passe dans les rues du quartier.

La twi’lek plissa les yeux en une expression pleine de soupçon et d’amertume. Elle se remémora ce qu’il s’était passé deux semaines plus tôt. Elle se souvenait de l’odeur du corps que l’on incinérait avec les moyens du bord. De son regard irrémédiablement fixé sur le hublot de l’incinérateur, de la sensation du sang séché qui craquelait sur ses mains et son visage.
“- Je ne vous cache pas que j’ai vu de nombreux chasseurs de prime depuis le supposé passage de votre ami dans mon club, vous comprendrez donc que son visage ne me dit rien…
- Moi je le reconnais.” déclara une voix derrière le dos de la twi’lek, dont le coeur failli remonter jusqu’en haut de son oesophage. Elle se retourna.

Une jeune fille se tenait dans l’encadrement du sas du bureau. Blonde, fine, elle avait des yeux clairs qui brillaient d’une lueur de défi. Elle s’avança au centre de la pièce d’une démarche qui se voulait assurée, mais qui trahissait un certain malaise. Elle adressa un regard furtif à sa patronne puis se posta en face du chef des mercenaires, qui la dominait d’une tête et demie.
“Votre ami, il est venu là il y a deux semaines. Je me souviens de lui parce qu’il s’était beaucoup trop enivré, et pas seulement ça. Je lui ai servi la plupart de ses verres, mais il… - elle marqua une pause - il a finit par être un peu entreprenant” dit-elle, la voix tremblante à certains moments. Elle espérait que ses interlocuteurs mettraient ces défauts sur le compte de l’intimidation et de la honte plutôt que sur celui de la culpabilité. De toute façon, qui pourrait penser que cette toute jeune serveuse aurait pu faire du mal à un redoutable chasseur de prime ?
“- Continue”, ordonna calmement le mercenaire, l'air intéressé et curieux.
“- Je ne suis qu’une serveuse ici, pas une danseuse ou autre. J’ai repoussé ses avances mais il a continué, donc j’ai appelé la sécurité, et ils l’ont jeté dehors.”
“- Et tu l’as pas revu depuis ?” demanda précipitamment l’un des mercenaires.
Décontenancée par tant de précipitation, la jeune fille marqua une pause de quelques secondes avant de se reprendre :
- “Euh, non… désolée…”

Le chef des mercenaires reprit la parole :
“- Tu n’as pas à l’être. On a beau ne pas être blancs comme neige, on ne fait pas dans ce genre de crimes.”

Un silence s’installa à nouveau, brisé par la propriétaire qui semblait impatiente d’en finir, au vu du ton sec qu’elle employa.
“J’imagine que vous n’avez plus rien à faire ici désormais.”
Le chasseur de prime tourna son regard sévère vers elle, et sourit :
“Vous avez raison. Nous allons partir. Merci de nous avoir accordé de votre temps.”

Il fit un signe de la main et quitta la pièce, suivit par ses associés et trois agents de sécurité. Le sas se referma, laissant les deux femmes seules dans le panoptique. La jeune serveuse commença à parler mais elle fut immédiatement interrompue par sa patronne, qui lui adressa un “Chut.” sec accompagné d’un geste impérieux de la main, tandis que son regard restait fixé sur le sas. Le silence régna pendant plusieurs minutes, jusqu’à ce que le sas se rouvre. L’un des agents de sécurité était revenu.
“Ils sont sortis.”

Viralli eut un soupir de soulagement et se tourna vers sa jeune protégée.
“- Ce que tu as fait était stupide, mais courageux. Et sûrement plus efficace que je ne l’aurais cru. Tu as bien joué la comédie…
- J’ai cru que j’allais m’évanouir plusieurs fois, mais je pense que j’ai réussi à les berner…
- J’en doute, leur chef semblait plutôt futé. Il finira par revenir, malgré ton tissu de mensonge, aussi bien ficelé soit-il.
- C’est de ma faute si vous vous êtes retrouvée dans cette situation, je me devais de vous aider.”

La twi’lek eut un petit sourire.
“Décidément, tu me surprends de plus en plus, ma chérie. D’abord tu tues un chasseur de prime, ensuite tu parviens à trouver une combine pour te débarasser du corps, tu te comportes le plus normalement du monde, puis tu parviens à mentir à tout un groupe de mercenaires… Je commence vraiment à penser que j’ai eu plus que raison de te recueillir…"

La blonde eut un sourire gêné. Au fond d’elle-même, elle savait qu’elle ne serait plus jamais la même. La jeune fille timide et conciliante qui servait des cocktails à des clients pervers avait laissé sa place à une autre personne. Une menteuse. Une meurtrière. Deux semaines plus tôt, Anyalil Maridali avait commis son premier meurtre. Là où un tel acte aurait dû la ronger de culpabilité (peut-être fut-ce le cas pendant quelques jours), il l’avait fait se sentir plus puissante, plus grande, plus vivante.

A quinze ans, elle était née une nouvelle fois, et sa deuxième vie s’annonçait bien plus trépidante que ce à quoi elle avait été confrontée jusque là... 

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- …parce que peu importe ce qu’il se passe, ce qu’il m’arrive, je tiendrais bon et me battrait. Plus jamais je ne serais l’esclave de ma situation.

La jeune Anyalil acheva son discours et scruta le visage de son interlocuteur. Le chasseur de prime leva un sourcil inquisiteur, alors que son regard froid et tout aussi sévère que la veille était plongé dans celui de la blonde. Il y régnait la même lueur de défi que la veille. Le mercenaire passa une main sur sa barbe en un geste de réflexion en continuant de scruter la jeune fille, qui se sentait mal à l’aise en étant fixée de la sorte. Elle se demandait si l’homme n’allait pas tout simplement lui trouer le crâne en un tir de blaster pour venger son camarade.

Mais quel autre choix avait-elle ? Il l’avait percée à jour, il avait compris qu’lelle l’avait tué. Anya ne pouvait pas se permettre de mettre en danger quelqu’un d’autre, surtout Viralli, pour sauver sa propre peau. Elle afficha un regard encore plus empreint de défi et reprit :
“Vous allez me tuer ?”

Le soucil levé du chasseur de prime sembla se changer en une expression de surprise en entendant cette idée, qu’il sembla trouver tout à fait saugrenue, puisqu’il éclata de rire.
“Je ne compte pas te tuer ! Cet idiot était un boulet, on pensait que c’était lui qui avait volé l’argent suite à notre dernier contrat commun et qu’il s’était enfuit pour ne pas avoir à partager…

Anyalil, prise de court, balbutia légèrement avant de parler plus intelligiblement :
“- Oh euh… Si il avait tant d’argent, j’ai rien pris en tout cas…
- Oui non, finalement c’était pas lui, c’était l’un des autres. Ça s’est mal fini.
- Vous l’avez tué ? demanda la blonde, mi-inquiète, mi-curieuse.
- Oui, dit le chasseur de prime après un petit court temps d’hésitation. Et on s’est séparés. Pour l’instant du moins. On finit toujours par se retrouver, tôt ou tard…
- Et qu’est-ce que vous allez faire de moi ? demanda la jeune fille pour briser le silence qui s’était imposé.

Elle avait gardé cette question aussi longtemps que possible pour elle, ne voulant pas montrer l’inquiétude qu’elle ressentait quant à l’issue de cette conversation. Dès qu’il lui avait proposé - ou plutôt : dès qu’il l’avait subtilement forcé - de le retrouver dans un bar afin d’avoir une petite discussion, elle s’était doutée qu’il savait quelque chose.
Le chasseur de prime eut un air absent, les yeux toujours rivés sur la blonde, sans vraiment la regarder.
“Et qu’est-ce que tu dirais”, commença le criminel, “si je te proposais à ce qu’on s’associe ?”
Ce fut au tour de d’Anyalil de hausser les sourcils. Il y eut un nouveau silence, durant lequel Anyalil réfléchit à la proposition.

Elle ? Devenir une chasseuse de prime ? C’était impensable. Et pourtant… Elle avait bien tué quelqu’un, et si le remords l’avait assaillie le lendemain, cela ne lui faisait plus ni chaud ni froid. Au contraire, elle en était très fière. Et puis, de toute façon, qu’est-ce qui l’attendait auprès de Viralli Girden ? Devenir la propriétaire du club après sa mort ? Aucune chance. Elle serait sûrement devenue danseuse ou pire. Et ce n’était pas ce qu’elle voulait. Pas toute sa vie. Elle ne voulait pas être juste Anyalil la danseuse exotique.
“- En quoi ça consisterait ? demanda-t-elle sur un ton intrigué mais méfiant.
- Tu travailles au club, et durant ton temps libre, je t’emmènes avec moi et tu apprends les ficelles du métier. Je sens que tu as un bon potentiel. Après tout, c’est toi qui a tué un chasseur de prime à toi toute seule.
- Ouais, il était ivre et se collait à moi. J’ai juste eu à sortir ma lame le poignarder plusieurs fois partout où je pouvais l’atteindre.
- Quoi qu’il en soit, t’en as dans le ventre, et j’aime ça.”

Il se leva de sa chaise, et laissa sur la table une petite plaque de métal fine, où étaient inscrites des coordonnées. Celles du chasseur de prime.
“J’te laisse un peu de temps pour réfléchir. Contacte-moi par ComLink si tu as une réponse à me donner.”

Et il s’en alla, laissant la blonde seule avec ses pensées, et ses coordonnées, qui révélaient son nom : Rhaegon Darrt. La blonde fixa quelques instants la plaquette d’un air inquisiteur, l’esprit perdu dans les projections qu’elle se faisait des différents choix qui s’offraient à elle. Enfin, elle se saisit de la plaque et sortit précipitamment du bar.