Thétis prit son premier souffle en l'an 2 ABY. Même ses parents ne se souviennent pas exactement sur quelle planète l'accouchement se passa. Soontir Fel, son père, vivait des temps mouvementés et les changements d'alliances durant ces années là furent rapides, souvent brutaux, et le mieux qu'il pu faire fut d'en préserver sa femme - et sa fille ainée.

Tout ce qui est certain c'est qu'en l'an 7 ABY, ils étaient tous sur Csilla, et que Jagged, son petit frère, naissait. A cette époque, Soontir était commandant de la Main de Thrawn sur Nirauan, mais ils avaient parvenus à conclure un arrangement permettant aux Fel de vivre paisiblement, bien que planqués, sur Csilla. Les températures ne donnaient pas exactement envie de se balader dehors de toute façon, et l'hospitalité des Chiss laissait à désirer. Mais tout cela, pour une gamine de 5 ans, ça ne comptait pas.

Elle était l'ainée de la fratrie. La fratrie Fel. Un nom lourd à porter, surtout quand son père était une légende vivante du pilotage. On aurait pu penser le destin de la petite Thétis tout tracé : destinée à devenir une grande pilote, comme son père ! Mais non. Cela avait beau être dans son sang, Thétis n'éprouvait qu'un lointain intérêt pour le pilotage, bien plus proche de l'intérêt de façade que la passion que son père aurait voulu lui insuffler.

Dès son plus jeune âge, la gamine savait très bien vers où elle se dirigerait : les sciences. L'ingénierie mécanique, et biologique étaient des sujets passionnants à ses yeux. Dès qu'elle sut lire, elle s'instruisit. Sur tout. Le fonctionnement des mécanismes, la résolution des puzzles. La chimie. La biologie. Sa chambre était aussi pleine de livres que le fut bientôt sa tête, et en elle grandit une conviction bien implantée : chaque vie en valait la peine.

Et les sciences étaient l'une des clés pour protéger cette vie, n'est ce pas ? La gamine continua ses recherches, grandissant dans la joie glacée de Csilla. De la fratrie, elle fut la plus effacée. Elle n'aimait pas être trop entourée, elle n'aimait pas qu'on lui demande son temps et son attention alors qu'elle aurait pu lire, et pire que tout, elle en avait marre qu'on lui dise de venir piloter avec papa et Jagged. L'arrivée de Wynssa fut vécue comme une bénédiction. Mais en plus de ses frères et soeurs, elle fut confrontée à d'autres enfants, tous plus jeunes. Thrace, la petite-fille de l'Amiral. Gal'aad, un gamin renfermé et silencieux.

Elle en conçut un immense sens des responsabilités, et son désir de tous les protéger n'en fut que plus fort. Elle était la plus vieille. L'ainée. De toute sa petite bande galopantes aux jambes courtes, elle était la responsable, celle qui soufflerait sur les bobos d'un air docte, en expliquant que, oui, tomber ça fait mal tête de bulbe.

Sa passion pour les sciences ne la quitta pas. En arrivant à l'adolescence, elle se mit à suivre tous les techniciens possibles qu'elle croisait, pour leur poser une multitude de questions. Et ça, comment ça marche ? Ok, et comment tu le répares ? Et si jamais je fais ça, ça fait qu-... Oups.

Elle ennuya tellement son monde que la décision s'imposa à ses parents. Elle voulait apprendre ? Elle apprendrait. Mais dans un réel institut d'ingénieur, et à la condition de suivre une formation de médecine. Son père fut clair sur le sujet dès le début. "Tu veux apprendre à construire des armes ? Tu apprendras à soigner les dégâts que ces armes causeront." Et Thétis était en accord avec ce principe. Elle comprenait, et elle approuvait cette décision, car les armes qu'elle voulait construire, même dans un esprit de protection, causeraient des dégâts. Qu'il lui faudrait assumer, un jour ou l'autre. Son père fut rassuré de voir qu'ils étaient sur la même longueur d'onde.

A 16 ans, elle fut donc envoyée en école d'Ingénierie sur Corellia. Pourquoi pas Csilla, planète à la technologie de pointe, où elle était déjà, me direz vous ? Eh bien, premièrement, parce que les Chiss refusèrent tout net toute forme d'inscription d'une humaine dans leurs prestigieuses académies, qu'importe sa motivation. Ensuite, tout simplement, Corellia parce que son père en était originaire. Il l'expédia sous un faux nom et s'arrangea pour qu'elle suive les meilleurs cours possible en ingénierie mécanique, mais également en médecine. Le changement fut énorme pour elle, si habituée d'être confrontée à une entière famille bruyante, de se retrouver seule au milieu d'inconnus. Sur une planète quand même beaucoup plus accueillante que Csilla, elle apprit donc à se débrouiller sous un faux patronyme, le mensonge ne lui posant pas plus de problème que cela.

Son enseignement pointu et précis, ainsi que sa double spécialisation lui valurent de nombreuses heures de lectures, d'études et de migraines, mais jamais elle ne le vécut comme quelque chose d'ennuyeux. Apprendre était devenu quelque chose de naturel, et elle progressa très rapidement. Cinq années plus tard, elle se trouvait diplômée en Ingénierie Mécanique, et deux années après, elle obtenait également sa certification médicale.

Elle était plus que prête à se jeter dans la vie active, mais fit auparavant un détour par Csilla pour revoir sa famille. Ses frères et soeurs, malgré l'agacement qu'ils pouvaient lui inspirer, lui avaient manqué. Thétis retrouva avec un brin d'étonnement Thrace, devenue l'élève de son père en terme de pilotage et lui souhaita bien du courage. Elle s'était fait un plaisir durant ces 7 ans d'étude de n'approcher un vaisseau que pour le démonter de ces pièces. Assez naturellement, elle se tourna vers le Premier Ordre, qui en l'an 25 ABY était suffisamment formé pour chercher des ingénieurs, surtout aussi qualifiés que Thétis Fel l'était.

Elle intégra le département scientifique et d'armement avec un sentiment de satisfaction teinté de remord. Sa famille n'avait pas vu d'un très bon oeil son départ, son père l'ayant même incitée à rester, afin de faire profiter de ses talents à la Main de Thrawn. Mais Thétis était butée. Et le Premier Ordre lui offrait plus de moyens et de perspectives. Plus que tout, s'éloigner de sa famille apaisait ses dilemmes moraux. Pas de question, seulement de la recherche, de l'invention, et la tranquillité garantie. Sa solitude était sa forteresse.

Elle commença assistante, puis au fur et mesure, gravit les échelons. Son esprit vif et ses sarcasmes passaient quelque fois mal auprès de ses supérieurs, mais la preuve de son talent ne fut bientôt plus à démontrer, et elle finit par hériter d'une bonne partie du département en tant que chef de projet. Les années passant, elle perdit deux de ses frères et soeurs dans des batailles, et dut vivre avec l'échec de n'avoir pas su les protéger. S'en étant éloignée, elle s'en blâma. Elle s'en blâme toujours.

S'intéressant principalement aux projets expérimentaux et aux innovations, elle proposa de nombreux plans et de nombreuses améliorations qui participèrent à la prise de pouvoir du Premier Ordre. L'annihilation de la Nouvelle République l'emplit d'un dégoût qui était devenu une sorte d'arrière goût amer toujours présent. Le Premier Ordre restait une dictature avec des règles strictes et des méthodes peu compatissantes. Thétis n'en tirait aucune fierté, mais un travail était un travail, et le labo qu'on lui donnait, ainsi que les moyens qu'on lui avait attribué au terme de ces presque dix années de bons et loyaux services valaient suffisamment pour qu'elle ferme les yeux et ravale sa morale.

Désormais, Thétis avait 32 ans. L'amertume l'ayant rendu plus hargneuse, elle en est arrivé à un point dans sa vie où elle n'accepte plus d'être responsable du manque de professionnalisme des autres. Sa solitude est toujours sa forteresse, et son coeur est d'acier. Sa compassion ne s'éveille plus que par étincelles dans les situations désespérées. Mais un nouveau projet est en route. Une étincelle de son cerveau brillant, une amorce. Un embryon d'idée, dans la masse de l'horreur de la guerre. Quelque chose qu'elle garde pour elle pour l'instant.