- Baisse ton sabre Reed.
- Maître, il va-

(- 19 BBY) Et il a. Coup de blaster en plein cœur, et s’effondre l’une de ses sœur. Cris et mouvements, agitation, tout cela elle le sent sans pour autant le voir – et pour la première fois de sa vie, l’aveugle a peur du noir. Mais la Force la guide, et son Maître aussi. Ils fuient. La Force fuit la Galaxie depuis que les clones sont passés d’alliés à ennemis. Changer de nom, changer de vie furent les dernières instructions d’un maître disparu. Se terrer et se cacher. Obtenir des implants, enfin voir un monde qui lui ne devait pas la voir.

- Tu n’es que Gattaca, une nièce éloignée qui n’aime pas parler.

(- 17 BBY) Petites mains pour les grandes gens, nouveau prénom, nouveau nom, regards méprisants. Une branche de sa famille l’aidait sans savoir pourquoi, sans le vouloir, alors en contrepartie elle oublia. Troquer la guerre contre la diplomatie, la mort et le sang contre les mots et les bien-pensants. Vouloir s'impliquer pour ne plus jamais être témoin des guerres et armées. Mais la politique pour elle était à oublier, ils avaient une future princesse, une petite perle toute trouvée. Le Dominion d’Arkania était une arène, animaux racés avec qui elle ne partageait pas le même pédigrée. Métisse, pièce détachée.
A jamais la Jedi inachevée.

- Toi qui a connu l’ancien Ordre, rejoins-nous dans le nouveau.

(11 ABY) Yavin IV. Le tremblement de ses mains, les larmes montant à ses yeux. La joie de pouvoir suivre la Force, la tristesse de l’avoir un jour perdue. Plus les entraînements s’intensifiaient, plus son passé revenait – son passé à elle, car eux ne l’ont pas connus. Ils n’ont pas connu la peur ni la traque des Inquisiteurs, la boule au ventre. Ils n’ont jamais eu peur du noir. Chevalier Gattaca, ils n’ont jamais su qui elle était autrefois.
Sauf Luke. Sauf son maître qui la voyait se bouffer les joues devant les premiers enfants qui furent envoyés, voyait ses ongles percer sa peau. Sauf Luke qui la voyait elle à la fois dans ce corps d’adulte qui a vécu le pire et celui de l’enfant en formation qu’elle a un jour été – et qui ne s’est jamais douté de ce qui l’attendait.

- Reste calme Jedi.
- Maître, la Force..

(29 ABY) La Force n’était plus. Ce jour là, Gattaca était Reed, le Chevalier était Padawan. Retour en arrière, éternelle répétition. La mort arrivait et elle pouvait la sentir, et elle pouvait se taire, car tel était le code d’honneur, taire l’instinct quitte à crever. Une seconde fois. Quitte à fuir de nouveau, à avoir peur, repartir de zéro. Voir le sang des siens couler était son destin à elle, mais ça ne sera pas aussi celui de son apprenti. Lui ne vivra pas comme elle, non, il gardera son honneur, son nom et jamais n'aura peur des ombres.  Jamais Hoth n’aura peur du noir. Jamais il ne fuira. L’orphelin, le pauvre gamin – son gamin – oui, il comprendra. Luke aussi. Tuer l’enfant est un service, tuer l’enfant est le protéger car c’est à elle de fuir, c’est à cette Reed du passé de s’en aller, de nouveau, et aux chevaliers de Ren d'arriver.
C'est à elle de porter le poids de la mort, et à l'enfant de rejoindre la Force.

- Accueillons désormais aujourd’hui la première sénatrice d’Arkania..

(33 ABY) Perdue. Peau si blanche à jamais tâchée du sang de son élève. Reed veut de nouveau être aveugle, alors elle laisse la rage rendre de nouveau opaque son regard. Laisse la seconde défaite l’écraser, se laisse porter, se fait accoster. Obtenir la paix à travers un autre Ordre, dominer, écraser toute nouvelle forme de rebellion. Ne plus jamais revivre ce qu'elle a vécu par deux fois, ça sonnait bien, lumière qui s'allumait dans l'obscurité et que tel un papillon de nuit, aveuglée elle suivit. Quelques années plus tard, quelques ficelles tirées, on accueille la Tal’rin oubliée au Dominion qui avant l’ignorait telle la princesse qu’ils ont toujours attendue. Sénatrice Gattaca. Darth Reed. Si un Ordre doit gagner, que celui des Jedi repose désormais en paix. Que les siens restent morts pour qu’elle reste leur seule et dernière martyr – en tant que Sénatrice, ceci sera son tacite décret, son don de soi, son deuil. Bouffer sa hargne pour rester aveuglée et oublier ce que l’on a fait de bien pour les sauver, mais de terrible pour elle qui vit après deux massacres, le cœur brisé. La peau souillée.
Les yeux opaques.
Qu’ils crèvent pour de bon, car aveugle, Reed a peur du noir.