sweet child o' mine Le commandant Greed était un homme bien, élevé et endoctriné dès le plus jeune âge pour servir à terme l'Empire. Il aurait pu être du bon côté de la guerre mais la propagande avait eu raison de sa famille et par conséquence de lui. Gravissant les échelons lentement, son talent était reconnu et comme tout bon soldat de l'Empire il n'acceptait pas l'échec. Sa femme était d'une douceur à en faire pâlir le plus dur des hommes. Mais elle aussi, on l'avait élevé pour qu'un jour elle rejoigne les rangs de l'Empire, pas en tant que soldat, non. Incapable de viser correctement, sa carrure ridiculement frêle l'empêchait de tenir face à la plus nouvelle des recrues mais elle avait l'esprit fin. Et tandis que son mari agissait au sol, c'était elle qui avec l'aide de ses collègues établissait les stratégies. Ils formaient un couple heureux, l'Empire leur avait offert une vie qu'ils aimaient et c'était avec fierté qu'ils en défendaient les couleurs. Elle ne tarda pas à tomber enceinte et c'est en donnant naissance à Viper en plein milieu de la guerre que sa mère décida de se retirer de l'Empire. Elle était mère, devait s'occuper de son enfant. On lui trouva une remplaçante rapidement tant elle était disposable et Viper fit ses premiers pas sur Coruscant dans un monde frappé par la guerre : ils s'appelaient la rébellion et n'étaient autre que des extrémistes. Des illuminés qui en se dressant face à l'Empire replongeait la galaxie dans l'horreur du chaos.

Lorsque l'Empire fut détruit, son père et sa mère l'emmenèrent sur une planète reculée de la galaxie loin des rebelles qui en avaient pris le contrôle par la force. On l'y éduqua, ne manquant pas de lui faire comprendre que dehors existait une monde désordonné, dangereux et chaotique depuis qu'ils s'étaient imposés en tuant des milliers de soldats. Elle a neuf ans lorsque son père apprend la reconstruction progressive de l'Empire sous un nouveau nom : le Premier Ordre. Ils déménagent à nouveau, traversant les mondes pour atterrir sur Borosk où le Premier Ordre évolue loin des regards indiscrets. Son père reprend du service, sa mère également, sous les yeux admiratifs de Viper. Ses parents sont des héros, ils se battent pour l'ordre et la paix. Elle le sait. En est certaine. Et un jour elle se battra à leurs côtés.

La vie lui offre une petite soeur, Jaina. Elle à l'air minuscule dans ses bras d'adolescente, si faible, si innocente et à peine pose-t-elle les yeux sur l'enfant qu'elle se fait la promesse discrète de toujours la protéger. Plus encore lorsqu'elle apprend que sur le champ de bataille on vient d'abattre son père. La nouvelle est dramatique, sa réaction aussi. Une vie pour une autre. Son père ne verra jamais Jaina et sa mère, en apprenant la nouvelle, se muera dans un silence dont elle ne sortira jamais vraiment. Viper prend la tête de sa famille, alors. Sur ses jeunes épaules on y pose des nombreuses responsabilités, trop grandes et trop effrayantes mais elle n'a pas le choix. Elle s'engagera dans le Premier Ordre dès qu'elle en aura la possibilité, quittant son foyer la journée la gorge serrée et l'estomac noué de devoir laisser sa soeur seule avec sa mère qui n'est plus que l'ombre d'elle-même. Mais elle se doit de suivre les traces de son père. Il ne serait pas mort pour rien. Non.

war is peace, freedom is slavery D'un côté, il y a sa soeur qui grandi à vu d'oeil et de l'autre, il y a elle qui prend en galon. On lui dit qu'elle est la digne fille de son père, et la fierté la gagne la poussant à n'accepter que la réussite. Mais doucement, elle apprend la réalité mordante de la guerre : aucun combat n'est réellement un succès et à chaque jour sa liste de décès. Alors pour palier à la peine, elle se défoule. Frapper, encore et encore à en avoir les bases de phalanges en sang. Elle frappe, tir, s'entraine jour et nuit pour ne pas avoir à faire face aux conséquences de la guerre. Pour fuir les morts de ses collègues qui autour d'elle ne semblent que tomber. Le Premier Ordre semble être l'anti-chambre de la mort. Autour d'elle, des cadavres si nombreux qu'elle en oublie les noms mais pas les visages. Pas les cris. Pas les appel à l'aide auxquels elle ne répond pas : marche ou crève, marche ou crève, marche ou crève qu'elle se répète. Car elle sait ce que si elle s'arrête un jour, ce sera son corps qu'une autre devra enjamber pour atteindre la cible et réussir la mission. Et bientôt, à force de s'empêcher de se retourner, à force d'avancer avec des oeillères, elle finit par en perdre toute humanité. L'enfant est morte, la femme est née.

Elle a vingt-cinq ans quand on lui propose de faire parti des rage. Elle connait le commando, comme tout le monde à vrai dire. Et comme tout le monde devenir un rage était un rêve lointain qu'elle pensait inatteignable. Et pourtant. On la teste, on lui fait promettre de vouer sa vie au commando, on lui donne le fameux casque noir et blanc. Elle devient rage quatre. Sa mère ne la félicite pas, trop occupée à ressasser le passer le regard vide dirigé vers la fenêtre. Quant à sa soeur, elle saute de joie. Elle n'a beau avoir que dix ans, elle sait à quel point cette place est importante dans le premier ordre : Viper le lui a suffisamment rabâché. Il lui faut trois ans pour étonner ses coéquipiers et lorsque le temps est venu pour le leader de quitter le commando c'est elle qu'il choisit pour prendre sa tête. De rage quatre elle passe à rage leader. Elle a vingt-huit ans, n'est plus que l'ombre de la jeune fille qu'elle était, marquée par la guerre. Mais elle représente toutes les moeurs des rage : destruction, terreur, mort, sévérité, succès, détermination.

no relief in waking up Pourtant, derrière cette façade construite par le temps, les pertes et les épreuves se cache une jeune femme des plus simples. Et si elle n'aspire plus depuis bien longtemps à une vie normale, trop marquée par le combat pour s'imaginer un jour loin de ce dernier, elle ose espérer que sa soeur ne subira pas ce qu'elle a vécu. Cependant, elle sait qu'au fond ça ne s'arrêtera jamais. Lorsque le premier ordre assoira sa puissance sur la galaxie, la résistance même détruite renaitra de ses cendres, l'inverse étant tout aussi vrai : si le premier ordre vient à disparaître, quelqu'un, quelque part, le fera redevenir réalité. Et d'autres hommes, d'autres femmes, s'engageront dans une guerre qui ne finira jamais, une guerre qui existe depuis des milliers d'années. Non pas celle du bien contre le mal, non. Qui encore aurait la naïveté de penser que deux entités si tranchées existent et régissent le monde. Mais une guerre d'intérêt, de pouvoir, de fierté et d'honneur.

Et cette dure réalité, malsaine et égoïste, Viper l'a acceptée.

Elle sait très bien qu'elle ne se bat pas pour le bien mais pour qu'un seul pouvoir régisse la galaxie. Rien de plus. Alors bien sûr, on l'a conditionnée très tôt pour penser que la seule organisation pouvant régner sur tous ne pouvait être que le premier ordre. Que seul lui a les capacités d'étendre l'ordre sur les mondes. Et toutes les pertes, proches comme plus lointaines, qu'elle a subi des mains de la résistance ne l'ont que plus poussée à croire en le premier ordre, à vouloir voir ces rebelles périr. Vengeance personnelle, croyance programmée. Viper est le produit type d'une guerre ayant lieu depuis trop longtemps, qui a vite prit une dimension personnelle. Et si jusqu'ici elle avait encore la force d'esprit de ne pas basculer totalement dans la vengeance aveugle, depuis la perte de sa soeur ce temps est révolu.

Cela faisait seulement un an qu'on l'avait promue Générale brigadier des forces spéciales terrestres. Qu'elle avait sous ses ordres les soldats les plus méritants et les plus talentueux du premier ordre. Ceux qu'on déploie par stratégie, ceux qui ne sont pas que de la chaire à canon. Une poignée, seulement, comparé au nombre de soldats du premier ordre. Mais une poignée transpirant de qualité. Un gage de confiance qui écoulait certainement de ses années de services en tant que rage leader, poste qu'elle n'avait pas abandonné après sa promotion car en parfaite adéquation avec ce nouveau grade : elle continuait à aller au sol, à contrôler ses Hommes, à parfaire leur stratégie à mesure qu'ils avançaient dans leur mission. Une présence au sol qui lui permettait d'avoir un oeil au plus proche de l'action, et d'être plus encore respectée de ses soldats. Elle n'était pas comme d'autres généraux, cachés dans leurs bases. Elle se salissait les mains.

Jaina choisit cette année là pour s'engager dans le premier ordre, avide de suivre les traces de sa soeur qui savait très bien que sa cadette n'en serait pas capable. Qui l'espérait. Viper préférait la savoir loin, derrière un écran, que sur le sol. Mais l'adolescente n'en a que faire des conseils de sa soeur, avec qui elle se permet plus de familiarité que quiconque. Et lorsque la résistance attaque la starkiller base où sont toutes deux déployées les filles Greed, elles se retrouvent au détour d'un couloir alors que le feu gagne du terrain et que la base est sur le point d'imploser. Les lumières sont éteintes, ne laissant que celles de secours noyer les couloirs dans une lueur rouge clignotant au rythme de l'alarme qui les assourdit. Elles courent vers une des dernières navettes disponibles où d'autres soldats sont entassés, Viper passe la première la porte du sas conduisant à la navette.

Elle se referme derrière elle.

Jaina reste derrière, désemparée, terrifiée.

Et malgré tous les efforts, les cris, les coups de Viper contre la porte, celle-ci ne se rouvrira pas. Le système endommagé par les circuits déjà hs plus loin sur la base qui ne va pas tarder à être totalement détruite. Derrière Viper les soldats lui hurlent de monter dans la navette, lui répètent qu'il est trop tard, qu'il faut partir. Mais tout ce que Viper voit, c'est le visage de sa soeur en larmes, paniquée, terrorisée, derrière le petit hublot qui donne sur le couloir où elle est bloquée. Elle la voit crier, frapper contre la porte comme elle venait de le faire mais n'entend pas ce qu'elle dit. Il faudra cinq hommes pour réussir à détacher Viper de la porte maintenant prisonnière sa soeur sur la base, cinq hommes pour la tirer en arrière, l'obliger à monter sur la navette. Et un coup de crosse de blaster pour l'assumer à défaut de pouvoir la calmer. Elle ne verra pas la base imploser, sa soeur avec elle.

Lorsqu'elle se réveillera, ce sera sans repères et sans limites. Plus rien ne la raccroche à la réalité, aux moeurs ou au bien général. Elle n'a plus rien, plus de moyen de pression et rien ne semble pouvoir l'arrêter maintenant, en roue libre. Surtout pas sa mère, incapable de décrocher un mot depuis des années, prostrée plus encore par la perte de sa plus jeune fille. On lui répète pourtant qu'il faut s'attendre à ce que sa mère commette l'irréparable mais elle la sait trop faible pour trouver le courage de s'arracher sa propre vie. Elle même en est incapable. Elle a pourtant bien essayé à deux reprises la première semaine après l'attaque, sans succès. On trouve toujours les mots pour l'en empêcher, les médicaments aussi car depuis la perte de Jaina ce qu'elle avait jusqu'ici réussi à éviter la frappe par vagues puissantes. Viper est atteinte de troubles du stress post-traumatique. Une maladie bien connue par les soldats mais qu'elle avait réussi à ne pas développer malgré ses nombreux traumatismes. Il aura fallut qu'on lui enlève sa soeur pour que la dernière barrière ne se brise et laisse s'insinuer les troubles. Troubles qu'elle cache et que seul le psychologue du premier ordre connait. Ses médicaments, elle les dissimule aussi. Des cachets, elle en prend tous les jours plusieurs fois par jour pour cacher ses mains tremblantes et apaiser ses hallucinations et réactions démesurées.

Malgré tout, elle se sent perdre pieds.

Le traitement fonctionne. Un peu. Mais dès que les effets s'estompent tout recommence et la noie. Elle ne dort que peu, est encore plus à cran qu'avant et alors qu'elle mordait déjà auparavant, c'est encore pire maintenant. On prend ça pour de la colère bien placée, pour de la haine à l'état pure et de la rage, tout simplement. C'est bien plus profond et grave. Viper a décidé de renier sa maladie pour le moment, de l'ignorer et la nier pour mieux se concentrer sur sa haine viscérale à l'encontre de la résistance car si jusqu'à présent elle voulait qu'elle soit détruite, à présent elle désire qu'ils souffrent.