Price is what you pay, value is what you get.

Mara remua une épaule, feignant d’être offusquée par la proposition inattendue du Mandalorien. Lui acheter de la lingerie ? Ben voyons. S’il osait mener à bien cette entreprise, elle lui rappellerait sans doute qu’en dépit des apparences actuelles, elle demeurait sa supérieure… et qu’elle n’avait absolument pas besoin de lui pour ce genre d’emplettes. Elle en avait, des dessous moins formels, seulement ils étaient réservés à des moments hors du vaisseau. Ici, ils avaient besoin de son efficacité et de son professionnalisme, pas d’une quelconque fantaisie excentrique. Même si les mots lui brûlaient les lèvres, la Résistante garda le silence : expliquer tout cela au mercenaire ne servirait à rien, puisqu’elle devinait déjà son sourire morgue et son regard amusé. Il aurait été capable de lui demander des preuves, en plus. Et à la vitesse avec laquelle cette bouteille de vin avait disparue, Mara n’était pas certaine de la façon dont elle pouvait gérer la suite de leur entrevue. Plus le temps avançait, plus son impassibilité se fendillait pour laisser une atmosphère plus familière s’installer entre eux. Quelque chose qu’elle aurait probablement tué dans l’œuf en temps normal, mais qui lui plaisait étrangement en fin de compte. Ou alors, c’était peut-être l’alcool qui parlait. Sûrement. Sans doute.

La nouvelle manche se solda par la défaite du chasseur de primes, qui malgré sa bravade se révéla incapable de battre la stratégie du commandant. Comme convenu, il se délesta d’un vêtement, répondant sur-le-champ à sa question. Contrairement à elle, il ne lui restait plus que deux chances de remporter ce duel insolent et imprudent. Ses yeux passèrent brièvement sur les cicatrices, reconnaissant finalement là l’esprit téméraire de Vizla. Cela n’avait rien d’étonnant qu’il soit marqué, l’essentiel étant qu’il soit resté en vie toutes ces années. Son aveu lui arracha un sourire espiègle, presque mutin, qu’elle ne chercha pas à réprimer.

« Deux à jouer, peut-être, mais il n’y aura qu’un seul vainqueur ce soir. » Et, secouant la tête, elle ajouta : « Je n’ai pas pour habitude d’offrir des verres dans mes quartiers privés. Et je bois rarement seule. »

Elle ne répondait pas clairement à sa demande, et pour cause : Mara avait effectivement quelques bouteilles dissimulées dans un placard, mais elle craignait que la situation – déjà fort peu avantageuse pour elle – ne lui échappe finalement. Perdre ses moyens face à l’ébriété avait quelque chose de grisant et d’inquiétant à la fois. Mais pour le moment, c’était surtout frustrant pour la rouquine de perdre face au Mandalorien. Sa chance était impressionnante, presque outrageuse. Il signa sa victoire d’une main de maître, la laissant sur le carreau une nouvelle fois.

« Ne rêve pas trop, » répliqua-t-elle à sa réflexion presque extatique.

C’était un beau coup, mais il ne s’en tirerait pas aussi facilement. Avec un pincement de lèvres, Mara se leva pour laisser glisser son pantalon au sol, dévoilant de fait un shorty noir. Sa situation devenait critique. Et à peine s’était-elle réinstallée que la question fusait. Elle s’humecta les lèvres, affrontant les prunelles amusées du mercenaire.

« Je ne sais pas. Ce n’était pas ce que j’avais prévu. » Elle reprit les cartes, pour se donner contenance. « Je me disais que ça ferait mauvais genre d’expulser le tout nouveau membre de la Résistance de mes quartiers. Surtout alors qu’il a encore tout à prouver. »

Et puis il y avait ce ‘elle-ne-savait-quoi’ qui la poussait à prendre des décisions hâtives auprès de Viktor. Ce sentiment inextricable qu’il ne la jugerait pas, jamais, et qu’elle n’avait rien à lui prouver. Rien à lui démontrer. Qu’elle ne lui devait et ne lui devrait rien. Il posa sa nouvelle conquête, un whisky correlien, près de Mara et lui en versa dans un verre. Elle l’observa faire, silencieuse, battant les cartes avant de les redistribuer. Puis, toujours muette, trempa ses lèvres dans une énième dose de poison – alors qu’elle savait qu’elle n’aurait pas dû. S’installant plus confortablement dans son siège, elle s’étira de tout son long, comme un félin sortant de sa sieste. Les coups s’alignèrent sans qu’aucun des deux adversaires ne puisse prendre le dessus sur l’autre. Mise à mal par les manœuvres du mercenaire, elle se surprenait presque à prier les Etoiles de tomber sur des cartes plus avantageuses. Mais elle lui rendait la monnaie de sa pièce à chaque fois, l’empêchant de remporter cette manche. Seulement, le temps s’étirait, la partie gagnait en longueur et perdait en intensité. Pendant qu’il réfléchissait à son prochain mouvement, Mara étendit les jambes pour les poser sur celles de Vizla. Lorsqu’il la dévisagea, probablement surprit par son geste, elle haussa les épaules et fit mine de se plonger dans la contemplation de son jeu. De sa main libre, elle effleura le verre de whisky sans le prendre. Et en quelques tours seulement, la tendance s’inversa. Elle abattit sa dernière carte avec un sourire victorieux, poussant du bout du pied la cuisse du mercenaire.

« A ton tour ! » L’alcool lui brûla la gorge. « Dis-moi, Viktor… » Elle pencha la tête sur le côté, une lueur dans le regard. « Est-ce que tu serais capable de garder un secret, si je te le demandais ? »

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L’alcool et Mara, ça ne faisait vraiment pas bon ménage. Bien évidemment, l’effet était toujours différent, il dépendait des situations, de la compagnie et de l’état d’esprit de la Résistante, néanmoins le verdict demeurait le même. Elle n’était pas faite pour ça. Elle détestait perdre le contrôle, or c’était exactement ce qui était entrain de lui arriver ; elle en avait conscience, tout du moins une partie d’elle le savait, mais cela faisait plusieurs verres qu’elle était arrivée au point de non-retour. Elle le regretterait probablement le lendemain, lorsque les effets secondaires de la cuite se feraient ressentir – oh, par les Etoiles, cette gueule de bois promettait d’être mémorable – cependant, tout ce qui avait du sens pour le moment était cet instant. Ces parties qui s’enchaînaient, ces stratégies mises à mal par des coups de chance insolents, cet accord tacite entre deux parties étrangères. Ils ne se connaissaient pas à proprement parler, et pourtant ils n’étaient qu’à quelques manches de se dévoiler complètement l’un à l’autre. Elle glissa ses doigts entre les mèches rousses, rabattant sa tignasse vers l’arrière pendant qu’il répondait à sa question avec, visiblement, le sentiment qu’elle se jouait une nouvelle fois de lui. Mara ne fit et ne dit rien pour l’en dissuader, sirotant au passage le whisky qui allait signer sa perte. A la mention de secrets qu’il pourrait détenir à propos de son équipage, elle haussa un sourcil interrogateur, préférant ne pas revenir sur ce sujet. Il ne parlerait pas, de toute façon, elle commençait à connaître l’homme.

« De ton intérêt, oui. Après tout, tu es bien là, n’est-ce pas ? » Elle se redressa, se levant complètement pour se pencher au-dessus du mercenaire. Sous une impulsion irréfléchie, elle glissa sa jambe entre les siennes pour prendre appui sur le fauteuil, s’aidant des accoudoirs pour maintenir une certaine distance entre eux. « De ta confiance, je ne sais pas. C’est le genre de domaine qui nécessite un travail de longue haleine, un véritable engagement. Et ça... » Elle vacilla sur ses appuis, se rapprochant de quelques centimètres… avant de ramasser les cartes qu’il avait posé à côté de lui, les lui remuer sous le nez et se relever. « Ce n’est pas ce que nous recherchons. Pas vrai ? »

Mara battit les cartes en quelques instants, les redistribuant dans la foulée. Cette partie serait parmi les dernières… et elle se solda bien trop rapidement au goût de la Résistante par sa défaite. Elle considéra les cartes avec un air dubitatif, relevant ses prunelles vers le mercenaire. Elle n’avait jusque-là jamais eu autant de mal à gagner, et aucun de ses adversaires n’avait un sort aussi favorable que Vizla. Puis finalement, elle soupira, attrapa son verre de whisky et le vida cul sec.

« Pose ta question. » « Tu serais prête à faire des gages si on continue la partie ? » Toujours aussi imprévisible. « Ce n’était pas la mise de départ, ça. » Ce qui n’était pas un refus, ni un accord.

A nouveau, Mara quitta son assise pour faire quelques pas. Il attendait impatiemment qu’elle fasse tomber l’un de ses derniers vêtements, et elle savait qu’il ne laisserait pas passer cette occasion. Autant le faire mariner un peu. Lui tournant le dos, elle s’appuya sur le bord de son accoudoir.

« Un coup de main ? » Du bout des doigts, elle effleura l’accroche pour la lui montrer. Bien qu’elle soit parfaitement capable de s’en délester seule, elle prenait sa vengeance comme elle le pouvait. « Pas de mains baladeuses, je te préviens. »

Malgré l’avertissement, le ton de sa voix était malicieux. Ce qui ne voulait pas dire qu’au moindre geste inapproprié du mercenaire elle ne ferait pas tomber la sentence. Les mains rugueuses du chasseur de primes l’effleurèrent, provoquant un étrange court-circuit à travers ses pensées. Depuis combien de temps n’avait-elle pas laissé un homme – ou une femme – l’approcher ainsi ? Elle se mordit furieusement la lèvre, bénissant toutefois les Etoiles qu’il n’ait pas pu apercevoir sa réaction ; il s’en serait délecté, à n’en pas douter. Lentement, Mara retrouva sa place juste en face, les bras croisés sur sa poitrine. Ce n’était pas tellement parce qu’elle était pudique, au fond, plutôt un réflexe inconscient. Elle tendit sa main libre pour récupérer les cartes, jetant durant la partie quelques regards par-dessus son jeu. Tant bien que mal, elle remporta cette manche décisive, tant pour lui que pour elle. Le sang bourdonnant à ses tempes, propulsé par le taux d’alcool ingéré et l’adrénaline – dangereux cocktail – elle cligna des yeux devant sa propre victoire, stupéfaite. Allait-il réellement mener ce jeu à bien ?

« Quand est-ce que cette partie prendra fin, selon toi ? »

Une lueur mutine dansait au fond de ses prunelles et ses pommettes étaient empourprées par le mélange insidieux de whisky et de vin. A moins que ce ne soit autre chose. De tout aussi explosif.

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