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L’esprit laissait place au corps, à la mémoire musculaire. Il connaissait les mouvements, les enchaînements, la puissance et la direction que devaient prendre les coups portés. La technique s’était perfectionnée avec les années, gardant toutefois quelques faiblesses… et surprenant par des schémas empruntés hors de l’école militaire. Mara n’avait jamais rechigné sur des enseignements différents de ceux de la Nouvelle République ou de l’armée ; elle se créait lentement son propre répertoire, piochant de-ci et de-là de nouveaux pas, s’inspirant d’ères révolues et de démarches innovantes. Elle s’emparait du tout, le modelait selon ses exigences et l’incorporait à la danse. Plus qu’un entraînement, c’était un exercice destiné à apaiser les rouages de son esprit torturé, à offrir un moment de répit à ses réflexions. Un défouloir, aussi, pour des sentiments qu’elle se refusait à laisser s’exprimer. Une pirouette brouilla sa vision, un saut la laissa sur ses genoux, essoufflée. Elle marqua un temps d’arrêt, laissant ses muscles se délier lentement ; la sensation d’être observée la fit pourtant se retourner, sans se relever, et elle dévisagea le capitaine qui lui rendit son regard.

« Votre rendez-vous est arrivé, commandant. »
« Il a intérêt à être aussi prometteur que le disait la Générale… » marmonna-t-elle entre ses dents en se redressant finalement. « Qu’on le conduise jusqu’à la salle d’entraînement. »

Si son subordonné paru surprit de l’ordre, il n’en montra rien, hochant simplement la tête avant de tourner des talons d’un pas pressé. Le temps que son « invité » parvienne jusqu’à elle, Mara continua ses étirements en songeant à la façon dont elle pourrait aborder cette situation. Deux jours plus tôt, elle avait reçu un message de Leïa Organa l’informant qu’un groupe de chasseurs de primes avait rallié les rangs de la Résistance. Elle soupçonnait des motivations plus personnelles, mais leur démonstration l’avait convaincue de les accepter. Et comme elle le disait, la cause avait actuellement besoin d’autant d’aide que possible s’ils voulaient contrecarrer les aspirations du Premier Ordre. Ceci dit, elle comptait sur Mara pour lui faire un rapport détaillé du potentiel de ces nouvelles recrues, ainsi que son opinion sur la question. Le commandant avait beau n’avoir rejoint la Résistance que depuis quelques semaines, elle n’en restait pas moins un élément brillant, précédé de sa propre réputation. Lentement, mais sûrement, son importance prenait de l’ampleur au sein de la rébellion. Si certains la surveillaient encore avec un brin de suspicion dans le regard, elle avait gagné sa place aux yeux des autres.

« Commandant ? »

Une bouteille d’eau en main, Mara pivota pour observer le capitaine et le chasseur de primes. Ce dernier la dépassait d’une bonne tête, et sa carrure d’épaules trahissait une musculature développée ; sans un mot, elle congédia le soldat, portant la bouteille à ses lèvres et pesant le pour et le contre de la décision qu’elle avait prise quelques instants plus tôt. Les prunelles vives du mercenaire la suivaient sans une once de sentiment, simplement curieuses. Un pas la rapprocha de lui.

« Viktor Vizla, chasseur de primes mandalorien. La Générale s’est longuement épanchée sur votre désir de rejoindre la Résistance… » Elle pencha la tête sur le côté, fronçant un sourcil. « Votre mini-bombe peut résister à quelques chocs, j’espère ? » Sans prévenir, Mara lui lança sa bouteille au visage et prit du recul. « Mon instructeur disait toujours qu’on ne peut réellement mesurer la valeur d’un homme que sur le terrain. »

Un défi ? Clairement. Organa s'était déjà chargée des formalités, ce qui n'était de toute façon pas le fort de Mara. Elle préférait l'honnêteté, quelle soit brutale ou non. Et de toute façon, elle avait déjà encaissé bien pire que ça.

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Une fois, l’un de ses instructeurs avait reproché à Mara son manque de flexibilité lors des entraînements. Elle connaissait les techniques sur le bout des doigts, les appliquait lorsqu’il fallait et avec perfection, mais elle manquait d’originalité. D’improvisation. Cette remarque l’avait marquée à l’époque, elle l’avait même vexée. Avec le temps, cependant, elle était parvenue à voir au-delà de cette critique : à s’en inspirer pour rechercher toujours plus d’innovation. Mais à voir la façon dont Viktor la mit au sol, ses recherches n’avaient pas été suffisantes. Dans un combat à la loyale, elle n’aurait probablement eu aucune difficulté à prévoir un coup pareil, seulement il l’avait prise au dépourvu. Aucune hésitation dans ses gestes, aucun avertissement dans son regard. Il était venu à elle, simplement, brusquement, et si elle avait pu éviter qu’il ne lui saisisse le poignet, si elle avait pu dévier la bouteille de son visage, elle n’avait pas pu échapper au balayage. Le choc heurta davantage son égo qu’elle ne l’aurait cru. Elle secoua la tête pour chasser les parasites, jetant un très bref regard vers le chasseur de primes.

« Je ne pars jamais en mission avec quelqu’un qui n’a pas ma confiance, » rétorqua-t-elle presque sèchement, se redressant la seconde suivante en sautant sur ses pieds. Elle contourna l’homme pour reprendre la bouteille, désormais vide, et continua son cercle pour la déposer sur son tas d’affaires. Puis, tout aussi lentement, elle revint vers lui. Un pas après l’autre. « Je ne dirais rien au sujet de votre arrangement, mais elle n’est pas la seule personne que vous devez convaincre Vizla. Je connais chaque personne sur ce vaisseau, et pas seulement par le biais professionnel. Je sais ce qui les motive, je sais ce qu’ils craignent de perdre plus que tout, je sais jusqu’où ils seraient prêts à aller pour que notre mission soit accomplie. » Un pas encore. « Cela ne fait pas de nous des amis, mais des alliés de confiance. Je n’ai pas besoin d’apprécier quelqu’un pour lui confier ma vie. » Son avancée la laissa à quelques centimètres de Viktor ; elle le fixa un instant en silence, penchant finalement sa tête sur le côté et fronçant des sourcils. « Et pour le moment, vous n’avez ni ma sympathie, ni ma confiance. »

Le coup partit avant que la phrase ne soit terminée. Les mouvements s’enchaînèrent à hauteur de son plexus solaire, avec suffisamment de forcer pour couper sa respiration sans le blesser, et subitement elle le faucha avec autant d’imprévisibilité que lui quelques minutes auparavant. Un partout, balle au centre. Mais Mara ne savoura pas sa victoire ; elle savait que ce n’était là qu’un concours de circonstances et actuellement, elle ignorait encore lequel pouvait réellement avoir le dessus sur l’autre. Si elle possédait la technique, il brillait en ingéniosité et en adaptabilité. Cela coïncidait avec les informations qu’elle – et la Résistance – avait pu recueillir à son sujet. Gamin des rues, enfance brutale Elle posa un genou à terre pour se mettre à sa hauteur.

« J’ai besoin de savoir ce que vous valez, Viktor. La Générale a peut-être accepté votre allégeance, mais c’est à moi que vous devrez répondre le reste du temps. Je connais presque tout ce qu’il y a à savoir sur l’Oméga et son équipage. Ce dont j’ai besoin, c’est de savoir ce qui vous motive en tant qu’homme. » Elle plissa les yeux, le dévisageant avec intensité. « Et tant que je ne serais pas convaincue, vous resterez en arrière. Alors allez-y… » Elle se redressa et tendit sa main au chasseur. « Convainquez-moi. »

Mara ne remettait pas en question sa dévotion à l’égard de son équipe, plutôt jusqu’où ils seraient réellement prêts à aller pour la Résistance. Bien évidemment, son petit tour de « mini-bombe » avait de quoi impressionner, mais elle demeurait méfiante. La commande pouvait être erronée, le système corrompu. Et à partir de là, qu’est-ce qui les protégerait des taupes ? Ses prunelles se rivèrent au mercenaire, cherchant à voir par-delà l’assurance naturelle qu’il dégageait. En d’autres circonstances, dans un autre endroit, elle aurait pu l’observer différemment. Peut-être voir en lui autre chose qu’un leader de portes-flingues. Sauf que l’heure n’était pas aux erreurs. Elle avait besoin d’être aussi sûre que possible, et tant pis s’il ne supportait pas ses méthodes ou son franc-parler. Après tout, elle connaissait le chasseur de primes et non Viktor en lui-même.

« Et arrêtez de retenir vos coups, parce que cette fois je ne me retiendrais pas. »

Elle se porta à son encontre sans lui laisser le temps de prendre l’initiative, engageant le troisième round. Celui-là s’annonçait beaucoup plus serré que les précédents. Et l’esprit de Mara envisageait toutes les options possibles : l’improvisation serait à mettre en avant si elle ne voulait pas laisser l’homme reprendre l’avantage avec sa technique peu orthodoxe.

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Mara eut un soupir presque amusé lorsqu’il lui rétorqua qu’elle parlait trop. C’était sans doute le cas… Cette fois-ci, tout du moins, car elle pouvait tout aussi bien passer une journée entière sans lâcher plus de dix mots. Néanmoins, elle avait besoin que le Mandalorien et elle soient sur la même longueur d’ondes et qu’il n’y ait plus de doute possible. Et pour ce faire, la communication était vitale. Dans les minutes qui suivirent, cependant, le silence s’installa, seulement entrecoupés par le son des coups portés ; cet entraînement était plus intensif que ce à quoi elle s’attendait, notamment parce que le chasseur de primes avait pris compte de son avertissement. Il ne retenait aucune attaque, répliquait à la vitesse de l’éclair et, bien trop souvent au goût du soldat, manquait de peu de lui asséner un coup décisif. Mais Mara parvenait toujours à esquiver ou à contrer son avancée, et bientôt le combat menaça de s’éterniser. Elle perçu subitement une faille dans la défense de son adversaire, s’y engouffra et le frappa une nouvelle fois au plexus. Elle put pratiquement entendre l’air être violemment expulsé des poumons du guerrier, le forçant à mettre un genou à terre. En le voyant ainsi, le commandant baissa légèrement sa garde, pensant que leur altercation s’arrêterait là. Seulement, c’était mal connaître la détermination du fier Mandalorien.

Il ne lui fallut qu’une poignée de secondes pour renverser littéralement la situation, et Mara serra les dents de frustration. Pourtant, elle lui laissa le temps de s’exprimer ; au-delà de la vexation d’avoir été mise au sol, elle était véritablement curieuse. Ses confessions seraient déterminantes pour la suite de leur alliance. Plus Vizla se dévoilait, plus elle remarquait à quel point ils étaient semblables en ce qui concernait leur vision de l’équipage. Cela ne la surprenait pas outre-mesure, vu ce qu’elle savait du mercenaire, mais quelque chose dans les mots qu’il employait lui semblait familier. Les siens représentaient sa famille… même si l’enfant de Kuat avait encore des parents, elle avait fait de son équipage sa véritable famille. Elle tuerait pour eux, elle mourrait pour eux. Mara fronça lentement les sourcils, vrillant ses prunelles vives dans celles du chasseur, le défiant, le découvrant sous un angle différent. L’homme blessé par la perte de ses amis, le Mandalorien réclamant vengeance et s’étant résigné à faire cas de sa vocation pour avoir de meilleures chances de faire payer le Premier Ordre. Elle gronda lorsqu’il resserra sa prise, releva le menton quand il se rapprocha. Il jouait bien trop avec le feu.

Il avait dans le regard un éclat froid et dur qui contrastait avec son apparente nonchalance, avec l’agaçante manie qu’il semblait avoir de se jouer d’elle. Viktor se laissa glisser jusqu’à son oreille pour terminer son aveu ; sa proximité l’impactait, même si elle le dissimulait avec brio. L’étincelle sauvage du guerrier avait éveillé la sienne, la bloquant dans un présent bien trop brutal et bien trop intense pour elle. Mara avait perdu l’habitude d’être confrontée directement à ses problèmes et elle n’aimait pas l’influence qu’il semblait avoir sur elle. Si elle gérait si bien ses émotions à présent, comparé à ses déboires de jeune femme, c’était parce qu’elle avait appris à mettre de la distance entre elle et le reste du monde. Or, Viktor n’avait absolument aucun respect pour ça. Elle se crispa en sentant ses dents se refermer sur la partie sensible de son oreille. La réponse de la rouquine fut quasi-immédiate. Passée la seconde de surprise, elle le bouscula pour basculer sur le côté, s’aidant de son bassin pour instiguer le mouvement de balancier, reprenant le dessus. Mais au lieu de répliquer la position qu’ils avaient, elle apposa son avant-bras sur la gorge du Mandalorien et remonta son genou un peu plus haut. S’appuyant fermement, mais doucement, sur cet endroit vulnérable, elle le vrilla de ses prunelles furibondes.

« Vous avez de la chance que je ne mutile pas mes alliés. » Elle ne pouvait décemment pas lui reprocher son attitude rebelle, puisqu’elle l’avait plus ou moins instiguée par cet entretien incongru. Et il était impensable de laisser Viktor penser qu’il avait pu la perturber. « J’essaie juste d’éviter d’abîmer la marchandise… » finit-elle par lâcher avec un haussement d’épaules en se redressant, le libérant de sa prise. « Mais vous… » Elle souffla, levant les yeux au ciel. Puisqu’il était passé au tutoiement, autant faire de même. « Je ne mettrais pas les tiens en danger, je t’en donne ma parole. » Mara se recula, prenant appui sur ses genoux pour rester à la hauteur du guerrier à terre. « Mais nous ne ressortirons pas tous vivants de cette guerre, et je ne peux pas assurer que ce sera le cas pour l’Omega. »

Plissant les lèvres, elle se leva, laissant Vizla faire de même pendant qu’elle étirait ses bras. Le blocage qu’il lui avait infligé quelques minutes plus tôt avait étiré désagréablement ses muscles. Pourtant, ils finissaient encore sur un statu quo. Elle pivota vers lui, une esquisse railleuse dansant sur ses traits.

« Par contre, pour un Mandalorien, je trouve que tu manques d’entraînement. »

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A sa remarque concernant le malheur qu’elle aurait pu apporter à certaines en le privant de cette partie de son anatomie, Mara ne put réprimer un « crétin » excédé, sur un ton espiègle – le terme à peine soufflé n’avait, avec un peu de chance, pas été entendu par le chasseur de primes. Néanmoins, elle assumerait cet écart de langage dans le cas contraire. Elle n’était simplement plus habituée à ce que quelqu’un tienne aussi peu compte de son grade sur ce vaisseau. La plupart du temps, les hommes se gardaient bien d’avoir des mots de travers ou d’user d’un humour douteux lorsqu’elle était dans les parages. Il n’y avait finalement que lorsqu’elle se rendait au sol, se débarrassait de son uniforme militaire que quelques-uns osaient l’approcher de cette façon. Et la plupart le regrettaient amèrement. Dans le cas de Viktor, son comportement était surprenant : un mélange incertain d’agacement et d’amusement avec lequel Mara ne savait que faire. L’ambiance devint nettement plus sombre toutefois lorsqu’ils en vinrent à parler du futur de cette guerre et, par extension, des dommages collatéraux que cela pourrait créer. S’étirant lentement, le commandant acquiesça aux paroles du Mandalorien, se gardant toutefois d’ajouter qu’elle ne protégeait pas son équipage. Pas réellement, puisqu’elle n’hésitait pas à envoyer le Protector au-devant du danger… mais c’était parce qu’elle connaissait les siens, qu’elle savait qu’ils en aurait fait de même à sa place. Et puis avec des têtes brûlées comme l’escadron Rogue ou Steel à bord, il fallait quand même donner le change. A nouveau, le ton du guerrier changea, reprenant des intonations plus badines.

« Moi qui pensait que c’était ta galanterie naturelle, je suis déçue. »

C’était plus fort qu’elle. Mara ne parvenait pas à rester silencieuse face aux remarques du mercenaire ; puisqu’il ne se pliait pas aux convenances, elle ne voyait pas pourquoi elle devait s’empêcher de réagir. En un sens, cela lui plaisait, cette répartie nonchalante. C’était rafraîchissant pour quelqu’un perpétuellement emmuré dans des protocoles et des règlements. Elle se mordit toutefois les lèvres pour réprimer sa dernière réplique… Elle ne le connaissait pas suffisamment pour savoir sur quel pied danser et elle ne voulait pas danser. Intérieurement, même, elle se rabroua pour tenter de reprendre de la distance, tout en récupérant ses affaires et en s’éloignant. C’était sans compter l’aplomb du chasseur de primes, ou son évidente absence de réserve. Mara roula des yeux, esquissant malgré elle un sourire en coin devant son audace. Elle pivota sur ses talons sans s’arrêter de marcher, lui lançant un regard faussement orageux.

« Tu ne t’arrêtes jamais, c’est ça ? » Elle fit un mouvement de la main. « Tu peux laisser tomber la pommade, Leia a décidé que tu ferais partie de nos forces et je ne peux décemment pas m’y opposer. Même si je le pouvais, de toute façon, je ne le ferais pas, » finit-elle par rajouter après un bref silence. « La Résistance va avoir besoin de vous, que ce soit de l’Omega ou de portes-flingues. Et tu as largement prouvé jusqu’où tu serais prêt à aller. » Elle ne mentionnerait pas la mini-bombe sagement installée. « Pas besoin de vouloir m’amadouer, de toute façon il faudra bien plus qu’un dîner pour ça. »

Ce n’était pas un défi, mais une simple réalité. Ou en tout cas, ce que Mara pensait réellement : ce n’était pas une seule soirée qu’il parviendrait à s’attirer la sympathie de la rouquine. Il avait beau se démarquer singulièrement de son équipage, il n’en demeurait pas moins un contact professionnel. Professionnel et atypique. Il ne venait pas à l’esprit de l’enfant de Kuat qu’il puisse être sincèrement intéressé par sa fréquentation, en partie à cause de son inaptitude à envisager les relations humaines autrement que par le biais militaire, et parce qu’elle avait la nette impression que le Mandalorien jouait de ses charmes auprès de toute la gente féminine.

« Tu peux retourner annoncer la bonne nouvelle aux tiens… Et évite de distraire mon équipage au passage, Viktor. »

S’il faisait les yeux doux à toutes les femmes comme elle le suspectait, il risquait d’avoir fort à faire sur le chemin du retour. Mara avait embauché autant d’hommes que de femmes sur son vaisseau, quand bien même certaines mauvaises langues prétendaient que les femmes pouvaient être moins efficaces. Elle était la preuve vivante que le sexe ne déterminait pas l’habilité d’une personne. Considérant la question comme réglée, elle allongea le pas pour retourner à ses propres quartiers après avoir brièvement salué Vizla. Finalement, elle ne lui avait guère laissé le temps de se justifier, assumant que ses intentions à son égard étaient simplement pragmatiques.

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L’entraînement avec le chasseur de primes lui avait permit de se faire une opinion plus personnelle sur le sujet Omega. Leia avait eu raison de les accepter, lui et son équipage, au sein de la Résistance. En dépit de leur allégeance relativement instable, ils étaient parvenus à instaurer un climat de confiance grâce au choix audacieux de Viktor – et un brin suicidaire, il fallait l’admettre. Avant leur entrevue, elle avait bénéficié de rapports préliminaires sur les membres, leur réputation les précédant de loin ; d’après ce qu’elle voyait, Viktor était en bonne voie pour rattraper la légende de Boba Fett, même si leurs méthodes différaient. Son implication lors de cette guerre serait déterminante pour son mythe, et son rôle dans la chute du Nouvel Ordre lui permettrait d’étoffer son C.V. déjà bien rempli. Si sa langue bien pendue ne lui portait pas préjudice avant, bien entendu. Abandonnant le Mandalorien en salle d’entraînement, Mara rallia ses quartiers pour effacer les dernières traces de ses efforts. Elle passa un peu plus de temps que nécessaire, tentant de soulager les muscles endoloris de ses bras. La prise du guerrier n’avait pas été tendre, et les deux chutes dont elle avait souffert l’avaient secouée. Au bout d’une dizaine de minutes, rassérénée, elle consentit enfin à sortir de sa salle de bain. Pour trouver un Vizla totalement détendu, installé sur l’un de ses fauteuils avec un verre de vin.

Deux pensées traversèrent simultanément l’esprit du commandant. Comment avait-il pu passer outre son système de sécurité ? Et surtout, pourquoi avait-il tenu à le faire ? Elle aurait également pu songer au fait que se présenter en serviette devait probablement détruire son image d’officier sévère, mais elle n’en avait cure. Elle n’était pas la première femme à moitié nue que Viktor devait voir, et elle n’allait certainement pas réagir comme une damoiselle en détresse. Pinçant les lèvres, elle affronta le regard nonchalant du mercenaire.

« J’hésite entre ‘totalement suicidaire’ et ‘absolument crétin’, Viktor. Tu veux bien m’aider à trancher ? » Sa voix, bien que posée, était suffisamment froide pour qu’il ne se méprenne pas sur ses intentions. « Tu penses sincèrement que je vais te laisser te vautrer sur mon fauteuil, alors que tu es entré par effraction dans mes quartiers ? Ta bombe a provoqué des courts-circuits, ou bien c’est ton comportement naturel ? » Elle accorda un bref regard à la bouteille. « Dehors. De suite. » Sans un regard, elle s’orienta vers sa chambre. « Et tu peux laisser la bouteille. »

En d’autres circonstances, Mara aurait probablement hurlé et tempêté. Peut-être aurait-elle même mis le Mandalorien à la porte. Mais cette situation insolite l’avait prise au dépourvu. N’avait-il aucunement conscience des risques qu’il prenait ? Ou s’en contrefichait-il totalement ? Elle soupira en poussant la cloison qui séparait sa chambre à coucher du reste de ses quartiers, troquant par la suite sa serviette pour son sempiternel uniforme – la version simplifiée, cependant, ne comportant qu’un simple maillot de corps avec le sigle du Protector et les barrettes de son rang aux épaules. De quoi être présentable au cas où elle serait amenée à devoir se rendre sur le pont rapidement au beau milieu de la nuit. Ramenant en arrière sa crinière encore humide, elle revint dans l’espace détente pour y retrouver un Viktor parfaitement à l’aise.

« … Très bien : j’abandonne. Fais comme chez toi. » Mara leva les yeux au ciel, passa à côté du mercenaire et récupéra le deuxième verre de vin avant de se laisser choir sur un siège attenant. « Tu es plus tenace qu’un rancor enragé. » Elle leva le verre à hauteur de son visage, examinant la robe intense et inspirant les riches effluves. « Avec un peu de chance, le vin m’aidera à supporter ta présence. » Avant de le porter à ses lèvres, la fille de Kuat dévisagea le chasseur de primes en soulevant un sourcil intrigué. « Qu’est-ce que tu fais là, Viktor ? Mon équipage ne t’as pas assez dévoré du regard et tu viens exiger réparation ? »

Réprimant un sourire, Mara goûta enfin l’alcool apporté par le Mandalorien. Il n’avait pas menti sur son origine ; ayant eu la chance d’être élevée dans une famille de hauts dignitaires, elle était amplement capable de discerner une piquette d’une cuvée d’exception, et elle savait aussi reconnaître la fragrance particulière de Naboo. Surprise par la qualité du breuvage, elle s’accorda quelques secondes supplémentaires pour en profiter, laissant la saveur se répandre sur ses papilles avant de soupirer de satisfaction. Elle n’avait pas eu le loisir de profiter d’un bon vin depuis… depuis longtemps. Le bourbon était plus commun parmi les militaires, ou toute autre variante de whisky. Sans compter les bières. Elle se détendit imperceptiblement, croisant les jambes sur son pantalon d’uniforme noir en s’installant plus confortablement dans son siège. Ses mèches humides glissèrent sur le côté de son visage lorsqu’elle pencha la tête en observant Viktor, un demi-sourire aux lèvres.

« Tu pénètres toujours par effraction chez tes clients, ou bien c’est un traitement de faveur ? »

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