0 ap. BY ; Bosthirda.

La rumeur court déjà, se répand dans le palais royal et sur le restant de la planète à la vitesse d’un cheval au galop. Une bâtarde. La Reine a mis au monde une bâtarde. Car ce bébé, allongé dans ce berceau doré et emmailloté, n’-a-t-il pas des cheveux noirs comme la nuit et des yeux aussi clairs qu’un ciel d’été ? Comment pourrait-il en être possible alors que les souverains ont des cheveux blonds comme les blés et des yeux sombres ? On murmure maintes histoires les plus loufoques les unes que les autres ; on dit que la reine a mis au monde un nouveau-né terriblement déformé et qu’on a noyé le bébé et échangé avec celui d’une famille de l’aristocratie. Après tout, la duchesse Emhrys a enfanté en même temps que la reine, d’un enfant mort-né que personne n’a pu voir. Quelle étrange coïncidence ! Le roi a bien tenté de faire taire ces rumeurs grotesques mais les chuchotis ne se turent jamais. « Bâtarde », ce surnom murmuré dans l’intimité et attribué à la jeune princesse la suivra, fera naître en elle une rage irrésistible. Mórríghan est-elle réellement ce que l’on dit tout bas ? Personne n’en saura jamais rien, si c’est le cas, le secret sera toujours bien gardé.

6 ap. BY ; Bosthirda.

Peur. Voilà ce que la petite princesse de six ans inspire aux esclaves et serviteurs du palais. Alors que ses yeux sont d’une clarté brillante, son regard est aussi sombre que celui d’un prédateur. Perçant, ils vous fixent avec une grande intensité au point que beaucoup se sentent mal-à-l’aise lorsque l’héritière du trône les regarde. On tente des sourires, des courbettes auprès de la petite fille qui voit le monde comme étant empli de vermine. Car c’est ce qu’ils sont tous, non ? Des jouets entre ses mains. Combien d’esclaves se sont retrouvés pendus ou fouettés à mort parce que la petite princesse en avait décidé ainsi ? Oh l’excuse était toujours bonne « il a osé me bousculer », « elle a renversé ma tasse », « son aiguille m’a piqué le bras ». Lorsqu’elle avance, on s’écarte, on courbe l’échine et on prie pour que les yeux brillants ne viennent pas se poser sur soi. Elle pique des colères effroyables, détruit les meubles de sa chambre et hurle contre tous ceux qui auraient eu le malheur de la contrarier ; et un rien la contrarie. Cette année-là, installée sur le petit trône d’argent auprès de ses parents, elle a longuement observé une gamine de presque son âge. Son prénom ? Il n’a pas d’importance pour l’instant. Mórríghan ne lui a même pas adressé la parole, elle s’est contenté de la fixer, cette fille et son attitude si droite et calme, le contraire de la jeune princesse. Ce dont la brune se souvient, c’est l’impudence dont a fait preuve la gamine, osant lui tenir tête. Mórrí déteste cela, qu’on puisse se mettre en travers de son chemin et la colère qu’elle piqua au soir de cette rencontre fut effroyable ; du sang d’esclave coula.
Mais cette année, c’est aussi une angoisse qui nait dans le creux du ventre de la fillette, augmentant le nombre de ses crises. Le ventre de sa mère qui s’arrondit lui déplaît, elle a très tôt compris que son sexe n’était pas un atout et que la naissance d’un garçon lui ferait perdre sa place sur le trône. C’est un fils qui nait. Et debout près du berceau, fixant avec mépris le petit paquet emmailloté, le sang de la princesse bouillonne. Elle se retient de plonger ses mains dans ce berceau, de venir étrangler le faible cou du nouveau-né pour lui ôter cette vie qui vient à peine de débuter. Mais elle reste stoïque, elle va apprendre la patience et surtout se rendre compte qu’une vengeance tardive est bien plus jouissive.

10 ap. BY ; Bosthirda.

C’est un jour où le ciel est légèrement gris ; une fine bruine tombe du ciel et Mórríghan a dix ans. Sa main tient celle petite de son frère, de l’héritier du trône, de ce fils chéri. Tous se sont sentis soulagés à sa naissance, soulagés que la terrible princesse ne montera jamais sur le trône, ne sera jamais reine. On réfléchit déjà à qui la marier, si possible très loin d’ici car on continue de la craindre alors même que ses crises de colères se sont pourtant calmées. Oh, la brun a appris, elle a compris ce qu’elle devait faire. Elle a regardé son frère grandir, pensant à ce jour-ci, à celui où elle l’entraînerait avec elle dans les jardins. On ne laisse jamais le frère et la soeur seuls tous les deux, ou plutôt, on empêche Mórríghan de se retrouver en tête-à-tête avec le bambin de quatre ans. Qu’il est adorable avec ses belles joues rondes, ses boucles dorées ; un magnifique chérubin, un petit prince de choix et un futur grand roi. Certainement pas. Mórrí a profité de l’imprudence d’une nourrice pour se glisser dans les appartements de son frère, lui contant avec ravissement les magnifiques pierres brillantes qu’elle a pu trouver dans la fontaine au fond du bosquet ouest. Le jeune prince s’en est montré curieux, impatient de découvrir les fabuleux trésors dont lui parle son aînée et s’est laissé emporté. Le voilà, penché au-dessous de l’eau mais pas trop, à regarder le fond de la fontaine.

« Penche-toi un peu plus, ou tu n’y verras rien. » Fait la princesse.

L’enfant obéit et la main de la brune vient se poser à l’arrière du crâne du petit prince. Ses doigts empoignent avec fermeté les boucles blondes puis d’un geste sec, elle enfonce la tête dans l’eau. Le bambin se débat, bat des bras, tape des jambes mais il n’a pas la force suffisante pour repousser sa soeur. Mórríghan reste droite, ne bouge pas d’un pouce alors que l’enfant commence petit-à-petit à se calmer, seul un sourire satisfait étant les lèvres de la brune. Lorsque plus une seule bulle ne remonte à la surface, lorsque le petit corps se retrouve sans vie, la fillette relâche la tête chevelue et s’éloigne en laissant ainsi le cadavre. Elle savoure sa première victoire sans se douter qu’une silhouette l’observe depuis quelques temps déjà.

Le deuil national est déclaré ; la salle du trône est tendue de draps noirs. On a déposé le corps du petit prince au milieu, installé sur des coussins pourpre. Une couronne d’or et de rubis ceint son front blême et ses petites mains sont posées sur le pourpoint sombre aux broderies argentées. Le visage du roi est grave, ses yeux sont cernés. A ses côtés, la reine a revêtu un voile noir qui couvre ses cheveux devenus blancs après le décès de ce fils chéri. Le couple royal fait pâle figure tandis que sur son trône, le teint éblouissant, la jeune princesse rayonne. Bientôt le corps sera transféré dans la crypte royale et elle retrouvera le statut qu’elle n’aurait jamais dû perdre : celui d’héritière légitime du trône.

13 ap. BY ; Korriban.

Trois années qu’elle a quitté sa planète d’origine pour rejoindre Korriban et l’Académie Sith. Tout le palais a ressenti un vif soulagement lors du départ de la princesse, tous ont pu commencer à respirer un peu mieux… Mais pour combien de temps ? Car la cruelle jeune fille finira par revenir un jour, plus puissante que jamais et c’est ce qui inquiète le roi. Il va angoisser à l’idée de se retrouver à nouveau face à cette enfant qu’il n’a jamais réussi à comprendre et finalement, aimé. Il aurait pu pardonner les colères de cette fille si elle n’avait pas commis l’irréparable en noyant son frère. Depuis la mort du petite prince, trois ans plus tôt, la reine est murée dans le silence, portant une voile noir devant son visage en permanence et ne sortant que très peu ; la peine la ronge et la tue à petit-feu. Il n’aura fallu attendre que quelques jours avant qu’un homme encapuchonné de noir vienne se présenter aux souverains, leur proposant de former l’héritière du trône à l’Académie Sith. Ils sont monnaies courantes dans la lignée des Dulunyr ou plutôt, l’étaient. Cela fait trois générations qu’aucun souverain n’est sensible à la force ; jusqu’à Mórríghan. Ca a à peine fait sourciller le roi, tous s’en sont vite doutés et c’est avec une extrême lassitude qu’il envoya sa fille sur Korriban. Peut-être était-ce une erreur ou peut-être que cela n’aurait rien changé à la suite des évènements.
Aussi surprenant cela soit-il, l’orgueilleuse princesse s’y plaît, dans cette Académie sombre. Les entraînements rigoureux, parfois à la limite de l’inhumain ne la dérangent pas car elle sait que grâce à eux, elle gagnera enfin cette légitimité qu’elle recherche depuis sa naissance. On ne pourra plus l’appeler « bâtarde » ; elle est la digne descendante de ses ancêtres Sith et elle compte bien le prouver à tous ceux qui osent en douter. Elle apprend une certaine discipline mais elle retrouve aussi une certaine petite brune qui quelques années plus tôt a osé lui tenir tête. Une certaine Freyja Dah’n. Contre toutes attentes, les gamines s’accordent et leurs caractères à l’opposé se complètent à merveille. L’une est brûlante comme la lave d’un volcan en éruption tandis que l’autre est calme et froide comme les neiges éternelles. Le feu et la glace. Une amitié des plus surprenante.

18 ap. BY ; Bosthirda.

L’immense pièce est baignée d’une pénombre angoissante, le soleil se lève tout doucement dans l’horizon et c’est un jour parfait. Elle est installée sur le trône de son père, une cape sombre recouvre ses épaules et un sabre est accroché à la ceinture de sa tunique noire. Elle patiente. Ses doigts pianotent les accoudoirs argentés du luxueux fauteuil, un esclave s’en est allé quérir le roi encore endormi dans ses quartiers. On l’a pressé, lui annonçant qu’on demandait une audience de toute urgence sans prendre la peine de lui dire qui l’attendait. Le roi s’est levé, a tout juste prix le temps d’enfiler son peignoir avant de suivre l’esclave jusqu’à la salle du trône. A peine a-t-il franchi la seuil de la pièce qu’il s’arrête net en découvrant sa fille installée à sa place ; immédiatement, une sueur froide coule le long de son dos : il sait pour quoi elle est ici. Il ne l’a pas revue depuis huit ans, il en avait presque oublié son existence, quelle stupide erreur. Les yeux clairs le fixent, un sourire pernicieux sur les lèvres et une attitude hautaine, l’enfant qui faisait si peu n’a pas tellement changé, elle est devenue femme. Pourtant, il y a quelque chose qui émane d’elle, une aura que le père craint et qui le cloue sur place. Habitué à une fille impatiente, il s’attend à ce que lassée par sa lenteur, elle ordonne qu’on le fasse avancer mais il n’en est rien. Elle attend que ce père indigne à ses yeux avance.
Il se retrouve finalement en bas des marches de l’estrade menant à son trône. C’est là qu’il remarque, un peu plus loin, dans l‘obscurité, une ombre noire : celle du maître observant son élève.

« Père, vous me voyez ravie de vous revoir après toutes ces années. Annonce la brune d’une voix calme. Des années que j’attends ce moment avec impatience. »

Elle s’est levée et avec une lenteur calculée, elle descend les quelques marches qui la mènent à son père. Ses yeux le toisent un instant avant que le roi ne tombe sur ses genoux, ses mains posées sur son cou à la recherche de l’emprise invisible qui écrase sa gorge. Il suffoque, ses yeux sont grand ouverts, emplis de panique ; l’emprise se relâche, il respire.

« Aujourd’hui, je viens prendre ce qui m’appartient depuis le jour de ma naissance : mon trône. »

Dans la semi obscurité, une lueur mauve illumine le visage de la princesse. Le geste est rapide, précis, la tête roule sur le sol marbré de la salle du trône. Laissant le cadavre là, Mórríghan remonte sur son fauteuil avec dignité et grâce. Elle n’est plus l’apprentie. Elle n’est plus l’héritière. Dès demain, elle sera couronnée. Le roi est mort, vive la Reine.

Entre 18 et 26 ap. BY, Bosthirda.

Les rênes du pouvoir sont entre ses mains et la nouvelle souveraine sait s’en servir. Les membres du conseil qui aidaient jadis le roi à diriger la planète ont été renvoyés, ceux qui ont osé s’en plaindre ont été exécuté sur la place publique. On ne discute pas les ordres de la Reine, que cela soit bien clair, elle est toute puissante ; son pouvoir est total. Beaucoup s’attendent à ce que la planète tombe dans le chaos mais c’est là où tous se trompent. Si la nouvelle dirigeante est ferme et sévère, elle se révèle être une fine politicienne et bonne diplomate ; encore une preuve de la dualité de la jeune femme. L’économie se retrouve vite booster par de nouveaux partenariats commerciaux et de nouvelles lois. On s’étonne, et si on craint la Reine, on l’estime et on la respecte. Mórríghan a eu sa revanche sur tous ceux la traitant de vulgaire bâtarde.
Un mariage, en l’an 20. La Reine l’a longuement réfléchi et a choisi un homme de la haute aristocratie, venant d’une famille extrêmement riche. Il n’est pas particulièrement beau, la brune ne recherche rien en un mari à part qu’il soit docile et effacé. Car l’époux n’a aucun pouvoir, il n’est pas roi et il n’a pas le droit de donner son avis. Son rôle ? Donner un héritier à la couronne. Aucun homme ne pourra prendre le dessus sur elle. Ou aucune femme, d’ailleurs. Ils font chambre à part, le couple ne se croise que peu souvent et l’époux comprend vite que sa femme ne le verra jamais autrement comme étant un objet entre ses mains.

Un premier enfant, une première déception. Cet enfant, elle l’a attendu, priant tous les Dieux pour avoir une fille et qu’elle n’est pas sa déception lorsqu’on lui annonce un fils. Mórríghan est dégoûtée, tout cela pour mettre au monde un mâle qui ne lui sera d’aucune utilité car il est hors de question qu’un fils monte sur le trône, ce sera une fille. Adieu le patriarcat archaïque et bonjour le matriarcat. L’enfant est appelé Aengus avant d’être envoyé à une nourrice ; il faudra espérer que le prochain bébé sera la fille tant espérée. Entre la naissance de l’aîné et le second enfant, s’écoule deux années ; deux années ponctuées par des fausses-couches qui agacent sérieusement la Reine. Et qu’elle n’est pas sa colère lorsqu’on lui annonce un second fils, Alesdair  ; Mórríghan voudrait presque étrangler ce garçon si fragile. Sa décision est prise : cette grossesse est la dernière. Assez de voir son corps déformé, assez de porter un enfant pour être si déçue. Elle se trouvera une héritière digne, qu’importe si elle n’a pas son sang.

Entre 26 et 34 ap. BY.

Bosthirda est florissante ; jamais la planète ne s’est trouvée si développée et l’économie est au plus haut. La Reine n’a plus ses preuves à faire, elle a la confiance aveugle de son peuple et pour ceux qui ne seraient pas en accord avec elle, ils se retrouvent bien souvent écorchés vifs ou pendus. Une main de fer dans un gant de velours. Les enfants ont grandi, Aengus et Alesdair ont compris, tout comme leur père, que leur mère n’en sera jamais une. La Reine n’accorde que très peu d’importance à ses fils, leur destin est plus ou moins tracé, ils seront bien mariés afin de former des alliances avantageuses et rien de plus, ni l’un ni l’autre ne montera sur son trône. Le plus jeune a pourtant du potentiel, une sensibilité à la Force que sa mère a sentie mais préfère ne pas envoyer son fils à l’Académie ; le garder sous son coude pour éviter que ce dernier ne se retourne un jour contre elle. Car n’est-ce pas ce qu’elle a fait, plus jeune ? Non, garder l’enfant sous une emprise ferme, lui bourrer le crâne et en faire un pantin. De toute façon, il se pourrait bien qu'elle ait fini par trouver celle qui la remplacera un jour sur le trône...
Elle sert l’ordre Sith, gardant néanmoins des réticences sur certains sujets ; le destin de sa planète repose uniquement entre ses mains. Les alliances, les partenariats commerciaux qu’elle met en place ne regardent qu’elle. Mórríghan est une reine qui tient à son indépendance.