Seule. Elle est toute seule dans cette cabine qui lui semble terriblement vide. Ce qu’elle ne donnerait pas pour pouvoir entendre le joyeux raffut que peuvent faire Aloy et BB-12 lorsqu’ils jouent tous les deux… La gamine aurait probablement fini par sauter sur le lit, à essayer de toucher le plafond et Moira l’aurait un peu réprimandée. Elle lui manque. Terriblement. Tout ce qu’elle veut, c’est de pouvoir serrer son aînée dans ses bras, glisses ses doigts dans les épaisses boucles brunes. Pourquoi est-ce qu’elle est partie ? La pilote aurait dû écouter les suppliques de la fillette qui s’était accrochée à ses jambes pour l’empêcher de partir ; ce que ses larmes ont pu lui briser le coeur ! C’est étrange, également, de ne pas avoir le petit droïde blanc et violet à ses côtés, lui qui est là avec elle H24 depuis de si nombreuses années… Mais elle a préféré le laisser près d’Aloy, pour la rassurer, qu’elle ne se sente pas trop seule en l’absence de sa mère et de son beau-père. Moira ne doute pas que son fidèle compagnon prendra soin de la petite et qu’il ne manquera pas de lui changer les idées lorsqu’elle sera un peu triste. La petite brune se passe une main sur le visage tout en poussant un long soupir : cela ne sert à rien de remuer le couteau dans la plaie, d’avoir des regrets. Ce qui est fait est fait et il est trop tard pour faire machine arrière. Elle a suffisamment pleuré la nuit dernière, au point de ne pas pouvoir en fermer l’oeil de la nuit et de tenir son compagnon éveillé une grande partie de la nuit. Il n’est pas là, d’ailleurs, Diarmuid. Le rassemblement a beau s’être terminé, l’assemblée de résistants s’est dissoute mais le Général n’en a pas moins d’autres choses à faire. Il en a toujours, des choses à faire, de toute façon. Parfois trop, si vous demandez l’avis de Moira. Elle ne dit rien, ne se sent pas vraiment à sa place de lui demander de changer quoi que ce soit, pas avec toutes les responsabilités qui pèsent sur ses épaules.

La pilote tend son bras pour attraper maladroitement le sac posé négligemment sur le sol. Elle l’ouvre, fouine pour en sortir un autre sac, plus petit. Elle ne sait même pas pourquoi elle a pris celui-ci, elle l’a juste machinalement mis dans le plus grand. La grande pochette orange pâle est ouverte, Moira en tire trois couvertures soigneusement pliées pour prendre le moins de place possible au milieu des affaires de la jeune femme. Elles sont toutes presque terminées; la plus grande, de couleur lilas n’a besoin que de quelques détails avant d’être offerte à Aloy. Les doigts de la pilote effleure doucement le petit droïde à l’effigie de BB-12 ainsi que le prénom de sa fille aînée brodés sur le coton. La deuxième est un peu plus petite, d’un bleu ciel doux et appartenant à Dea; pour celle-ci, Moira ne sait pas encore quel motif broder ; peut-être quelques étoiles, il faut encore qu’elle y réfléchisse. Puis il y a la dernière, de la même taille que la seconde et d’une couleur caramel avec un petit X-Wing brodé. Celle-ci… Celle-ci la pilote la garde dans les mains après avoir enfilé la veste de Diarmuid et quitté la couchette. Elle longe le couloir jusqu’à la porte d’une des cabines voisines ; elle ne prend même pas la peine de frapper, la brune sait pertinemment que sa meilleure amie se trouve là.

« C’est qui ? J’suis pas là. 
-Eh bien, quel charmant accueil. Si j’avais su, je serais restée dans ma cabine ! » Lance Moira en refermant la porte derrière elle.

La brunette s’approche de la couchette sur laquelle Gwen est gracieusement allongée. Quelle idée de s’installer sur le dos, aussi ! On n’a pas idée.  

« A la base je voulais essayer de dormir un peu mais impossible de dormir à cause du… Silence. Alors je me suis dit que tu devais sûrement être toute seule et qu’à être seules, autant l’être toutes les deux. »

Moira s’assied sur le rebord du lit, poussant un peu son amie qui prend trop de place à son goût. Elles font tout ensemble, même être seules. Et tomber enceinte, aussi. Elles auraient voulu le faire exprès qu’elles n’y seraient pas parvenues, pour sûr. La pilote dépose la couverture soigneusement pliée sur le ventre rebondi de son amie.

« C’est pour toi. Enfin pour le bébé. Le tien. J’ai eu beaucoup de temps libre avec ce repos forcé et à en faire une pour mes filles, autant en profiter. Je ne savais pas trop pour la couleur, j’espère que ça te plaira quand même. M’enfin si tu n’aimes pas, je te renie, t’imagines pas le temps que ça prend. »

Elle rit doucement, ouai, c’est quand même mieux d’être seule à deux. Surtout avec Gwen.

Il n'y avait rien de plus difficile pour Gwen que d'accepter sa grossesse. Elle était réputée pour ne jamais tenir en place, être une boule d'énergie inépuisable. Et la voilà alitée, et obligée d'avoir une assistance pour se lever. Lorsqu'elle était blessée, la pilote prenait des risques inconsidérés, et de manière répétée. Après tout, elle n'avait pas pour réputation d'être un animal docile. Mais c'était seulement lorsqu'il s'agissait d'elle seule... Maintenant, il fallait qu'elle pense au petit garçon qui avait élu domicile dans ses entrailles. Quand elle y pensait, Gwen avait encore du mal à réaliser qu'elle allait donner la vie. Heureusement pour elle, elle n'était pas totalement seule dans cette démarche : après tout, on a pas vraiment d'amie si on ne tombe pas enceinte en même temps qu'elle ! Et coup de chance, Moira n'en était pas à son coup d'essai. La brune ne cessait d'harceler son amie avec des questions concernant la suite des événements. Il faut dire qu'une grossesse, ça peut être merveilleux comme ça peut être douloureux. Preuve en est des vomissements matinaux qu'elle devait subir... Et dire qu'elle entamait le dernier trimestre... Et surtout, la fatigue, l'épuisement, l'inquiétude... Moira avait une certaine chance d'avoir le père de son enfant près d'elle. La présence de Darell était épisodique, rarement reposante et il était autant perdu qu'elle. Il avait toute les bonnes intentions de monde, mais peut-être n'avait-il pas encore réalisé lui non plus que dans quelques mois, ils auraient une vie de plus à prendre en compte, à chouchouter, à protéger coûte que coûte.

La voix de sa meilleure amie la tire de sa rêverie, faisant d'elle une baleine piégée sur sa couchette. Et une. Et deux. Aller, vas-y ma vieille, tu peux le faire. «Eh bien, quel charmant accueil. Si j’avais su, je serais restée dans ma cabine. » Gwen lève les yeux au ciel. « Je parlais pas pour toi, évidemment. » La question ne se posait même pas. S'il y avait bien une seule personne qui pouvait se permettre de débarquer à n'importe quelle heure, c'était bien Moira. On prend appui et... Hop, la voilà redressée ! Trop forte. Gwen observe son amie d'un air inquiet : la pilote n'a jamais eu de véritable sommeil. En tout cas, elle ne se souvenait pas d'une fois où Moira lui aurait dit avoir dormi sur ses deux oreilles. « Pense à dormir quand même un peu, c'est pas quand ta petite sera là que tu vas pouvoir te reposer. » Les merveilles de la maternité...

Un paquet trouve une place sur son ventre et elle jurerait avoir senti son fils y mettre un coup, comme pour donner son approbation. Ou pas. Peut-être qu'il a hérité du caractère de son père. La couverture était couleur caramel, et un petit sourire montait aux lèvres de la pilote alors qu'elle passait ses doigts sur le X-Wing brodé dessus. « Il est superbe. » Puis, elle prit un visage très sérieux en levant les yeux vers son amie. « Mais je lui mettrais pas, c'est quand même de toi qu'il vient. » Un rictus. « J'rigole. » Elle repliait la couverture pour la poser sur son ventre. « Diarmuid n'est pas revenu ? » Elle se mordit l'intérieur de la joue. « Pardon, le Général Uw. » Sait-on jamais. Gwen vint poser une main sur son ventre et le caressait, un peu machinalement. « Le marron, c'est bien. Enfin, c'est mieux pour un garçon. Je t'avais dis que c'était un garçon ? » On aurait pas pu faire meilleure annonce, pas vrai? Youpi !

Moira pouffe de rire en voyant son amie qui tente de se redresser. Cela lui rappelle sa première grossesse, quand au lieu d’écouter sa mère (qui pourtant sait de quoi elle parle après huit enfants) elle n’en faisait qu’à sa tête. La jeune femme dépose une main compatissante sur l’épaule de sa meilleure amie avec un sourire amusé sur les lèvres.

« On aurait quelques soucis pour se redresser mmmh ? Je suis désolée, c’est mal de rire de tes difficultés mais quand même… Si les rôles étaient inversés, je pense que tu rirais aussi. »

Doucement, Moira hausse des épaules lorsque Gwen lui parle de dormir un peu. Ce n’est pas que la pilote n’essaye pas ou n’en a pas envie, loin de là. C’est plutôt le sommeil qui ne veut jamais d’elle et ses cauchemars qui l’empêchent de se reposer plus de 3 à 4h par nuit.

« Bah, ne t’en fais pas pour ça. J’aurai le même rythme de sommeil qu’elle, au moins. Répond Moira en regardant son ventre rond. Puis… J’ai trop en tête pour réussir à dormir. C’est trop silencieux, normalement, il devrait y avoir Aloy qui essaye de faire le moins de bruit possible mais qui au final, est deux fois plus bruyante. Je déteste le silence. Et je m’en veux tellement d’être venue ici, j’aurais dû rester sur Fenves avec Aloy. Ne pas savoir ce qu’il se passe en dehors de ce foutu système me rend folle. »

Avec un long soupir, la petite brune se passe une main sur le visage. C’est aussi un tel fardeau, d’être parent. Moira a toujours ce sentiment qu’elle n’en fait pas assez ou que ses choix ne sont jamais les bons. N’aurait-elle dû pas ramener son aînée sur Yavin IV une fois remise ? Là où elle serait en sécurité, loin de la guerre, de l’angoisse. Oh elle a bien essayé d’en parler avec Aloy mais rien que d’évoquer un possible retour sur sa planète d’origine et la gamine avait éclaté en sanglots. Ni la mère ni la fille n’avaient l’envie d’être de nouveau séparées pour une durée indéterminé.
Gwen a la brillante idée de changer de sujet, parlant de la couverture cousue par Moira et qui semble lui plaire. Pfiou. Elle n’y croit même pas une seule seconde à sa plaisanterie, elle se contente juste de rouler des yeux. De toute façon, comme elle le lui a déjà dit, Moira irait jusqu’à renier sa meilleure amie si elle n’appréciait pas le merveilleux cadeau qu’elle lui offre. Oui, merveilleux, aucune exagération.

« Tu sais que tu peux l’appeler Diarmuid. Général Uw c’est… étrange de l’appeler comme ça dans la sphère privée. Quand je le fais c’est soit pour le taquiner ou…. Non tu n’as pas envie de savoir. Breef. Oui, bref Moira, bref. Il est reparti, plutôt. Nous avons quitté le rassemblement ensemble, il est resté un peu avec moi puis le devoir l’a appelé. Comme toujours et c’est normal. Tu as des nouvelles de Darell  »

Un bras se glisse sur les épaules de sa meilleure amie, un bras compatissant et un brin taquin aussi. La jeune femme aurait-elle des problèmes de mémoire ? Cela en a tout l’air ! Car Moira se rappelle parfaitement d’un échange de messages l’une annonçant qu’elle allait avoir une fille et l’autre un garçon. Pour la défense de Rogue 9, les jeunes femmes s’échangent de très nombreux messages au quotidien et il est facile d’oublier de ce qu’elles ont pu évoquer dans ces nombreux échanges.

« Gwen, je pense qu’il va falloir se poser des questions sur ta mémoire. Bien sûr que tu me l’as dit ! Réplique Moira en roulant des yeux avec un petit rire. Je suis presque jalouse, même. Je dis bien presque. Moi qui pensais que je n’aurais que des garçons, je me retrouve qu’avec des filles. Peut-être que le prochain sera un garçon, qui sait. »

Moira regarde son amie, prend un air très sérieux.

« Je plaisante. Il n’y aura pas de prochain ou je l’échange contre un vaisseau. A voir. Mmmmh. »

Elle rit tout en étant extrêmement sérieuse sur l’éventualité d’un troisième enfant: c’est mort. Deux enfants, c’est largement suffisant. Les conditions auraient été différentes, sa famille n’aurait pas eu à vivre sur une base de la Résistance mais sur une planète tranquille et loin des conflits alors peut-être… Après tout, elle a toujours aimé grandir avec ses sept frères et soeurs, elle aurait trouvé la vie bien monotone sans eux. Mais déjà qu’à trois dans une cabine l’espace est un peu limité alors à quatre. Moira tapote son ventre à l’endroit où la jeune Uw s’acharne, cette enfant a déjà beaucoup trop de caractère.

« Vous avez réfléchi à un prénom ? Ou vous en avez déjà un ? Il faudra me le dire, que je l’ajoute sur la couverture. Nous ça fait quelques semaines qu’on en a un, avec l’approbation de la grande soeur. Seulement il me faudrait aussi la bénédiction de sa marraine, tu vois ? »

Moira prend les mains de sa meilleure amie, affiche un air solennel sur son visage même si les coins de ses lèvres tressautent à cause de son envie de sourire.

« Gwen, je te présente donc ta filleule et future belle-fille, Dea. Annonce-t-elle tout en posant les mains de la brune contre son ventre où le bébé continue de frapper comme une forcenée. Dea qui est en pleine forme et qui a décidé de prendre mon utérus pour une salle d’entraînement. »

Faites des gosses, qu’ils disaient !