Des sanglots la secouent violemment alors qu’elle est enfin face à face avec Moira, après ces longs mois à travers un holo où il était plus facile d’esquiver des questions sur l’état de sa relation. De toute façon, ce n’était pas le genre de discussions que les deux jeunes femmes entretenaient. Là, c’était différent : on parle d’un changement de vie totale…

Gwen renifle, visiblement abattue et le mascara qui coule sur ses joues ne fait qu’accentuer l’effet dramatique. « M-merci d’avoir ouvert la porte… » Enfin, c’est pas comme si Moira allait la laisser traîner devant chez elle. « Y’a toutes mes affaires… Faut que je trouve un appart… Que j’appelle Poe…  » Se blottissant dans l’étreinte réconfortante de son amie, elle acquiesce : « O-Oliver est avec snif avec snif avec IDA, j’ai pas pu, pu lui expliquer, parce que…  » Elle s’embrouille dans ses explications, parce qu’il y a tant à dire pour une seule finalité. Elle hoche la tête vigoureusement : « J’peux pas aller le chercher dans cet état…  » Le bambin sera ravi de rejoindre son amoureuse et de faire des pyjamas party avec elle tandis que sa mère et sa marraine discutent. Seulement, c’est au dessus des forces de Gwen que d’aller le récupérer la tête haute, pas après toutes ces semaines à faire semblant que tout va bien.

Croisant le regard de Moira, elle secoue la tête, le visage baigné de larmes. « C’est fini, j’crois. Enfin, je suis sûre même. J’ai emmené le petit avec moi, je savais pas quoi faire… » Un peu lâche de fuir Yavin sans explications ni indications d’où se trouvait Oliver mais si le père voulait des nouvelles, il savait très bien à qui s’adresser et où chercher le cas échéant. « Whisky. C’est bien.  » C’est d’ailleurs la seule solution, sur le moment. « Je sais pas si t’as qu’une bouteille ? Si oui, ça sera pas assez.  » Parce qu’il faut déballer cinq ans de longue déchéance amoureuse, avec une apothéose toute nouvelle qui se conclut avec une rupture en bonne et due forme. Le coup classique, en somme… Si ce n’est qu’un y a un petit garçon dans l’équation. « Tu sais quoi, j’ai toujours dis que j’aurais jamais du m’enticher d’un mercenaire ! Mon frère me l’a dit dès le début ! Le mec a déserté la Résistance pour son profit personnel et moi… Moi..  » Oh voilà que ça repart. « Moi, j’ai fais un bébé avec !  » Ah décidément on remet bien sa vie en question avec un peu de recul. « Je regrette pas d’avoir eu Oliver, c’est pas c’que je dis… Je l’aime ce gosse, vraiment…  » C’est difficile de faire la part des choses et d’accepter tout et son contraire.

Bien sûr, Gwen aurait pu s’attendre à ce que Moira allait lui dire : bien sûr qu’elle pouvait rester, bien sûr qu’Oliver et Dea ne rechigneraient pas à partager leur chambre, ça serait d’ailleurs la meilleure chose qui puisse leur arriver dans les rêves d’enfants. Gwen est reconnaissante envers l’attention de Moira, envers sa proposition qui lui permettait d’avoir un pied à terre et la campagne de Naboo était loin d’être le pire endroit pour le faire. Mais c’est un sentiment d’échec qui écrase le coeur de la pilote, celui d’avoir essayé de construire la vie de famille dont elle avait toujours rêvé pour au final n’être qu’une succession d’erreurs et d’éternels recommencements. “J’veux pas… J’veux pas empiéter sur ton intimité…J’sais que c’est super animé, la campagne… J’suis sûre que t’as tous les fermiers du coin qui viennent faire la fête tous les soirs… ” Elle essaie de plaisanter, mais entre ça et la morve qu’elle doit renifler toutes les deux secondes, ça ne ressemble pas à grand chose.

Maintenant qu’elle se trouve dans la maison de Moira, avec sa meilleure amie qui prend soin d’elle, tout semble tout de suite bien plus réel. La rupture, la réalité. Devoir élever Oliver seule. Enfin, pas vraiment seule, elle sait qu’Oliver aura toujours une famille auprès des Sayall, mais plutôt sans le père de son enfant. Haussant les épaules, Gwen se morfond davantage : “J’étais déjà aveugle au sens figuratif, je peux l’être au sens littéral… Pourquoi tu m’as rien dis quand j’ai décidé de me mettre avec celui-là ? ” Eh, si on peut pas avoir des amis pour qu’ils disent que tu fais une grosse erreur en faisant un gosse avec un inconnu, on peut faire confiance à personne !

Non… C’est pas la faute de Moira. C’est la faute de personne à part celle de Gwen qui s’est jetée corps et âme. Moira a raison. Gwen et son ex avaient tout fait trop vite, de peur que la guerre ne leur prenne tout. Ils avaient conçu Oliver par accident, mais ils avaient décidé de le garder dans un espoir égoïste qu’il pourrait voir le monde s’ils gagnent la guerre. Et s’ils ne l’avaient pas gagné ? Si l’un d’entre eux était mort au combat ? Les parents avaient subi ce même traumatisme et ils l’auraient infligé à Oliver.

Égoïstes.

“Oliver…Je sais même pas si je mérite un gosse aussi affectueux. T’avais raison depuis le début, vivre enfermé à élever des enfants, c’est pas une vie. J’adore ta famille mais bon sang, ils font plus de bruit qu’un crash de X-Wing. ” Vivre à mille à l’heure puis vivre normalement. Gwen a toujours aspiré à avoir une famille. Elle a toujours voulu ça et maintenant qu’elle se retrouve seule, elle le rejette de toute ses forces. Mais Oliver ? Elle ne pourrait jamais s’en séparer. “IDA doit déjà être en train de l’aider à faire un vaisseau télécommandé… Je sais pas comment ce gosse arrive à être aussi intelligent à son âge… ” Peut-être parce que son père est un génie. “C’est clairement pas à cause de son père. ” Bien sûr que si.

Sans attendre, Gwen se saisit du verre et sans faire attention, ne prend même pas le temps de le déguster pour l’avaler d’une traite. Elle se sent immédiatement un peu plus légère, la même sensation que lorsqu’elle dépasse les protocoles de vol trop vite.”Je sais pas si je devrais être admirée pour m’être fait violence pendant cinq ans. Par contre, c’est clair que tu vas le chouchouter, c’est comme si c’était ton fils. ” Gwen se ressert un verre, ses larmes commençant à peine à sécher. “J’peux dormir avec toi ce soir ? ” Dormir seule était devenu une angoisse certaine mais peut-être que Moira réussirait à chasser la tristesse, la culpabilité, l’angoisse et le regret, l’espace d’une nuit.