Ramper sur un tronc. Au-dessus de l’eau. Moira est incapable de faire le moindre geste alors que ses yeux s’affolent, passant de l’arbre à la rivière tumultueuse qui s’écoule en-dessous. Elle peut sentir son corps trembler légèrement, jamais elle n’aurait pensé se retrouver face à une telle situation et il faut avouer que sa stupide peur la handicape énormément. Les handicape. Car elle n’est pas la seule à ralentir, elle ralentit Diarmuid qui a besoin de soins médicaux. Putain, faut qu’elle se bouge, qu’elle donne un grand coup de pied dans cette crainte d’enfant pour être une adulte là. Moira prend une immense inspiration avant de s’approcher de l’arbre, de monter délicatement dessus et d’obéir à l’ordre donné. Son regard est rivé vers l’horizon, elle sait que si elle jette un coup d’oeil sous elle, elle sera stoppée net, la panique la prendra. Avancer, aussi vite que la petite brune le peut, faire abstraction de l’environnement hostile pour ne se focaliser que sur une seule et unique chose : leur fuite. Car ils sont si près du lieu d’extraction, d’être en sécurité dans le vaisseau qui les ramènera sur la base. La berge est toute proche, Moira y pose enfin les pieds et jamais elle n’a été aussi heureuse que de se retrouver sur la terre ferme. Elle se retourne, regarde son coéquipier au visage extrêmement pâle. Il faut vraiment qu’ils se dépêchent. des voix résonnent, on les attend. La brune accélère le pas, jusqu’à ce qu’elle se rende compte que derrière-elle, Diarmuid n’avance pas avec autant de vivacité alors elle revient un peu en arrière, attrape sa main pour le tirer derrière elle. Sauf qu’il s’effondre. Et ça fait un choc. Lui, si grand, si fort, qui semble incapable à venir à bout, il tombe sur le sol de la forêt. Des tirs de blaster résonnent. Les troopers les ont retrouvé. Le sang de Moira ne fait qu’un tour, elle a juste à peine à se baisser pour poser ses mains sur les joues de son coéquipier, pour essayer de capter son regard.

« Eh eh, on y est presque, tu peux le faire. Je vais t’aider mais tiens le coup. »

Les hommes venus à leur secours répliquent face aux assaillants, tant mieux parce que Moira maintient Diarmuid debout comme elle le peut, le fait avancer. Tout ses muscles sont mobilisés, toute son attention est tournée sur son compagnon d’infortune. Encore quelques mètres. Une fulgurante douleur lui brûle soudainement le flanc droit, elle s’effondre sous le coup de la douleur, de la surprise, emportant Diarmuid avec elle. Ils mordent la poussière, encore une fois. La douleur prive Moira d'un esprit clair pendant quelques instants, laissant assez de temps au trooper pour s’approcher d’eux, l’arme à la main. La brune roule sur le dos après s’être saisie de son arbalète laser pour tirer sur le soldat qui s’effondre. Elle retourne près de Diar.

« J’suis désolée, on y va. »

Les membres de la petite brune commencent à se tétaniser, il doit peser au moins le double du poids de la jeune femme et elle l’a déjà porté à bout de bras si longtemps. Il y a un soldat, près du vaisseau, tout indique qu’il n’est qu’un simple soldat sans grade et le rang de Major de Moira lui permet de lui donner des ordres.

« Eh toi là ! Aide-moi, exécution. » Hurle-t-elle à l’homme qui se met enfin à bouger vers eux.

Le poids que pesait Diarmuid lui échappe, le soldat peut s’en charger tout seul. En quelques secondes ils entrent dans le vaisseau, suivi par les autres membres de l’équipe de secours. Elle les laisse gérer son coéquipier qui est emporté pour voir le droïde médical présent dans le véhicule et Moira se laisse tomber à genou pour reprendre son souffle. Ils décollent. Ils quittent cette putain de planète. La poitrine de la pilote se soulève dans d’amples mouvements, la douleur est toujours présente mais elle s’en contrefiche. Elle jette d’ailleurs un coup d’oeil à la blessure infligée par le tir de blaster, à quelques millimètres, elle était peut-être fichue. La plaie n’est pas très belle, le fait que la jeune femme ne porte qu’une brassière recouvrant sa poitrine n’a pas aidé, sa peau n’était pas protégée. Elle a vu pire. L’état de Diarmuid est, de toute façon, bien plus préoccupant et il n’y a qu’un seul droïde médical à bord, elle peut attendre.


On s’est occupé d’elle, la plaie à son flanc a été recouverte d’une bande de bacta. Ses coupures ont été nettoyées et désinfectées, la petite plaie au front est recousue. Deux côtes de légèrement fissurées, rien qu’on ne puisse faire à part attendre. Elle a retrouvé un visage humain, plus de terre ni de sang, elle se sent presque revivre ! On lui a prêté une veste deux fois trop grande pour elle et elle a l’impression d’être une gamine portant le vêtement de son père. Ils sont en route, il leur faudra quelques heures pour rejoindre Fenves. La porte de la toute petite cabine qui sert d’infirmerie improvisée se referme dans son dos. Elle n’a pas revu son compagnon depuis qu’ils sont montés sur le vaisseau, quelques heures plus tôt.

« Eh bien, Général, commence-t-elle sur un air un peu taquin, apparemment vous n’êtes pas encore bon pour la casse. »

Moira rit doucement, récupère le tabouret qui traîne dans un coin de la pièce pour le tirer près de la couchette et s’asseoir dessus.

« Si tout va bien, nous devrions être rentrés d’ici deux heures. Ses doigts effleurent doucement sa joue. Ne me refais plus jamais une frayeur pareille, j’ai cru que mon coeur n’allait pas le supporter. »

Il y a plus de sérieux que de taquinerie dans ses mots. C’est vrai qu’elle a eu peur, peur qu’il lui claque entre les bras alors qu’ils étaient si près de s’échapper. Peur de le perdre, de le voir mourir sous ses yeux. Dieu qu’elle aurait détesté ça.

Est-ce vrai ? Leurs coeurs sont-ils vraiment faits pour supporter toute cette douleur ? Jusqu’à quel point ? Moira est certaine que l’on peut mourir d’un coeur brisé, ou qu’à force de le malmener, ce dernier finira par se désintégrer. La brune baisse la tête, hoche vaguement des épaules avec un petit sourire triste. Le silence ne s’installe pas, la porte de la cabine s’ouvre pour laisser entrer les deux droïdes et BB-12 se précipite devant sa maitresse. Il serait un chat, sûrement viendrait-il se frotter contre les jambes de cette dernière qui lui tapote sa petite tête ronde. Il est soulagé de revoir sa propriétaire, un peu inquiet de la voir avec des plaies et des bleus mais tant qu’elle est vivante ! Le petit droïde blanc et violet se plaint de Deckard, qu’il trouve beaucoup trop strict et pas très drôle. Un peu comme le « Général Grincheux ». Moira donne une petite tape au robot, lui fait des gros yeux avant de sourire, amusée.

« La prochaine fois, je te laisserai sur la base. »

BB-12 s’offusque, comment ça, elle va le laisser sur la base ? Jamais ! Il n’est pas un droïde fait pour rester à l’arrière, il est là pour l’action, la bataille et aider sa maîtresse ! BB roule de la tête d’un air exaspéré alors que Deckard fait une réflexion qui ne lui plaît pas. Ah ! Balancez-le à la casse, bip-t-il, il est beaucoup trop dépressif. La brune se retient de se passer la main sur le visage mais préfère ne pas réagir, cela ne sert à rien de le réprimander, il n’en aura que faire et recommencera dès qu’il en aura l’occasion. Moira ne dit rien face à la réplique fataliste du droïde de Diarmuid, cela la fait à peine sourire. La brune préfère reporter son attention sur son coéquipier, rit doucement à sa phrase avant d’acquiescer.

« Tu leur en as fait voir de toutes les couleurs. Il n’y a que pour toi pour faire ça, hein. Répond-t-elle avec un petit sourire. Malheureusement, je n’ai pas pu assister à ça, pourtant j’aurais bien voulu ! »

Elle l’a entendu, de loin, alors qu’elle était occupée à reprendre son souffle ainsi que de nettoyer ses plaies toute seule. On lui a rapporté la situation, elle a esquissé un petit sourire, peu étonnée de l’attitude de son ami car effectivement, il n’y a vraiment que lui pour se comporter de la sorte tout en étant ainsi blessé. Ses yeux se portent sur le pansement au flanc du brun, elle se mordille un peu les lèvres.

« Désolée pour ça, mais tu sais que tu pèses atrocement lourd ? Au moins… »

Moira porte ses mains à la fermeture du blouson trop grand pour elle avant de faire doucement glisser le zip vers le bas. Elle retire le vêtement, exposant ses côtes constellées de bleus sombres plus ou moins étendus ainsi qu’un pansement au flanc, le côté opposé de celui de Diarmuid mais à la même hauteur. Sa brassière déchirée à de nombreux endroits continue de tenir, par on ne sait quel miracle.

« On pourra se vanter d’avoir la même blessure de guerre. C’est pas donné à tout le monde. »

Un petit rire lui échappe, la pilote remet la veste à toute vitesse car il ne fait jamais chaud dans les vaisseaux et elle se sent déjà grelotter. Ou est-ce parce qu’elle est toujours pieds nus ? Si porte un blouson trop grand n’est pas désagréable, pour ce qui est des chaussures, c’est autre chose. Moira avise une couverture pliée, l’attrape puis la déplie dans l’intention de venir la déposer sur Diarmuid et ainsi le border délicatement.

« Repose-toi, tu en as besoin. Dit la pilote d’une voix douce. Je ne suis pas loin, si jamais.. »

Elle ne sera jamais loin, se retient-elle de dire. Moira se penche sur le brun, vient embrasser tendrement sa tempe droite, caresse délicatement sa joue puis s’éloigne avec son droïde sur les talons. Elle aussi, est épuisée, ses yeux ont du mal à rester ouverts. Pourtant, au lieu de dormir, elle préfère sortir son petit carnet pour griffonner dessus. Son corps est endolori, couvert de nouvelles plaies, sa tête lourde mais ça n’a pas trop d’importance. Aujourd’hui encore, elle s’en est tirée.