L’alcool. Tous les jours, après une cuite, il se disait qu’il arrêterait le lendemain, une fois remis et une fois qu’il aurait bu son dernier verre. Malheureusement, toutes personnes saines d’esprits savaient qu’après le dernier verre, il y avait la dernière bouteille, puis la dernière coupette. Non, il n’arrêtait jamais, il en était incapable. Tant qu’il n’aurait pas atteint ses objectifs, c’était mission impossible et encore, il ne se sentait pas, il n’avait pas la force mentale pour jeter tout ce qu’il avait acheté. Enfin acheté. Le Jedi était tombé bien bas et encore une fois, il n’avait pas payé pour les consommations au bar. Quelques pirouettes de Jedi et le voilà libre comme l’air et avec des dettes dans le dis quand ils se rendent compte de la supercherie. Le problème aurait pu être oublié par tous, mais les taverniers possèdent une sorte de réseau et se mettent en chasse pour retrouver le bonhomme afin qu’il règle ses dettes avec une belle note salée pour les intérêts. Autant dire qu’il ne vaut mieux pas qu’il se face chopper par cette confrérie du bras levé. Hayden ne resta pas bien longtemps sur les fréquentations de la jeune femme qui, parla rapidement et concrètement de son frère recherché et retrouvé. Ça n’augurait rien de bon et il préféra ne pas partir sur une discussion trop sérieuse comme celle-ci.

S’installant par terre, le Jedi se remettait de ses émotions, cherchant à guérir via la Force ses blessures, mais également son surplus d’alcool, mais ça un peu moins… Ça lui faisait du bien. Il oubliait ses blessures internes comme externes. Lorsque la chanteuse revint de sa chambre, il commença à la questionner, gentiment bien entendu, il n’allait pas lui faire passer un interrogatoire. Juste savoir si elle était du coin, des questions bon enfant pour discuter. Elle était apparemment d’Anaxes et elle bougeait dans la galaxie depuis plus de dix ans pour chanter. « Ah oui quand même. Ça commence à le faire ! » Au moins, elle voyait du paysage à faire tous ces voyages, ça forgeait une personne et puis elle pouvait toucher bien plus de personnes même si elle n’était qu’une simple chanteuse de bar. Pour le moment tout du moins, il l’espérait.  Elle lui retourna la question. « Oh, je suis né ici, mais j’ai rapidement bougé dans mes jeunes années. Je ne me sens pas si proche que ça de cette planète, je ne viens ici que pour le boulot habituellement. » Yavin IV fut une plus belle maison pour lui tout comme le Spirit, ce si beau vaisseau. Sa famille n’était plus, ni celle d’ici, ni celle de Yavin IV ou tout du moins partiellement. Sa fille était vivante, il le savait, mais où ? Il n’en avait aucunes idées. Il avait beau chercher, il n’arrivait pas à la trouver.

La demoiselle ouvrit une armoire avec pas mal d’alcool, lui demandant ce qu’il préférerait. Pas la peine de vous faire un dessin. Hayden se redresse d’un coup, d’un seul. Parler alcool en ce moment, ça le motive. Il s’approche, comme de nouveau frais. « Fort, toujours fort. » Il regarde dans l’armoire et trouve une bouteille de whisky corellien de bonne facture et sifflote son plaisir. Prenant les devants, il sert dans deux verres le divin alcool et dans sa précipitation, fait tomber l’holo image de sa fille par terre, mais ne s’en rend pas compte avant d’aller s’installer sur le canapé. « Vous avez souvent des… clients aussi désagréables ? » Parce que franchement, ça ne devait pas être agréable. « Parce que si on est tous les deux dans le coin, je peux venir faire le ménage quoi. Comme tout à l’heure, avec plus de délicatesse pour éviter la branlée derrière. » Bien installé, il boit une longue gorgée d’alcool pour lui redonner du courage.

Dix ans. Dix longues années. Ca en faisait du chemin. Ses voyages l'avaient forgée plus que tout autre chose. Ses rencontres, ses découvertes, ses amitiés. Elle avait parcouru la galaxie en long et en large, et en avait retenu en belles leçons. Pourtant, à présent, elle fatiguait. Plus les semaines, les mois, les années passaient, plus les gens, les paysages, les moments se ressemblaient. Elle qui avait tant rêvé d'aventure était maintenant embourbée dans une sorte de routine paradoxale. Elle pourrait s'arrêter, bien sûr, se poser quelque part et mener une vie qui ne lui ressemblait pas tant que ça mais ... où ? Sur Anaxes ? C'était certes sa terre natale, mais plus rien ni personne ne l'y attendait là-bas. Quant aux gens qu'elle avait un jour aimé ... soit ils étaient morts, soit elles n'avaient plus aucune nouvelles d'eux, à quelques exceptions près. Au fil du temps, elle avait même développé une angoisse à l'idée de s'attacher. Elle ne voulait plus souffrir, elle était lasse de cette peine que l'on ressent lorsque l'on perd quelqu'un. Alors elle continuait de voyager, sans but véritable, comme si elle attendait quelque chose, une sorte d'illumination qui lui ferait prendre conscience qu'elle pouvait avoir de nouveaux buts dans la vie. Pour être sincère, elle n'y croyait plus trop, mais ne pouvait s'empêcher de continuer malgré tout.

Hayden n'était là que pour le boulot. Voilà qui leur faisait un point commun, en plus de ne pas être attaché à leur planète d'origine. Et de s'attirer des ennuis facilement. Ouais, elle commençait à l'apprécier. Puis, il avait joué franc-jeu avec elle, même si en soi il n'avait pas non plus eu trop le choix. Elle se saisit néanmoins lorsque le jedi se redressa d'un coup pour s'intéresser de plus près à l'alcool. N'était-il pas en piteux état il y avait de cela cinq petites minutes ? Qu'avait-elle raté ? Les jedis possédaient-ils de fabuleux talents pour se soigner ? Ou bien était-ce l'appel de l'alcool ? Les années l'avaient peut-être rendue cynique, mais vu la situation, Ti'ilandra n'aurait pas été étonnée s'il s'agissait de la dernière hypothèse. Elle retient de justesse un soupir ; au fond, elle n'en savait rien, et n'était pas du genre à juger les autres. Même si elle n'approuvait pas spécialement l'abus d'alcool. Au moins, il se charge de servir les verres, ce qu'Andra laisse faire dans un haussement d'épaule. Au fond, un verre lui ferait le plus grand bien, ne serait-ce que pour oublier la désagréable image d'une main détaché de son bras.

Elle allait se redresser pour rejoindre le jedi lorsqu'elle remarque une holo-image tomber au sol. Celle d'une très belle jeune fille, aux traits presque enfantins. Son regard se perdit un instant, son esprit tentant de comprendre de qui il s'agissait, avant de réaliser l'impolitesse de son acte, et de rejoindre Hayden. "Très souvent oui" admit-elle tandis que le jedi lui parlait de ses clients "mais on s'habitue vous savez... et si vous deviez supprimer tous les imbéciles de la galaxie, vous risqueriez d'y passer une vie entière" souffla-t-elle dans un léger sourire avant de lui tendre l'image "vous venez de laisser tomber ceci" la curiosité prenant le dessus, elle ne put s'empêcher de rajouter "de qui s'agit-il ?" sauf qu'il s'agissait peut-être d'une personne dont il n'avait pas envie de parler. D'un souvenir qu'il gardait précieusement, tout comme elle ne quittait jamais le collier que lui avait offert son frère. Aussi bafouilla-t-elle en rougissant et en s'installant dans le divan "enfin, si ce n'est pas indiscret". Bien sûr que ça l'était, mais Ti'ilandra avait cette foutue tendance à réfléchir après avoir agit. C'était dangereux dans bien des situations, délicat dans d'autres. Hélas, il était trop tard que pour se rattraper à présent.  

Lorsqu’il s’agissait d’alcool, Hayden avait la fâcheuse tendance à reprendre du poil de la bête et de se redresser qu’importe la situation. C’était plus un désir, un besoin, une dépendance qu’autre chose. Son corps tout entier réclamait sa dose, même s’il en avait une dizaine dans les veines, il lui en fallait plus, bien plus, beaucoup plus, toujours plus. Cet état de dépravation, de déperdition lui faisait un bien fou, l’empêchant de se tourner vers de nouvelles désillusions. Le Jedi n’avait plus vraiment de but, hormis s’occuper du Premier Ordre lorsqu’il en croisait et vider son chagrin de ses bouteilles bon marché. Retrouver sa fille ? Il y croyait encore, il ne pouvait qu’y croire. Sa connexion avec sa fille avait beau être inexistante à travers la Force, elle n’en restait pas moins… existante, elle n’était pas rompue comme lorsque sa femme était morte de la lame d’un ennemi. Elle devait être quelque part, dans la Galaxie, mais impossible de la retrouver. Il noyait donc son incompétence, son chagrin et son manque de force dans la bouteille et pour le moment, ça lui réussissait vu qu’il était toujours là, toujours debout. En bonne compagnie pour le moment et avec un verre dans les mains, encore et toujours. Il avait beau être sur son monde natal, il n’y était pas plus attaché qu’à un autre monde, Yavin IV était la seule planète qui avait abrité son foyer, sa maison, sa seule et véritable famille.

Il ne pouvait parler des vieux croulants du SPIRIT, ils avaient beau être ses pères adoptifs en un sens, ils n’en restaient pas moins des personnes qui lui était cher à son cœur. S’installant avec son verre sur le canapé de la jeune femme, elle lui affirma que des clients comme les Aqualish, il y en avait à la pelle et ce serait un travail de titan que de tous les faire taire ! Il voulait bien le croire, il y avait tant de personnes du même acabit dans la galaxie que son sabre laser n’aurait plus d’énergie avant d’abattre la moitié. « C’est donc le triste sort d’une chanteuse que d’avoir un tel public à ses débuts. »  Il était pensif à ce sujet, mais rapidement son regard se perdit dans l’holophoto qu’elle lui tendit, lui disant qu’il l’avait faite tombée. C’était celle de sa fille, sa douce et belle fille et la jeune femme tout en s’installant à ses côtés lui demandant de qui il s’agissait. Le père récupéra tendrement son effet, cette photo qu’il avait fait d’elle des années plus tôt, son seul souvenir physique avec une autre photo de lui, elle et sa femme. Rien de plus, hormis le sabre de sa femme et ses souvenirs. Tout avait disparu en même temps que Yavin IV et il n’osait y retourner, de peur de sombrer un peu plus dans ses désirs bien trop éloignés des principes Jedi qu’on lui avait inculqué en ces lieux. Bien qu’installé sur le divan, le Jedi se redressa et s’approcha de la fenêtre, terminant son verre d’une traite. « Lexi. »  Le simple prénom de sa petite fille lui déchirait le cœur. « Ma fille. »  Le verre vide, il était bien amer le vieux père qu’il était.

On pouvait bien voir que ça le touchait plus que de mesure, son timbre de voix était bien plus sombre et triste et malheureusement, il ne pouvait pas… s’empêcher de broyer du noir. Il caressa l’holophoto du bout des doigts et la remit à sa place dans sa poche, auprès de celle de sa famille et alla chercher la bouteille d’alcool pour s’en resservir. Il avait besoin d’une bonne dose de courage, il n’avait pas envie d’en parler de son malheur, mais en un sens, il avait besoin d’en parler. A quelqu’un, à quelqu’un qui ne le connaissait pas, à quelqu’un qu’il ne connaissait pas. Cette personne pouvait être cette jeune chanteuse, peut-être pourrait-il l’inspirer pour des chansons tristes, il n’en savait rien, mais il se sentait assez… à l’aise avec elle pour déverrouiller sa langue et son histoire. « Disparue depuis l’attaque de Yavin IV. »  Il but une gorgée. « Elle n’est pas morte, mais elle est pourtant introuvable. »  Il posa sa main sur son cœur et ses doigts se refermèrent lourdement sur son t-shirt. « J’ai sentis bien des miens mourir. Mes frères, mes sœurs… ma…femme, mais pas elle. »  Il ferma les yeux. « Mais je n’arrive pas à la… sentir à travers la force. »  Ça ne devait pas lui parler et il se laissa choir sur un fauteuil en face de la demoiselle. « Enfin, vous ne devez pas comprendre ce que je dis… Je ne peux vous en vouloir. »  Il termina son second verre avec une grimace et se resservit de nouveau.

Déposant la bouteille sur la table, il se sentait couler.