« Retire-toi, mais attends-toi à une convocation imminente, ta fille a parlé peut-être mais toi tu n'as pas obéit. Un ordre simple pourtant, une manière rapide de prouver ta loyauté. » Tes yeux se plissent, mais tu ne dis rien. Pour cette fois tu te tais. Des fois, il n'y a rien à dire et Gal'aad n'était pas le genre de personnes que tu te risquerais à essayer d'embrouiller ou de manipuler avec de longs discours ou de fausses paroles. Tu voulais juste t'éloigner le plus loin possible, inutile de rajouter des mots sur ton ardoise. Certains en profiteraient largement et tu sentais les regards des officiers qui marchaient dans le couloir, autour de vous, autour de toi, sur ta nuque. Tu serrais la main de ta fille à nouveau, comme tu l'avais fait il y a quelques minutes.

Les Chevaliers de Ren. C'était une sorte de légende qui n'avait pas sa place dans ton monde. Des hommes et des femmes coupées de la sûreté de la connaissance humaine. Tu ne pouvais pas les mesurer, tu ne pouvais pas les comprendre. Ils n'obéissaient pas aux lois logiques de l'univers, celles que tu avais apprises dans les holos d'éducations et dans la loi de la rue. Ils vivaient dans une sorte de monde sectaire, coupant les lois de la physique avec leur sabre laser et leurs pouvoirs immenses. Ils étaient à tes yeux des légendes qui auraient dû rester sur un autre plan d'existence.

Tu ne bougeais pas lorsque la main de Gal'aad s'approcha de ta fille, tous tes réflexes muselés par un encore plus grand : celui de l'instinct de survie. Pourtant, celui paternel hurlait de réagir, de faire quelque chose, d'éloigner cette machine à tuer de ta fille. Mieg se laissa faire, à peine un clignement d'yeux et une inspiration, mais elle ne recula pas.

Tu te demandais réellement d'où elle tenait ce courage.

Elle avait été plus élevée par Aks que toi. Par Seev, aussi. Elle héritait d'eux, bougeait comme eux, pensait comme eux. Est-ce qu'elle arriverait à se fondre dans le moule du Premier Ordre ? Elle savait s'adapter, tu n'en doutais pas, mais les libertés n'existeraient plus. Elle devrait obéir, mais pas à des gens en qui elle avait forgé un lien de confiance, car obéir elle le faisait déjà. Elle devrait se tenir droite, suivre une ligne de conduite qui serait toute tracée pour elle et qui avait su plaire à Pirrino et sur laquelle toi, tu semblais toujours tanguer et osciller.

« Reste comme tu es, Mieg. Il semble finalement que tu sois bel et bien digne que je me souvienne de ton nom. Et n'oublie pas que si je fais peur et suis sauvage, c'est pour que tu puisses dormir sur tes deux oreilles le soir. Je vous protège de ceux voulant vous tuer sans vous connaître, ceux que ton père combat lui aussi …  » Tu clignes des yeux, vaguement surpris, vaguement heureux. Tu apprécies ce discours, tu apprécies également que Gal'aad se donne la peine de mentionner que toi aussi, à ta façon, tu la défends. Cela implique d'autres choses et tu sais qu'elle le comprend, qu'elle le sait aussi. Elle acquiesce vivement, les sourcils froncés. La tension sur sa main se relâche et elle te lance un regard en coin, curieux et inquisiteur avant d'observer à nouveau Gal'aad, de le dévisager et de le décortiquer sans scrupules. Tu sens sa curiosité. « Je protégerais aussi. J'apprendrais de vous. »

Tu ne sais pas si tu veux qu'elle devienne comme lui. C'est un but trop lointain, trop différent et est-ce qu'elle sera capable de comprendre le fossé qui les séparait ou en fera t-elle une force ? « Excellence. » Tu inclines à nouveau rapidement le buste et elle t'imite maladroitement, observant tes moindres faits et gestes. Tu recules de deux pas avant de faire demi-tour. Elle t'imite aussi et, de la main que tu ne tiens pas, elle fait un signe de main vers Gal'aad en s'éloignant, ne le quittant des yeux que lorsque vous dépassez le couloir.