La réception battait son plein tandis qu'aux cuisines chacun s'occupait des amuses-gueules qui devaient garnir de façon quasi continue les buffets. Le ballet avait enfin pris son rythme et rien ne semblait pouvoir venir le troubler. Le chef d'orchestre pouvait donc sans peine se retirer du tumulte de cette journée qui s'annonçait encore bien longue. Fauve avait pris son set de couteaux avec elle pour se retrouver dans une pièce annexe éloigné de l'activité des cuisines et de la grande salle. Là, elle s'était assise à une table et l'avait déplier pour voir la totalité des lames qui lui appartenaient. L'esprit tranquille, elle attrapa un bol dans lequel elle mit un peu d'eau avant d'y mettre une pierre à affûter. D'une main elle saisit le premier couteau, testant son tranchant en passant son pouce dessus. Suite à quoi, elle pris la pierre et commença à y passer la lame, exécutant un mouvement souple du poignet pour respecter le fil de l'acier. Là s'élevait un bruit familier à son oreille, inquiétant pour ceux qui n'en avaient pas l'habitude, mais pour elle s'était un souvenir de son père lorsqu'il s'occupait de les affûter. Le rythme était lent pour un mouvement gracieux et léger. Mais le bruit continuait de résonner avec inquiétude, comme si quelqu'un se préparait pour commettre un meurtre.

Quel chose vint troubler cette mélodie froide. Des bruits de pas un peu plus lourd, un peu plus abrupte qui tapaient contre le sol de cette partie du bâtiment. Fauve leva le regard de son couteau, pour écouter. Ces pas semblaient chercher quelque chose sans trop savoir quoi. Dans un mouvement souple et silencieux, la femme quitta sa chaise, gardant la lame en main et laissant la pierre à affûter dans le bol. Un pied après l'autre, cherchant à se faire la plus discrète possible, elle approcha de la porte laissée ouverte. Elle y glissa un œil et vit un homme qui lui tournait le dos. Il semblait porter un habit correct et devait faire parti des convives, mais il n'avait clairement rien à faire du côté des cuisine. Malheureusement il s'éloigna et elle le perdit de vu. Intrigué, Fauve quitta la pièce pour le suivre, sans même se dire que ce qu'elle était entrain de faire n'était pas logique. La curiosité instinctive avait pris le dessus sur son esprit rationnel et la poussait à vouloir savoir qui était ce personnage qui tentait de fuir la réception.

La lame du couteau renvoyait un éclat pâle sous la lueur des lumières du couloir. Après avoir avancé de plusieurs mètres, la femme trouva l'inconnu – qui continuait de lui tourner le dos – le nez dans des caisses de fruits frais en provenances de différentes planètes de ce coin ci de la galaxie. Sans doute qu'il n'en avait jamais vu et que sa curiosité avait été piqué. Ou peut-être qu'il s'agissait d'un espion en mission qui avait quelque chose à faire là précisément. Non la deuxième solution n'était pas possible, l'hésitation des pas dans le couloir avait d'avantage donné l'impression de quelqu'un qui s'était retrouvé là un peu par hasard.

_ « Cette zone est réservée aux personnels des cuisines, dit Fauve d'un ton sec en continuant de tenir ferment son couteau en main pour se donner un air déterminer quant bien même elle restait impassible.

Il allait s'en dire qu'il n'était pas dans les habitudes de la native de Corellia de menacer quelqu'un avec un couteau de cuisine. Sans mentir, c'était toujours plus étrange que de se faire agresser dans une ruelle malfamée. Mais la galaxie n'était pas sûr et tout pouvait arriver, même dans la plus fameuse des réceptions. Un air carnassier c'était lentement dessiné sur le visage de Fauve jusqu'au moment ou l'inconnu avait sursauté en l'entendant parler derrière lui. Là, découvrant la figure masculine, un éclair d'étonnement traversa la sienne avant de retrouver son impassibilité habituelle. Il tenta l'humour avec la corellienne qui restait là sans exprimer la moindre émotion. Il fallait dire qu'elle n'avait jamais eu le rire facile et qu'à moins de maîtriser les traits d'esprit, tout le monde n'était pas capable de lui arracher un gloussement de voix. Là, elle se mit droite, croisant les mains dans le dos tout en gardant son couteau, de toute façon elle ne pouvait le ranger nul part.

_ Monsieur Fray, répliqua Fauve avec calme. Que me vaut l'honneur de votre fuite dans ces cuisines ?

Personne n'avait plaisir à venir flairer des caisses de fruits, à moins bien sûr d'avoir perdu son chemin. Et si la femme avait reconnu le pilote, elle connaissait également – de réputation principalement – le caractère qu'on prêtait à ce natif de Hutta. Clairement, il n'était pas à son aise à la réception et avait sans doute profité d'un moment de battement pour s'engouffrer dans la brèche que représentait les cuisines. L'occasion pour deux bêtes curieuses de se faire face. La situation avait quelque chose de cocasse mais là encore ce n'était pas suffisant pour arracher un sourire à Fauve. Après tout elle ne pouvait pas lui en vouloir, elle même n'était pas très familière de ces occasions et elle préférait largement les cuisines à une grande salle rempli de convives qui dévoraient tout sans même savoir ce qu'ils mangeaient. Ils n'étaient parfois pas mieux que les bêtes qu'ils consommaient. Et la différence qu'il y avait entre eux et bantha était sans doute la parole.

Cependant, Fauve ne pouvait s'empêche de trouver un air idiot au pilote, la barbe n'enlevait pas le fait qu'il avait une tête de gamin avec l'air de découvrir un autre monde. Et derrière son apparence un peu rustre malgré le costume, il avait quelque chose d'assez innocent et naïf. Peut-être se trompait-elle, chose qui lui arrivait pourtant assez rare. Mais on ne la payait pas pour lire dans l'esprit des gens, seulement pour savoir ce qu'ils aimaient et en tirer le prix le lui élevé. Elle vint taper dans la lame du bout de son ongle, trahissant volontairement son agacement à attendre la réponse de l'homme. Ce bruit métallique n'était pas sans rappeler le fait qu'elle devait encore finir d'aiguiser ses autres couteaux.

C'était indéniable, Fauve mettait le jeune homme mal à l'aise. Pas besoin d'aller chercher bien loin pour savoir ce qui lui faisait cet effet. La corellienne n'exprimait pas la moindre réaction positive à l'égard de son intrus du jour. Elle le voyait cogiter avant de répondre à la simple, très simple question qu'elle lui avait posé. A dire vrai, sur l'instant elle aurait davantage ressemblé à un soldat du Premier Ordre qu'à une civile. Là, il se mit à débiter un monologue assez impressionnant pour un personnage comme lui. Indéniablement il cherchait un moyen de s'en sortir sans perdre un doigt ou le nez. Malheureusement pour lui Fauve n'esquissait même pas l'ombre d'un sourire amusé. Elle se contentait tout au plus d'arquer un sourcil parfaitement circonspect à l'égard de l'homme. Il était d'une maladresse évidente et sa façon de parler tranchait nette avec les vêtements qu'il portait. En effet, ce soir il avait obtenu le rôle de la potiche, du trophée qu'on exhibe avec fierté en oubliant qu'il s'agissait d'un être humain.

Là, Fauve croisa ses bras contre elle, ramenant le couteau à la vue du pilote. Elle avait eu une bonne idée de commencer par celui qui avait la lame la plus imposante, il faisait son petit effet. La lueur du couloir se reflétait dans l'acier, portant une lueur froide sur le visage du natif d'Hutta. La balle était dans le camp de la cheffe, restait à savoir si elle continuait de le cuisiner ou non… Le voir se justifier ainsi avait quelque chose d'assez amusant, cela allait s'en dire. Un vrai divertissement dans une journée qui avait été bien longue. Malheureusement il ne finirait pas par se décomposer sur place avant quelques années. Inutile donc, de rester là à se regarder dans le blanc des yeux.

_ Prenez la première caisse de fruits et suivez moi, fit-elle simplement en lui faisait bien comprendre du regard que c'était non négociable.

Il était temps de retourner aux choses sérieuses. Elle l'invita à marcher devant, histoire d'avoir un œil sur lui, plus pour lui faire peur que par réelle nécessité. Oui, vraiment, elle avait décidé de se jouer un peu de lui. Sans vraiment faire acte de méchanceté à son égard. Là, elle lui indiqua dans quelle pièce entrer. A l'intérieur, le set de couteaux était toujours déroulé sur la table, offrant au premier coup d’œil un avant goût de ce que Fauve était entrain de faire avant qu'on ne la dérange. Elle pris place à table et posa le couteau. Là, elle récupéra la pierre à aiguiser ainsi qu'un autre couteau et repris sa tâche tout en regardant le pilote.

_ Asseyez vous, dit-elle en montra la chaise en face d'elle d'un signe de tête.

Le bruit de l'acier contre la pierre s'éleva à nouveau dans la pièce, une mélodie glacée qui n'était en rien pour rendre Fauve sympathique aux yeux de l'homme. Certes, elle continuait de se jouer de lui, mais c'était vraiment très divertissant, il fallait lui pardonner. Son regard détaillait le visage de son interlocuteur, scrutant les réactions de ce dernier. Là, sans prévenir, elle se mis à sourire. Un sourire bienveillant dont elle avait le secret, tranchant avec son comportement précédent.

_ Ce serait dommage de vous affamer plus longtemps, admit-elle. Prenez le meilloorun, le premier sur le dessus.

Elle l'observait faire comme si elle apprenait à un enfant. Il allait s'en dire qu'il avait quelque chose de très enfantin et ça elle l'avait remarqué depuis qu'elle avait croisé son regard. Clairement, il n'était pas à son aise ici, ça lui donnait un air perdu. Ça aussi c'était assez amusant.

La lame continuait de glisser contre la pierre à aiguiser, laissant échapper le cri d'acier qui résonnait dans la pièce. Le rythme était toujours aussi régulier et ne gageait en rien la suite des événements. Pourtant, c'était en toute quiétude que Fauve avait invité le jeune homme à prendre un des fruits dans la caisse qu'elle lui avait demander prendre. Le voir ainsi perdu était assez amusant, il ne ressemblait plus en rien au pilote de course que montraient les médias. Ce n'était qu'un homme comme les autres qui n'avaient pas la maîtrise de la situation. Mais il était temps de mettre au claire les choses pour qu'il comprenne enfin ce qui était passé par la tête de la native de Corellia.

_ Pour faire simple, je vous offre l'occasion d'échapper à cette réception pour un temps, répondit-elle. Je sais que jouer la potiche n'est pas la meilleure des récompenses, j'y ai souvent le droit aussi quand un client que se pavaner devant ses invités en dévoilant qui était derrière les fourneaux.

Il n'y avait rien de plus simple et ça même le pilote pouvait le comprendre. Pas d'entourloupe, pas de pièges… Seulement une conversation entre deux adultes capables d'aligner des mots. Là, s'arrêtant dans sa besogne, elle pris un des couteaux qu'elle avait sous les yeux et le tendit à Aram pour qu'il puisse couper le fruit et le manger.

_ Allez-y, ça ne vous fera pas de mal, vont avec la peau qui a tendance à virer au gris avec le manque de vitamines, dit-elle avec le manche du couteau orienté en direction de l'homme.

C'était vrai qu'il ne devait pas avoir une alimentation très équilibré. Or s'il voulait continuer d'être en bonnes conditions physiques, il était préférable d'éviter les carences. Clairement, Fauve ne faisait pas cela dans un but intéressé, mais sa déformation professionnelle lui faisait penser en permanence à l'équilibre alimentaire. Un mal pour un bien en soi car la plus part du temps les gens n'avaient même pas idée de ce qu'ils pouvaient avaler.

Fauve pris un autre couteau et passa son pouce sur le fil de la lame pour vérifier le tranchant. Celui-ci semblait allez mais pour être sûr, elle le passage sur la pierre avant de le mettre avec ceux dont elle s'était déjà occupée. Elle se disait pas la même occasion qu'elle avait eu des rencontres moins cocasse que celle-ci. Un sourire léger restait pendu aux coins de ses lèvres avec que le reste de son visage restait assez neutre. Ce n'était pas tous les jours qu'elle avait le droit à ce genre de visite dans ses cuisines. Sans doute qu'elle ne raconterait à personne cette anecdote, mais en un sens tant mieux car la situation était parfaitement improbable. Les gens avaient trop tendance à ne pas croire sans preuve. Quand bien même, la cheffe n'avait pas grand monde à qui le raconter. De nouveau, elle leva les yeux sur le pilote pour voir comment il s'en sortait avec la découpe de son fruit. Pour l'heure il semblait encore avoir tous ses doigts.

Les yeux de Fauve suivaient le mouvement de la lame sur la pierre, un geste qu'elle avait vu faire son père mainte et mainte fois. Un souvenir de lui qui n'était plus de cette vie là. Parfois il lui manquait, mais elle taisait ce sentiment trop vif à son goût. Alors, avoir la présence de Fray ici, c'était quelque chose d'assez amusant et d'anodin. C'était une personnalité bien différente de celle de la cheffe. Son attention restait porté sur sa besogne tandis que l'autre énergumène épluchait son fruit. C'était une sensation étrange que d'avoir l'impression d'être en compagnie d'un enfant. Comme si, d'une certaine manière, elle lui offrait un autre univers à voir. Elle continuait de sourire en entendant le son de sa voix. C'était peut-être la première fois qu'elle avait le sentiment d'être une mère. Voilà bien une chose qu'elle n'avait jamais cru éprouver un jour. Lorsqu'il eut fini, l'homme lui montra le fruit qui avait une tête bien étrange. Quoi que. Fauve hésitait à savoir qui avait la pire tête des deux. Sans doute celle d'Aram qui avait une expression enfantine. Elle arqua un sourcil, gardant ce sourire indétrônable et bienveillant.

_ Il est vrai que pour une reconversion professionnel, ça risque d'être raté, répondit-elle en baissant à nouveau les yeux pour s'occuper d'une autre lame. Ces gens là ne savent rien des choses de la vie. Ils ne savent ni regarder, ni écouter, ni apprécier. Ils ne vivent pas dans le présent et préfèrent se tourner vers un avenir toujours plus incertain.

Elle s'arrêta dans son geste, relevant le regard pour fixer le vide, s'accordant un instant de réflexion. Ô oui, elle n'avait vu que trop souvent cette élite dévorante qui cherchait à s'attribuer tout ce qu'il était possible de posséder. Elle même en faisant parti, la meilleure cheffe que l'on pouvait s'offrir afin d'épater les convives et se régaler de plats dont on ne savait même pas ce qu'ils contenaient vraiment. Là, de nouveau, elle reportait son attention sur le pilote. Fauve observait son visage, chaque trait comme pour y déceler quelque chose que les autres n'avaient pas.

_ Ne faites pas comme eux, finit-elle par lui conseiller. N'oubliez pas de relever la tête pour prendre le temps. On a jamais qu'une vie, ce serait dommage d'arriver à son dernier souffle et se rendre compte qu'il y a beaucoup de choses qu'on aurait aimé faire ou voir. Il n'y a rien de plus terrible que d'avoir des regrets.

Fauve n'avait jamais parlé d'une façon aussi sincère à quiconque. Elle n'avait jamais donné ce genre de conseil car jusqu'à aujourd'hui personne n'aurait daigné les écouter. Mais peut-être que lui, l'homme, l'enfant, pouvait les comprendre. Il n'était pas encore dévoré par ce monde ridicule et ostentatoire autour du quel ils avaient le malheur de graviter tous les deux. Bien sûr, elle n'espérait pas le sauver, juste lui greffer cette idée dans la tête pour qu'il soit toujours capable de prendre du recule sur les choses et sur lui même. Bien des gens n'en avaient pas la capacité ou même la conscience.