Une nuit sans songe pour un corps fatigué. L'humain était un être routinier. Un être dont on finissait par connaître les habitudes et les travers, capable de grandes choses : les plus belles comme les plus terribles. Le jour n'était pas encore levé et pourtant… Et pourtant elle courrait là, à travers un paysage plongé dans le tout début de l'aurore. La nature vivait, elle la sentait. A chaque foulée sur le sol de Corellia elle sentait son corps, ses muscles. Son cœur cognait contre sa poitrine et pourtant s'était son souffle qui prenait toute son attention. A chaque inspiration elle tentait de remplir ses poumons le plus possible pour ne pas sentir le point de côté qui voulait lui foudroyer les côtes. Poings serrés, elle luttait contre elle même pour ne pas s'arrêter. Cela faisait plusieurs semaines qu'elle n'avait pas eu le temps de courir et son corps avait oublier les douleurs que cela pouvait lui causer. Les abducteurs lui faisaient sentir à chaque levé de jambe qu'elle n'était qu'une créature dans cet univers si vaste. C'était dur mais elle savait qu'elle en était capable. Alors, si son corps était en souffrance, son esprit lui était en paix.

Il était déjà temps de se présenter au restaurant. Les muscles étaient un peu douloureux mais c'était un bien maigre sacrifice pour garder ses pensées tranquilles pour le reste de la journée. Comme chaque jour depuis qu'elle avait repris les rênes de l'entreprise familiale, Fauve avait fait le tour de l'établissement pour tout contrôler. Voilà bien une routine dont on ne pouvait se passer. Le luxe imposait la rigueur et la minutie. Sinon autant travailler dans un tripot peu recommandable où les gens n'étaient pas regardant sur la qualité de la prestation.

Le coup de feu. C'était l'heure. Les cuisines étaient dans le jus, chacun connaissait sa partition par cœur. Pourtant tout avait l'air d'être une mélodie dissonante aux accords mal arrangé. Le bruits des lames, des feux de cuisson et des gamelles donnaient l'impression d'un désordre chaotique. Fauve veillait pourtant aux résultat finals, retouchant chaque assiette avant qu'elle ne soit envoyée en salle. Là, lorsque la porte s'ouvrait, elle voyait une nette différence entre les deux univers. Une pièce pleine de vie qui tranchait avec le calme de la salle. Soudain un serveur se présenta à Fauve, il semblait embarrasser et ne savait pas comment l'annoncer.

_ « Madame… Un homme demande à avoir une table mais… Il n'est pas vraiment… Comment dire ? Il a importune la clientèle, dit le jeune homme.

Fauve arqua un sourcil, intriguée par le fait qui venait de lui être rapporté. Alors, discrètement, elle s'avança jusqu'à la porte qui menait dans la salle pour avoir un aperçu des faits. Là, glissant un œil dans l'ouverture, elle ne tarda pas à repérer la personne dont il avait été fait mention. En effet, il n'avait pas vraiment l'air de payer de mine et sa tenue tranchait avec le décor autant l'activité entre les cuisines et la salle. La femme se devait de prendre les choses en main, sachant pertinemment qu'elle était la plus à même de gérer ce genre de situation dû au fait de son calme.

D'un pas assuré, elle quitta les cuisines pour rejoindre la salle, saluant respectueusement certains de ses clients habituels pour les rassurer sur la situation présent. Elle sentant bien que la présent de l'étranger n'était pas pour les ravir mais pour l'heure rien ne laissait à penser qu'il s'agissait d'un quelconque chapardeur. Le pas léger, faisait fit de léger courbature, elle s'approcha de l'entrée où l'un de ses serveurs était parvenu à retenir l'intriguant personnage.

_ Bonjour monsieur, je suis la responsable de cet établissement, que puis-je pour vous ? demanda-t-elle avec douceur et politesse avec l'esquisse d'un léger sourire pendu aux lèvres.

Son sourire était toujours là, irrémédiablement ancré sur ses lèvres, créant ainsi une légère fossette sur son visage opalin. A entendre cet homme parler, il ne donnait pas l'impression d'être de basse extraction. Voilà pourquoi il ne fallait jamais juger sur l'apparence. Mais les gens qui travaillait dans le haut de gamme n'avaient pas tous la jugeote de Fauve, encore moins son jeune serveur qui travaillait ici depuis seulement quelques mois et n'était donc pas apte à voir les choses autrement que sous leur apparence première.

_ Je comprends parfaitement votre souhait, dit-elle sans plus en rajouter. Vous savez quoi ? Je vais m'occuper moi même de votre table. Veuillez me suivre.

Il fallait se montrer conciliante et chez les Yhadgar on avait pas pour habitude de juger un droïde à son allure. Aussi la gérante de ces lieux ne dérogeait pas à la règle. Tranquillement, elle amena l'homme à une table un peu plus loin, celle-ci offrait une belle vue avec une touche de paysage verdoyant dans le lointain. Fauve eu un regard paisible au regard de la paix qu'elle éprouvait à observer cette nature qu'elle connaissait. Là, elle invita son client à prendre place, faisant signe à son serveur d'enlever les couverts en trop. Suite à quoi, elle lui tendit une carte rédigé à la main, chose ô combien rare dans cette galaxie qui donnait cette touche unique au restaurant.

_ Je vous laisse choisir, annonça Fauve. Mais je vous conseille le bantha flambé, c'est une de nos spécialités.

Là, elle se retira pour lui laisser le temps de feuilleter la carte des menus. Les clients présent ne seraient pas importunés et la salle resterait aussi calme qu'à son habitude. Fauve n'aimait pas les scandales et encore moins les disputes, son corps avait en horreur les haussement de voix lorsqu'il ne s'agissait pas de quelque chose de naturel. Au lieu de retourner aux cuisines, elle alla voir ses clients pour leur demander si le repas se passait bien et s'il n'y avait pas de problèmes de cuisson. Outre l'affaire de l'inconnu à l'allure peu engageante, tout se passait pour le mieux. Fauve s'en retourna alors dans son antre pour voir si le reste se déroulait sans problème. Jusqu'à ce qu'elle juge que le temps était suffisamment passé pour pouvoir retourner au près de l'homme qu'elle avait laissé.

_ Vous avez choisi ? Demanda-t-elle avec son calme et sa douceur légendaire.

Elle scrutait le visage de l'homme, observant non sans attention certains de ses traits qui trahissaient son âge. Peut-être qu'il ne le sentait pas, mais il avait dans une fond une mine assez soucieuse, comme si quelque chose s'accrochait à son âme sans en avoir forcément conscience. Fauve ne pouvait jamais s'empêcher de regarder les visages, il n'y avait rien de plus beau que l’œuvre du temps. Aussi se faisait-elle bienveillante à l'égard de l'inconnu, ne portant aucun jugement sur lui car pour elle il était égal à tous les autres. A n'en pas douter, la rousse était de très bonne humeur ce jour là, rien ne semblait parvenir à la troubler.

Il y avait cette douleur persistante à son abducteur droit. Une douleur aiguë qui n'avait de cesse de la travailler toute la journée qui suivait sa course à pied. Peut-être qu'elle ne courrait pas assez. Ce n'était pas faute de faire les échauffement pré et post entraînement. Marcher devenait une véritable épreuve de force et pourtant Fauve était toujours également à elle même, comme si rien ne pouvait venir troubler sa bonne humeur du jour. Pourtant, à chaque pas, elle sentait la souffrance que provoquait un mouvement. Mais elle savait que demain il n'y aurait plus trace de cette courbature persistante. Aussi, toujours impassible face au mal, elle notait sur la tablette la commande de son client inconnu du jour. Il suivait son conseil pour le bantha, demandant quel vin se marierait le mieux et lui laissait le loisir de choisir l'entrée qui saurait faire la première mise en bouche.

_ Je vous conseille davantage un vin rouge Corellian ou un vin épicé Zeltronian, répondit-elle. Les autres sont trop délicats et pourraient se laisser écraser par le goût du whisky flambé. En entrée je vous propose un feuilleté d'épice de boonta accompagné de canron braisé.

Là, elle notait le tout sur la tablette pour envoyer la commande dans les cuisines. Fauve continuait de l'observer avec bienveillance et douceur, sachant pertinemment qu'il finirait par le remarquer. Chose qui ne tarda pas à arriver le temps que la commande soit validé en aval.

_ Vous avez un très beau visage, finit-elle par dire en sachant bien que personne ne devait avoir l'habitude qu'on lui dise cela. Mais on ne doit pas vous le dire souvent.

Les gens étaient toujours très avares en compliments, si bien que la cuisinière ne se privait jamais d'en faire lorsque l'occasion se présentait. Elle avait toujours à cœur d'offrir un peu de gentillesse dans ce monde où la violence prenait parfois trop de place. Aussi ne s'en trouvait-elle que peu gênée. A quoi bon ? Les choses devaient être dite sans qu'on ait besoin de tourner autour du pot. Sur ces mots, adressant un sourire serein, elle se retira, laissant ainsi son sommelier se charger d'apporter le vin qui avait finalement été choisi pour l'accompagnement du plat principal, et qui devait se marier également avec l'entrée.

Elle se retrouva dans le couloir qui menait à l'entrée des cuisines. La douleur dans sa jambe s'était réveillé sur le chemin alors qu'elle s'était calmer le temps qu'elle prenne la commande. Fauve avait besoin de s'asseoir un peu pour faire passer la courbature. Ça et boire quelque chose. Si bien qu'elle fit demi tour pour rejoindre le bar qui offrait une vue sur la salle du restaurant. De là elle avait le regard qui pouvait se balader de table en table. Elle attrapa un tabouret et s'assit derrière le comptoir, attrapant un verre sous la main pour se servir de l'eau. Il était rare d'observer la cheffe se retrouver sur ce perchoir. La position assise lui fit un bien fou, elle qui avait pourtant l'habitude de passer ses journées debout à piétiner dans les cuisines.

Perchée sur le tabouret derrière le comptoir, Fauve sentait la douleur se taire. C'était une sensation des plus étranger que de ne pas souffrir alors que depuis ce matin elle sentait l'inflammation de son abducteur. Le sentiment d'être beaucoup plus vivante que le reste du temps. Elle n'était faite que de chairs et d'os, il fallait parfois s'en souvenir.

Là, sous ses yeux, elle avait vu son client le plus intriguant du jour sur lever pour aller aux toilettes. Il avait l'air d'être un curieux personnage qui avait assez bien réagit à son compliment, certes assez franc et sans détour. Mais à quoi bon perdre son temps en palabre quand la simplicité et la sobriété des mots étaient plus efficace ? De nouveau, elle prit une gorgée d'eau fraîche tout en poursuivant son observation de la salle. Mais le client ne tarda pas à émerger, lui lança un pique au passage. Ce à quoi elle répondit par un sourire sous lequel on pouvait soupçonner un peu d'amusement. Suite à quoi il l'invitait à venir s'asseoir à table. C'était bien la première fois depuis longtemps qu'on lui faisait ce genre de proposition, elle qui passait le plus clair de son temps dans les cuisines. Mais ça c'était surtout parce qu'il avait noté la façon qu'elle avait eu de marcher ou de s'asseoir sur son tabouret. Il était vrai que pour reposer une jambe fatiguée, il n'y avait pas mille façon de s'installer. Chaque levé de cuisse était une douleur aigu qui foudroyait le muscle endolorit. Pourtant, elle faisait en sorte de ne laisser aucune grimace lui parcourir le visage. Ce n'était même pas pour faire bonne figure, juste une habitude qu'elle avait pris avec le temps.

_ Ce n'est rien, juste un muscle qui avait oublié ce qu'était la course à pied. Une façon de se souvenir que nous ne sommes que de passage dans cet univers, répondit-elle. Mais c'est un plaisir que de me joindre à vous.

Dans les cuisines on avait pas besoin d'elle plus qu'à l'accoutumé et quand elle était en service traiteur qu'ils savaient se débrouiller, aussi Fauve n'avait-elle aucune inquiétude à avoir pour sa brigade. Si bien qu'elle se laissa glisser du tabouret avec certes moins de souplesse qu'à l'accoutumé, s'évitant d'être à nouveau foudroyé par la douleur. Heureusement, cette dernière c'était quelque peu calmée, laissant à la native de Corellia un peu de répit. Après ça, il lui parla de sa cuisine. Une fois encore, c'était le genre de conversation qu'elle n'avait plus eux depuis quelques années, s'étant habituée à voir toujours à peu près les mêmes clients. Elle prit le temps de rejoindre la table tout en répondant à l'homme.

_ Oui, j'ai retravaillé la plus part des plats à la carte pour essayer de trouver le meilleur équilibre possible dans les saveurs, dit-elle en repensant à tous le travail que cela lui avait demandé.

Inconsciemment ou non, elle semblait deviner où il voulait en venir. Pour les rares conversations qu'elle avait eu sur sa cuisine, la notion d'équilibre prédominait toujours. C'était un peu son credo et sa marque de fabrique, rien qu'à l'assiette les gens étaient sûr de pouvoir deviner qui était le cuisinier. Fauve pris enfin place à la table, éprouvant une sensation bizarre que de se retrouver assise dans sa propre salle de restaurant. Elle balaya très vite cette sensation pour revenir au sujet de conversation.

_ Mais qu'est-ce qui vous intrigue ? Demanda-t-elle, curieuse de savoir ce qu'il avait à dire à ce propos.

Observation fine et mesurée. Fauve regardait l'homme qui l'avait invité à sa table, celui qui avait donné des haut le cœur à quelques uns de ses clients. Alors que pour elle même, son esprit et son corps étaient restés indifférents. Rien ne pouvait venir troubler sa tranquillité intérieur, pas une affaire aussi insignifiante que celle-ci. Beaucoup dans sa brigade se demandaient parfois s'il y avait bien quelque chose qui prouvait qu'elle n'était pas un androïde. Pour l'heure, personne n'était parvenu à définir sa nature exacte alors on supposait à tort ou à raison qu'elle était humaine. S'ils avaient su qu'elle était capable d'éprouver de la douleur physique, peut-être en auraient-ils eu une preuve. Hélas, même quand elle avait mal, la rousse ne montrait que peu de signes.

Fauve l'écoutait, l'esquisse d'un léger sourire sur les lèvres. Elle l'écoutait tenter de s'expliquer, de trouver les mots pour décrire le premier plat qu'il avait manger. La cheffe savait. Elle savait ce qu'il tentait de dire. Elle savait ce qu'il essayait tant bien que mal d'expliquer. Mais il fallait le laisser parler, le laisser s'exprimer sur un sujet dont il n'avait pas l'habitude. La femme avait senti ce léger trouble. Une fois fini, son sourire s'étira de plus belle, baissant les yeux pour feindre la réflexion alors qu'elle savait pourquoi ce plat pouvait paraître déroutant pour la première fois.

_ En réalité… c'est la vie, répondit-elle simplement en relevant les yeux. J'ai toujours pris le temps d'observer les choses, voir comment elles interagissent entre elles. Et ce que je dois avouer, c'est qu'aucun plat n'est parfait, dans le sens où la vie elle même ne l'est pas. Mais, aux yeux de celui qui ne connaît pas  ça, c'est l'équilibre des saveurs. Une paix éphémère qui nécessite la mort pour assurer la vie.

La native de Corellia n'avait jamais été aussi énigmatique dans ses propos. Il n'y avait que quelques uns de ses chefs qui savaient qu'elle pensait ainsi. Ceux qui savaient qu'elle était une humaine de chair et d'os. Mains jointes sur la table, elle observait l'homme avec attention, à la recherche de la moindre micro-expression qui pourrait lui en apprendre davantage sur le personnage qu'elle avait devant lui. Elle le savait intelligent et réfléchit, aussi ne doutait-elle pas de sa capacité à comprendre. Bien qu'en réalité Fauve n'avait avouer que peu de chose sur sa façon de voir le monde et la cuisine. A quoi bon en dire trop de toute façon ? L'étalage et le sujet de soi n'était pas de ces conversations qu'elle appréciait le plus. Et s'il y avait des oreilles indiscrètes, elle s'assurait de n'être compréhensible que pour très peu de personnes. La vie et la mort était son leitmov, une conception que certains n'aimaient pas car la mort avait quelque chose d’irréversiblement et de terrifiant. Mais Fauve savait qu'elle pourrait un jour, elle n'en connaissait juste pas la date. Il fallait garder l'esprit clair, balayer ce qui pouvait être futile. Aussi beaucoup de choses lui paraissaient futiles.