L'éponge semblait presque peser trop lourd dans sa main, elle la serra aussi fortement que si cela avait été son propre coeur. Pendant un instant, il n'y eut que le silence et Dune resta immobile, le regard loin, beaucoup trop loin. Encore une fois, la jeune femme chercha ses larmes sans succès. Elle n'y arrivait pas, voilà tout, elle fuyait encore certainement.
Et puis elle s'imagina se perdre, se tordre et se recroqueviller, gémissant comme une enfant. Cela ne serait pas bien, juste nécessaire.
Elle ne le fit pas.
Quand Errol remit la tête hors de l'eau, Dune se fit un peu plus statue, bloquant ses mouvements, jusqu'à son souffle presque. Immobile, on ne pouvait pas la deviner différente chaque geste comme une souffrance. Elle faisait semblant, elle savait faire semblant, c'était au moins ça.

”Errol...”

Sa voix se brisa un peu, l'éponge était lâchée, ses mains restaient vides, et quelle importance? Sa poitrine se levait et s'abaissait en un rythme régulier, elle respirait, rien ne la portait vraiment, ni candeur, ni noblesse, elle respirait. Alors, comme d'autres femmes portaient collier, Dune se vêtit d'un sourire.

”Usul..”Un mot dans une langue ancienne, un surnom d'amour un peu, tout ce qu'elle pouvait lui donner. Usul, le pilier, car n'était-ce pas ainsi qu'était Errol? Un pilier dans la tempête, un phare, les yeux levés les étoile?

”Oh Usul, tu es nu et toi-même peut-être, mais tu es aveugle : ce n'est pas moi que tu vois, c'est un fantasme.”

Que savait-il de sa peau marbrée de bleus, de cicatrices, de l'amour qu'elle donnait peu, hein? Que savait-il du mauvais coup qu'elle était peut-être, de ses mains malhabiles, bloquées, y compris pour les caresses des amants? La boule dans sa gorge grossissait un peu, ses yeux piquaient, et Dune faillit ne pas reconnaître les premiers signes des larmes.

”Je ne te hais pas, je ne te déteste pas, mais je n'ai rien à te donner. Au contraire, je te prends tout, je te mens. Je suis incapable de te guider, la lumière que tu vois c'est une putain d'illusion, mon seul don c'est celui de me perdre. Et je déteste qu'on m'aide parce que de l'aide, je suis obligée d'en réclamer chaque jour, chaque seconde de ma vie...”

C'était idiot, complètement idiot, et le tonnerre grondait sous sa peau, prêt à la déchirer et la malmener un peu plus encore. La jeune femme se leva, tendue, et le mouvement fut horrible à voir, comme monstrueux, contre-nature. Simplement parce qu'elle ne se cachait plus peut-être, cherchant à faire diversion par un rire, un regard, tout pour qu'on ne la regarde que du coin de l'oeil un peu, qu'on le la voit pas vraiment.

”Mon Usul, tu sais quoi? Parle-moi des femmes que tu aimes, je veux t'entendre raconter. Voir ce qu'elles sont, qui elles sont, elles qui existent vraiment. Et la manière dont elles aussi, elle t'ont aimé. S'il te plait.... Elles devaient être jolies en plus, elle. Regarde-moi, moi je ne le suis pas... tu es mon ami et je ne veux pas t'infliger ça.”

En silence, elle se défit par gestes maladroits, du haut du peignoir. Même bouger aussi simplement, Dune n'y arrivait pas, il y avait comme des spasmes dans ses mains, dans ses doigts, cela était triste, cela était injuste. et sur son torse, sa poitrine, des bleus, des cicatrices.
Des chairs recousues, boursouflées parfois, un corps irrégulier.

”Parle-moi des vraies femmes, garde-moi en fantasme, l'imagination est meilleure.”

A nouveau, elle se rhabilla.