Il n’y avait pas de discours convenable pour une personne en deuil perpétuel. Il n’y avait que des attentions, des tentatives. Celles qui sont censées apaiser, soutenir. Celles qui montrent la présence d’autrui, sans jamais remplacer l’être perdu. Non, il n’était pas plus grand vide que la perte. Ce vide qu’il serait à jamais impossible de combler. Jade n’était pas là pour ça. Elle n’était pas la personne qui soignerait ce deuil. Non. Mais elle serait toujours là pour soutenir cet homme. Elle ne le laisserait pas tomber. La demoiselle n’avait jamais vécu telle perte, son âme soeur, elle ne pouvait comprendre, mais elle pouvait être un appui fiable. La loyauté, elle connaissait.

Diarmuid était cet homme qui avait cet esprit planant au-dessus de lui. Ce poids de ce qu’il n’avait pu dire, ce qu’il n’avait pu faire, accomplir avec l’être aimé. Jade ressentait cette culpabilité. Au fond d’elle, peut-être n’aurait-elle pas due aller aussi loin avec lui. Ce refuge certains, cette ouverture qu’elle avait aperçu, qu’elle avait emprunté, qu’il lui avait offert. Elle n’était pas de ces filles à rechercher ce genre de chose, elle s’en rendait sûrement compte après, comme maintenant.

Ce fut une longue journée. Oui, les journées ici c’était tout l’un ou tout l’autre. Soit elles se ressemblaient, routinière, soit elles se révélaient excitantes. Jade n’était pas difficile, elle prenait les journées comme elle venait, prenant part des fois à des missions qui la changeait. Posant un regard, partagé entre la recherche de la compréhension et une peine certaine, sur Diarmuid, la brune le laissa s’exprimer sur sa femme. Il est vrai qu’il ne valait mieux pas que les proches perdus les voient ainsi… Maintenant. Non. Chacun était l’épave d’un deuil, le résidu de la personne qu’ils étaient avant. La perte créait des craquelures, des fissures, capable de changer une personne du tout au tout. Les parents Starwind seraient sûrement mitigés quant au parcours de leur unique fille. Ses parents avaient été sa seule véritable perte qui avait bousculé sa vie... A jamais pensait elle.

Le deuil était mêlé au syndrome du survivant dans le cœur de Diarmuid. Lui laissant de l’espace, Jade se redressait sur ses coudes, le regardant avec une certaine intensité, et un coup de fatigue. Elle avait cette envie de lui dire qu’elle n’aurait pas apprécié que ce soit le contraire, certes, si personne n’était décédé, cela aurait été mieux. Mais dans la situation actuelle, elle aurait eu cette pointe d’égoïsme… Elle aurait sûrement préférée qu’il soit là… Vivant… Intérieurement, elle le pensait, le dire lui semblait interdit. Ça s’arrêtait aux bords de ses lèvres. Elle ne pouvait qu’acquiescer lorsqu’il vint à lui dire que son épouse lui manquait. Que répondre à cela, c’était vrai, profond, il avait ce manque intense, ce vide impossible à combler puisqu’irremplaçable. Pourtant, elle avait besoin de sortir quelque chose, cela la brûlait comme un alcool fort parcourant sa gorge. La brunette souhaitait qu’à sa manière, il sache qu’elle tenait à lui… « un visage familier ici est un véritable apaisement… » Non, elle n’employait jamais vraiment les mots. « Je tiens à toi. » Jade ne maîtrisait pas les mots d’attachement purs et durs. Elle détournait. C’est ce qu’elle avait ressentis en voyant Diarmuid ici. Elle avait ce profond respect pour lui en tant que général, en tant qu’ami. Elle avait recroisé des visages connus, d’enfance, des connaissances d’Hosnian. Mais non, ils n’étaient pas plus marquant que Diarmuid. Il était de loin celui envers qui sa confiance tournait le plus facilement. Son franc parlé, sa rage parfois, lui parcouraient l’échine d’un frisson qui était tel qu’elle ne forçait jamais la main, ne l’approchait pas sans un consentement de sa part, que ce soit dans la gestuelle ou le verbal.

Alors il attrapait sa guitare et le laissa jouer, portant une oreille attentive puis rêveuse. Son visage auparavant entre ses mains vint à se reposer sur ses bras pliés. La position qu’elle ne trouvait finalement que peu confortable, la força à se placer sur le côté. Elle effectua le mouvement sans le gêner. Le sommeil et la musique lui firent fermer les yeux. C’était appréciable, délicat et apaisant. Inconsciemment, ses doigts jouaient avec le drap qui les recouvrait partiellement, avec cette légèreté. Jade le laissait s’exprimer ainsi, elle n’avait rien contre, elle appréciait les notes en suspens, les respirations, la mélodie en elle-même. La brune retrouvait ainsi un semblant de normalité, encore un moment en apesanteur. Ces moments qui éloignaient de cette dure réalité sans non plus s’en défaire. Les paroles criaient cette vérité qu’était leur vie. C’est alors que la détente fut entière.