Ca faisait un peu moins d'un an, depuis la dernière fois où Laesia avait foulé la terre de sa planète natale. Et si cette dernière fois, c'était pour rendre visite à ses parents, aujourd'hui, la raison était tout autre : depuis quelques semaines, elle se renseignait sur un homme dont la fortune aurait apparemment décuplé en l'espace de deux ou trois mois à peine. Autant dire quelque chose d'assez intriguant et de très intéressants pour les affaires de la jeune femme. Et cet homme, c'était bel et bien de Seltos, dont il était originaire. Ainsi, sous couvert d'une nouvelle visite familiale, elle était revenue depuis maintenant deux semaines dans ces rues qu'elle connaissait à présent par coeur. Elle voyait ceci comme un bel avantage pour le pistage de cet homme, mais elle se devait d'être prudente : Connaître Seltos signifiait par la même occasion être connue par Seltos. Il fallait ainsi qu'elle soit le plus discrète possible, et cela commençait par les raisons de sa présence ici. Ainsi, si elle faisait savoir à qui voulait l'entendre qu'elle ne faisait que rendre visite à ses parents, lorsque les plus perspicaces d'entre eux ne la croyaient pas et devenaient insistants, elle faisait mine de céder, et avouait qu'elle cherchait à recruter quelques personnes pour un prochain casse. De la sorte, Tron, son droïde espion et elle pouvaient aller à la pêche aux informations en toute discrétion.

Oh, bien sûr, son mensonge n'était pas sans effets secondaires : le bruit avait vite couru et bon nombre de personnes s'étaient déjà présentés à elle, espérant naïvement pouvoir faire partie de son coup. A chaque fois, elle ne pouvait s'empêcher d'être émerveillée par la crédulité de ces gens. Tant bien même elle serait effectivement en train d’organiser un gros casse... n'était-ce pas sur cette planète de notoriété publique qu'elle finissait toujours par trouver un moyen d’escroquer ses complices pour rafler toute la mise ? Pourtant, il semblait encore exister des idiots qui s'imaginaient surement être la personne qui parviendrait à devenir un réel associé. Quels crétins. D'autant plus qu'elle en avait déjà un, d’associé : Tron, son droïde, qui lui au moins se fichait éperdument de tout l'argent qu'elle pouvait gagner. Mais bon. Dans tous les cas, dommage pour eux mais ils ne risquaient pas d'être embauchés, puisqu'il n'y avait rien de prévu. Oh, bien sûr, Laesia se doutait bien qu'il lui faudrait forcément, a un moment, faire mine d'accepter quelques personnes histoire de ne pas éveiller les soupçons. Mais elle s'occuperait de cela plus tard, à savoir : lorsque le pistage de monsieur milliardaire serait un peu plus abouti.

C'était d'ailleurs pour cette raison qu'elle se trouvait à présent dans cet établissement. Ce bar, elle le connaissait bien, puisque le gérant était un grand ami de son père. Et, coup de bol pour elle, c'était apparemment le préféré de monsieur-plein-de-crédits. Cela faisiat maintenant près de deux heures qu'elle flânait, assise au comptoir, à attendre qu'il daigne arriver. Elle savait qu'il allait finir par venir : Tron avait, il y a quelques jours, découvert qu'il y avait rendez-vous avec un mystérieux homme, un étranger. Malheureusement, ils n'avaient pas précisé l'heure exacte de ce fameux rendez-vous mais savaient seulement qu'il se déroulerait durant la nuit, après les dernières patrouilles. Ce dernier détail était la preuve pour Laesia que sa fortune soudaine était suspecte et était déterminée à savoir de quoi il en retournait.

Yeux rivée sur son carnet, regardant distraitement les quelques informations qu’elle avait récolté sur son homme, elle attendait le signal de Tron, celui annonçant l'arrivée de sa prise, lorsqu'une voix à côté d’elle qui la tira de ses pensées. Tournant légèrement la tête, c’est sur un type dont l’accoutrement lui fit hausser un sourcil circonspect que ses prunelles tombèrent. L’homme, qui venait d’arriver à côté d’elle, demandait au barman des informations et Laesia ne su retenir un léger pouffement amusé. Plus par curiosité envers cet homme que réelle envie de lui venir en aide, elle se retourna encore un peu plus sur son siège pour lui faire :

« C’est pas avec lui que tu risques de les avoir, tes infos. Il a perdu sa langue. Littéralement. Arrachée par sa femme. »

Tandis qu’elle prononçait ces mots, l’employé s’était contenté de hocher la tête en ouvrant grand la bouche, comme pour lui montrer le désastre. Tout en détaillant l’inconnu, Laesia attrapa son verre pour le porter à sa bouche… mais l’odeur qui vint chatouiller son nez lui fit stopper son geste avant que le liquide ne touche ses lèvres. Le sentant d’un peu plus près, sourcils froncés, elle soupira, désabusée : empoisonné. Pourtant, elle n’avait même pas remarqué qu’on s’était approchée de son verre. Il allait falloir qu’elle fasse plus attention. Des gens ne la portant pas dans leur coeur se trouvaient apparemment dans l’établissement. Tournant la tête de l’autre côté, elle passa sa boisson avec désinvolture à un vieillard à côté d’elle :

« Tiens, l’ami. C’est cadeau. »

Avant de se tourner de nouveau vers l’étranger au costume sourire au lèvres, ignorant totalement le vieil homme qui, après avoir bu dans le verre, était à présent pris de convulsions.

« Paye-moi un verre et je te dirais à qui t’adresser sur cette planète pour avoir ce que tu cherches. »

Bah oui, après tout, qui de mieux placée qu’elle ? Elle connaissait ces terres par coeurs et avait bon nombre de contacts par ici. Néanmoins, elle ne pu s’empêcher d’ajouter, amusée, tout en jaugeant l’homme de la tête au pied :

« Enfin, peut-être. Difficile à déterminer si ta tête me revient ou pas, avec tout ça. »