La nouvelle s’était répandue comme une traînée de poudre dans tout Dromund Kaas. Un Jedi venait d’arriver : pire encore, il rechercherait des preuves d’une quelconque activité Sith dans le coin. Depuis les événements de Tatooine, les rumeurs n’avaient cessé de secouer l’holonet. Tôt ou tard, quelqu’un finirait forcément par se présenter sur ces terres en quête de réponse. Ariane avait tant travaillé à dissocier le nom de sa planète de son histoire... Mais force était de constater que cela avait été complètement inutile. Car elle aurait beau essayer de se persuader du contraire : un ennemi était bien là, et risquait de compromettre toute ces années de travail. Fort heureusement pour elle, Icare, Gaia et Percy n’étaient pas dans le coin. Les trois seuls sensibles et apprentis qui pouvaient mener le Jedi sur une quelconque piste... Mais que devait-elle faire, à présent ? Devait-elle attendre qu’il fouille la planète, en croisant les doigts pour qu’il reparte bredouille après s’être épuisé dans le processus ? Ou bien devait-elle aller à sa rencontre, afin de sauver les apparences ? Sa décision fut prise quelques instants après l’annonce : elle irait protéger ce que ses parents et elle avaient construit...

C’est grâce à quelques informations bien transmises qu’Ariane réussit à retracer le chemin de son invité indésirable. Une fois face à lui, elle ne pourrait compter que sur ses capacités de manipulation et de comédie : il était clair qu’il n’aurait aucun mal à rentrer dans ce genre de conversation, d’autant plus si son vis à vis était une figure d’autorité de Dromund Kaas. La jeune femme se rendit donc jusqu’au centre ville, loin des jungles et des marécages qui dominaient autrefois toute la superficie de la planète. Le manoir Blackthorn avait été confié à Ceres, en espérant que son aîné n’ait pas à regretter cette décision. Seule avec Iris et Leto, tout pouvait arriver...

D’ordinaire, Ariane ne passait nullement inaperçue dans les rues, son travail acharné étant reconnu par la plupart des citoyens. Mais elle pouvait parfois sentir le courroux dans le regard de certains d’entre eux, à la lumière des événements qui avaient frappé la famille Blackthorn et de part des convictions politiques divergentes. Néanmoins, elle avait décidé d’opter pour la discrétion, et c’est vêtue d’une capuche sombre qu’elle décidait d’arpenter les rues de la ville qui l’avait vue grandir. Fort heureusement, Leto, son plus jeune frère, était totalement accro à tous les moyens de communication disponibles. Aussi, il se fit un plaisir de guider la jeune femme jusqu’à sa cible, qu’elle s’empressait de stopper dans son élan. « Excusez moi ? » A première vue, il n’avait rien d’un Jedi : Ariane se serait attendue à sentir émaner de lui une sorte de « bien rayonnant », comme si son simple sourire pouvait emplir le monde de bonté et de bonnes intentions. Pourtant il n’en fut rien. Son visage était creusé par l’inquiétude et par une multitude de sentiments contraires, à moitié dévoré par la colère et l’autre par la fatigue. Son visage était zébré de crevasses témoignant pour lui des nombreux combats qu’il avait mené, et peut être pouvait elle dénoter une certaine amertume dans son comportement sans qu’elle ne puisse vraiment comprendre pourquoi. Il avait vécu et il en avait les stigmates. Ariane connaissait les Sith mais pas les Jedi : en voir un eriam chose rare, voire inédite et il s’opposait  complètement avec l’image qu’elle s’en était faite. Voulant faire preuve de discrétion, la jeune femme lui glissait un simple « Je crois que je peux vous aider  » avant de lui désigner une allée légèrement moins bondée. Elle comptait sur le mystère et sa curiosité pour qu’il la suive. Elle ne voulait surtout pas révéler son statut ici et maintenant. S’il s’intéressait un tant soit peu à la politique, alors sa démarche était inutile ; cependant elle plaçait un semblant d’espoir dans ses plans. Où serait-elle aujourd’hui sans espoir et détermination ?

La jeune femme observait son vis à vis et c’est à l’instant où elle croisait le regard bleu clair de l’homme qu’elle se demandait si elle avait choisi la bonne approche. Il était logique, presque élémentaire, que ce dernier se sente attaqué par une telle entrée en matière. Même s’il ne semblait pas genre de personnage à être escroqué et volé dans une ruelle (du moins, pas sans se défendre), il était presque convaincu qu’Ariane aspirait à de tels desseins. Elle aurait pu en rire : au lieu de cela, c’est un espèce de demi-sourire qui vint déformer son visage. Elle qui aurait voulu rester stoïque, garder son calme...

Il fallait reconnaître qu’il était fort plaisant à regarder, aussi aveuglé par la Lumière pouvait-il être. Néanmoins, elle ne devait pas se laisser décontenancer par des appréciations personnelles et se concentrer sur ce qu’elle était venue faire : protéger les siens. La Sénatrice était quelqu’un de particulièrement doué dans la manipulation d’autrui, sans quoi, elle n’aurait jamais pu exceller dans son domaine. Il aurait été aisé d’user de cette compétence pour parvenir à ses fins, se faire passer pour une refourgueuse de renseignements et filer avec son butin. Pourtant, il n’était pas question de cela. Rien n’était plus efficace que la demi-vérité, que le demi-mensonge. À trop mélanger le vrai avec le faux, on ne sait plus comment le distinguer, et on parvient parfois à se convaincre de fantaisies absurdes par ce procédé. Aussi, elle s’employait à se montrer moins lugubre, peut être légèrement plus chaleureuse. « Il y en a plusieurs, cela dépend simplement du prix que vous êtes prêt à y mettre. » Cette phrase était valable pour un hôtel, mais c’était également un fait généralisé : la galaxie regorgeait de personnes capables de l’impossible, à condition qu’on y mette le prix. L’avarice était devenu l’essence même des vastes étendues étoilées, surtout depuis le retour de la guerre : rien n’avait plus de valeurs qu’une poignée de crédits, même si cela signifiait devoir ôter une vie.

L’ainée Blackthorn finit par se débarrasser de son capuchon, une fois qu’elle fut assurée de l’absence de trop de témoins. « Je m’appelle Ariane Blackthorn. Je suis la Sénatrice de cette planète. » Elle avait prononcé ces mots comme des faits banals, sans se mettre sur un piédestal. Humble, simple. Des qualités essentielles pour un poste avec tant de responsabilités, car sur ses épaules dormaient la crédibilité de ses concitoyens. Elle reportait son attention sur son invité. « Votre arrivée a fait grand bruit parmi les habitants. Nous n’avons pas trop l’habitude des touristes, la planète est encore victime d’une flopée de rumeurs infondées. Je me suis sentie obligée de venir vous accueillir et peut être vous apporter ce dont vous avez besoin. Je suis prête à parier que vous n’êtes pas venu ici pour faire une randonnée dans les marécages. » Elle savait déjà plus ou moins pourquoi l’homme était présent. Mais jouer les innocentes était essentiel : se défendre de quelque chose qui n’a pas été encore reproché était largement plus suspect. Elle ouvrit grand les yeux, joueuse. « A moins que je ne me trompe, c’est possible. Dans ce cas, je connais d’excellentes boutiques afin de vous procurer le matériel nécessaire pour marcher des heures sans avoir mal aux pieds. » Un silence. « Je dois vous avouer que votre présence m’inquiète. »

Entendre parler des Jedi était une chose : en rencontrer un en était une autre. Il semblait sortir tout droit d'une légende, comme si son visage avait pu appartenir à un holo de fiction. Il ressemblait à tout ce qu'on pouvait s'imaginer d'une Jedi quand on vous le décrivait. Il y avait une patience chez lui et une certaine sérénité qui forçait le respect, bien loin des Sith qui pensaient pouvoir faire s'agenouiller n'importe qui d'un simple geste alors que la plupart ne ressemblaient qu'à des gamins qui cherchaient à compenser un souci lointain. « Votre présence est loin d'être un problème. » La voix d'Ariane s'était adoucie, sans qu'elle ne s'en rende compte. Bien sûr, sans qu'ils le sache, ils étaient ennemis. Néanmoins, Ariane ne ressentait aucune révulsion à sa simple vision, si bien que pendant un instant, elle en oubliait qu'elle devait le haïr, ne serait-ce que par principe. «  Aucune », reprit-elle. «  Vous n'êtes en rien une menace. Cependant, votre présence indique probablement des soupçons qui me peinent énormément, après tant de combats livrés pour me libérer de l'influence Sith qui planait sur cette planète. » Elle sourit faiblement. «  Permettez moi de me sentir déçue que malgré mes années de bataille, le passé finit toujours pas refaire surface. Il semblerait que les rumeurs courent plus vite que la vérité. » Un soupir. «  Pour tout vous dire, je suis surtout inquiète. Même si votre présence signifie que vous avez encore des doutes, elle est d'autant plus porteuse de mauvaises nouvelles qu'elle confirme le retour des Sith. Il ne serait donc pas impossible que ces derniers décident de revenir prendre ce qui leur revient de droit sur ces terres : il me semble que d'anciens temples Sith sont encore érigés au fin fond des marécages, mais la plupart des citoyens de Dromund Kaas prétendent qu'ils n'existent pas. » La Sénatrice baissait la voix. «  Je les comprend. Avec toute les horreurs que nous avons vues, Naboo, puis Tattooine, il est évident que personne ne veuille s'imaginer qu'une telle menace plane au dessus de nous, encore moins que nos terres aient pu accueillir de tels monstres par le passé. »

Enfin, il se présentait. Hayden Horn : son nom était étrangement familier. Elle ne devait surtout pas oublier, et le donner à l'un de ses frères afin qu'il aille se renseigner auprès de l'Ordre. Un Jedi si âgé devait déjà s'être frottés à quelques uns d'entre eux. «  Enchantée, Monsieur Horn. Je ne sais pas si chez les Jedi, vous avez des titres honorifiques spéciaux. Je ne m'y connais que très peu et je ne voudrais pas être indiscrète. » Un sourire. Elle se sentait étrangement à l'aise, en sa présence. «  Je serais ravie de travailler à vos côtés. Si vous souhaitez que je vous escorte jusqu'à l'un des anciens temples Sith, je me ferais un plaisir de vous guider. Je suis certaine que nous pouvons écarter la menace de Dromund Kaas une bonne fois pour toute. » S'il savait...

Désarmée. C’était le sentiment qui s’était emparée d’elle, alors qu’au fond, elle manipulait toute les ficelles. Un chef d’orchestre dans l’ombre alors qu’elle menait petit à petit sa proie sur le chemin qu’elle souhaitait lui montrer. Et pourtant, Ariane se sentait démunie. Comme si la pureté des intentions de cet homme venaient étouffer les ambitions pernicieuses de la jeune femme. Elle agissait par devoir, par mission sacrée : par soumission à des personnes qui possédaient plus de pouvoir qu’elle. Un groupe qui avait la main mise sur les Blackthorn depuis des générations. Cette famille comptait autant de Sith que de collaborateurs. Ils avaient contribué à la montée en puissance de ces êtres plein de mystères. Leur but était-il louable ? Leur objectif en valait-il la peine ? C’était une question que la Sénatrice ne s’était jamais posée. Elle s’était contentée de reprendre la mission de ses parents qui avaient succombés aux mains perfides de la lâcheté, et de veiller sur leur lignée, tous ces héritiers qui perdureraient la tradition.

Elle n’avait jamais rencontré de Jedi avant. Il n’en avait suffit que d’un pour lui faire douter de tout ce qu’elle avait fait jusqu’ici.

« Mon objectif est de démontrer la plus grande transparence » réussit elle néanmoins à déclarer, non sans sentir une faiblesse dans sa voix. Merde. Ses aïeuls avaient déjà dû rencontrer l’ennemi, mais elle devait être la première de sa génération. « Je suis vraiment désolée d’entendre ça. » Quel trésor. Une mine d’informations. Une poignée de Jedi... Ils étaient réunis mais pas nombreux. Il était évident qu’elle devrait en faire un rapport au plus vite. Elle se mit à sourire. Au moins un point positif dans cette rencontre. « Je suis évidemment prête à vous prouver que la bataille de la famille a porté ses fruits. Nous ne pourrons jamais effacer le passé, mais nous pouvons changer le présent, préparer le futur. Travailler ensemble ne peut être que bénéfique. » Discours utopiste, impossible. Il fallait tromper pour mieux réussir.

Ariane hochait la tête. Et en plus, il donnait toute son identité... Peut-être était-il connu de l’Ordre ? Elle n’était pas au courant de toute les affaires internes... « Je me permets de vous appeler Hayden, dans ce cas. Ne nous accrochons pas à nos titres : vous pouvez également m’appeler Ariane. » Un demi sourire. « Les titres ne servent qu’au niveau social, mais ne nous définissent pas en tant que personne. C’est ainsi que je préférerai m’adresser à vous : d’individu à individu. » Elle lui emboîtait alors le pas ; pourquoi perdre du temps ? Elle l’emmènerait évidemment vers un endroit abandonné. Que risquaient-ils ? D’un ton amusé, elle reprit : « Vous êtes actuellement mon affaire urgente. Le temple est au sud des marécages, il est condamné mais nous devrions pouvoir rentrer sans mal. Comme je vous l’ai dit, mon peuple tente d’oublier son existence, il n’est donc pas gardé. Cependant, nous ne pourrons nous y rendre en vaisseau, les environs ne sont pas propices à un quelconque atterrissage. » Remettant son capuchon sur la tête afin de dissimuler son visage, la Sénatrice laissait place à l’Ombre anonyme. « Vous savez conduire ? » car elle, elle en était incapable. Elle ferait sans doute passer l’un de ses frères pour un chauffeur.

Cela faisait bien longtemps qu'Ariane n'était pas retournée dans un ancien temple Sith. En effet, elle devait s'efforcer d'en rester le plus loin possible afin d'être en cohérence avec les us et coutumes de la planète. Si la population faisait en sorte d'oublier ces pans de l'histoire, elle en ferait de même. Pourquoi pas, après tout ? Dromund Kaas était loin d'être une planète accueillante. En réalité, elle ne faisait pas écho aux images de rêve qu'elle en donnait, lorsque le sénat se réunissait. Il y avait une bonne partie de la planète qui restait des marécages indomptables, peuplés de créatures encore inconnues à ce jour. Ariane s'était concentrée sur les grandes villes, mais nul doute que cela finirait par changer, un jour où l'autre. L'expansion de la planète était devenue un point important de son mandat. « Je vous rassure, nous avons d'autres merveilles à vous proposer. » Elle dit cela sur un ton taquin, presque séducteur, alors que le duo arrive à sa destination. Les centaines de marches qui jalonnaient l'entrée du temple était à elles seules dissuasives. Mais la Blackthorn ne s'arrêterait pas là. « Vous avez peur de l'exercice physique ? Vous avez l'air plutôt en forme, pourtant ! » La Sénatrice se mit donc à gravir tout ceci, sans se retourner. Elle serait probablement épuisée au bout, mais c'était pour la bonne cause : cet endroit était désert, forcément. Aucun Sith n'était revenu sur les temples depuis des années. Dromund Kaas avait été remplacée par Korriban, mais cela n'empêchait pas qu'elle soit une terre d'accueil en cas de problème. Néanmoins, ils venaient se réfugier en ville... Pas ici... N'est-ce pas ?

Maître Horn ne montrait plutôt curieux quand aux connaissances de la jeune femme. Aussi, elle se mit à répondre de la façon la plus calme qu'il soit : « Je crois pouvoir dire que j'ai déjà dû m'y rendre quelques fois. » Quelques fois, oui. Elle l'avait découvert, jeune, avec ses parents. Et à chaque fois qu'un enfant Blackthorn était né, elle y était retournée, avec le nouveau né. Pour qu'ils apprennent, qu'ils s'imprègnent. C'était leur histoire, leur objectif, leur héritage, le fil de toute une vie. Certains plus que d'autres. Ariane était la seule qui n'avait aucune sensibilité à la Force mais qui en connaissait autant. « Mais je dois avouer que je ne m'y sens pas à l'aise. » mentit-elle avec tout l'aplomb dont elle était capable. « Il est chargé de beaucoup trop de choses négatives à mon goût. Comme si des centaines de personnes y avaient laissé la vie. » Elle se devait d'être convaincante. Jamais elle n'avait été dans une situation aussi stressante. « Et vous, Hayden ? Avez vous déjà vu quelque chose de semblable ? Vous devez en avoir vu tellement. » Plus il déballerait de choses sur lui, plus elle se sentirait à l'aise. Il devait y avoir un couperet au dessus de chaque tête.

Le duo abattit enfin la dernière marche, et devant eux s'étalait à présent le temple. Il leur suffisait de rentrer, de faire le tour des lieux, de ne rien trouver, et de partir. Ainsi, il serait convaincu de l'innocence de toute le monde. Mais l'angoisse ne quittait pas la Sénatrice : et si elle s'était trompée. Ariane se retournait vers son escorte avec un sourire. « Bienvenue au Temple. Si cela ne vous dérange pas, j'aimerais rester à vos côtés pendant que vous examinez l'endroit. Je ne serais pas rassurée, seule. Je ne suis pas peureuse d'ordinaire, mais si vous dites vrai, la menace est bien réelle... » Quel talent.