Ses iris grises se faisaient changeantes sous les lueurs qui perçaient au travers de la voûte végétale. Au loin le chant de quelques ovipares qui couvaient ça et là dans les branches hautes. Elle était loin l'agitation de la vie citadine. Une quiétude qui laissait à oublier les horreurs que Porus Vida avait déjà pu connaître par le passé. Des horreurs qui se poursuivaient ça et là dans la galaxie. Pour le pouvoir, la richesse et que sais-je encore. Eux, ils étaient là. Comme si rien ne pouvait venir les ébranler, avec cette conversation étrange qui n'avait plus l'apparence d'une simple rencontre formelle. Ainsi donc Fauve avait-elle eu raison d'ébranler un peu les choses ? De rester pour voir ce qu'il adviendra de tout cela ? Elle n'avait jamais eu besoin de poser de questions, les gens lui répondaient quoi qu'ils arrivent, sans même s'en rendre compte. De lui elle ne savait rien et n'avait pas envie de savoir davantage de ce qu'il avait laisser apercevoir. Néanmoins, à présent, il lui montrait une facette qu'il ne semblait pas posséder auparavant. Il se montrait plus loquace et offrait son point de vue sur les choses, sur son monde. Un point de vue intéressant quand elle même n'avait fait que réciter les écrits d'un explorateur aujourd'hui disparu.

Et cette main sur sa peau. Sitôt Fauve avait plongé son regard dans le sien, dès qu'elle avait senti ce contact inconnu et inattendu. Pourtant elle s'était gardée d'observer la moindre réaction de sa part. La neutralité, toujours. Même si ses prunelles devaient dire le contraire, les pupilles déjà bien dilatées du fait de l'endroit où ils se trouvaient. Elle avait l'impression qu'il voulait la convaincre de quelque chose, mais quand bien même elle respectait ce qu'il lui disait, elle ne se souciait guère de tout cela. Parce qu'elle appartenait à un tout autre monde, un auquel il n'aurait même pas pensé. Parce qu'il n'avait même pas idée de qui il avait en face de lui et cela devait continuer ainsi. Pour le bien de tous.

- Je ne peux pas, répondit-elle simplement, l'ombre d'un sourire au coin des lèvres. Ne me préserves pas de cette vie, pas ici.

Quel malheur se serait de résider pour toujours ici bas, dans cette cage dorée qui n'offrait aucune perspective d'avenir alors que quelque part dans l'espace, les choses devaient changer. Fauve baissa le regard pour lui prendre la main, au creux de la sienne, la clé qu'elle devait lui remettre. Mais au lieux de la lui lâcher, elle la garda encore un temps dans la sienne. Elle ne pouvait s'empêcher de reporter son attention sur lui pour l'observer, pour essayer de retenir ce visage si singulier. Lyana lui avait envoyé un bien curieux personnage. Et puis, finalement elle lui lâcha la main sans le quitter du regard, comme si tout se passait dans l'ordre des choses. Fauve continuait néanmoins d'esquisse se sourire si léger qu'il n'en avait pas l'air d'en être un. La native de Corellia continuait d'arborer un comportement serein face à tout ça. Suite à quoi elle se recula d'un pas pour prendre un peu de distance.

- J'espère que tu sauveras ceux qui t'entourent et que tu protèges, dit-elle à demi-mot pour lui faire comprendre qu'elle l'avait écouter avec attention.

Et si… et si tout ça n'était qu'un rêve ? Quiconque aurait pu se poser la question. Un pas, ce n'était rien et pourtant s'était assez pour séparer quelqu'un d'un gouffre… Ou bien d'une personne qui voulait vous tendre la main. Un pas et c'était un monde qui avait l'air de s'effondrer à présent qu'il n'y avait plus aucun contacte entre eux. Pourtant elle avait encore envie de le toucher, de sentir ce contacte qu'elle n'avait jamais espéré. Lui le soldat. Ce visage si grave qu'on en venait à douter que le corps puisse posséder une âme consciente. Oh pourtant Fauve l'avait vu. Dans ce regard si clair qu'elle l'avait cru imperturbable. Il s'était passé quelque chose à travers cet homme qu'elle ne connaissait pas. Quelque part, il l'avait touché au cœur. De simple résistant il était passé à être humain. Hélas, elle avait tant l'habitude d'enfermer ses émotions qu'elle ne parvenait pas à éprouver physiquement la moindre chose. Ils étaient bloqués quelque part dans son esprit, cherchant à sortir sans y parvenir. Il fallait la pardonner. Ce n'était pas volontaire.

Une éternité s'écoulait alors qu'en réalité il n'était questions que de quelques secondes à peine. Peut-être moins. Fauve avait l'impression qu'elle luttait contre elle même depuis des siècles. Il fallait résister, ne pas tomber dans le piège de vouloir renouer un contacte physique. Il ne fallait pas le toucher pour revoir changer ses yeux bleus. Il ne fallait pas… La décision était prise de repartir à présent que les informations avaient été transmises. Mais ça personne ne l'avait vu. C'était passé pour le jeu de deux amants qui devaient se quitter pour la dernière fois, pour ne plus se revoir. Une brise légère était venue à rappeler que la réalité existait encore. Les oiseaux étaient tout proches, chantant en cœur des mélodies différentes.

Fauve avait fini par se retourner pour lui offrir son dos, suivit de son homme de main qui n'était pas moins ravis d'enfin quitter Porus Vida. Mais la voix du soldat s'éleva de nouveau. La native de Corellia s'arrêta aussitôt sans pour autant porter son attention sur lui. Une hésitation ? Elle avait vu jusqu'où cette conversation avait fini par les mener. Elle avait découvert un cœur battant. Etait-il temps de l'abandonner maintenant qu'elle savait qu'il était vif et fort ? Ce risque en valait-il vraiment la peine ? Trop d'erreurs avaient été commises à cause de l'humanité des vivants. Mais quand bien même elle avait quelques difficultés à réagir aux émotions, elle n'était pas un droïde pour autant. Les erreurs faisaient l'être humain. Lentement elle se tourna pour le voir une dernière fois. Lui qui semblait si petit dans cette nature rayonnante. Si seul alors qu'elle cherchait à le quitter. C'était un tableau étrange, envoûtant, dans lequel on avait glissé quelques dissonances presque invisibles. Pour la première fois elle lui adressait un sourire qui trahissait un sentiment indescriptible, à la fois merveilleux et douloureux. Il était temps de faire une place au facteur inconnu.

- Eve.