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Le calme avant la tempête (pv. Thrace)

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C'est comme dans un cauchemar. Partout les mines sont tristes et fermées, les traits sont tirés, le monde entier est recouvert de noir. L'ambiance est oppressante, et on a l'impression de ne pas pouvoir échapper à la dépression de la planète toute entière, comme si c'était devenu contagieux. Pourtant, en arrière-plan, discrètement mais sournoisement, la suite des évènements se prépare. Il suffit de faire un peu attention, de prêter l'oreille et d'interroger les bonnes personnes, et on s'aperçoit rapidement qu'au milieu de ce bal funeste, c'est la guerre qui s'organise.

Cette constatation, elle me pèse sur le moral. C'est peut-être surprenant venant d'un membre du Premier Ordre, mais j'ai toujours eu un côté un peu pacifiste. Je n'ai jamais souhaité le malheur de ces gens, et savoir que la situation ne va faire qu'empirer pour eux, ça me donne juste envie de tirer la tronche avec eux. Un soupire m'échappe. Il faut que je reste concentré pourtant. Aujourd'hui est un grand jour, je dois retrouver le capitaine Thrace pour lui faire mon rapport. Il faut redoubler de vigilance. Constamment, j'ai cette impression paranoïaque que quelqu'un me suit, m'observe et m'écoute. Alors je jette un dernier coup d’œil derrière moi avant d'embarquer à l'improviste dans une navette pour quitter la capitale.

Ça ne peut pas faire de mal de gagner des contrées plus tranquilles de la planète, et ce sera surtout plus prudent. L’effervescence de la ville a fini par m'user les nerfs, alors quand la navette décolle, je me laisse tomber contre la paroi du vaisseau en prenant le temps du voyage pour fermer les yeux et faire le vide. Mentalement, je fais le bilan. Il n'est pas très bon. Il est certain que la résistance s'organise pour anticiper l'invasion. Et puis la nouvelle de la présence de jedis et de sith sur la planète au moment de la mort du Roi ne fait qu'accroître les tensions. Tout le monde recherche la carte, mais le sujet est tabou. Les gens sont méfiants, et il est de plus en plus difficile de les faire parler, ou de démêler la vérité des fausses rumeurs. Mais qu'importe, aujourd'hui c'est un jour plus tranquille. Un jour sérieux tout de même, mais la perspective de voir enfin une tête familière me redonne un peu le sourire. Je finis par me redresser pour faire courir un œil curieux sur les passagers qui m'accompagnent. Je ne reconnais aucun visage, et c'est plutôt bon signe. Je ne devrais pas être suivi.

Quand on arrive enfin, je suis en avance. Ça tombe bien, parce que le paysage est magnifique. La lumière du jour fait doucement briller la surface du lac, et je prends un instant pour profiter de la vue. Naboo est une belle planète, j'espère que l'invasion sera rapide et efficace pour minimiser les dégâts, et c'est d'ailleurs pour ça que je me donne tant de mal. L'arrivée de Thrace me revient en mémoire, alors d'une démarche plus détendue que dans la ville, je rejoins tranquillement notre point de rendez-vous. Un coup d’œil à l'heure m'informe qu'elle ne devrait plus tarder, alors je fais courir distraitement mon regard sur les alentours, à la recherche de ma coéquipière de la journée.
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le calme avant la tempête
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L’écran afficha les autorisations requises et le code d’accès au spatioport des lacs. Dans le silence de l’espace, les réacteurs de la navette se réactivèrent et l’appareil entama sa route vers le sol.
Aux commandes, je tapotais des doigts le manche sur un rythme qui me trottait dans la tête, un hymne mandalorien que je me mis bientôt à fredonner. La légèreté s’était emparée de moi quelques instant auparavant et j’étais lancée dans une interprétation de Vode An juste avant que le spatioport nubien ne me recontacte pour m’autoriser à atterrir. Si j’avais été coupée dans mon élan musical, il ne tarda pas à me reprendre, profitant de ne pouvant être entendue que par mon ysalamir. Csairiv m’observait paresseusement depuis son support nutritif, imperturbable, et me suivi du regard quand je quittais le cockpit, non sans que je lui recommande d’être “sage”. Comme s’il allait bouger de là en mon absence.
Dans le spatioport, personne ne fit attention à l’arrivée de cette navette aux formes méconnues, légèrement fluide et organique qui ne détonnait pas trop avec la technologie locale. Quelqu’un connaissant bien l’histoire aurait peut-être pu identifier le modèle comme lié à l’ancien Empire Galactique, mais son affiliation n’avait jamais été officielle et depuis bien longtemps oubliée. Cet appareil avait été récupéré de l'Ubiqtorate, une branche oubliée autant que secrète d’un Empire tout autant oublié comme on voulait oublier les affres de la guerre. L’effervescence du spatioport me permit de passer tout aussi inaperçue que mon vaisseau : je portais la même veste Corellienne brune que je portais aux funérailles de Solo et ces mêmes lunettes sombres qui cachaient mes yeux bien trop reconnaissable, de loin. Sans s’y attarder, je n’étais qu’une humanoïde à la peau bleu, rien de bien extraordinaire. Au pire, on pourrait me reconnaitre des holos de surveillance : la belle affaire, les images me montraient défendant la grille du palais contre les agresseurs.

Les rues ici ne ressemblaient en rien à celles de Theed et je m’approchais du parapet, captivée. Jamais encore je n’avais été dans la région des lacs et un frisson de délice me parcouru. Que le point de rendez-vous ait été prévu à cet endroit était sans doute la raison principale de ma bonne humeur. Le spectacle valait à lui seul le déplacement et la vision de la lumière sur l’eau scintillante et de l’architecture locale me fit oublier quelques secondes la raison de ma présence ici.
Je ne voulais pas faire attendre mon contact, aussi, je m’arrachais à la contemplation des lieux pour me rendre au lieu du rendez-vous. Fort heureusement, de tous les informateurs avec qui il m’arrivait de prendre contact, celui-ci figurait parmi ceux que j’estimais, un peu plus qu’une simple relation de travail. Je ne tardais pas à l’apercevoir, à l’heure lui aussi, et le rejoignit avec le naturel de deux civils se retrouvant. J’avais soigneusement adopté une attitude souple et détendue, les mains dans les poches, à l’opposé totale de toute raideur militaire.
- Belle journée pour l’occasion, l'endroit est superbe. Bonjour Nael.
A l'extérieur aucun endroit n’était sécurisé et je ne voulais pas compromettre sa couverture en m’adressant à lui de manière professionnelle. Les réflexes étaient parfois durs à mettre de côté et une erreur pouvait si vite se glisser dans les mots les plus anodins.
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La capitaine du Precursor ne se fait pas attendre longtemps. Comme moi, elle a troqué son uniforme contre une tenue beaucoup plus discrète, et j'aurais presque pu la manquer si la couleur de sa peau n'avait pas attiré mon regard. Je tique seulement lorsque je reconnais la voix qui m'interpelle, et je jette un bref coup d’œil à sa tenue passe-partout alors qu'elle s'avance vers moi. Ça n'est pas tout les jours que je pourrais bosser dans de telles conditions avec le capitaine Thrace. Cela dit, elle a raison d'éviter de se faire remarquer. Même si les holos de surveillance ne révélaient rien de véritablement compromettant à son sujet, elle avait été vue devant le palais du Roi, et le flou qui entourait toute cette histoire rendait les habitants de la planète particulièrement méfiants et parfois même agressifs s'ils en venaient à apprendre que vous étiez lié à l'évènement d'une manière ou d'une autre.

Sa salutation plus que cordiale m'arrache pourtant un sourire. Pour une fois que la mission nous permettait des libertés plus grandes, il aurait été moche de s'en priver, et Thrace joue le jeu avec naturel. Pour le bien de la couverture, je me redresse alors pour la saluer à mon tour, en tant qu'amie et non en tant que collègue. "Bonjour Thrace." A vrai dire, le fait d'abandonner les protocoles militaires pour une fois aidait à se détendre et à passer pour de simples citoyens encore plus facilement. "Oui, c'est une chouette planète." Je commente en jetant à nouveau un coup d’œil au lac un peu plus loin derrière moi. Au fond, ma remarque cache mon angoisse pour le futur de ces habitants, mais je ne peux pas m'empêcher d'espérer pouvoir revenir un jour ici pour y faire simplement une visite innocente.

"On va faire un tour ?" Je l'invite à aller profiter de l'endroit comme n'importe quel autre duo de touriste du coin, le mieux étant de se comporter le plus normalement possible pour brouiller les pistes si nous sommes sous surveillance. Et puis, quitte à se balader pour échanger quelques mots, autant profiter du paysage en même temps. On ne sait pas pendant encore combien de temps le calme tranquille qui règne ici durera... Alors je prends machinalement la direction des sentiers de randonnées, à l'ambiance bien différente de celle du marché noir de Theed. La sortie en est même ressourçante. Nous n'avons pas fait quelques pas, que déjà je poursuis la conversation. "Tu as fait bon voyage ?" L'ambiance est tendue dans tous les spacioports de la planète depuis l'annonce du Roi de Naboo à propos de la carte, alors je préfère être sûr qu'elle s'est assurée de ne pas être suivie, sans lui poser indirectement la question au cas où quelqu'un tenterait d'épier notre conversation. "Comment va la famille ?" Je réprime un sourire en coin en interrogeant à nouveau Thrace. Je tente évidemment de prendre des nouvelles du Premier Ordre, sans jamais vraiment prononcer le mot de l'organisation. C'est comme un jeu enfantin, il faut être capable de tenir une conversation tout à fait normale, sans jamais faire mention des mots interdits. De cette façon, tant que nous ne nous serons pas suffisamment éloigné de la population, nous ne prendrons aucun risque.
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Je fus accueillie par un sourire chaleureux qui à lui seul pouvait dissiper tout soupçon d’un éventuel observateur envers nous : qui dans la galaxie pourrait imaginer deux représentants du Premier Ordre témoigner de l’amitié en public ? Aux yeux de la galaxie nous passions pour des gens froids et dénués d’émotions, effet encore magnifié concernant les Chiss que les humains pensaient pas défaut absolument insensibles. Pourtant ce n’était pas tant un jeu que de profiter de notre couverture pour être un peu naturel : au-delà du Premier Ordre, nous étions des personnes, et des amis.
Une proposition aussi innocente que d’aller faire un tour nous permettait surtout de quitter les lieux, je parcourus une dernière fois les alentours du regard, comme pour admirer le paysage, là où je prêtais surtout attention aux individus.
- Avec plaisir. Tu me fais visiter ?
Nos pas nous menèrent en dehors des routes de la ville pour des chemins un peu plus sauvages, bien qu’aménagés et balisés. Cela présentait pas mal d’avantages, déjà il était plus facile de surveiller ce qui nous entourait, si des visages étaient un peu trop redondants ou montrant comme une volonté de ne pas être vu… Et puis cela nous permettait de profiter un peu de l’endroit. Il y avait peu de planètes aussi rayonnantes que Naboo, qui cumulaient un environnement naturel à couper le souffle, une architecture et une culture raffinée, un travail sur les lumières qui me laissait toujours subjuguée et une histoire unique dans toute la galaxie. L’Empereur Palpatine était originaire de ce monde, après tout. Quel dommage que la Résistance ait fait entrer ce monde dans une guerre qui aurait dû l’épargner… Depuis la proclamation du Général Organa, j’avais un petit pincement au cœur chaque fois que je pensais à ce que la planète allait perdre, immanquablement. “Épargne Naboo” avait dit Tuiren, et à ce souvenir je ressentis une vague colère : lui qui me demandait ça ? Lui dont les siens avaient contraint la population nubienne à se ranger d’un côté d’un conflit où ils auraient pu rester neutre et ne pas en souffrir ? Ceux qui vivaient ici n’avaient pas choisi de suivre cette guerre, ni d’un côté, ni de l’autre. Le Premier Ordre n’y avait aucun intérêt, pourquoi prendre possession d’un monde pareil ? Peu de ressources autres que culturelles, une civilisation pacifiste qui n’aurait pas fourni de bon combattants, aucun avantage géographique. Nous avions tous intérêts à la garder neutre. Mais la Résistance avait voulu en faire un argument de guerre, mettant en danger tout ce qui se trouvait ici. Ils nous forçaient à passer à l’attaque. Et c’était un Résistant qui osait encore me demander d’épargner ce monde. L’avait-il épargné, lui ?
Mes pensées vagabondaient et m'avaient données la mine un peu sombre, trahissant un peu mon amertume. Je fus ramenée à la réalité par Nael qui me demandait comment avait été mon voyage. Je quittais mon air renfrogné en tournant la tête vers lui.
- Très bon, un peu long. La douane a pris plus de temps que d’habitude, j’imagine que c’est normal compte tenu des circonstances. Mais bon, tu me connais, ce n’est pas comme si je donnais dans la contrebande ou que sais-je.
Non, j’avais juste un vaisseau presque inconnu des registres et des identifications falsifiés et du matériel impérial caché derrière des façades civiles. J’avais même poussé le détail jusqu’à installer une commande passant mes ordinateurs de bords et tout autres écrans dans ma langue natale plutôt qu’en basic, afin de faire croire à tout visiteur importun que ce vaisseau était un pur produit alien qu’ils ne pourraient de toutes façon pas comprendre. Parfois, quand je me sentais un peu joueuse, j’en rajoutais même en m’adressant à eux dans un basic à la grammaire aléatoire et en me composant un accent des plus exotiques. Au naturel, je parlais avec un accent impérial qu’il était difficile d’ignorer et qui pouvait facilement me trahir. Parlant d’impérial, je me retins de rire quand Nael me demanda des nouvelles de la “famille”.
- Elle se porte très bien, merci. Mon père est particulièrement en forme et nous propose dix idées de rénovations par jour pour la maison en ce moment. Pas toujours évident à gérer d’autant que je m’occupe de la logistique pour lui donner un coup de main, mais que veux-tu, quand il a une idée en tête… Je levais les yeux au ciel d’un air fataliste. Et toi alors ? Ton emménagement se passe comme tu veux ? L'installation se passe bien ?
Un bref regard aux alentours me confirma que depuis un moment déjà nous étions parfaitement seuls. Je n’avais plus noté la moindre présence depuis quelque temps, mais je gardais la couverture, au cas où Nael nous menaient à un emplacement précis où la sécurité serait assurée.
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Innocemment, nous nous mettons en marche comme si Thrace était venue faire du tourisme. La planète se prépare à la guerre, et ce n’est certes pas le meilleur moment pour venir admirer les paysages sauvages de Naboo, mais c’est aussi peut-être la dernière fois qu’on aura l’occasion de les voir inviolés par les ravages des batailles. La couverture du touriste semble donc la plus appropriée. Les gens sont méfiants, mais surtout rendus profondément tristes par la perte de leur roi et la situation dans laquelle se retrouve leur planète. La résistance s’organise, dans l’ombre, silencieusement, mais il suffit d’être attentif pour percevoir les conversations discrètes, les cargos secrets, et les barricades préparées à l’avance. A l’extérieur de la capitale pourtant, l’ambiance semble un peu moins oppressante. Les gens ont l’air plus décidé à continuer de vivre normalement, et je me sens moi-même plus à l’aise, presque détendu. Je fais pourtant partie de cette organisation silencieuse du conflit, et quand Thrace m’informe que la douane est plus sévère que d’habitude, je ne suis pas surpris. Ce n’est pas pour rien si elle est obligée de venir en personne pour recevoir des nouvelles de ma part. La moindre communication interceptée pourrait me coûter la vie et permettre aux ennemis d’obtenir des renseignements précieux.

C’est pour cela aussi qu’un petit jeu s’impose dans notre conversation. Thrace m’arrache même un léger sourire en saisissant et en manipulant parfaitement la métaphore. Sans jamais faire référence au premier ordre ou à la guerre directement, on parvient à en discuter librement sans craindre qu’une oreille extérieure puisque saisir cet échange d’informations. Il faut dire que depuis quelques jours, je suis à cran. J’étais avec le général Sukraas quand la fiancée de Oz m’est tombée dessus. Elle en est morte, et ce n’est pas une mauvaise chose, mais elle a bien failli griller ma couverture au sein de la capitale. Et puis l’idée que Oz puisse traîner dans les parages ne m’enchante pas davantage. Alors quand Thrace prend des nouvelles de mon emménagement, j’échappe un soupire. Ça fait longtemps que j’aurais dû en parler, de ce frère résistant qui me hante jour et nuit, et tout particulièrement depuis cette mauvaise rencontre. Pourtant j’ai toujours peur de le voir disparaître. Je redoute à chaque recoin de rue de le voir apparaître et pointer un blaster sur moi. Est-ce qu’il sait quel genre de monstre vengeur je suis devenu ? Je n’ai fait que ce que j’avais à faire avec sa fiancée, mais je suis certain que ce n’est pas comme ça qu’il le prendrait s’il savait.

Lancé de dé :
Pile :
Ils sont suivis.
Face : Ils sont tranquilles pour le moment.

« C’est compliqué. J’ai eu quelques ennuis avec une vieille connaissance. » Sur le chemin des lacs, on ne croise que de rares randonneurs et des animaux sauvages, alors petit à petit, je parle plus librement. « Rien que je n’ai pas pu gérer. » Je m’empresse d’ajouter pour rassurer la capitaine, mais ma mine se fait plus sombre quand je songe au cadavre que j’ai laissé derrière moi et à ce frère qui vole probablement au-dessus de ma tête en criant vengeance. Ça me rend malade même, de le savoir si proche et pourtant si opposé à moi. Pour une fois, j’ai peur de ce que cette guerre peut m’arracher. Moi qui me croyait intouchable, j’ai finalement quelque chose à perdre dans l’histoire, et je ne sais pas comment l’annoncer à Thrace. « Mais ça pourrait compliquer les choses, je ne suis plus très sûr de ma couverture. » Je déclare, évasif. « En tout cas, il faut presser les supérieurs. Le deuil camoufle les préparatifs pour la guerre. La résistance est déjà à Theed, c’est certain. Plus le temps passe et plus leur défense s’organise. » Je me mets soudainement à parler très vite, pressé de tout lui révéler pour oublier ce qui m’inquiète vraiment. J’hésite cependant un instant avant d’ajouter : « Les rogues seront là. Il faudra une flotte forte. » Je pourrais condamner mon frère à travers ces mots. Pourtant nous sommes deux adultes. Nous avons fait notre choix, et même si je maintiens que Oz n’a pas fait le bon, il devrait être assez grand pour s’en rendre compte par lui-même. Parfois, dans un moment solitaire, l’envie de lui envoyer mes condoléances ou un message d’adieu me prend. Aujourd’hui, la présence de Thrace m’aide à rester réaliste, et j’échappe un nouveau soupir avant d’avouer plus doucement avec un léger sourire : « C’est bon de revoir une tête connue. »
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Je fronçais légèrement les sourcils quand il évoqua des ennuis et une vieille connaissance. Les propos semblaient badins mais tout ennui pour un espion en mission pouvait cacher un danger autrement plus massif. Même s’il m’assura presque aussitôt qu’il avait pu le gérer, je restais aux aguets du moindre complément qu’il pourrait ajouter en sous-texte. Je tiquais alors quand il évoqua sa couverture ouvertement. Nous étions seuls, fort heureusement, c’était d’ailleurs pour cela qu’il quittait un peu nos rôles de touristes pour être plus direct. Lasse d’afficher ce visage presque humain et bien trop expressif à mon gout, je repris mon expression naturelle, celle que les humains jugeaient froid, me faisait remarquer, mais qui ne me demandait pas d’effort. Nael me connaissait, je doutais que je puisse lui faire peur ainsi.
- Nous sommes de cet avis. Je crois que le conseil de guerre voulait retarder l’échéance, on s’y est opposés. L’attaque sera menée à l’attaque prévue. Assurais-je.
Sur la flotte de Thrawn, les délais étaient respectés à la lettre, nos combattants avaient l'habitude des plans du Grand Amiral soigneusement minutés et son intransigeance face aux retards. Le reste du Premier Ordre n’était cependant pas sous ses ordres et cela s’en ressentait, parfois. Nael m’informa la présence des Rogues, me la confirma tout du moins. Ma rencontre avec Tuiren quelques jours avant m’en avait déjà donné un aperçu assez clair. Je hochais la tête lentement.
- Ils auraient été stupides de ne pas mettre leur meilleurs pilotes sur le coup. Les forces d'attaque spatiale sont déjà bien fournies et ma flotte sera en tête. Des années à seconder Thrawn me faisaient parfois oublier que c’était sa flotte et non la nôtre et que seul le Precursor était sous mes ordres, mais il ne me reprenait jamais à ce sujet. Au cas où il n’était pas encore clair entre nous qu’il me formait au rôle d’amiral. Je transmettrais, cependant. Si on peut encore renforcer la ligne, nous le ferons.
Quelque chose dans ses mots me fit comprendre qu’il y avait plus que la simple joie de revoir un visage connu. Nael était un espion, il avait l’habitude des missions isolées où il ne connaissait personne. Qu’il ait besoin de témoigner cette attention me semblait le signe d’un trouble dans ses émotions. Je me tournais vers lui, le regard attentif et même un peu inquisiteur, puis j’inclinais légèrement la tête avec un sourire à peine esquissé, mais doux.
- Pour moi aussi, c’est bon de te revoir.
Devais-je attaquer frontalement et lui demander de but en blanc ce qui le travaillait ? Avec un Chiss, pas de faux semblant, j’aurais demandé sans détour, d’ailleurs un Chiss n’aurait pas laissé ce genre d’indice sans avoir la volonté que son interlocuteur le remarque et initie la suite. Mais avec un humain, c’était bien plus complexe et beaucoup trahissaient leurs émotions au travers des mots sans même s’avouer ces émotions à eux-mêmes. Il m’était bien souvent arrivé de poser une question directe à un humain et faire face à une soudaine hostilité, l’humain semblant pris en faute sur quelque chose qu’il désirait cacher, à lui-même, parfois.
Les humains étaient étranges… Mais si quelque chose troublait Nael, qui était non seulement un bon ami mais surtout un espion qui ne devait pas compromettre sa mission, en ignorant par exemple certains sentiments parasites, je devais approfondir le sujet.
- Quelque chose semble te tracasser. Tu veux m’en parler ? Repris-je en modulant ma voix pour la rendre douce et chaleureuse, plus humaine, là aussi en quelques sortes.
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Thrace m’assure que la flotte du Premier Ordre sera mobilisée en conséquence, et étrangement cette information ne soulage pas mon cœur. Je ne suis certainement pas prêt à mettre des bâtons dans les roues du Premier Ordre pour protéger mon frère, mais la perspective d’une victoire écrasante me préoccupe évidemment. Je me tais un instant, sans savoir si je regrette mes paroles, et puis je décide de changer de sujet. Je remarque la surprise qui passe sur le visage de Thrace, mais rapidement ses traits s’adoucissent, et elle me retourne la remarque. Ce n’est pas grand-chose, quelques mots échangés, mais son mince sourire suffit à décrisper légèrement mes épaules.

Ce n’est pas la première fois, et certainement pas la dernière, que je travaille en solo dans une atmosphère plus que tendue. Ce n’est pas le danger ou le deuil omniprésent qui m’étouffe, mais chaque pensée que je ne contrôle pas est portée vers Oz, ce frère qui continue de me pourrir la vie sans me voir. Avoir une présence amicale à mes côtés chasse les mauvais souvenirs qui hantent mon esprit. Je laisse courir mon regard sur le paysage qui nous entoure, presque prêt à profiter de ce temps mince que le hasard nous accorde pour penser aussi à autre chose que la guerre, mais Thrace n’est pas idiote. Thrace est une Chiss, et j’aurais dû me douter qu’elle saisirait facilement que quelque chose ne tourne pas rond.

Thrace est une bonne commandante. Elle fait preuve d’une grande rigueur digne de tout Chiss qui se respecte, mais reste aussi attentive aux détails et concernée par le bien-être de ses hommes. C’est une fidèle précieuse pour le Premier Ordre, et elle honore son père par ses réussites. Néanmoins, à mes yeux c’est aussi une bonne amie, en qui j’ai appris à avoir confiance au fil du temps que l’on a passé à se croiser dans l’organisation. J’apprécie sa présence, ce qui n’est pas donné à tous les agents que j’ai pu croiser dans ma carrière, alors quand elle m’interroge sur mes préoccupations silencieuses, je ne songe pas à mal le prendre.

Bien sûr, il y a cet instant où l’inquiétude me serre le cœur. Une petite voix me crie méfiance, et j’imagine aussitôt tout ce que Thrace pourrait raconter à ses supérieurs si je lui racontais toute la vérité de ma problématique. Après tout, elle est ici en qualité de messager, et ce serait son devoir de rapporter toutes les informations que je pourrais lui transmettre.

Pile : Nael décide de raconter toute l'histoire
Face : Nael ne raconte qu'une partie de la vérité


Pourtant j’évolue au sein du Premier Ordre depuis assez longtemps pour savoir que nous partageons tous deux la même interprétation de cette idéologie. Je ne suis pas heureux de préparer la guerre. Je ne suis pas fier d’avoir ôté la vie à la fiancée de mon frère. Et pourtant, j’ai fait ce que j’avais à faire. Imperturbable, j’ai rempli mon rôle. Ce n’est pas la première fois que je dois tuer pour mener une mission à bien ou protéger ma couverture, mais cette fois-ci, ce n’était pas une rencontre comme les autres. Ce meurtre il me tourmente dès que je lui en laisse l’occasion, et j’espère que, peut-être, une confession au bord des lacs de Naboo me permettra d’exorciser une partie de ce mal-être qui me ronge. Le ton doux et tranquille qu’elle a pris achève de me convaincre, et j’admets d’abord en marmonnant à peine. « C’est vrai. »

Puisque nous sommes seuls, j’ai l’impression que la fatalité me laisse une occasion unique de m’exprimer librement, alors je me lance. Je ne sais juste pas par où commencer, et je suis obligé de prendre un cours instant de réflexion pour mettre de l’ordre dans mes idées et organiser un discours qui fasse sens. « La vieille connaissance…c’était la fiancée de mon frère. » Je lui laisse un instant, pour enregistrer tous les faits, et aussi pour calmer l’inquiétude qui fait battre mon cœur plus vite. Ils sont peu au sein du Premier Ordre à avoir été mis dans la confidence. « Elle me connaissait. Je n’ai pas eu d’autre choix que de la tuer. Elle aurait compromis ma couverture. » Sans vraiment m’en rendre compte, je tente de me justifier, avant de me rappeler que Thrace ne connait pas le détail le plus important. « Elle est avec la résistance. C’était une espionne. » Et puis une fois que j’ai commencé à parler et que mon crime est déjà avoué, ma langue se délie plus facilement. « Mon frère les a rejoints il y a des années, après la mort de notre mère. » Et puis, comme il m’est aisé de deviner la question qui viendra à l’esprit de Thrace, je poursuis sur le même ton : « Je n’en ai jamais parlé parce que je ne veux pas l’impliquer. » Thrace sait que je n’aime pas tuer. La persuasion est un art subtil que je préfère largement manier plutôt que d’avoir recours à la violence. Malgré les nombreuses discordes qui existent entre nous, l’idée même que le Premier Ordre puisse me demander de me retourner contre mon frère me terrifie donc. L’assassinat de sa fiancée était nécessaire, mais la présence plus que probable de Oz sur Naboo me rend nerveux, irritable et impatient. « Je pense qu’il est ici. Sur Naboo… » J’hésite un instant encore, et puis, puisque j’y suis, je finis par avouer totalement : « Je me sens mal, pour lui. » Bien sûr, ça ne rachète en rien mes actions. Bien sûr aussi, ça ne doit pas interférer avec ma mission première ici. Il n’empêche que, même pour un espion supposément impénétrable, ça fait toujours du bien de vider son sac auprès d’une véritable amie. Alors finalement, après avoir tout avoué, j’ose enfin lui jeter un regard timide, pour essayer de lire une quelconque réaction sur son joli minois bleu.
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J’avais misé juste et je le vis hésiter, quelques instants où je pu détailler la subtilité de ses expressions, les infimes mouvements de ses pupilles trahissant une intense réflexion, avant qu’il ne prenne sa décision. Il commença par admettre qu’il y avait effectivement quelque chose, puis m’expliqua la situation : il avait dû protéger sa couverture en tuant une vieille connaissance, la fiancée de son frère.
Cet incident révélait d’autres choses en vérité, car j’ignorais que Nael avait un frère. Je me renseignais souvent sur la base familiale des soldats directement sous mes ordres, les leviers affectifs pouvaient avoir parfois une grande influence dans leurs actions. Cela évitait des impairs évidents, comme d’envoyer un homme sur son monde natal pour y semer le chaos au risque qu’il ait à s’en prendre à ses amis et famille parmi les civils. Bien sûr, ils étaient entrainés aussi pour se battre malgré ces contraintes mais ça augmentait considérablement le risque d’erreur humaine, sur le moment ou dans les suites.
Nael lui n’était pas sous mes ordres : il appartenait au bureau des renseignements, c’était un agent et était détaché de la flotte. Ce que je savais de lui en dehors de ce que j’avais à savoir sur un agent, c’était ce que notre amitié m’avait appris. Jusque-là, nos situations familiales n’étaient pas beaucoup venues sur le tapis.
Et il avait été confronté à une de ces situations pour laquelle je me renseignais sur mes hommes avant de les envoyer au combat : il avait dû combattre quelqu’un de sa famille. Je restais silencieuse, ne posant pas de questions malvenues pendant ses explications, qui ne tardèrent pas à venir. J’enregistrais la nouvelle de l'affiliation de cette femme avec la Résistance avec un froncement de sourcil surpris et attentif. Expression qui s’accentua quand il compléta le tableau familial par l’engagement de ce frère et la mort de leur mère, assemblant dans mon esprit les pièces du puzzle qu’il me fournissait au fur et à mesure.
J’appréciais sa sincérité, avoir un membre de sa propre famille chez l'ennemi devait être quelque chose de très difficile à porter et à ne révéler qu’avec crainte, c’était un geste de grande confiance qu’il faisait là. J’avais moi-même des amis chez les Résistants, la crainte de Nael, sa culpabilité d’avoir frappé quelqu’un proche de son frère, je me l’imaginais sans peine. J’inclinais légèrement la tête.
- Je vois. Et pourtant malgré cela tu as fait ton devoir. D’un point de vue militaire, je ne peux que saluer le courage dont tu as fait preuve, personne ne pourra te reprocher de ne pas avoir agi avec objectivité et dans l’intérêt de la mission.
Je posais une main sur son épaule, nous n’étions pas que collègues et l’aspect professionnel ne couvrait qu’une partie du problème. Tuer quelqu’un était déjà dur, tuer quelqu'un que l’on connaissait, c’était le genre d’acte qui laissait marqué à vie. Mais un membre de sa propre famille, étendue ou non, c’était sans doute la pire situation à laquelle quelqu’un pouvait être confronté.
- D’un point de vue personnel, je comprends combien ça doit être dur et combien ton inquiétude doit être grande. C’est déjà dur de concilier sa vie miliaire avec sa vie familiale quand on est du même camp, mais ennemis… Je resserrais un peu ma main sur son épaule. Un instant, je pensais à Kylo Ren, à son regard quand je l’avais retrouvé après la mort de Solo, ce déchirement que j’avais lu dans ses yeux. Malgré des années de haine, le sentiment profond d’être du bon côté de cette guerre, quoi que pourraient en dire les historiens, faire face à sa propre famille ne laissait personne indemne. Après ce que Nael avait accompli pour ne pas briser sa couverture sur cette mission, il aurait été cruel de lui suggérer de l’en retirer pour le protéger. Tout comme moi, Nael n’était pas quelqu’un qu’il était nécessaire de protéger.
- Il n’y a pas grand-chose que je puisse faire si ce n’est porter ce fardeau avec toi. Je te remercie de ta sincérité et de ta confiance.
Ce secret nous liait, plus encore qu’il ne pouvait l’imaginer, et après une brève hésitation je me dis que ce n’était que juste retour des choses que je lui confie quelque chose en retour, moi aussi. Je n’avais pas particulièrement besoin d’en parler, même si ça me tracassait, mais quand il s’agissait de ce type de secret il n’était jamais bon dans une amitié d’en avoir un en position de force sur l’autre.
- Je sais ce que c’est que d’être proche d’une façon ou d’une autre de quelqu’un devenu ennemi… et de penser à l’impact de mes actes sur ses proches, de m’inquiéter pour lui tout simplement. Lâchais-je finalement. Pas qu’un d’ailleurs, deux amis, de l’escadron Rogue. Bien évidemment, c’était il y a longtemps, j’ai perdu contact avec l’un d'eux quand il a rejoint la Résistance et l’autre, jamais nous n’évoquons nos camps respectifs mais nous n’en sommes pas moins ennemis, et si nous devions nous confronter, nos devoirs seraient de tout faire pour abattre l’autre. Je jouais un peu avec une mèche de cheveux, il était rare que je les laisse libre, là aussi c’était un choix pour faire moins stricte, moins reconnaissable. Et si ça arrivait, je ferais ce que j’ai à faire… mais ça ferait très mal.
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