Une paix fragile semblait s'installer à nouveau, qu'un souffle un seul briserait peut-être. Mensonges et danger, tout cela les entourait, ils le sentaient évidemment, oh bien sûr qu'ils le sentaient, mais qui des deux mentaient le plus dans toute cette sincérité?
Un instant les yeux de Gal'aad redevinrent de glace, Biggs pouvait le prendre pour un enfant, il n'en restait pas moins un homme pourtant. Un homme pouvant choisir de tuer, un homme pouvant choisir d'épargner.
Tuer cet homme à la sortie de la cantina, pourquoi pas, quelque chose l'en empêcherait-il? Le robots était programmé pour les femmes, Biggs venait de le dire, pas pour aider. Un scénario possible, un scénario parmi tant d'autres.

”Non.”

Parce qu'il n'avait rien à partager, pas avec une femme, pas avec une inconnue un soir dans la nuit et le vin. Il savait les corps capables de se frapper, il savait chacun de ses muscles à lui pour les missions et les douleurs, mais avec il ne savait pas aimer.
Il s'en fichait.

”Voilà de quoi pour toi dire aux autres que les Rens du Premier Ordre n'ont pas la moindre émotion. Ca, en plus de toutes vos autres rumeurs...”

Une menace dans les mots, quelque chose de sourd et d'insidieux, un danger. Un sourire aussi, petit, voilé, comme une mise au défi, les yeux bleus, les yeux glacés qui ne le lâchaient pas, prédateurs, était-ce bien une menace finalement, ou une simple plaisanterie? Parmi les autres clients, on continuait de les regarder, de les juger. Certains murmuraient à l'oreille de leurs voisins, ils pensaient être discrets mais cela ne formait qu'un amas de bruits parasites. Des bruits dont Gal'aad avait l'habitude.

”Tu as vraiment programmé ton droïde ainsi? Cela sous entends que tu as plus que quelques connaissances en mécanique, beaucoup plus. Dommage que tu ne veuilles pas t'engager, mais tu n'es qu'un honnête pilote, n'est-ce pas? La galaxie est pleine d'honnêtes gens adorant regarder de loin et juger pour mieux nourrir chacune de ses guerres, rien de mieux pour s'enrichir. Ca et la contrebande bien sûr. Je n'aime pas les contrebandiers, je ne saurai pas te dire pourquoi... J'espère que tu ne l'es pas, je t'apprécie après tout.”

Nous marchions sur un fil tendu. Equilibre instable, fragile. Un faux mouvement, une parole incontrôlée et c'était la chute. Nous étions deux funambules. C'était une situation étonnante. J'entends mon propre coeur tambouriner dans ma cage thoracique, si fort que je me demandais comment il ne pouvait le percevoir. Je l'écoutais calmement, frémissant quand il évoqua la possibilité que je raconte aux autres ce que nous nous disions. L'aurais-je fait ? Je me surpris à y réfléchir. Bien évidemment, j'avais été surpris d'apprendre que Gal'aad était un chevalier de ren. Néanmoins, les circonstances de notre rencontre n'avaient rien de conflictuelles. Et bien que nous marchions sur la corde raide, qu'aucun retour en arrière ne semblait possible, pour le moment je n'avais aucune raison de parler de ça à la résistance. « Tu penses que j'ai l'intention de parler de ce qui est en train de se passer autour de moi ? Nous savons tous les deux que nos idéaux sont différents, que par extension nos camps le sont également. Mais si l'objectif de cette discussion est de propager diverses rumeurs dans le but de s'en servir l'un contre l'autre, autant engager le combat de suite. » Je marquais une pause. « Or ce n'est clairement pas mon intention. »

Ecart. Pied mal placé, le fil a bougé et j'ai failli tomber, à moins que ce ne soit lui. Je me redressais légèrement, éloignant ma main de mon arme pour signifier mon pacifisme. Il se méfiait, j'en étais persuadé. Sa question sur mon intention de répéter ce qu'il me révélait me le disait. Sa volonté de connaître ma vie de pilote me le confirmait. Que faire ? Lui avouer ? Après tout, je connaissais déja son allégeance à lui. Nous serions sur un pied d'égalité. Mais je risquer de faire céder le fil définitivement. Je me surpris à penser à Tuiren. Il me tuerait s'il me savait ici, à converser avec un chevalier de ren. « Je ne suis pas un contrebandier. Si cela peut te rassurer. Je gagne ma vie honnêtement, selon mes idéaux en tout cas. Mais je suis un peu plus qu'in simple pilote. Disons que je ne pilote pas une navette de tourisme. »

Sur son palais, le goût du vin comme un souvenir heureux, à ses pieds la solitude était un chien apaisé, pourquoi? Quelque chose se jouait, s'oubliait. Il pensa au sabre à sa ceinture, si simple à dégainer, mais surtout, il écouta.
Pour ne pas que la tristesse vienne trop vite, pour ne pas que le chien se réveille, sombre, féroce, dressé à déchiqueter chacun de ses ennemis. Parce que ce chien...c'était lui.
Chacun de ses mots d'avant avait été cruel, Gal'aad. Il les avait lancé en l'air, comme sûr d'être immortel, choissant d'ignorer les conséquences. Il le regrettait, parce que les conséquences, elles étaient là à présent. Pousser à la vérité lorsque'honnêtes, ils l'avaient déjà été. Le diable dans les détails, le mieux, l'ennemi du bien...
Voulait-il véritablement savoir quelque chose de plus sur Biggs? Non, mais il était trop tard pour y songer maintenant.
Amer, Gal'aad comprenait s'être pris au piège de son propre orgueil, se créant un ennemi là où une simple rencontre amicale aurait pu lui suffire.

“Je suis désolé...”

N'était-ce pas ce que l'on disait, après avoir brisé quelque chose? Après ou avant, un moment noyé dans le temps, une vague creuse perdue dans l'océan...

“Se battre et vivre pour nos idéaux, c'est ce que nous faisons tous je suppose... ”

Sans ces idéaux, comment à parviendraient-ils à sacrifier ces choses parmi les plus précieuses qu'ils possédaient? Gal'aad regarda le bras qu'il portait, auquel au fond il ne s'habituait toujours pas. Il n'avait pas combattu Hayden par idéal, peut-être était-ce cela qui lui faisait ressentir sa mutilation comme plus terrible encore? Il ne savait pas.

“ Personne ici n'est assez fou pour vouloir une destruction totale des choses et de la vie... Bien sûr parfois, d'une destruction quelque chose peut naître ou renaître, les sages avaient un mot pour cela avant. Apocalypse, je crois... Mais jouer avec le feu n'est pas sans risque.”

Sa gorge était sèche, son verre était vide. Et tout lui semblait triste, si triste alors... La sincérité avait cet effet.

“Je ne sais pas quel est ton idéal, à sa manière il doit être proche du mien que tu le croies ou non, mais tu possèdes un coeur honnête. Être ton ami pour quelques minutes est un honneur...”