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In the darkness before the dawn, leave a light on ✖ Oz

Moira Sayall
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In the darkness before the dawn, leave a light on
Moira & Oz

Moira n’aime pas dormir. Elle n’a jamais vraiment aimé ça. C’est une perte de temps, un trop long moment où l’on ne fait rien, où le corps est comme mort et où l’esprit est beaucoup trop actif. Elle n’aime pas se retrouver dans le noir, allongée sur son lit à laisser ses angoisses l’envahir brutalement alors qu’elle a tout fait durant le jour pour ne pas y penser. Et elle n’y pense pas. Jamais. Ce n’est qu’une fois la nuit tombée et au moment de s’endormir que la brune est assaillie par beaucoup trop d’images, de souvenirs, de choses qu’elle aimerait oublier. Des fois, elle ne dort pas pendant deux voir trois jours d’affilés, elle s’occupe ou fixe simplement le plafond de sa chambre. Mais toujours, l’un des garçons de l’escadron se la joue grand-frère, elle se fait sermonner et Moira répond en roulant des yeux et en marmonnant qu’elle dormira juste après. Ils le font tous, parce qu’elle est la plus jeune -excuse qu’elle trouve un peu trop facile- ou la plus petite. Littéralement, la plus petite. Ils sont tous là, avec leur grande taille alors qu’elle passe le plus clair de son temps sur la pointe de ses pieds. Ca les fait rire et elle aussi. Elle est un peu ridicule mais elle a fini par l’accepter. Ils peuvent bien la taquiner, Moira répondra en tirant la langue avant de rire. Mais lorsqu’il faut dormir ? Ugh non, Moira ne plaisante plus. Ou si mais son humour est teinté de mauvaise foi et n’est pas aussi sincère que d’ordinaire. Ca fait pourtant quelques années que Moira ne dort plus seule, pas toutes les nuits mais presque, parce qu’au final, la solitude lui fait plus peur que tout le reste. Puis soyons honnêtes, la présence d’Oz à côté d’elle l’apaise. Elle est moins réticente. Fait moins de cauchemars. Entendre le bruit de sa respiration lui permet de se focaliser sur quelque chose d’autre que ses pensées. Et il n’est pas trop remuant, n’est pas du genre à s’étaler en plein milieu du lit. La seule mauvaise manie notable est qu’il vient souvent coller ses pieds froids ; ce qui fait sursauter Moira à chaque fois. Elle aura de toute façon beau le taper avec un oreiller pour qu’il mette des chaussettes, il n’en fera rien. Pas grave. Néanmoins, même avec Oz à côté, la brune est toujours longue à s’endormir, met parfois quelques heures avant de finalement sombrer. Un peu comme ce soir là. Elle est restée presque trois heures à fixer le plafond et écouter la respiration calme du pilote, ses doigts jouant avec la chaine autour de son cou.

Elle dort, un peu, pas longtemps et certainement pas sereinement. Elle finit par se redresser brusquement sur le matelas, le souffle court et une sueur froide coulant le long de sa colonne vertébrale. Le hurlement continue de raisonner dans ses oreilles, impossible de le faire taire. Elle plaque ses mains sur ses oreilles, inspire et expire profondément pour calmer la panique qui l’étreint. A côté d’elle, Oz ne semble pas des plus serein et bouge d’une façon inhabituelle. Elle lève la tête, jette un coup d’oeil à son ami avant de s’extirper de sous les draps pour se glisser dans la minuscule salle de bain attenante à la chambre. Dans le noir, elle active l’eau du robinet pour s’asperger un peu le visage, se sortir complètement de son état semi comateux. Moira reste là encore quelques instants, juste à respirer calmement, regagner son sang froid et se convaincre que ce stupide rêve ne reviendra pas. L’eau est coupée, son visage essuyé, le lit rejoint mais ses yeux restent grand ouverts. Elle fronce les sourcils, Oz est vraiment agité, il murmure des choses plus ou moins compréhensives et la brune se redresse à nouveau. Elle attrape des brides, il répète un prénom, toujours le même. Nael. C'est la première fois qu'elle entend ce prénom et elle se demande brièvement qui cela peut bien être pour mettre Oz dans un tel état. Il s’agite un peu plus. Il vaudrait mieux le réveiller avant qu’il ne soit en panique totale. La jeune femme attrape doucement les poignets d’Oz, il serait capable de lui donner un coup sans s’en rendre compte, avec ses mouvements brusques. Délicatement, elle les plaque le long de son corps, contre le matelas.

« Oz ? Réveille-toi. Ce n’est qu’un cauchemar, réveille-toi maintenant. » Dit-elle d’une voix douce.

Cela ne fonctionne pas. Ses mains lâchent ses poignets, se posent contre les joues avec un peu de fermeté. Il ne veut tout de même pas qu’elle le frappe pour qu’il se réveille ? Non pas qu’elle ne le ferait pas mais ce n’est clairement pas la meilleure façon de réveiller quelqu’un.

« Allez Oz, tout va bien, je suis là. »

Finalement, il ouvre les yeux, Moira sourit légèrement et relâche son visage.

« Eh… Ca va ? »

Elle plisse un peu les yeux, prenant une moue inquiète. Elle ne peut s’empêcher de penser à ce qu’elle a entendu, de ressasser les mots dans son esprit mais pour l’instant, elle préfère se taire.

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Nael, le frère maudit, le frère que je cache, dont je tais jusqu’au prénom. Depuis si longtemps, je n’ai jamais réussi à l’évoquer même avec mes amis les plus proches. Ma fiancée, elle est la seule à savoir que j’ai un frère, mais elle ne comprend pas pourquoi je refuse qu’elle en parle. Elle respecte mon vœu pourtant, et  Elle l’a rencontré une fois, juste une fois, et ce fut le seul moment depuis que j’ai quitté Tatooine où j’ai pu vaguement parler de lui. Autrement, il faut mentir. Dire que je vais rendre visite à mon père, sur Tatooine, pour le voir lui. Ça fait longtemps qu’on ne se voit plus régulièrement, trop longtemps qu’on s’adresse à peine la parole. Pourtant je cache son existence à mes proches et collègues. Je ne veux pas qu’ils risquent d’apprendre qu’il appartient au Premier Ordre. Je ne veux pas qu’on puisse se servir de lui. Il a beau être dans l’autre camp, on a beau se déchirer un peu plus à chaque fois qu’on se voit, il reste avant tout mon frère. Alors je mens à ma famille d’adoption, à la Résistance, tous autant qu’ils sont. Je mens depuis si longtemps que c’est devenu un automatisme, pourtant il y a des jours où c’est plus difficile que d’autres. Aujourd'hui, ça aurait été l’anniversaire de notre mère. Ces jours où tout semble plus compliqué, je regrette plus que tout la présence de mon frère à mes côtés. Mais ça, je ne peux pas le montrer. Rester fort, faire comme si de rien n’était, c’est facile avec l’habitude. Jusqu’à ce que la nuit ait raison des faux semblants.

Il est là. Il est devant moi, bien vivant et tout sourire, et puis il s’en va. Il me tourne le dos sans un mot pour s’enfuir. Je cours mais dans le sable de Tatooine, je n’arrive pas à avancer. Mes pieds s’enfoncent dans les dunes. Je vois Nael qui s’éloigne de plus en plus, vers un vaisseau énorme. Un vaisseau menaçant, frappé du signe du Premier Ordre. Et autour, les ténèbres. Elles envahissent mon petit frère sans que je ne puisse le rattraper pour le sauver. Je suis un pilote, je suis rapide pourtant ! Mais à pieds, je n’avance pas. J’ai beau hurler son prénom pour qu’il m’attende, c’est trop tard. Plus j’appelle et plus il m’échappe. Bientôt, c’est une autre voix qui appelle mon prénom. Elle me retient en arrière, ne cesse plus d’appeler. Je ne veux pas me retourner, je veux rattraper Nael. Il ne peut pas s’en aller encore !

Mes yeux s’ouvrent quand je me rends brusquement compte que tout cela n’était qu’un rêve. Le coeur battant, je me redresse comme si j’étais seul dans mon lit, encore perturbé par l’apparition de mon frère dans mes rêves. Je n’ai pas pour habitude d’être aussi secoué et la sensation n’en est que plus désagréable. Je n’arrive pas tout à fait à fixer mon regard, à calmer ma respiration. J’ai l’impression que l’image de Nael va surgir à nouveau à tout instant. Qu’il va réapparaître là, devant moi, au bout du lit. D’un geste hasardeux, je passe une main dans ma nuque pour essuyer la sueur froide qui me file des frissons. Je n’ai qu’une envie, c’est de me laisser retomber entre les draps en ignorant le reste du monde. Fermer les yeux et oublier ma conscience qui me rappelle toujours que j’ai perdu Nael. En ignorant aussi cette silhouette à côté de moi. Je ne vois quasiment rien dans l’obscurité de la chambre, mais je n’ai pas besoin de voir pour deviner l’expression de Moira. Elle me demande si ça va et tout ce que je suis capable de répondre, c’est un vague grognement. Pour une fois, j’aurais aimé qu’elle ne soit pas là, qu’elle n’assiste pas à ça. Ça ne me dérange pas d’être réveillé par ses cauchemars, de rouler près d’elle quand je l’entends s’agiter dans son sommeil. Mais si c’est moi qui commence à rêver, ça me plaît beaucoup moins.

Perturbé et mal réveillé, j’abandonne Moira un instant. Je calque mon comportement sur le sien, quand je la vois se réveiller en pleine nuit. Je me glisse hors du lit et jusqu’à la salle de bains, en manquant me prendre la porte en pleine tronche au passage. Je râle, je finis par allumer la lumière, et j’avale au moins 100 litres d’eau fraîche pour faire passer le cauchemar. J’en profite pour m’asperger le visage, et finalement je me laisse retomber sur le lit. "Désolé si j’t’ai réveillée." Moira a le sommeil fragile, je m’en voudrais de l’en avoir tirée pour un rêve aussi con. Je lui accorde un petit sourire avant d’éteindre la lumière, pourtant j’ai l’impression qu’aucun de nous n’est prêt à se rendormir. Les yeux fixés au plafond, c’est comme si je sentais le regard de Moira sur moi. Je pourrais presque entendre ses pensées, alors pour arrêter d’entendre, je me tourne dos à elle. Dans mon état de demi-sommeil, je me sens beaucoup trop vulnérable. J’y pense un long moment, il ne faudrait pas que je me mette à lui balancer des informations et toute ma vie à chaque fois que je suis au summum de la fragilité. J’ai presque envie de l'engueuler. Pourtant je sais qu’elle n’y est pour rien. Elle ne devrait pas être là, pas alors que je suis fiancé. Mais si il n’y a rien ce n’est pas si grave ? Ça fait trop longtemps maintenant qu’elle passe nombre de nuits à mes côtés, trop pour lui en vouloir d’être là précisément ce soir. Alors tant pis, je me lance. Je sais qu’elle ne s’est pas rendormie non plus, alors comme ça, en collant mes pieds contre ses jambes pour faire diversion, je marmonne. "J’ai rêvé de mon frère." Simple, efficace, peut-être qu’elle ne cherchera pas plus ?
Moira Sayall
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In the darkness before the dawn, leave a light on
Moira & Oz

Ses yeux sont grand ouverts et Moira s’écarte de lui alors qu’il se redresse rapidement sur le matelas. Elle reste là, assise, les bras croisés contre sa poitrine à le regarder. Elle ne lui dit rien, ne lui dit plus rien. Malgré la pénombre dans laquelle la petite chambre est plongée, Moira n’a aucun mal à discerner le regard perdu et l’expression perturbée du visage d’Oz. C’est probablement la première fois qu’elle le voit ainsi. Oh, tout le monde fait des cauchemars, lui n’en est pas exempté mais un songe qui inspire une telle agitation et panique ? Non, c’est véritablement une première. Il ne lui répond que par un petit grognement, Moira n’en rajoute pas et continue de garder le silence. S’il veut parler, si il en a besoin, il le fera de lui-même. La brune n’a pas envie de forcer son ami à se confier s’il n’en ressent pas l’envie ; cela ne sert à rien de brusquer, se montrer patient est souvent la meilleure des attitudes à observer. Sauf si peut-être cela se reproduit de nombreuses fois, si les cauchemars se font trop présents et empêchent de trouver le repos. Mais ce n’est pas le cas ou pas encore tout du moins et même si la jeune femme préférerait que son ami confie ce qui peut bien lui peser sur la confiance, ce ne sera pas elle qui le forcera à parler. Jamais. Il repousse le drap vivement, se dirige vers la salle d’eau avec une démarche peu assurée à cause de l’obscurité et la brune ferme brièvement les paupières alors que la lumière vient agresser sa rétine habituée à la pénombre. Elle se passe une main sur les yeux, juste quelques instants avant de se rallonger sur le matelas, fixant le plafond éclairé. Distraitement, elle écoute l’eau qui coule. Il reproduit exactement le même schéma que le sien lorsqu’elle est réveillée par un mauvais songe ; essayer de faire passer les images en tentant de se tirer complètement de l’engourdissement du sommeil. Ca marche. Des fois. Ce n’est pas toujours efficace mais ça remet un tant soit peu les idées en place.

Ses doigts tapotent le matelas, sa tête se tourne vers Oz, de nouveau allongé sur le lit ; la figure encore un peu mouillée. Elle lui sourit mais ses yeux ont encore cette lueur inquiète, ce n’est jamais agréable de se retrouver auprès d’une personne venant de faire un cauchemar sans pouvoir rien faire pour l’apaiser. Ca a un goût d’impuissance. Moira n’aime pas ça.

« Désolé si j’t’ai réveillée.
-Tu n’as pas à t’excuser, ce n’est rien. Dit-elle en haussant vaguement ses épaules. Je ne dormais pas, de toute façon. »

Un sourire. Le noir reprend sa place et la brune pousse un très léger soupir en reprenant sa contemplation du plafond. Jamais elle ne réussira à se rendormir maintenant que son esprit est en ébullition. Le prénom Nael ne cesse de tourner dans sa tête, qui cela peut-il bien être ? Elle jette un rapide coup d’oeil à son ami allongé près d’elle puis c’est comme s’il sentait son regard sur elle, il roule sur le côté sans dire un mot. Moira se mord la lèvre inférieure, tend son bras vers lui, à deux doigts de venir effleurer ses cheveux mais finalement se ravise pour ramener son bras contre sa poitrine. Sa main joue distraitement avec la chaine au bout de laquelle pend son alliance. Le bijou roule entre ses doigts fins, ses yeux fixent tour à tour le plafond puis le mur en face d’elle. Et maintenant ? Doit-elle regagner sa chambre ? Peut-être désire-t-il être seul ? Ugh. Moira se sent tellement idiote à ce moment précis qu’elle aimerait se gifler. Elle va se retourner, essayer de se rendormir quand quelque chose de glacé vient se coller à la peau chaude de ses jambes provoquant un vif sursaut de sa part.

« Oz bon s-
-J’ai rêvé de mon frère. »

Les mots de Moira se sont étouffés sur ses lèvres. Durant plusieurs secondes, elle ignore si elle vient de rêver ce qu’Oz vient de confesser. La brune cligne des paupières, sa bouche légèrement entrouverte avant de se redresser sur un coude, regardant Oz. Comment ça, il a rêvé de son frère ? Quel frère ? Depuis le temps qu’ils se connaissent, Moira n’a pas le souvenir d’avoir jamais entendu parler d’un quelconque frère ; si bien qu’elle le pensait juste fils unique.

« Ton… Frère. Murmure doucement Moira, toujours plongée dans une certaine incompréhension. Mais… Tu n’en as jamais rien dit… »

Lentement, Moira se redresse complètement sur le matelas, s’assied en tailleur afin de mieux voir Oz. Si le pilote n’a jamais évoqué son frère c’est qu’il a forcément une bonne raison, mais laquelle ? Se pourrait-il qu’il soit arrivé malheur à ce dernier ? Peut-être n’est-il même plus en vie, à l’heure qu’il est. Tant d’hypothèses en tête mais laquelle est la bonne ? Probablement est-elle complètement à l’opposé mais elle ne trouve pas une bonne raison de cacher l’existence de son frère. A cette pensée, elle baisse les yeux ; oh tu es bien placée pour penser ça, Moira Sayall, très bien placée. La petite brune étend son bras vers Oz, vient remettre en place une petite mèche de cheveux, ses doigts effleurant légèrement la tempe du pilote avant de revenir entortiller sa chaine.

« Tu n’es pas obligé d’en dire plus si tu ne le veux pas. Mais si cela peut t’alléger un tant soit peu l’esprit… Tu sais que je ne te jugerai pas et rien ne sortira de cette chambre. »

Parce qu’il faut bien qu’elle serve à quelque chose, non ? Autre qu’à le réveiller régulièrement la nuit à cause de ses cauchemars ou à lui réchauffer les pieds, accessoirement.

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Les premiers instants, il y a l’espoir que Moira ne dise rien. Qu’elle comprenne que le sujet est trop douloureux, trop délicat. Réellement, qu’elle se rendorme et qu’elle oublie. Je ne bouge pas, les yeux fermés, j’attends. J’aurais aimé ne jamais me réveiller et ne jamais craquer, ne pas raconter un tel secret. Peut-être que si j’y mets toute ma volonté, elle voudra bien croire que je délirais, encore sous l’emprise du cauchemar ? Peut-être que je peux faire semblant de m’être rendormi ?

Les draps glissent dans mon dos, je sens Moira bouger près de moi. Je n’ai pas besoin de lui faire face pour imaginer son visage. Surprise, peut-être un peu inquiète. Je n’ai pourtant pas envie d’épiloguer sur ce cauchemar que j’ai du mal à me sortir de la tête. Nael est toujours là, dans un coin de mon esprit. C’est comme s’il était dans la pièce, quelque part dans le noir. Tout près. Et j’ai beau savoir que ce n’était qu’un rêve, je n’arrive pas à fermer réellement les yeux. Je ne peux pas trouver le sommeil. Quand Moira murmure, quand elle fait remarquer que je n’avais jamais parlé de mon frère, c’est la colère qui m’envahit. Brutalement, j’ai envie qu’elle disparaisse. Qu’elle ne pose pas de questions. Surtout, je voudrais ne pas sentir son regard dans mon dos. Elle ne demande rien, et à la fois elle en demande trop. C’est trop facile pour elle de me faire parler maintenant, de choses dont je ne veux pas parler, et dont je n’ai jamais parlé à personne. Dans la faiblesse de ce cauchemar, je l’ai laissée venir derrière les barrières que je m’impose chaque jour depuis 20 ans. Pourquoi aujourd’hui, pourquoi maintenant ? Il aura suffi de quelques minutes. Quelques minutes pour foutre en l’air un mensonge qui m’a pris deux décennies à construire. Maintenant, j’ai envie de hurler sur Moira pour qu’elle s’en aille, qu’elle regagne son lit.

Tout gonflé de colère, je me redresse à mon tour. Je me retourne vers elle en m’appuyant sur mon coude. Si elle croit qu’elle va m’arracher comme ça des informations sur Nael, mes secrets les plus chers, elle rêve. Comme elle s’est assise dans le lit, je fais de même. Je m’assois face à elle, et quand je suis assez près pour apercevoir son visage dans le noir, je me sens comme le pire ami du monde. Sa petite bouille inquiète me regarde et quand ses doigts viennent remettre mes cheveux en place, la colère disparaît soudainement. La rage, elle a pris rapidement pour s’éteindre aussi vite qu’elle est venue. Ce n’est pas la faute de ma chère petite collègue si tout va de travers avec Nael. Rien n’est de sa faute d’ailleurs, si j’avais tenu ma langue elle n’aurait rien su. Rien du tout.

Face à la douceur de Moira, je me sens comme un gros bourrin et je m’en veux sans avoir prononcé le moindre mot. Elle ne mérite pas de se faire renvoyer dans sa chambre, avec ses cauchemars et ses insomnies. Surtout après des années de lit partagé, et après qu’elle m’ait réveillé en pensant bien faire pour me tirer d’un cauchemar. Face à ses grands yeux que je distingue à peine dans le noir, je change d’avis. Je suis trop faible. Je veux qu’elle reste. Et comme elle affirme qu’elle ne veut pas m’obliger à lui parler, elle finit de me convaincre. Je la fixe encore un instant, comme pour sonder ses paroles, pour m’assurer une ultime fois que je ne mets pas mon frère en danger en révélant son identité à la petite brune. Je vais lui raconter. Rien ne sortira d’ici, et si elle le dit, je sais que je peux lui faire confiance. Moira, je lui confierais ma vie sans hésiter. C’est comme ça que ça marche, dans l’escadron. Je voue à mes collègues une confiance aveugle, presque suicidaire. Mais Moira, elle partage mes nuits. Plus que ma propre fiancée. Je crois que je peux dire qu’aujourd’hui c’est d’elle dont je suis le plus proche, et l’idée me conforte un peu dans ma décision.

Résigné comme un condamné à mort, je soupire en me laissant retomber sur mon oreiller. Le regard fixé sur le plafond, dans le vide, dans le noir. Je prends une seconde inspiration, la plus longue possible pour prendre mon temps. Pour organiser mes pensées. Et puis finalement, le secret passe mes lèvres. "C’est mon petit frère, il… Travaille pour le Premier Ordre." Voilà. Vingt années à garder le secret pour finir par le révéler au milieu de la nuit. Je ne sais pas si ça me fait du bien, si ça me soulage. Mon cœur bat trop fort pour que je me sente réellement apaisé. Au contraire, j’ai peur des conséquences de mes paroles. Mais maintenant que j’ai commencé, je ne peux plus m’arrêter là, alors en évitant de poser les yeux sur Moira, je continue. "Quand ma mère est morte, je suis parti de chez moi. C’est là que j’ai rejoint la Résistance." Un rire un peu amer m’échappe à l’évocation de mes souvenirs d’enfance. Rien de bien joyeux, mais rien de grave non plus. La douleur, elle s’atténue avec le temps, c’est ce que tout le monde répète toujours. C’est ce que je croyais. Les autres, ils disent qu’il faut avancer, continuer, toujours. Pourtant, en reprenant la parole j’ai l’impression de jeter du sel sur une plaie à vif. "J’l’ai abandonné. Et quand je suis revenu… C’était trop tard." La détresse brise légèrement ma voix, lui donnant un ton plus rauque. J’ai honte, d’avoir été si égoïste, si lâche. D’avoir laissé mon frère derrière moi. Détresse d’enfant, maux que je devrais avoir oublié à force de vivre avec, l’eau a coulé sous les ponts. Mais non. Quand ma voix tremble et que j’essaie de faire passer ma faiblesse pour de la simple fatigue, je sais qu’il existe des blessures qui ne se referment jamais et qui me font encore trembler la nuit.
Moira Sayall
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Moira & Oz

Impossible de lui en vouloir alors que Moira peut sentir la tension émanant d’Oz. Personne n’aime être vu lors d’un moment de faiblesse, on préfère toujours être seul face à ses démons. Elle en sait quelque chose, c’est souvent comme ça. Ou c’était. Ce n’est plus le cas aujourd’hui, il l’a trop souvent vue se réveiller en pleurant ou en hurlant à cause de ses cauchemars. Elle n’a plus honte, plus trop, elle est surtout gênée de le réveiller mais ne ressent plus ce profond sentiment qui l’étreignant les premières nuits. Si la brune hésitait quelques instants plus tôt à peut-être lui laisser de l’espace et regagner sa chambre, ce n’est plus le cas. Il faudrait qu’il la traîne en dehors de la pièce pour qu’elle quitte l’endroit ; hors de question de le laisser seul alors qu’il est dans un tel état d’agitation. Quelle amie serait-elle, si elle partait au moment où la solitude n’a rien de bon ? Où il a justement besoin de quelqu’un ? Une très mauvaise. Ne serait-ce que pour tout ce qu’il a fait pour elle depuis le décès de Gavin, elle ne peut décemment pas partir. Puis même sans cela. Elle reste, point final. Oz peut bien s’énerver, lui tourner le dos, ça lui est égal.

Ses yeux ne le quittent pas une seule seconde, l’obscurité ne l’empêche pas de discerner son regard encore hésitant, va-t-il parler ou se contentera-t-il de se rallonger pour se rendormir et ignorer la main tendue de Moira. Si ce n’est pas ce soir, peut-être cela sera-t-il pour une autre nuit ; la petite brune sera toujours là, quoi qu’il arrive. Ses doigts entortillent presque nerveusement le drap sur ses cuisses ; patience. Elle ne bouge pas d’un iota lorsqu’il s’allonge sur le lit, elle continue de le regarder sans la moindre insistance, elle est juste préoccupée. Sauf qu’elle sait. Ce soupir, cette attitude pleine de résignation ne peuvent vouloir dire qu’une chose : il va parler. Lentement, Moira ramène ses jambes contre sa poitrine, les entoure de ses jambes et vient poser son menton sur l’un de ses genoux. Attendre, encore. Qu’il soit prêt. Que les mots soient trouvés et c’est sûrement le plus difficile à faire. Ces mots qui viennent rouvrir une plaie que l’on croit refermée ou qu’on nie qu’elle est encore bien présente et toujours ouverte. C’est fou comme un simple amas de lettres peut faire plus de mal qu’un coup de couteau. Une première phrase tombe, Moira se fige devant une telle révélation. Sur toutes les hypothèses qu’elle a pu avancer dans son esprit, celle-ci ne lui est pas même venue en tête. Le Premier Ordre. Comment ? Enfin non, ils sont doués lorsqu’il s’agit d’embrigader de nouvelles recrues, de faire du conditionnement. Mais… Tout se bouscule dans son cerveau, les pensées fusent, les questions et si son visage reste le plus neutre possible, son regard est voilé. Elle ne veut imaginer ce qu’elle ressentirait si l’un de ses frères ou une de ses soeurs faisait partie du Premier Ordre, cette peur au ventre qu’elle aurait en permanence à l’idée d’abattre sans le savoir un membre de sa famille. Le reste n’a rien de plus joyeux, sa main vient attraper celle d’Oz pour la serrer doucement. Quel lourd fardeau porte-t-il sur ses épaules depuis si longtemps…

« J’l’ai abandonné. Et quand je suis revenu… C’était trop tard. »

Sa voix se brise, Moira ferme ses paupières un court instant. Ce chagrin lui serre le coeur, non, le lui brise presque. Oh qu’elle déteste le voir ainsi. Bien sûr, on n’aime jamais voir un de ses amis triste, souffrir mais lui. C’est encore pire que tout. Parce qu’il est la personne dont elle est la plus proche, parce que… Parce que c’est Oz, tout simplement et qu’elle l’aime beaucoup trop pour supporter sa  tristesse sans ne rien faire. Alors sa main lâche celle de son ami, elle se rapproche et ses bras viennent entourer le pilote allongé près d’elle. Moira est douce, mais très légèrement ferme, il n’y échappera pas. Lentement, elle l’attire tout près d’elle, dépose un baiser sur son front avant de blottir sa tête contre sa poitrine. Elle l’étreint contre son coeur, ne se demandant pas une seule seconde si son comportement est approprié, elle s’en fout. Dans le fond, leur relation ne l’est pas vraiment, pas lorsque l’un est fiancé. Tant pis. Moira n’a pas de phrase toute prête pour Oz, elle n’en connait aucune qui pourra apaiser sa culpabilité, il n’en existe pas, de toute façon. Parler pour ne rien dire est une chose stupide, alors elle espère juste que sa présence pour le calmer, juste momentanément car nul doutes que lui faire partager son secret ne suffira pas à changer quoi que ce soit. Seuls Oz et son frère peuvent le faire, en ont les moyens. Ses doigts glissent dans les cheveux du pilote, caressent légèrement sa nuque. Moira se mord les lèvres, il lui fait assez confiance pour lui confier son secret peut-être devrait-elle en faire de même. Que les toutes dernières barrières entre eux tombent, qu’il n’y ait plus aucun secret. C’est toujours difficile de laisser tomber ses dernières gardes, de se retrouver l’âme complètement mise à nue.

« Je… J’ai menti après la disparition de Gavin, sur… Le bébé. Elle a six ans maintenant, parfaitement vivante, et heureuse je suppose. Elle ferme ses yeux en prenant une courte inspiration. Après sa naissance, je l’ai laissée à ma soeur aînée qui l’élève comme la sienne et je ne connais rien de plus douloureux que d’entendre sa propre fille appeler quelqu’un d’autre « maman ». Et même si ma mère ne manque jamais de me rappeler l’idiote que je suis et la pitoyable mère que je fais, je me conforte en me disant que j’ai fait ce qu’il y a de mieux pour Ilana. »

D’une main, elle efface les quelques larmes qui coulent sur ses joues et prend une grande inspiration pour refouler les suivantes. Voilà, plus de secret ne subsiste entre eux. Est-ce qu’elle se sent mieux ? Un peu. L’idée qu’elle n’aura plus à cacher ses états d’âme la soulage mais c’est comme lui, la culpabilité reste et restera probablement toujours là.

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Ce secret, j’ai l’impression que c’était toute ma vie. Moira est la première à savoir, la première à qui j’ose avouer. Au-delà du simple fait que mon propre frère travaille pour le Premier Ordre, il y a cette peur, toujours, que ce soit sur lui que je tire, son vaisseau que j’abats. Il y a cette trahison envers la Résistance, de ne pas le dénoncer. Mais qu’est-ce que j’aurais pu faire d’autre ? Le piéger, le balancer à mes supérieurs et fermer les yeux alors qu’ils l’embarquent ? Nael et moi ne sommes pas en bons termes, mais il reste mon frère. Par-dessus tout. Il y a la main de Moira qui prend la mienne, et je ne bouge pas. J’aimerais lui expliquer, lui raconter le reste. Je voudrais lui dire que même si je garde mon frère secret, mon allégeance va toujours à la Résistance, qu’il n’y a rien à craindre de moi. Que je ne les laisserai pas tomber. La Résistance, je ne pourrais pas l’abandonner au risque de voir le Premier Ordre régner sur la galaxie. J’essaie simplement de concilier mon rôle de pilote avec la survie de mon frère. Simplement. Et j’aimerais me justifier auprès de la petite brune, qui en plus d’être mon amie est aussi ma collègue. Lui dire tout ça, seulement je n’y arrive pas. La mâchoire serrée, je me contente de fixer nos mains en me concentrant sur ma respiration. Il ne manquerait plus que je me mette à pleurer. Je serre un peu plus les doigts de Moira dans les miens, doux réconfort qu’elle apporte.

Et puis soudainement, je vois sa main échapper à la mienne. Soudainement, c’est son corps tout entier qui se rapproche du mien. Il y a ses bras qui s’enroulent autour de moi, un baiser qui se pose sur mon front. Comme ça, elle abat les barrières entre nous. Et je ne fais rien. Je la laisse me serrer contre elle sans résister, sans dire un mot. J’ai cette pensée pour ma fiancée, loin, si loin, que je crois protéger en ne lui disant rien de Nael. Elle travaille dans les renseignements, cacher une telle information serait une faute plus grave pour elle. Je la protège peut-être, mais la culpabilité pointe le bout de son nez. Je la chasse rapidement en fermant les yeux. Blotti contre Moira comme un gosse qui vient de voir un monstre sous son lit, je laisse ses doigts courir dans mes cheveux pendant que j’écoute son cœur battre. Pire encore, je glisse un bras autour de sa taille pour la tenir plus près de moi. La chaleur de son corps m’apaise comme le mouvement régulier de son souffle. Je ne bouge plus, je ne veux plus. J’espère qu’elle sait, je crois qu’elle comprend tout ce que je n’ai pas pu lui dire. Pas encore du moins. Je crois que mon secret est bien gardé avec elle, de toute façon je ne lui aurais pas dit si j’avais eu le moindre doute. Au moins, je ne suis plus seul. Je sais qu’il y aura toujours Moira qui comprendra, maintenant. Et même si le problème n’en est toujours pas résolu, l’angoisse qui me serrait la gorge finit par se taire. Je calque ma respiration sur celle de Moira, toujours accroché à elle. Et finalement, je crois que je commence à me rendormir.

Seulement elle prend la parole. Sa voix tremblante me fait ouvrir un œil. Attentif à nouveau, je l’écoute me livrer elle aussi un lourd secret. Sans bouger pour autant, pour ne pas la faire taire. Je n’ose même pas lever le regard vers elle, de peur de la bloquer. J’attends simplement, et même lorsque j’entends des larmes briser sa voix. Sa fille, vivante… Je ne peux que comprendre son choix de l’avoir laissée auprès d’une mère d’adoption présente. Dans la Résistance, nous savons tous que nous serons peut-être morts demain, qu’il est stupide de trop nous attacher les uns aux autres. Après la mort de Gavin surtout, je comprends le choix de Moira d’avoir confié sa fille à sa sœur. Je ne crois pas qu’elle fasse une mère pitoyable, sacrifiant son lien avec son enfant pour le protéger. Pourtant, je comprends sa détresse. L’abandon, je ne connais que trop bien. Je sais à quel point il est dur de laisser quelqu’un que l’on aime, et je ne suis même pas sûr de réussir à imaginer la douleur de laisser son enfant.

Face à la douleur de Moira, je ne sais pas quoi lui dire. Je n’ai pas les mots pour soigner son cœur meurtri. Je me redresse simplement, appuyé sur mon coude, pour lui faire face à nouveau. Des larmes ont trempé ses joues et je glisse mes doigts dessus pour les sécher doucement. Je ne lui dirai pas qu’elle a fait le bon choix, je ne lui dirai pas que tout ira bien parce que je n’en sais rien. Je n’ai pas le pouvoir d’apaiser son chagrin, comme elle ne peut rien au conflit qui fait rage entre Nael et moi. Alors c’est à mon tour de la prendre contre moi. Je la serre dans mes bras, bien trop sensible à sa tristesse. Je l’ai vue pleurer trop de fois, tant de fois que je ne souhaite que de la voir heureuse. Pourtant je sais qu’il est encore loin, le temps où nous pourrons tous vivre en paix, sans se soucier de rien. J’espère tout de même, qu’un jour nous nous retrouverons tous, rayonnants de bonheur et d’insouciance. En attendant, je garde Moira contre moi, le temps que la douleur de mettre des mots sur ses actes ne passe. Quand finalement, je la sens se détendre un peu, je me permets de passer aux questions, en douceur, mais curieux d’en savoir plus sur la vie de cette enfant que jusqu’à ce soir je croyais morte. "Tu la vois souvent, Ilana ?" Je ne la forcerai pas à répondre, je m’approche du sujet avec précaution. Je pourrais comprendre qu’elle n’ait pas envie d’en parler comme je n’ai pas envie de parler de mon frère, mais ce qu’est devenue sa fille m’intéresse réellement. J'essaie, doucement, de l'encourager à se confier plus si jamais elle en ressent le besoin. Elle se sent parfois gênée de passer des heures à me parler. Et moi je voudrais pouvoir aider Moira à gérer tout ça au mieux, simplement parce qu’elle compte trop pour moi pour que je la laisse se débrouiller toute seule. Nous avons beau être adultes, il y a des fois où il est trop difficile de faire face à ses problèmes seuls. Comme il y a des nuits qui ne sont pas faites pour dormir.
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(I've got a fever, so can you check ?
Hand on my forehead, kiss my neck
And when you touch me, baby, I turn red.
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When skies are gray
You'll never know, dear
How much I love you.
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(Do I really see what's in her mind ?
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I'll be holding you forever
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In the darkness before the dawn, leave a light on
Moira & Oz

Elle voudrait effacer ces stupides larmes qui ne cessent de venir mouiller son visage mais elle ne peut les empêcher de couler. Tout comme elle est dans l’incapacité d’empêcher son coeur de se serrer toujours un peu plus à mesure qu’elle parle. Les mots sont douloureux, brûlent sa gorge mais ce serait trop bête de s’arrêter en si bon chemin. Autant qu’elle parle une bonne fois pour toute et lorsque c’est finalement fait, elle ferme ses paupières. Moira prend de grandes inspirations dans l’espoir de refouler sa peine, n’a pas envie d’ouvrir ses yeux car dans le fond, elle craint un peu ce que Oz va penser de tout ça. Elle le connait pourtant si bien, sait pertinemment qu’il serait bien le dernier à la juger mais il y a toujours cette peur, dans le fond, qu’on ne parvient pas à contrôler. Elle ne veut pas entendre ce que sa mère lui a mainte fois répété, surtout pas de la bouche d’un autre ; il y a assez d’elle. Mais le silence qui s’est réinstallé n’est pas dérangé, l’un comme l’autre n’ont pas les mots pour apaiser les blessures de l’autre ; pas de conseils, pas de vague « ça va aller » parce qu’ils n’en savent rien. Oz bouge, se redresse et la petite brune rouvre ses paupières au moment où les doigts du pilote viennent chasser les larmes ; elle esquisses un vague sourire avant de baisser les yeux. Lui ou pas, elle ne se sent jamais à l’aise de pleurer devant quelqu’un et ce, même s’il a déjà vu son visage baigné de larmes bien des fois. Les bras de son ami l’entourent, c’est instinctivement que Moira va se blottir contre lui. Elle a toujours eu cette impression d’être minuscule à côté de lui mais c’est encore plus vrai alors qu’elle est entre ses bras. Elle s’y sent bien, trop bien, beaucoup trop bien même.

« Tu la vois souvent, Ilana ? »

La question résonne dans sa tête ; a-t-elle réellement envie d’en parler ? Certes, en se confiant, elle aurait dû se douter que des questions pouvaient être posées mais sûrement espérait-elle qu’il n’y en aurait pas, qu’il n’en poserait pas comme elle elle l’a fait pour son frère. Moira se mordille les lèvres quelques instants avant de finalement se remettre à parler d’une petite voix :

« A chaque fois que je peux retourner sur Yavin, j’essaie d’y aller au moins une fois par mois ; ne serait-ce qu’une journée. Mais ça fait un moment que je n’ai pas pu m’y rendre, avec tout ce qu’il s’est passé ces dernières semaines… J’en ai même loupé son sixième anniversaire. » Finit-elle, tristement.

Ce n’est pourtant pas le premier anniversaire qu’elle manque, elle se souvient avoir préféré être loin de sa planète pour les un an de sa fille ; ne se sentant pas le courage d’affronter cette date qui inspirait plus la détresse qu’autre chose en elle. La naissance d’Ilana coïncidant avec le décès de Gavin ; elle ne parvenait pas à trouver cette joie, cette gratitude qu’une mère doit ressentir en ce jour si spécial. Ce n’est toujours pas le cas, même si son deuil est fait elle exècre toujours autant tout ce qu’elle a pu ressentir, elle déteste cette cicatrice sur son ventre qu’elle ne peut pas effacer.

« J’essaie de passer le plus de temps possible avec elle mais ma soeur ne voit pas ça d’un très bon oeil. Ilana me ressemble énormément et plus elle grandit, pire c’est. Hinda pense que j’ai une mauvaise influence sur elle alors elle limite mes contacts avec ma fille. Ma mère a bien essayé de la raisonner mais ça ne sert à rien, je crois que ma soeur a peur que je prenne Ilana avec moi sur un coup de tête… Moira soupire. Comme si j’en étais réellement capable. »

Cela l’agace, la met hors d’elle lorsque sa soeur aînée l’empêche de voir sa propre fille sous prétexte que cela risquerait de perturber la gamine. Dans ces moments, elle aimerait pouvoir lui hurler dessus mais ce serait inutile et ne ferait qu’envenimer les choses. Moira perdu le droit d’avoir son mot à dire lorsqu’elle a abandonné son nouveau-né aux bons soins de Hinda. Néanmoins ce serait mentir que l’idée de récupérer la petite ne lui est jamais passé par la tête, mais toujours un court instant, juste quelques minutes de divagation avant que la réalité ne revienne prendre le dessus. Elle ne le fera pas, ni demain ni jamais. Et c’est probablement mieux pour l’enfant.

« Je lui ai écrit une lettre presque tous les jours depuis qu’elle est née. Au début, je pensais n’en écrire qu’une seule, pour expliquer mes choix mais j’ai continué et c’est devenu une habitude. Elle les aura lorsque… Lorsque je ne serai plus là et qu’elle sera en âge de comprendre. »

Parce qu’au final, c’est ce qui arrivera sûrement, non ? Moira ne croit pas qu’elle vivra assez longtemps pour voir la fin de la guerre. Elle n’est même pas sûre d’en avoir envie. Pour quoi faire, ensuite ? Retourner sur Yavin ? Certainement pas. La brune n’a pas de plans pour le futur, elle n’espère plus rien et n’a rien qui l’attend réellement ; c’est triste mais Moira a fini par se faire à cette idée. De toute façon, à quoi cela sert, de penser au futur ? Surtout quand celui-ci est tellement incertain et que tout pourrait se casser la gueule du jour au lendemain. Les doigts de la jeune femme caresse distraitement l’un des bras d’Oz, de légères caresses qui effleurent sa peau et pour une raison qui lui échappe, elle se met à penser à sa fiancée. Tous la connaissent et l’apprécient, comment en serait-il autrement ? Mais Moira ne peut s’empêcher de ressentir un pincement au coeur et avoir un goût amer en bouche. Celui de la jalousie. C’est idiot. De qui est-elle jalouse ? D’Oz ? Ca n’a aucun sens, tout ce qu’elle veut c’est son bonheur. Jalouse de la fiancée ? Ah, là on touche une corde plus sensible. Que la brune n’avouera jamais, bien sûr. Elle chasse ces stupides pensées de son esprit, relève ses yeux vers Oz. Encore une fois, grâce à lui, le lourd poids qui pesait sur sa conscience s’est allégé ; elle esquisse un petit sourire.

« Des fois, je me demande ce que je ferai sans toi. » Murmure-t-elle tout doucement.

Elle n’est même pas certaine qu’il l’ait entendue et ce n’est peut-être pas plus mal. Moira se redresse un peu avec l’intention de déposer en toute innocence un baiser sur la joue d’Oz, sans la moindre arrière pensée ; un geste juste affectueux. Mais l’obscurité et surtout le fait que le pilote tourne sa tête au dernier moment et les lèvres de la brune rencontrent celles d’Oz. Pas longtemps, quelques secondes, mais juste assez pour que Moira puisse sentir son coeur manquer un battement et son souffle se couper momentanément. Elle s’écarte vivement, les yeux écarquillés et un air confus sur le visage. Son coeur bat furieusement contre sa poitrine et en même temps elle a l’impression qu’il se brise un peu plus.

« Je… Je ne… » Tente-t-elle d’articuler.

Je quoi ? Je ne voulais pas ? C’est certain. Ou plutôt ce n’est pas ce qu’elle souhaitait faire sur le moment car cela aussi, dire qu’elle n’y a jamais pensé serait un énorme mensonge. Mais à cet instant précis, Moira a juste envie de pouvoir se cacher, d’oublier la sensation des lèvres d’Oz contre les siennes qu’elle peut encore sentir. Elle se recule dans le lit pour en sortir rapidement, manquant de se rétamer en se prenant les pieds dans les draps.

« Je ferais mieux de retourner dans ma chambre. »

Oui c’est ça, retourner dans sa chambre. Et ne surtout pas allumer la lumière, elle n’a vraiment pas envie de voir le visage d’Oz. Mon Dieu, que doit-il seulement penser d’elle ? Ce qu’elle se sent idiote.

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Ma question est suivie d’un long silence et je regrette tout de suite de l’avoir posée. Peut-être Moira aurait-elle préféré ne pas avoir à parler de cette enfant. Je peux comprendre qu’elle n’en ait pas envie, moi-même je préfère ne pas aborder le sujet de Nael alors qu’après avoir tu l’existence de mon frère et fait passer Ilana pour morte, nous serions tous les deux dans une bien mauvaise position pour nous juger. Je ne veux pas la forcer, pourtant je n’ajoute rien quand elle s’enferme dans le silence. Il faut parfois du temps pour réussir à mettre des mots sur ce qui fait mal, et je ne veux pas la couper si jamais elle se décide à parler.

Sans la lâcher, j’attends patiemment qu’elle se décide ou non à m’en dire plus, et quand je commence à laisser tomber, elle parle. Elle parle beaucoup même, et je l’écoute sans bouger, sans rien dire. Je me contente de la garder contre moi. En même temps, je me demande ce que j’aurais fait à sa place et je n’ai pas la réponse. Ce qu’elle a vécu était simplement atroce, à tel point que je n’arrive pas à l’imaginer totalement. Je ne sais pas si j’aurais voulu à tout prix garder cet enfant avec moi ou si j’aurais préféré ne plus jamais le voir. Et au fil du récit de Moira, je m’indigne pour elle et je compatis silencieusement. Ce n’est pas le moment d’en rajouter, je garde mes avis pour moi, même si je ne comprends pas qu’on puisse lui refuser de voir sa propre fille. Sans rien dire, je m’énerve tout seul à l’idée que la sœur ou la mère de mon amie ne puissent pas comprendre la détresse qui a poussé Moira à laisser sa fille, la douleur de la perte de Gavin. Et c’est à cet instant que je me rends compte que je pourrais la défendre contre n’importe quoi, tout le temps.

Je reste à l’écouter silencieusement jusqu’à sa dernière phrase. Alors qu’elle me dit comme si de rien n’était que les lettres qu’elle écrit à sa fille lui reviendront quand elle mourra. Comme si c’était elle qui venait de coller ses pieds glacés sur moi, je me tends et je la lâche un peu pour pouvoir me redresser. Pas de ça avec moi, pas alors que je me casse le cul pour la Résistance depuis si longtemps. J’ai arrêté les idées noires depuis un moment maintenant, pour cet espoir un peu fou, cette certitude que tout ira bien, que nous finirons par gagner quoiqu’il arrive. Comment pourrait-il en être autrement ? Je sais bien qu’elle n’a pas grand espoir quant à la fin de cette guerre, je sais qu’elle y a laissé beaucoup. Nous y avons tous perdu beaucoup, nous sommes tous rongés par la guerre, pourtant il y a bien une raison pour laquelle nous sommes toujours là. Pour l’espoir, pour la liberté, et ça il ne faut jamais l’oublier. Professionnel l’espace d’un instant, je lance un regard réprobateur à Moira sans savoir si elle pourra le voir, mais ça n’importe pas. "On s’en sortira." Et puis, surpris par mon propre ton un peu trop dur, je me laisse retomber près de Moira pour prendre son visage entre mes mains. Son visage tout près du mien, j’arrive à capter son regard un instant pour murmurer. "Tu t’en sortiras. Tu verras, la paix reviendra." Je lui souris avant de relâcher son visage pour reprendre un minimum de distance. Un minimum seulement, parce que, prêt à devoir contrer une nouvelle vague de larmes, je reste contre elle. Je garde mes bras autour de son corps qui paraît si petit, si fragile à côté du mien, et je ferme les yeux en esquissant un sourire quand elle affirme qu’elle serait perdue sans moi. Si. C’est ça qu’elle a dit.

Je m’apprête à me moquer gentiment, à lui faire répéter à quel point je suis indispensable pour elle. Faire le fier pour ne pas avoir à dire que moi aussi, je tiens à elle, que moi aussi j’ai besoin d’elle. Je ricane un peu et quand je me retourne vers elle pour en rajouter un peu plus, tout s’arrête brutalement. Je n’ai pas le temps de comprendre réellement ce qui se passe, il y a juste ce contact sur mes lèvres et Moira qui panique soudainement. Pendant un moment, c’est comme si j’étais en dehors de mon propre corps. Je reste figé par la surprise, les yeux ronds, incapable de bouger, d’analyser la moindre pensée, de former la moindre phrase cohérente. Quand l’air passe à nouveau dans mes poumons, Moira est déjà rhabillée mais la lumière toujours éteinte. Qu’est-ce que ça voulait dire, ça ? Est-ce que ce baiser signifiait même réellement quelque chose ? Si on peut parler d’un baiser, tout s’est passé tellement vite que je suis totalement dépassé, complètement abasourdi. Il y a seulement une chose que je sais, c’est que je ne veux pas dormir seul ce soir, et je ne suis pas disposé à laisser Moira s’enfuir de la sorte. Avant qu’elle n’atteigne la porte, c’est à mon tour de bondir hors du lit pour me planter devant elle.

"Reste." Un seul mot. Pas un ordre, une demande plutôt. "… S’il te plaît." Je rajoute en penchant un peu la tête sur le côté pour essayer de capter son regard. Allons, on ne va pas faire un drame d’un simple baiser accidentel, si ? Parce qu’il l’était, j’en suis sûr. Je crois. De toute façon je ne vois pas comment il pourrait en être autrement. Alors je refuse de laisser passer mon amie et collègue, je reste bien campé devant la porte. "T’en vas pas pour ça, c’est rien ! La prochaine fois j’éviterai de me retourner c’est promis." A nouveau je souris en levant les mains comme si j’avais été pris sur le fait. Et surtout en prenant bien soin de ne pas penser à ce baiser, cette sensation furtive. Ne pas y penser, ne pas lui donner d’importance, parce que ça ne serait pas bien.
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