Des secondes qui me paraissaient éternelles, le temps que nous étions encore l’un contre l’autre. Je fermais les yeux pour m’abandonner plus encore à l’instant présent, pour éviter son regard aussi, je craignais notre communion, notre échange. A ce moment, je n’avais envie de penser à rien, à rien d’autre qu’à la présence bienveillante de mon amie dont je pouvais percevoir la douceur qui m’était destinée. La générale et Jedi étaient loin. Pas tellement mais en même temps, ici dans cette pièce, il n’y avait que deux amis de longue date. Quelque chose muait pourtant, notre amitié prenait une tournure différente mais j’étais incapable pour une fois de voir venir ou de calculer quoi que ce soit. Je ne le voulais pas non plus, je me refusais à cela à ce moment. C’était un cadeau que je nous faisais, pour une fois, demeurer hors du temps, hors de tout. Juste elle et moi, ici. Je laissais le silence nous envelopper et lui laissais tout le loisir de s’écarter en premier de moi pourtant quelques mots s’échappèrent maladroitement de mes lèvres demeurées pourtant muettes jusque-là.

« Personne ne te demande de fuir ou de m’affronter. »

« On peut tout aussi bien sceller une sorte de pacte, une alliance entre nous, quelque chose d’intime, connu de nous seuls, si tu le souhaites aussi… »

J’avais entendu conter des histoires d’échanges des cristaux Kyber, je n’en ignorais pas les diverses significations mais je savais surtout que cet échange, même sous forme d’emprunt, était symbole d’un lien profond et je désirais ce lien avec Nova. J’étais très loin de mettre un terme précis sur mon ressenti actuel mais également à mille lieues de ce que j’avais déjà pu vivre ou ressentir. Troublé par cette situation nouvelle, je décidais de m’en remettre à mon amie et au destin. Par la même occasion je m’échappais de ma routine et de tout ce qui m’était connu, de tout ce que je contrôlais si bien. La nouveauté était mon salut et ma chance mais lier ma destinée à celle de mon amie n’était pas un jeu mais quelque chose de grand et de fragile à la fois. Cela m’effrayait autant que j’en avais envie. Ce n’était pas un désir comme ce que ressentaient les gens de sexe opposé, c’était bien plus que cela. Il faut dire que nous avions forgé notre amitié le long de nombreuses années. Le temps a eu son mot à dire sans que je ne m’en aperçoive vraiment, sans prendre la mesure réelle des choses. Et pourtant nous voici là, maintenant.

« Je pensais à nos cristaux, tu dois certainement connaître la possibilité d’un échange entre amis ou… »

J’arrêtais net mes mots et ma pensée, subitement comme si je m’interdisais d’en dire plus, comme si j’avais frôlé l’interdit du bout des lèvres. Il ne fallait pas en dire plus, non que c’était un cap à ne pas franchir mais chacun de nous devait avoir la totale liberté de son ressenti. On ne faisait pas cette chose pour une raison unique, chacun pouvait bien entendu ressentir le procédé à sa manière et cela je devais le lui laisser. Je savais que Nova avait été mariée et qu’elle vivait avec le souvenir fort de son défunt époux. Jamais je ne me serais hasardé à nourrir des sentiments pour elle ou à la désirer. L’amitié c’était bien. C’était idéal. Mais ça, c’était avant, avant cet instant qui a tout changé, cet instant qui clôturait doucement cette intensité tendre nouvellement crée et ressentie, peut-être des deux côtés. Je ne savais. Je ne voulais pas savoir. J’avais peur. Peur de m’aventurer sur des chemins nouveaux que je n’avais pas pour habitude d’arpenter. Pourtant la présence même de mon amie me rassurait et je me plaisais dans ce cocon de douceur, pour peu, le monde était moins abrupte qu’il ne l’était réellement mais tout cela n’allait pas durer toujours. Cela ne durait jamais. Je supposais que Nova avait dû lutter contre elle-même pour ne pas m’arrêter ou tenter de le faire, pour préserver notre amitié de sorte à ce qu’elle demeure intacte. Cela avait dû lui coûter. Ce n’était pas rien vu sa position mais si elle l’avait fait, si elle avait dépassé nos différences, c’était sans doute que quelque chose de fort avait laissé place à une amitié pourtant peu banale.