En sonnant à l'interphone je lève le nez vers le ciel gris, ça ne m'étonnerait pas qu'il pleuve. À savoir quand, je ne pourrais le dire. Quand j'entends que ça décroche à l'autre bout je sors un « salut, c'est moi. » Pas besoin d'en dire plus. Pas besoin de plus pour que la porte s'ouvre et que je m'engouffre dans l'immeuble. Je n'aime pas que nous soyons tous enfermés, mais il faut faire avec ! Ça m'a surprise comme tout le monde quand ce dôme s'est formé. Une bulle que l'on ne peut éclater à l'aide d'une aiguille. Je suis sure que l'on pourrait trouver des réponses dans cette station spatiale, mais pour ça, il faudrait y aller à plusieurs. Je peux être téméraire mais pas inconsciente. Seule je n'arriverais à rien ou à très peu de choses, alors qu'avec des membres de la Résistance ou de l'Ordre Jedi ça irait plus vite et nous pourrions récolter plus d'informations, j'en suis persuadée. On se doit de découvrir qui est derrière tout ça et quel est son but, est-ce lié à la petite réunion entre tous les camps ? Sans aucun doute ! Et tout cela ne me dit rien qui vaille. Pour le moment ça va, il y a bien eu un peu de panique, mais ce dont je me doute, c'est que les tensions vont s’exacerber et que des violences vont éclater. Même si ce n'est que le début, nous ne pourrons pas tenir éternellement dans cette situation. Nous sommes nombreux et les ressources vont finir par se tarir. J'espère que quelqu'un trouvera une solution pour nous sortir de ce merdier. Je me demande qui de la Résistance est à l'extérieur du dôme, je me demande s'ils vont bien, si ce n'est pas un tour que nous joue le Premier Ordre pour nous bloquer sur deux fronts avec aucun moyen de renforts. J'espère aussi que Masha n'ait pas ici, qu'elle va bien. Je sais que je devrais sans, que je devrai ne plus penser à elle, ne plus penser comme ça à elle, mais c'est si dur, elle est si souvent dans mes pensées. Beaucoup de questions tourment mon esprit et j'en suis certaine, trouveront tôt ou tard des réponses.

Je suis ici pour une raison bien prise, faire mon rapport sur ma dernière mission. Un fiasco de mon point de vue, nous n'avons pas réussi à récolter les informations voulues et l'une des membres de mon commando est à présent une esclave. Rien que d'y penser ça me fait grincer des dents et me mets en colère. Quand elle a été attrapé – heureusement sa couverture n'a pas sauté – j'étais aux prises avec un Mandalorien qui me voulait des ennuis et je n'ai pas pu intervenir pour tenter de la sauver. Depuis, je me suis refait plusieurs fois la scène dans ma tête, cherchant à trouver une solution, quelque chose que j'aurais pu faire pour lui apporter mon aide. Cela fait depuis quelques mois que je suis de retour et voilà que j'ai mon premier échec, de quoi me frustrer et m'énerver. Le calme que j'avais pu ressentir sur ma planète d'exil me semble si loin à présent. Il me manque. Toutes ses émotions qui reviennent au galop ne sont pas toutes plaisantes et ne m'avait pas vraiment manqué. Par contre, l'adrénaline que l'on ressent souvent lorsque l'on fait partie du Commando Suicide, c'est avec un certain plaisir que je l'ai retrouvé. J'ai changé depuis que je suis partie, je suis plus calme, plus posée, plus mature, plus réfléchie. Un avantage à exploiter. Pourtant, je ressens toujours cet énervement et cette frustration quand une mission échoue. Arrivée devant la porte d'Azra je frappe quelques coups pour signaler ma présence, je me demande comment elle va. Je compatis à sa situation car j'ai vécu la même chose qu'elle il y a plus de deux ans, la destruction de mon commando. Je sais à quel point ça fait mal, à quel point on s'en veut et que l'on peut être en colère contre les autres mais surtout envers les autres. En plus de ça, il y a ce que l'on appelle le syndrome du survivant qui a été puissant chez moi car avec Sienna nous étions les seules rescapées. Que deux personnes sur un groupe qui avait une sacrée réputation, un commando puissant qui a su faire voir de toutes les couleurs au Premier Ordre. Maintenant, je m'en veux beaucoup moins d'avoir survécu mais je me doute qu'Azra doit ressentir de tels sentiments.

Voilà quelques temps qu'une bonne partie de la résistance était coincée sur Corellia. Azra avait un peu perdue la notion du temps, elle ne savait plus si le temps passé se comptait en semaines ou bien en mois. Elle n'était pratiquement pas sortit de l'appartement qu'elle louait sur Coronet depuis son arrivée sur la planète. La capitaine s'était contenté de rester cloîtrée à descendre des bouteilles tout en dirigeant les membres de renseignements présents sur la planète. Azra s'était aussi efforcée de rassembler un maximum d'informations sur ce qui les retenait ici mais elle devait bien avouée qu'elle s'était retrouvée impuissante face à la situation, une fois de plus.

Quelques coups contre la porte d'entrée firent sursauter Azra qui s'était assoupie dans le canapé de l'appartement. En se redressant, la jeune femme fit tomber une bouteille de whisky vide sur le sol. Le verre vibra en heurtant le sol sans pour autant se briser. La capitaine grommela en cherchant du regard une pendule dans l'appartement avant de se rappeler qu'elle les avait toutes jetées pour éviter de voir le temps passer. La brune se passa une main sur le visage pour se dresser sur ses deux jambes et boitiller jusqu'à la porte d'entrée. Quelle heure était-il ? Qui est-ce qui venait l'embêter ? Seul les membres de la résistance savaient qu'elle habitait ici alors c'était forcément l'un d'eux ou alors un passant égaré ?
Azra ouvrit la porte à la volé. Elle tirait sa tronche des mauvais jours et elle n'avait pas prévu d'être aimable avec son interlocuteur. D'ailleurs, le ton dans sa voix annonçait la couleur alors qu'elle prenait la parole sans même prendre le temps de voir qui se présentait à sa porte. Que ce soit un supérieur ou pas, elle s'en fichait. Elle voulait juste qu'on la laisse tranquille.

- C'est pour quoi ?

Je m'attendais à un accueil un peu meilleur, pas forcément des plus joyeux mais tout de même, pas à quelqu'un faisant la tronche et me faisant clairement savoir par son ton qu'elle n'a pas envie de me voir. Je ne lui reproche rien, j'ai été dans le même état qu'elle il y a de cela quelques années. Je n'étais alors pas la personne la plus sociable, préférant rester seule avec moi-même que côtoyer des personnes. Je ne peux que compatir à sa peine et sa souffrance, je sais ce qu'elle a vécu et je sais ce qu'elle ressent pour l'avoir aussi ressenti. Perdre son commando, survivre miraculeusement – ou pas – ça vous chamboule, ça vous fait perdre pied, tant de sentiments et d'émotions se mêlent. En plus de ça, j'avais perdu un de mes membres, mon pied, je devais faire avec, je devais apprendre à l'accepter et plus de deux ans après j'ai encore beaucoup de mal avec. Mon véritable pied me manque, ça me fait toujours bizarre de porter une prothèse à la place de muscles et d'os. J'y fais tout de même attention, je suis bien obligée sinon il aurait des problèmes et je devrais me traîner un bouler, pourtant, ça n’empêche pas les accidents et les petits tracas. Plus de deux ans et n'a pas encore totalement apprivoisée sa prothèse … « Tu sais très bien pourquoi je suis là ! Tu me laisses rentrer ou tu préfères qu'on le fasse sur le palier ? » Qui sait qui se cache derrière l'une de ces portes et peut écouter notre conversation. Je n'ai pas envie de clamer à tout va que je fais partie de la Résistance, peut-être y a-t-il des mouchards du Premier Ordre dans cet immeuble.

Les prunelles chocolats d’Azra se posèrent sur la silhouette qui se trouvait devant elle, dans le couloir. Ascella Maxwell. Une membre de la résistance et, surtout, une connaissance voir même une amie. Azra avait un peu perdue pied avec qui étaient ses amis et qui ne l’était pas. Mais elle était presque persuadée que la brune faisait partit de ses amis. Elle l’observa encore quelques secondes et, rapidement, le caractère explosif d’Ascella ne tarda pas à montrer le bout de son nez. Azra avait complètement oublié qu’elle devait venir pour lui faire son rapport sur une mission de reconnaissance. La capitaine lança un regard derrière elle, visualisant assez bien le désordre qui régnait dans l’appartement. Tant pis, Ascella ferait avec le désordre et les bouteilles d’alcool vide. Azra se décala de manière à laisser entrer la résistante.

- Evidemment qu’on va pas faire ça dans le couloir. Entre.

Elle laissa la résistante entrer et fermer la porte derrière tandis qu’Azra boitillait jusqu’au salon qu’on pouvait apercevoir depuis l’entrée. Elle s’empressa, autant que sa jambe le lui permettait, d’attraper les divers détritus qui traînaient dans l’appartement : Emballage de mal bouffe, bouteilles vides. Il y en avait vraiment pour tout les goûts. Azra en pris un maximum dans ses bras de manière à pouvoir tout emmener dans la cuisine ouverte sur la pièce de vie. Elle lâcha le tout dans un coin. La capitaine et le rangement, ce n’était plus vraiment ça. Elle qui était pourtant quelqu’un de très ordonnée. Mais ça, c’était avant. Avant Naboo. La brune entreprit de préparer un café.

- Ne fais pas attention au désordre. Je te sers un café ?

Azra se doutait bien qu’une réflexion risquait probablement de venir de la part d’Ascella mais elle avait appris à passer outre. Si pendant un temps elle s’était préoccupée du regard des autres, ce n’était à présent plus le cas. Lorsque quelqu’un se permettait de la regarder de travers au sein de la résistance, elle se contentait de lui servir un regard noir. C’était probablement ce comportement qui lui avait valu la réputation qu’elle a à présent.

Je vois bien qu'elle n'a pas envie d'avoir de la visite mais elle va devoir faire avec ma présence, je suis là pour mon rapport et je ne partirais pas tant que je ne l'aurais pas fait. « Au fait, bonjour ! » ouais parce que même si elle semble oublier la politesse, moi non. Peut-être aussi un autre moyen – inconscient ? – d'affirmer ma présence. Ne cherche pas, je ne partirais pas comme ça ! J'aurais peut-être dû le dire dès le début. Je m'engouffre dans son appartement, comme le prédisait son haleine, il y a des bouteilles d'alcools vides bien en vue. Qui suis-je pour la juger ? J'ai été à sa place et pendant un temps j'ai beaucoup bu pour à la fois oublier et noyer ma culpabilité. Est-ce pour les mêmes raisons qu'Azra boit ? Peut-être. Mais pour avoir été à sa place, je peux dire qu'elle est plongée dans une spirale malsaine et que ce qu'elle fait n'est pas bon pour elle, ce n'est pas comme ça que ça l'aidera. Je sais aussi que le chemin sera long et difficile pour qu'elle aille mieux. Ira-t-elle mieux un jour ? Vais-je complètement mieux ? Non. Je suis juste plus en paix avec moi-même. Dois-je lui conseiller de partir en exil quelque temps comme je l'ai fait ? Même si cela m'a aidé je me considère comme un mauvais exemple à suivre sur ce point, j'ai tout plaqué sans un mot et sans un regard derrière moi. Je n'ai prévenu personne alors que j'aurais dû le faire, c'était la moindre des choses pour ceux qui m'ont soutenu pendant ma rémission et avant. Je ne sais pas pourquoi, mais je me dis que si je lui dis de prendre du recul sur ce qui lui est arrivé, elle le prendra mal. Peut-être parce que lorsque j'ai été à sa place j'aurais réagi violemment face à la personne qui aurait osé me dire ça ?!

Mes yeux se promènent sur la pièce principale, pas plus gênée que ça par mon indiscrétion. Je l'entends me dire de ne pas faire attention au désordre. Difficile à faire ! Je secoue légèrement la tête négativement. Un café ? Non plus. Je n'ai jamais su apprécier le goût âcre de cette boisson, pourtant, il m'arrive d'en boire mais rarement, que dans de rares exceptions et ça ne sera pas aujourd'hui « Non merci, mais tu devrais en boire, ça cachera peut-être l'odeur d'alcool matinal que l'on peut sentir. » mon message veut clairement dire, « tu pues de la gueule » et « sérieux ? de l'alcool le matin ? » mais je sais aussi que ce qu'elle vit est difficile à traverser et que l'on peut rapidement se servir de l'alcool comme support pour tenir le coup. Elle n'est pas la première dans ce cas, quand Sienna est venue me chercher elle aussi puait de la gueule. Mais contrairement à ce que l'on peut penser, l'alcool est loin d’être notre ami. Il ne fait que repousser nos mauvais souvenirs et sentiments pour les rendre plus forts et plus présents, pour que l'on se sente encore plus. En tout cas, c'était comme ça pour moi. Je suis persuadée qu'avec du soutien et du temps, Azra finira par s'en sortir, il le faut ! Je n'accepterais pas de la voir s'enfoncer un peu plus dans la douleur qu'elle ressent. Je ne peux pas faire que compatir à sa souffrance, il faut que j'agisse. « Souhaites-tu que je t'aide à ranger ? » Séance de ménage avant de faire mon rapport, cela ne me dérangerait pas. C'est tout de même plus agréable de travailler dans un endroit rangeait et propre que dans un bazar puant. De toute façon, je ne crois pas avoir grand-chose à dire sur le fiasco de ma mission.