Elle était revenue depuis peu. Quelques jours, tout au plus. Et ces jours, elle les avait passés enfermée dans son appartement, à éplucher l’Holonet pour se mettre à jour concernant les évènements récents. Elle s’était immédiatement retrouvée coincée par le dôme. Puis, il y avait eu l’annonce de Darth Millenial, qui lui fit l’effet d’une gifle. Car lire des rapports rédigés à froid sur des évènements importants tels que la mort du roi de Naboo ou la bataille de Theed, ce n’était pas pareil que de constater par soi-même à quel point la situation était grave. La décision de Tamsin ne demanda aucune réflexion ; elle allait se battre aux côtés de ceux qu’elle avait abandonnés durant de longs mois.

C’est dans le but de se préparer physiquement à l’affrontement qui approchait, que Tamsin avait prit la direction des Cloudland Peaks. Elle ne connaissait pas de meilleur endroit dans tout le système Corellien pour développer son endurance, sa résistance aux températures extrêmes, et sa force mentale. C’était le lieu idéal. Elle était parvenue jusqu’ici en négociant le voyage auprès d’un marchant nomade, moyennant quelques crédits. Le dit marchand s’était montré un peu curieux, marmonnant dans sa barbe qu’il ne comprenait pas pourquoi tant de gens s’intéressaient à ces montagnes de la mort, comme il les appelait. Tamsin ne releva pas, préférant ne pas relancer la conversation afin de ne pas avoir à répondre à quelque question indiscrète sur la raison de sa venue ici.

Il la déposa alors au pied du massif et rebroussa chemin dès qu’il fut payé. Tamsin était enfin seule avec elle-même. Retour à la case départ… ne put-elle s’empêcher de penser. Cette ambiance de solitude profonde au milieu de ce rustre décor ne lui rappelait que trop bien son séjour loin des tumultueux conflits de la galaxie. Le pincement au coeur qu’elle ressentait à ce moment précis était plus douloureux qu’elle ne l’aurait voulu. Ce calme, elle le chérissait. Il lui permettait de faire le vide dans son esprit comme elle en était incapable lorsqu’elle était en lieu civilisé. Pourtant, elle regrettait plus que tout d’avoir abandonné les valeurs pour lesquelles elle se battait depuis si longtemps. Et surtout, d’avoir abandonné les siens. D’abord, en fuyant le temple Jedi sans demander son reste ; puis, en désertant la Résistance. Plus les années passaient, plus Tamsin se demandait si une part de lâcheté ne sommeillait pas en elle.

Elle entama sa randonnée vers les nuages. Ils étaient encore loin, beaucoup plus haut, vers les sommets. Ceux-ci étaient d’ailleurs invisibles, tant la marée nuageuse était dense. C’était ici la première étape ; pousser son endurance et sa résistance physique à ses limites.
Le chemin, s’il débutait en un sentier plutôt facile, se fit de plus en plus escarpé à mesure que la jeune femme progressait. Jusqu’à ne plus exister. A présent, plus rien ne la guidait, si ce n’était son instinct. Et cela faisait représentait une mise à l’épreuve supplémentaire. C’était exactement ce qu’elle recherchait.

Bientôt, Tamsin arriva au coeur de l’amas de nuages qui, quelques heures plus tôt, lui paraissait si lointain. Elle atteindrait bientôt les sommets, où elle comptait rester méditer jusqu’à la tombée de la nuit. Il était prévu qu’elle bivouaque quelque part dans les montagnes et que son chauffeur revienne la chercher le lendemain, vers l’heure du déjeuner. Elle avait donc du temps devant elle.
Elle ne comptait pourtant pas s’accorder de pause. Enfin, elle ne pensait pas cela nécessaire, mais… Ses plans changèrent lorsqu’elle se mit à distinguer une forme sombre à travers l’épais brouillard. C’était assurément une silhouette à la forme humaine.
Surprise de croiser quelqu’un en un lieu si inhospitalier, Tamsin se laissa emporter par sa nature curieuse sans y réfléchir à deux fois, et s’avança en direction de l’inconnu. Elle dût s’approcher relativement près afin de réussir à le distinguer plus précisémment, tant la brume occultait sa vision. Elle ne put distinguer son visage cependant, l’individu lui tournant le dos.

Avait-il conscience de sa présence ? Devait-elle s’annoncer ? Il ne bougeait pas d’un pouce, était aussi immobile que la roche sur lequel il était assis. Alors, ne sachant trop si elle pouvait se permettre de prononcer mot, Tamsin se contenta de signaler sa présence par un toussotement, peu subtil certes, mais néanmoins discret et poli.

Lorsqu'il méditait, Gal'aad ne parvenait plus à être un chevalier. Il lui fallait combatre des pensées et des silences qui ne lui appartenaient pas, qu'il mimait à d'autres, il lui fallait enlever chacun de ces masques comme une couche de vêtements de plus jusqu'à atteindre la nudité de l'âme. Il ne pouvait y parvenir vraiment, son esprit se portait vers des endroits sombres et déserts qui lui appartenaient, mais les lieux n'étaient que des tableaux flous pour le garçon sans racine.
Parfois, Gal'aad pouvait cependant saisir un mensonge ou une vérité. Il savait reposer son esprit, il savait apaiser quelque chose du monstre qu'il était, ou du moins le promettre de jolies choses à venir pour qu'il reste en son contrôle. La Force était en lui et Gal'aad la saisissait et la modelait à sa guise. Tout relevait de l'instinct cependant chez le jeune homme, y compris l'intelligence brute, celle là même qui le poussait à lire et dévorer tout ce sur quoi il pouvait poser la main. On ne pouvait attendre de lui qu'il soit à l'image de n'importe qui, de fait la souffrance de Gal'aad était grande et inexprimable tout à la fois.
Car les sentiments humains ne savaient battre en son coeur comme ils battaient en d'autres. Comme beaucoup de choses, il les copiait, et ce qu'il éprouvait vraiment pouvait s'en rapprocher parfois, mais des différences par trop complexes existaient également.
La méditation extrême le poussait face à cette différence. Entouré d'autres, de proches et de guides, Gal'aad avait la force et le pouvoir de s'y plonger mais depuis trop longtemps déjà, les heures et les jours sur l'espace de Corellia lui rongeaient l'âme.
Un ami perdu, un ami loin d'ici, comme un trou dans un coeur qu'il ne parvenait à remplir que trop peu déjà.
Et l'espoir lui brûlait les veines: bientôt, hurlait quelque chose en lui, bientôt, car à Centerpoint les choses rencontreraient une fin.

Aimait-il les océans, Gal'aad Serke? Non, ses pensées se nourrissaient du sable et des déserts, parfois l'ombre de soleils jumeaux, parfois un seul soleil, et puis le vent entre les dunes, la chaleur qui transperçait et poignardait tout à la fois. Lui qui ne savait rien de ses origines appréhendait le sable comme une matrice. Parfois, on se moquait de lui pour cela...
Il avait choisi de méditer ici, avec le fracas des vagues et des océans comme un murmure de cataclysme en contrebas de tout, pour se tester cependant, être dans un environnement qu'il n'appréciait guère mais trouver en lui pourtant un calme vital.
Parfois, ses pensées s'échappaient de sa méditation, il peinait alors à les rattraper avant qu'elles ne forment un nouveau masque, un voile pour l'étrangler de mensonges.
Il y avait les hallucinations aussi, la peur d'événements à venir, cette peur qui se jouait de lui en se voulant prescience, prémonition. Gal'aad se forçait à espérer et croire : tant que le sang n'était pas versé, alors cela n'existait pas....

Il était étrange pour lui de s'abandonner à un espoir : espoir que la situation change, espoir qu'ils réussissent, qu'ils retrouvent ceux des leurs dans le reste de la Galaxie. Espoir qu'il retrouve Kylo Ren, frère et ami, comme une figure de lumière soudain après un trop sombre cauchemar. L'espoir n'était pas un masque mais un désir profond, alors la méditation de Gal'aad s'apaisa, donnant au guerrier un peu du repos dont il avait besoin.
Ce fut alors qu'il sentit une présence, là où personne n'aurait du être. Toujours à genoux dans la poussière et le froid des sommets, il tourna la tête un peu, les yeux ouverts.
Il y avait une femme, son souffle était une brume glacée au sortir de ses lèvres, Gal'aad comprit que lui-même ressentirait le froid bientôt à présent qu'il quittait son état méditatif.
Il saisit la cape à ses pieds, s'en drapa. Dans la lumière étrange du lieu, la prothèse à son bras brilla l'espace d'un instant avant de disparaître sous le tissu.

Debout, Gal'aad fit face à Tamsin. Il reconnaissait son visage à présent, celui d'une ennemie.

”C'est un chemin difficile, seule et à la simple force des jambes, pour monter jusqu'ici....”

Lui-même éait venu dans son chasseur, une trop grande fatigue amenait au sommeil non point à la méditation.

”Et pourquoi chercherait-on à monter aussi haut si ce n'est pour chuter, Chevalier?”

Il fallait bien admettre que Tamsin n’était ni la plus fine observatrice ni la meilleure en matière de perception de la Force. Elle n’avait pas un seul instant soupçonné de l’identité de l’homme qui se trouvait en face d’elle. Ainsi, la surprise prit place sur son visage sans qu’elle ne puisse la cacher, au moment même où elle le reconnut.  Il lui faisait face à présent. Il se tenait là, devant elle, comme un mirage échappé de ses souvenirs les plus douloureux. Gal’aad. Elle connaissait son nom. Il était de ceux qui hantaient ses cauchemars la nuit. Un Chevalier de Ren. Et pas n'importe lequel.

Sur le visage de la jeune femme, la surprise laissa bien vite place à la froideur. C’était son dernier rempart avant la colère. Et elle ne voulait en aucun cas laisser éclater cette dernière, pas devant l’un de ceux qui avaient donné un tournant si douloureux à sa vie. Elle se devait de rester forte face à lui. Jamais elle ne se permettrait d’afficher une quelconque once de faiblesse. Qu’il soit personnellement responsable du massacre des siens ou non, Tamsin s’en fichait. Le fait qu’il fasse partie de ceux qui avaient organisé cette attaque était plus que suffisant pour qu’elle entretienne à son égard un profond sentiment d’antipathie.

A travers l'épais brouillard, Tamsin pouvait à peine distinguer son visage. Elle fit un pas lent dans sa direction, réduisant la distance entre eux. Ce n’était pas une menace. Elle désirait simplement distinguer chaque trait du visage de cet homme, pour qui elle nourrissait une haine profonde sans même le connaitre réellement. En vérité, c’était une haine aveugle, dirigée plus vers le Premier Ordre lui-même, vers ce qu’il représentait, que vers ceux qui le composaient individuellement.
Mais l’adrénaline qui parcourait son corps suite à son ascension ne lui permettait pas, en cet instant précis, de faire la part des choses, et Tamsin sentait son coeur battre dans ses tempes, au creux de son cou, dans tout son corps. Malgré le froid ambiant, une vague de chaleur vint parcourir son corps, étouffant son coeur. La douleur qui y était enfouie se réveillait.

Fidèle à elle-même, Tamsin parvint malgré tout à garder un calme apparent, même si ses yeux étaient emplis d’un mélange de sentiments amers. Alors que le Chevalier de Ren fit une remarque, elle s'avança à nouveau d'un pas vers lui, en guise de réponse. Ses jambes étaient fortes, elles la menaient où bon lui semblait. Tant que sa détermination la guidait, elles la porteraient indéfiniment, quels que soient les obstacles. Ce n’était certainement pas une montagne qui allait les arrêter…

« Tes yeux te font défaut, Gal’aad. Je n’ai pas que la force de mes jambes pour me permettre de gravir ces montagnes. J’ai également celle de mon esprit. »

A ceci, le Chevalier enchaina sur une question des plus obscures, et dont la réponse méritait réflexion. Ah, il avait de l’esprit. Très bien. Ils seraient deux, donc, à pouvoir jouer à ce petit jeu.

« Et si la chute était le but ? Ne dit-on pas qu'il faut apprendre à tomber, pour savoir se relever ? »

Apprendre à tomber... Ce n'était pas son objectif premier lorsqu'elle avait pris la décision de venir ici. Cependant, bien que dangereuse, c'était une perspective intéressante qu'elle n'écartait pas. Mais surtout, cela constituait, aux yeux de Tamsin, la meilleure réponse qu'elle pouvait offrir à une question pareille.
Mais après tout, pourquoi Gal'aad aurait-il lui aussi choisi de méditer en un lieu pareil, si ce n'était pour les mêmes raisons que la Jedi ? Pour le danger que représentaient ces sommets, habités par le bruit des vagues qui leur rappelaient à tout instant qu'une chute ne serait pas pardonnable, et que les flots étaient là pour les avaler en moins de temps qu'il n'en fallait pour le dire. Pour ce froid mordant, et à la fois revigorant pour le corps comme pour l'esprit. Pour ce sentiment d'invincibilité dans ce milieu pourtant hostile où la mort les observait à chaque angle de chaque pierre.

« Compte tenu de ta présence ici, je trouve ta question un peu… gonflée. » Son choix de mots était également gonflé. Elle le savait. S’en fichait, pourtant. « D’ailleurs, je trouve ça intéressant qu’en atteignant des sommets, tu penses d’abord à la chute plutôt qu’à l’élévation… C’est un peu pessimiste, tu ne trouves pas ? »

Elle lui redessinait le corps et le visage par le simple regard de sa haine. Elle définissait de lui d'autres choses que ce qu'il était comme ce qu'il n'était pas, quand les yeux de Gal'aad restaient froids et neutres. Autour d'eux, dansaient la brume et le bruit des flots enragés...
D'un pas elle s'avança, alors l'homme fit de même, sombre reflet des actions de la jeune femme.
Deux chevaliers face à face.
Et puis encore un pas....
Non loin, il y avait le vide et Gal'aad n'avait pas besoin de le regarder pour en savoir le danger. Il était tombé une fois déjà... Par delà la brume, une lumière capta le métal de son bras, et fallait-il en dire plus alors? Non.
Une chute, il était debout à nouveau mais dans un recoin de son esprit, le souvenir de la douleur resterait toujours. Il chercha les yeux de Tamsin, le bleu du ciel qui s'y cachait un peu, comprit qu'il en était de même avec elle, avec son deuil, ne la jugea pas.
Un ciel au dessus d'eux malgré tout, un ciel pour les caresser comme le ferait un rêve pour chacune de leurs exodes.

”Il y a toujours des chutes, des prix à payer, des manières de se relever.”

Lui encore vivant, lui toujours vivant, lui qui avait changé de par ses blessures mais n'en mourrait pas. Un échec ne le devenait que par un point de non retour, et Gal'aad comprenait qu'il ne l'avait pas franchit. Pas avec son bras, quelqu'un l'avait retenu. Il n'y avait pas de dette pourtant, juste honneur, amitié et fidélité, rien d'autre ne pouvait exister entre eux, Kylo Ren, lui, absolument rien d'autre au nom de tous les secrets qu'ils ne pouvaient connaître.
Le sang, cela était toujours une histoire de sang...
Et chacun possédait le sourire de son père.

”Ainsi, tu n'as plus peur de ton propre esprit? Cela est bien...”

Un hochement de tête, une certaine noblesse dans le geste, une dignité. L'homme devant Tamsin commandait d'autres hommes, d'autres femmes, cette position aussi l'avait changé, n'éteignant en rien le feu de son esprit, l'alimentant autrement cela était tout.

”Que viens-tu chercher ici, toi qui ne pense pas à la chute?”

Et le vent soufflait, hurlait, les poussait l'un à l'autre en appelant au combat comme s'ils défiaient la nature même à simplement se faire face.
Gal'aad pouvait la tuer là, ici, maintenant. Il devinait la couleur de son sang, la teinte que prendrait la peau pour le dernier soupir, n'y trouvait ni laideur, ni beauté. Cela était juste des choses qu'il savait, la vie, la mort.... Et peut-être pensait-elle la même chose de lui en cet instant.
Il chercha dans les yeux de la femme, la forme de son propre visage à l'instant de la mort.

Aucun d'eux n'avait de réponse à donner à l'autre, alors Gal'aad Serke se détourna simplement, offrant son dos à la jeune femme, ses yeux à lui tournés vers le ciel, vers des rêves qu'il pouvait encore saisir du bout du doigt. Une douleur l'habitait, il en avait toujours été ainsi, elle le définissait comme un poids, un héritage, elle lui était propre également, peut-être la seule et unique chose de son être capable de lui appartenir.

”Il arrive que des ennemis puissent soudain se battre pour un même idéal.... Cela t'effraie?”

« Il y a toujours des chutes, des prix à payer, des manières de se relever. »

Aussi floue que pouvait paraître cette phrase aux oreilles de n’importe qui, elle prenait pour Tamsin un sens tout particulier. En ces mots, elle se remémora chacun des deuils qu’elle avait dû effectuer ces dernières années. Ils étaient nombreux. Paradoxalement, si nombreux que la douleur était presque supportable. Presque..
Parce qu’il venait de prononcer cette phrase, Tamsin devina en partie ce qu’il avait dû endurer. Elle ne manqua pas non plus de remarquer la lueur du soleil, aussi faible soit-elle, qui se reflétait sur le métal froid de son bras. Aussi froid que son coeur… Se plaisait-elle à penser. Mais était-ce seulement vrai ? En réalité, elle n’en avait aucune idée. Habituellement peu encline à juger autrui d’un simple regard, elle se surprenait pourtant à se fabriquer une image mentale de cet homme en face d’elle qui était sûrement erronée. Mais la haine l’aveuglait. La haine n’apportait jamais rien de bon, de toute façon. C’était la raison pour laquelle elle tachait de la garder bien enfouie au fond de son être. Seulement, il y avait des situations dans lesquelles il était plus facile de se contrôler, et d’autres, comme celle-ci, où la tension était si forte qu’il était difficile de résister à la tentation de dégainer son sabre.

Pourtant, Tamsin se devait de rester fidèle à son titre de Chevalier Jedi. Fidèle à ce qu’on lui avait enseigné durant des années. L’Ordre Jedi tel qu’elle l’avait connu n’était peut-être plus, mais elle se devait de perpétuer les valeurs qui lui avaient été transmises. Par respect pour la mémoire des défunts du Temple. Par respect pour les maitres qui lui ont enseigné la maîtrise de ses émotions. Qui lui ont appris à devenir plus forte, jour après jour. Qui ont toujours montré patience et fermeté, malgré le caractère contestataire de Tamsin.

« Que viens-tu chercher ici, toi qui ne pense pas à la chute ? »
Voilà une question simple à laquelle elle pourrait apporter une réponse floue. Simplement pour donner à Gal'aad un os à ronger, lui qui semblait vouloir s'engager dans des débats qui n'auraient jamais de fin.
« Rien de plus que ce que ce lieu peut m’offrir ; et en cela, je sais que j’obtiendrai  alors beaucoup plus que ce que j’étais venue chercher. »

Tandis que durant cet étrange échange, chacun scrutait le regard de l’autre, la tension montait progressivement, cran par cran.
Pourtant, la Jedi n’avait aucune intention de se battre. Pas ici, et surtout pas maintenant, alors que la galaxie était en proie à un mal bien plus profond que leurs propres conflits.

«  Il arrive que des ennemis puissent soudain se battre pour un même idéal.... Cela t’effraie ? »

Comme un écho à ses pensées, cette question retenti. Et la réponse, elle aussi, fuse.

«  Au contraire. Cela me donne de nouveaux espoirs quand à l’avenir de cette galaxie.
Il en va de même pour le conflit qui s’annonce contre notre ennemi commun. J’ai l’espoir que chaque camp puisse ainsi apprendre à mieux connaître l’autre. Que chacun se rende compte qu’en face, il y a des êtres vivants, sensibles, qui ont tout aussi peur de la mort que n’importe qui. Des semblables, plus que des ennemis. »

Cette tirade faisait autant office de réponse à son homologue masculin que de sermon à elle-même. Si elle pensait réellement ce qu’elle venait de dire, elle avait beaucoup plus de mal à l’appliquer pour elle même. 
Alors, desserrant les poings, poussant à nouveau un soupir afin de relâcher ses épaules, Tamsin fit un pas de plus en direction de Gal’aad qui lui tournait à présent le dos. Et simplement, sur ce petit bout de rocher s’échappant du flanc de la montagne, elle s’assit, à quelques mètres seulement du Chevalier de Ren, celui qui était supposé, en temps normal, représenter un ennemi ultime pour elle, mais qui aujourd’hui n’était qu’un homme comme un autre. Car il y avait pour l’heure de plus grands conflits à résoudre que ceux qui les opposaient habituellement. Et c’était, à cet instant précis, en ce lieu, suffisant pour que Tamsin réussisse enfin à enfouir sa haine sous autre chose qu’une extrême froideur.

Un calme. Comme elle n’en avait pas ressenti depuis longtemps. Un calme malgré l’ennemi, tout proche. Un calme avant la tempête qu’ils allaient tout deux devoir affronter.

En même temps que sa colère, la tension retombait. Le vent, lui, se levait. Et emportait avec lui la rancoeur.
Et même si elle était consciente du danger cela représentait de baisser sa garde, elle choisissait pourtant de l'ignorer.

Les réponses de la jeune femme n'avaient pas à être jugées, Tamsin ne tendait pas les doigts vers lui également, refusant de se brûler à la froideur du chevalier. Mille univers les séparaient, bien plus que quelques mètres, et dans chacun de ces univers, une guerre à mener si l'on voulait se rapprocher de l'autre ne serait-ce qu'un peu.
Les yeux de la jeune femme avaient les reflets de l'océan, ceux de Gal'aad possédaient du bleu eux-aussi, mais indéfinissable, comme un rêve déjà oublié parmi des choses bien plus sombres.
Le chevalier comprenait l'espoir, son espoir à elle alors qu'il fusait en mots clairs et précis, la surprenant peut-être un peu. A sa manière, Gal'aad savait éprouver ce genre d'émotion, la lumière qui pouvait se cacher parfois mais être là quand même.
Il avait autant d'espoirs que d'idéaux, et cela lui donnait la force de commander malgré chacune des condamnations derrière. Parce que tout se payait, et ça aussi le chevalier le savait.
Il n'était pas idiot, Gal'aad, pas assoiffé de sang non plus. Cela ne l'empêchait pas d'être monstrueux, quelque chose dans sa nature défiait toute humanité mais l'en noyait également.  L'homme ne savait ce qu'il était, pas plus que d'où il venait. Les secrets laissaient sa trace sur lui, il continuait à se relever.
Pour le moment.
Derrière, la jeune femme bougea, le vent chassa chacun des bruits de ses mouvements. Il se retourna non pas pour lui faire face, elle, ses émotions, simplement pour l'observer encore comme il le ferait d'un animal étrange au sortir de la brume, ou d'un rêve autre que le sien peut-être. Elle méditait, tout du moins essayait.
Pouvait-on méditer après avoir parlé de la mort malgré tout? Quelque chose en Gal'aad respirait la vie avec une naïveté propre aux enfants les plus fous. Un curieux équilibre aurait pu se faire, prit-il conscience, elle la jedi, lui le Ren.
Avaient-ils besoin d'équilibre pour combattre les sith? Il n'avait pas la réponse.
Tout aussi silencieusement qu'elle, Gal'aad s'assit à ses côtés, ferma les yeux lui aussi, retrouvant les chemins de sa propre méditation.
De nouveau le calme, comme le tissu de la nuit contre sa chair. Il faisait encore jour pourtant, mais la nuit se posait par delà ses yeux clos. Cela était toujours ainsi....
Et puis, le chevalier parla:

”La peur de la mort...”

Il gardait les yeux fermés, faisant venir sa voix des contrées étranges de son propre esprit.

”Ne crains ni la mort, ni la nuit, jedi....Par la victoire ou la défaite, tu peux continuer à être forte et l'aube sera toujours à un seul battement de coeur de toi, un parmi tant d'autres ou le dernier peut-être, mais l'aube viendra alors. “

Sa main avait saisit celle de Tamsin, Gal'aad le comprit en sentant la pression de ses propres doigts contre ceux de la jeune femme. Et la montagne restait immobile sous les attaques de l'océan, immobile elle se tiendrait toujours après la mort de Gal'aad un jour, il en eut la certitude.
Les sith ne détruiraient pas cette planète.

”Je n'ai pas peur de la mort, je crains cependant les éclairs des siths....”

Le jeune homme garda les yeux clos, parlant sans mensonge, ne ressentant que le calme quand toute autre chose s'effaçait. Quelque chose en lui craignait ce pouvoir de la Force, il ne l'utilisait pas, ne souhaitait pas en apprendre les arcanes. Cela provenait comme d'un souvenir, mais un souvenir qui ne lui appartenait pas.
Bien sûr les propres éclairs du sith Ralkorb avaient été bien plus ennuyants et contraignants que douloureux, ce n'était pas de là que venait sa peur. Elle restait malgré tout, elle ne partait pas...

La haine engendre la haine ; la violence engendre la violence. Alors, au milieu du chaos, l’espoir se doit de subsister, pour engendrer l’espoir, et ainsi ramener la paix.
L’espoir, c’est ce que Luke Skywalker a toujours représenté. Et aujourd’hui, alors que les cendres du Côté Obscur se révèlent être plus brûlantes jour après jour, c’est à ceux ayant reçu l’enseignement du Maître Jedi que revient le devoir d’alimenter cet espoir. Et même si Tamsin a pu constater le retour de certains de ses anciens camarades au travers d’Holovideos, elle sait l’Ordre Jedi affaiblit. Le poids qui repose sur les épaules de chacun d’eux est colossal ; ils se doivent cependant de faire honneur à leur titre, honneur à l’Ordre. La paix, la justice, la liberté… Autant de valeurs que les membres de l’Ordre, en tant que Jedi, se doivent de protéger.

Alors, ce feu qui brûle en elle, Tamsin a appris jour après jour, et encore aujourd’hui, à le contrôler. C’est un apprentissage de tout instant. Elle connait le danger que sa fougue représente, et met tout en oeuvre pour que celle-ci ne prenne jamais le dessus sur la sagesse.
A la vue de Gal’aad, Tamsin a bien failli se perdre dans les méandres de sa colère. Ainsi, le contrôle dont elle a finalement su faire preuve ne fit que conforter sa confiance en elle, ainsi qu’en l’enseignement qu’elle a reçu au sein de l’Ordre.
C’est donc avec sérénité qu’elle put fermer les yeux, assise sur cette surface froide et rocailleuse, aux côtés d’un représentant du camp adverse. Avec qui elle allait, ironiquement, devoir s’allier dans les prochains jours. Une raison supplémentaire de mettre la haine de côté…

Elle l'entendit se joindre à sa méditation. S'asseoir tout à côté. Et dans un geste que personne n'aurait cru possible en des temps moins troubles, leurs mains entrèrent en contact, dans une étreinte légère, mais symbolique.
Alors, forte de cette union inespérée, Tamsin put entrer dans la plus profonde des méditations.

Sa respiration, qui s'était progressivement calmée, se fit presque fantomatique. Chaque souffle était plus discret que le précédent, jusqu'à donner l'impression qu'elle ne respirait plus. Et pourtant, l'air qui pénétrait ses poumons lui parut de plus en plus pur. Régénérateur. Son rythme cardiaque ralentit, pour se faire si discret qu'elle n'entendait même plus battre son propre coeur. A la place, pourtant, elle entendait celui de Gal'aad, aussi clairement qu'elle entendait le vent à travers la montagne, et les vagues en contrebas.
A présent, une sorte de clairvoyance s'offrait à elle dans l'obscurité que lui offraient ses paupières. Dans une inspiration plus profonde, Tamsin parvint à relâcher chaque muscle de son corps endolori par l'ascension. Ce n'étaient plus ses muscles qui tenaient son dos droit. C'était une entité différente. Une volonté, une force invisible. Elle était comme un pantin simplement relié au ciel par un fil qui pouvait se rompre à tout moment.
Et dans cet état d’intense contemplation, les mots prononcés par le chevalier résonnèrent dans la tête de Tamsin aussi bien que s’il les avait criés à travers les roches du massif. Pourtant, cela ne troubla en aucun cas son calme profond. Cela lui permit, au contraire, de mieux en apprivoiser le sens, de mieux mémoriser leur signification. Ils s’encraient ainsi dans son esprit, mis à nu, comme sur une page blanche.

Cela lui permit également de trouver des réponses aux plus simples des questions qu’elle se posait, comme à ses interrogations les plus secrètes, les plus profondes. Et ainsi, forte de cet état d’esprit qu’elle n’arrivait que trop rarement à atteindre, elle put répondre au Chevalier de Ren sans la moindre crainte, sans le plus petit doute, et d’une voix aussi posée que distincte. Car tout, absolument tout, à présent, lui paraissait limpide.

« Ni mes craintes, ni les tiennes, ne viendront se dresser contre nous lorsque le temps viendra d’affronter les Sith. Car, comme en cet instant, ensemble, nous sommes plus forts. Les forces des uns seront là pour contrebalancer les faiblesses des autres. Et ainsi, unis, même dans l’adversité, nous vaincrons. C’est là la solution. Je peux le sentir, aussi certainement que je sens ta main dans ma mienne. »

Peut-être, dans son état de semi-conscience actuelle, se montrait-elle trop optimiste. Mais l’optimisme n’était-il pas l'ingrédient principal de l’espoir ? Elle espérait qu'il comprenait ; qu'il était parvenu à atteindre le même état d'esprit qu'elle, a ressentir les même choses. Rien n'était moins sûr, cependant. Il la penserait certainement naïve. Car ces quelques mots étaient dérisoires pour tenter de décrire le regain d'espoir qu'elle était parvenue à ressentir, en cet instant de communion. Mais néanmoins, elle y croyait vraiment.

Bien sûr, le monde n’était pas parfait. Les guerres n’étaient pas infinies. Elles prenaient fin pour laisser place à d’autres conflits. C’était assurément ce qui se passerait après l’affrontement qui s’annonçait. Quelle qu’en soit l’issue, une victoire de l’un ou l’autre camp n’annoncerait certainement pas la paix. Mais Tamsin espérait que les choses tourneraient en leur faveur, permettant ainsi à la Galaxie de bénéficier d’un peu de répit.

Deux enfants, deux orphelins d'une galaxie trop en guerre pour être un foyer. Il n'y avait rien pour les tenir, rien pour les sauver, alors ils s'agrippaient l'un à l'autre sans le savoir, sans le comprendre, et le coeur pur de la jedi appelait aux espoirs les plus profonds quand celui du chevalier sombre distinguait la silhouette possible de la mort comme l'on distinguerait celle d'un vieil ami cher.
Il ne craignait pas pour lui, savait que si la mort se tenait dans son ombre, c'était bien plus parce qu'il la donnait qu'il n'en recevait le dernier baiser. Et quelque chose de pur s'éveilla aussi un peu, cela avait été endormi, plus à présent.
Cette chose, Tamsin en percevait les bruits, les battements, car il s'agissait d'une chose vivante, non d'un pierre ou d'un roc, et Gal'aad prit conscience de son propre coeur en son entièreté.
Il avait changé, n'était plus le même, plus l'ombre qu'on avait dessiné pour lui et si le chevalier en conçut quelque peine, il ne l'exprima pas.
Il écouta simplement la jeune femme dont les mots étaient comme l'eau claire d'un ruisseau. Parce que des ennemis pouvaient se respecter et s'allier contre un mal plus grand, parce que -et cela il en avait l'intime conviction- c'était ainsi que la galaxie évoluerait y compris vers cet ordre nouveau dont Gal'aad rêvait.
Celui de paix et d'absolution.
Les doigts de Tamsin étaient fins et graciles, il en appréciait le contact car savait le poids que pouvait avoir l'absence de gestes et que c'était par les mains que l'on apprivoisait les plus sauvages des animaux. Cela avait été son cas à lui, fou de douleur après son combat perdu, son membre arraché.
Et quelque part à l'autre bout de galaxie, Kylo Ren comprenait cette chose aussi....

”Tout ne sera toujours que balance et équilibre, nous dansons d'un côté ou de l'autre en refusant de tomber, ton camps, le mien, les sith eux se fichent de la destruction, ils aiment cela.”

Contrairement à sa cadette, Gal'aad avait les yeux ouverts, dans un état de semi conscience lui étant propre. Il se demanda un instant s'il serait capable d'entendre le murmure des fantômes, mais encore une fois il n'y avait que l'océan. De toutes manières, le chevalier n'avait jamais été très à même de suivre les conseils de ses années...

Il leva finalement la tête, un rayon de soleil lui balaya le visage, il se prit à sourire. Autour d'eux, la glace et la neige brillaient dans une pureté mortelle, car le froid lui aussi savait comment tuer et il n'y avait pas que l'océan comme simple danger.
Ce fut alors qu'il le remarqua, aussitôt son esprit lui donna l'explication scientifique à cela et il ne l'oublia pas, mais le spectacle le remua pourtant.
Il se demanda pourquoi, comprit alors, après quelques longues secondes, que cela s'appelait de l'émotion, simplement.
Et Gal'aad repensa aux soleils jumeaux de Tattooine et de tant d'autres planètes désertiques où il aimait se perdre souvent. Cela était comme si, dans ce système où il détestait tout, le désert venait subitement à lui pour l'apaiser...
Dans le ciel, une parallélie parfaite, la neige, le froid et la glace en étaient la cause, faisait apparaître l'illusion d'un soleil jumeau. La gorge serrée -encore des signes physiques qu'il peinait à comprendre-, Gal'aad parla.

”Ouvre les yeux, chevalier, car je crois que ce message d'espoir est pour toi...”

Pour elle, oui, mais pour lui aussi car le sang qui coulait dans ses veines, hérité d'un père légendaire dont il ne savait rien, lui avait toujours offert le ciel et l'espoir, non pas à empoisonner comme il l'avait cru, mais à traverser comme l'on traverse un royaume.
Et, bien que plus sombre et nébuleux peut-être, Gal'aad, comme Luke, représentait une forme d'espoir à apporter aux autres.