Au fond, Jill détestait l’idée d’être coincée au même endroit pendant si longtemps. D’ailleurs, pas qu’au fond : elle avait exprimé plus d’une fois son dégoût à l’idée d’être enfermée dans cette bulle, de ne pas pouvoir rejoindre qui elle voulait quand elle voulait. Même les communications étaient coupées en dehors du système. C’était difficile de penser à autre chose.
La Mandalorienne s’était engagée auprès du Mouvement Citoyen, et passait ses journées à aider les dispositifs mis en place par le gouvernement et par le mouvement pour conserver une once d’ordre dans les nombreuses villes du système Corellien. Ils ne pouvaient pas être partout, et des émeutes se soulevaient un peu partout sur les surfaces des différentes planètes.
Une situation tendue et éreintante qui épuisait la Mandalorienne.

Alors on pouvait imaginer qu’y n’y avait que du mauvais à cette situation, sous ce résumé peu flatteur. Mais Jill avait plus de ressources que ça. Et de chance, aussi. Parce que dans leur malchance à toutes les deux, le couple le plus adorable de la galaxie que formaient Thrace et Jill s’était retrouvé dans la même galère. Il ne leur avait pas fallu bien longtemps pour se trouver un havre de paix où elles pourraient se retrouver toutes les deux, seules, à l’abri des regards. Un espace où la Mandalorienne rechargeait à la fois les batteries de son corps et celles de son esprit. Il s’agissait d’un banal appartement à Coronet même, beaucoup avaient été réquisitionnés pour loger les infortunés comme elles deux qui se retrouvaient cloués au sol.

Cette fois-ci, Jill avait passé sa demi-journée à réparer des véhicules terrestres pour faciliter le transport des vivres et autres ressources qu’ils pouvaient distribuer en ville et aux alentours. Un programme rempli avec une charge de travail qui n’en finissait pas. Pourtant, elle était dans son élément, et à la fin de la journée elle pouvait s’estimer heureuse de ne pas être plus rincée qu’elle l’était.
Elle avait déjà hâte de retrouver son nid douillet, surtout si Thrace y était. Un court message de Jill permit à la Chiss de savoir quand une Mandalorienne allait envahir le domicile.

Lorsqu’enfin la porte de son refuge s’ouvrit devant elle, la guerrière avait ôté son casque, dévoilant ses cheveux humides de sueur. Elle préférait s’aérer un peu avant son grand retour pour ne pas qu’on lui reproche de sentir le mando aussitôt entrée.

Deux choses frappèrent Jill dès lors que la porte s’était refermée derrière elle :
Thrace l’attendait, avec un petit sourire que la Mandalorienne qualifia d’énigmatique. Elle couvait déjà la Chiss d’un regard bienveillant, en essayant de déchiffrer la signification de cet air de fierté qui émanait de sa petite amie.
La seconde, c’était l’odeur qui vint très vite effleurer ses narines. De quoi mettre l’eau à la bouche de l’estomac intergalactique qui occupait les lieux. Devait-elle faire le lien entre les deux ?

“C’est pour moi ce sourire, cyar’ika ?”

Elle aussi vint se parer de son plus beau sourire en approchant Thrace pour lui déposer un baiser sur les lèvres. Elle se sentait en sécurité ici plus que partout ailleurs sur cette planète, et ça avait tout à voir avec cette présence rassurante à ses côtés.

“Ca sent trop bon, quand est-ce qu’on mange ?”

Après avoir laissé parler son coeur, voilà qu’elle laissait parler son estomac. Thrace avait-elle commandé à manger, ou bien avait-elle mis la main à la pâte ? Jill l’ignorait encore et débordait d’impatience à l’idée de découvrir ce qui flairait si bon. D’ailleurs, elle essayait déjà d’observer discrètement par dessus l’épaule de la bleue pour entrevoir ce qu’il se tramait dans la cuisine.

Pour qui d’autre Thrace aurait-elle pu faire un sourire aussi fier et content ? Eh bien c’était une excellente question. Jill songeait que peut-être un petit tooka se serait glissé derrière elle par la porte, ou quelque chose comme ça. Quoi que le sourire de la Chiss aurait plutôt été attendri pour le coup. Encore plus que quand c’était elle qui entrait dans la pièce ? A vérifier.
En tout cas comme à son habitude, la Mandalorienne prenait soin de se tenir droit et fière comme la guerrière qu’elle était. Ca faisait pourtant longtemps qu’elle n’avait plus besoin d’impressionner Thrace, mais pourtant… Pourtant elle voulait toujours prouver qu’elle était à la hauteur.

Enfin, à la hauteur était une façon de parler, puisque celle-ci n’était pas suffisante pour observer discrètement par dessus l’épaule de sa compagne. Elle était grillée, et le Capitaine lui cachait la vue assez admirablement. Jill tenta de laisser échapper une plainte pour faire valoir ses droits de jouer les espionnes dans la cuisine, mais il était trop tard.

“Oui chef !”

Avait-elle fait. Elle gagna sagement sa place à table, où elle prit un malin plaisir à prendre ses deux couverts et les tenir à la verticale comme l’aurait fait un enfant à l’estomac vide, ou en attente de friandises. Encore un peu et elle se serait mise à chanter “On a faim ! On a faim !”.

A défaut de pouvoir poser les yeux, elle se concentrait sur ses vagues talents olfactifs en humant la bonne odeur qui flottait dans la pièce.
Elle porta un regard plein d’admiration sur Thrace lorsqu’elle revint avec deux assiettes. Evidemment, la Chiss savait qu’il fallait mettre la quantité avec elle. L’entendre essayer de minimiser ses prouesses était assez attendrissant. Jill lui sourit.

“Tu sais, moi, la présentation… Tant que je remplis mes bottes et que c’est bon, tout va bien. Alors si en plus c'est toi qui l'a fait...”

Jill employait bien souvent des expression Mandaloriennes. Elle en avait appris un bon paquet à Thrace aussi, alors elle ne se sentait pas perdue. C’était parce qu’elles se comprenaient si bien qu’elles étaient là aujourd’hui, toutes les deux. La petite bougie entre elles acheva de ravir la Mandalorienne. C’était beaucoup trop mignon. Pour tout dire, elle n’avait pas du tout l’habitude de ça, alors l’intention la touchait vraiment.

“T’es vraiment la meilleure des amoureuses.”

Fit-elle dans un soupir attendri. Dans la galaxie, il n’y en avait surement pas deux comme elle. Enfin, pourtant, Jill n’allait pas s’extasier devant le bâton de cire. Son regard était bien plus attiré par le contenu de son assiette. Son regard et se papilles aussi ! Elle avait une réputation à ce sujet, et entreprit de la tenir en se saisissant de sa fourchette et en enfournant une bouchée phénoménale de ce bon petit plat.
Quelque part, ça prouvait qu’elle avait une confiance aveugle dans les talents de Thrace. Pas besoin de prendre la température avant de se lancer !
Et le verdict ? C’était bon ! Très bon même. La Mandalorienne sentait une variété de saveurs dans le plat de la Chiss, et ne pouvait qu’imaginer la complexité de la recette qui avait du être exécutée. Elle n’attendit pas d’avoir fini sa bouchée pour rassurer sa compagne, qui devait certainement appréhender la moindre de ses réactions.

“Kandochii !”

Elle prit quelques instants pour finir sa bouchée avant de poursuivre.

“Tu en as fait beaucoup ? Parce que je risque d’en manger beaucoup.”

Et ainsi elle se remplissait la panse, ravie. Elle songeait qu’elle aussi devrait faire un peu plus de ses recettes Mandaloriennes. Elle avait toujours ses réserves d’herbes aromatiques et d’assaisonnements avec elle, les saveurs les plus courues par son peuple, qu’elle tenait à faire partager.