Le message était parvenu dans la matinée : Orphée se trouvait lui aussi sur Corellia, chose qui aurait du être hautement improbable puisqu'il se trouvait encore dernièrement sur Dromund Kaas pour ses recherches. Néanmoins, Ariane ne fit aucune remarque et avait demandé au scientifique de la rejoindre à son hôtel. Aussi étrange que cela puisse paraître, malgré leurs caractères, ils étaient parvenus à maintenir une certaine entente. Cela dit, partager un verre quasiment tous les soirs pour suivre l'évolution de ses recherches avaient probablement aidé. Après tout, aucun histoire ne commence autour d'une assiette de salade... Les langues avaient fini par se délier, et ils n'étaient plus de simples étrangers, collaborateurs anonymes à qui la Sénatrice donnait des ordres. La jeune femme en était arrivée à la conclusion qu'elle n'avait rien à craindre de cet homme, que ses intentions étaient loin d'être mauvaises et motivées uniquement par la passion d'apprendre, de soif de connaissances. Ariane avait fini par lâcher du lest, et lui laisser un peu plus de liberté sur la planète : ses craintes s'étaient envolées aussi rapidement que les bouteilles se terminaient lors de ses rapports quotidiens. Aussi, il était rassurant de savoir qu'une connaissance était présente en ces lieux, une connaissance qui la liait directement à sa planète d'origine et qui n'était pas un autre Blackthorn. Les événements de ces derniers jours avaient laissé la jeune femme assez tendue, probablement car elle n'arrivait plus à gérer toute la tension et la responsabilité qui pesait sur ses épaules. Elle n'avait absolument aucune idée de ce que l'Ordre Sith pouvait trafiquer et ce manque d'information la pesait. Ethan n'était pas très enclin à lui fournir des renseignements, trop occupé par ses nouvelles fonctions.

La Sénatrice tournait dans sa suite un moment avant d'interpeller un serveur. « Serait-il possible d'apporter une bouteille et deux coupes, s'il vous plaît ? » Le serveur acquiesce et partait se mettre en quête de ce qui servirait de clé de voûte pour la rencontre qui aurait lieu ici même. Quelques minutes plus tard, la Blackthorn reçu une note sur son holopad pour annoncer l'arrivée de son invité. Remettant ses cheveux en place, elle se déplaçait elle-même jusqu'à l'entrée de sa suite: en ouvrant la porte, elle sourit et y découvrit la frimousse familière du scientifique. « Ravie de vous voir, Orphée. Je commençais à me sentir perdue sur ce système. Je vous en prie, entrez. » Même si leur relation était beaucoup moins professionnelle qu'à leurs débuts, elle n'arrivait pas à laisser tomber le vouvoiement, probablement car ils n'avaient jamais abordé ce sujet. « Vous pouvez déposer votre veste ici, faites comme chez vous. J'ai commandé de quoi boire, mais ce n'est pas encore arrivé. » Que faisait ce serveur ? Il était parti depuis bien presque une heure. Ariane sourit. « Je suis contente que vous m'ayez contactée. Mais que faites-vous sur Corellia ? Un autre point d'in... » Ses derniers mots furent étouffés tandis que la jeune femme fut soufflée par... Ce qui semblait un bruit sourd, une explosion. Le sol se mit à vibrer sous leurs pieds et Ariane tombait, alors que son cœur s'emballait. Sa vision se brouillait et ses oreilles sifflaient. Que se passait-il ? « Qu'est-ce que... ? » En levant les yeux, Ariane pu apercevoir une épaisse fumée emplissant la suite. Des lumières incandescentes léchaient les meubles et les murs tandis que les rideaux avaient prit feu. Une attaque ? « Orphée ?! » lançait-elle alors que la fumée l'empêchait de respirer et calcinait ses poumons. Elle ne pouvait le voir avec toute la fumée et les meubles qui avaient été soufflés. Était-il blessé ? « Orphée ! » Sa voix s'éteint lorsqu'elle tentait de se lever et qu'elle remarquait enfin de des bris de verres s'étaient plantés dans sa jambe, la gardant prisonnière au sol. La douleur devint vive, comme si son corps s'était rappelé qu'il devait ressentir quelque chose dans ce genre de situation. « Au secours ! » Elle ne pourrait appeler ainsi très longtemps : elle finirait asphyxiée avant qu'elle ne puisse faire quoi que ce soit. Le sang, poisseux, imbibait son pantalon. Ariane doutait qu'elle puisse marcher.

La fumée dégagée par l'incendie était monté à la tête d'Ariane, et tant mieux, car la douleur que lui infligeait les morceaux de verre dans sa jambe lui aurait été bien trop insupportable. Ariane n'était pas une femme qui risquait d'être blessée un jour : la douleur, elle ne l'avait connue que lorsqu'elle restait psychologique. Pourtant, elle tremblait. Malgré la chaleur et l'odeur de soufre, elle tremblait. Un bref constat sur sa jambe lui permet de voir que de multiples morceaux s'implantent dans sa chair, mais que le plus gros semblait bien encré en son sein et en plus d'être douloureux, elle était certaine qu'elle se viderait de son sang s'il lui était retiré. Alors qu'elle abandonnait tout espoir, la silhouette d'Orphée vint se découper dans les décombres. La jeune femme n'avait plus la force de parler, mais si elle avait pu, elle aurait transmit tout son soulagement. Au lieu de ça, elle sentit ses membres se détendre à peine alors qu'il vint la porter pour lui faire quitter le sol. Ariane réussit à souffler un remerciement, peut-être trop bas pour être perceptible. Puis, elle fermait les yeux, alors que sa conscience partait, à l'image de la fumée qui s'échappait des décombres de ce qui fut son refuge dans le système Corellien.

Lorsqu'elle reprit conscience, elle n'était plus au centre des flammes, et elle était encore vivante. Elle eut un instant de réflexion, de quiétude avant que l'odeur de brûlé qui avait imprégné ses vêtements ne viennent la frapper en plein visage et ne la ramène à la réalité. C'était une attaque. C'était forcément une attaque. Une explosion, dans un hôtel ? Cela frappait probablement les non natifs. Même si ce n'était pas directement dirigé envers la Sénatrice (et c'était une hypothèse uniquement), cela aurait bien pu avoir sa peau. Elle se redressait, mais la douleur lui rappelait alors qu'elle n'était certainement pas en état de bouger. Où était-elle ? La réminiscence de son sauvetage lui permit de revoir la silhouette d'Orphée, et elle eut simplement à tourner la tête pour le trouver sur le balcon. Ils se trouvaient dans un petit appartement, un refuge, probablement les quartiers du scientifique. Un mouvement incontrôlé de sa jambe vinrent lui arracher un râle de douleur, attirant l'attention de son sauveur. « Pardon, je ne voulais pas vous faire peur. » Ariane constatait, malgré la suie qui couvrait encore certaines parties, qu'il lui avait bandé la jambe. Néanmoins, il ne s'était pas risqué à lui retirer le plus gros morceau de verre. « Merci... Pour tout. » Il l'avait sauvée ; elle ne l'oublierait pas. Elle hésitait à toucher ce bout qui ne lui appartenait pas, mais la peur de la douleur primait. « Où sommes nous ? » Elle s'en doutait bien sûr, mais elle aurait besoin de confirmation. Tant de questions tournaient dans son esprit... Peut-être était-elle même encore un peu sous le choc. Un nouveau regard sur sa plaie. « Il va falloir enlever ça... » Un frisson parcourait son échine. Le bandage devait fonctionner comme un garrot. Il fallait au moins ça pour éviter la catastrophe, et elle ne souhaitait pas être emmenée dans un centre de soins.

Au regad qu'Orphée lui portait, Ariane savait qu'elle allait souffrir. A quel point, elle ne le savait pas encore mais c'est en voyant passer dans ses yeux l'ombre de l'appréhension qu'elle avait réalisé la situation : aussi ''banale'' cette blessure pouvait paraître aux premiers abords, les amins du scientifique auraient droit de vie ou de mort sur elle. La Sénatrice avait peu deconnaissances médicales et anatomiques, mais s'il y avait une chose qu'elle pouvait affirmer sans l'ombre d'un doute, c'était qu'il y avait quelque chose de très important dans ce périmètre : l'artère fémorale. Et bien évidemment, Ariane n'était pas particulièrement friande du danger ou de risquer de mourir en général. Il y a bien longtemps, elle avait été mise très loin de cette éventualité. Ariane n'étair pas une personne qui aurait à souffrir un jour, à subir des soins lourds et douloureux, hormis la grossesse et l'accouchement. Son destin était tracé pour être facile et sans encombres malgré le temps de guerre. Elle était consciente d'être bien moins constituée et forte que des soldats. Certains se moqueraient sans doute d'une telle sensibilité pour un petit quelque chose de ce genre, eux qui avaient perdu un bras, une jambe, ou qui pouvaient passer l'arme à gauche à tout instant.

C'est avec cette pensée que la jeune femme tenterait de faire face à la situation, même si l'angoisse avait prit le dessus. Etonnemment, elle encaissait très bien le choc d'avoir eu sa suite détruite par une explosion. Ou peut-être que son état médical avait aspiré son attention vers d'autres considérations, comme par exemple le fait qu'elle pouvait se vider de son sang sur ce canapé ou ne plus marcher à cause de nerfs ou de tendons sectionnés. Il était hors de question de se rendre dans un centre de soins, tout simplement car elle serait encore plus vulnérable et Orphée n'y avait même pas pensé, Dieu merci. Pourtant, était-il prêt à prendre la responsabilité d'un tel risque ? « Tu es sûr ? » Elle avait laissé tomber le vouvoiement. Définitivement. De toute façon, ils n'étaient plus des collègues de travail. Ils étaient plus. Sans qu'elle puisse mettre le doigt sur la manière de définir leur relation, la douleur la ramenait brutalement à la réalité. Elle serrait les dents, en tentant de retenir les larmes qui perlaient au coin de ses yeux. Tenir le coup. Penser à ces soldats. « D'accord, d'accord, d'accord. Fais vite. » Ariane n'était pas stupide. Elle savait que ce serait insupportable, et elle ne serait pas comme ces gamines qui demandaient à leur soigneur ''ça va faire mal ?'' Elle prit une profonde inspiration alors qu'elle fermait les yeux, comme pour dissocier son esprit de son corps, éviter d'anticiper la douleur alors qu'à peine les doigts du scientifique frôlaient la bris de verre, le moindre des muscles de son corps se contractait comme pour contenir la décharge qui se répendait dans son organisme. La sueur s'accumulait sur le front de la Sénatrice et ses cheveux bruns étaient collés sur ses tempes. Elle ne devait vraiment pas être présentable : heureusement qu'Orphée ne l'avait pas amenée à l'hôpital. « Donne moi un truc à mordre, au cas où. Je ne voudrais pas rameuter tout l'immeuble. Oh et un verre de wishky pour après. » Ca devait pas être pire que la fois où elle s'était cassé le poignet quand elle était petite, si ?

Si.

Retirez tout ce quu'elle vient de penser. C'est horrible. Les cris outepassèrent le morceau de tissu qui devaient servir à tout camoufler. Les larmes avaient coulés sur ses joues sans qu'elle ne le réalise : c'était comme ça qu'elle allait mourir ? Que nenni. Le bacta vient couler sur sa jambe et elle reprend son souffle alors que ses sanglots s'éteignent à mesure que la douleur s'estompe et elle enfile cul sec le verre de whisky posé sur la table basse. Le sang a tout de même coulé, le temps que l'antidote ne soit déversé, mais ils avaient évité la catastrophe. « Merci... » Ca n'avait pas du être facile. Pas du tout. Il est calme. Si calme. On dirait que tout ceci est naturel. « Attends. » Elle réussit à articuler, bravo. Mais trop tard, il est parti chercher des affaires. Levant les yeux vers lui, elle vint effacer les dernières traces humides de sous ses yeux. « Pourquoi tu fais tout ça ? » Après tout, il aurait pu la laisser à l'hôtel, ou la jeter dans n'importe quel hôpital. Quelque chose en échange peut-être ? Ariane avait tellement l'habitude que les gens lui réclament des choses... « C'est par rapport à Dromund Kaas ? » Peut-être se sentait-il tout simplement reconnaissant.

Et soudain, c'est en le regardant qu'elle réalisait ce qu'elle voyait au fond de ses yeux depuis quelques minutes : c'était de la culpabilité. Il culpabilisait de la douleur qu'il lui avait infligée, comme si cela avait été intentionnel. Ce n'est pas de ta faute, essayait-elle de lui dire, silencieusement. Ce n'était pas de sa faute. S'il n'avait pas été là, elle serait morte, sans l'ombre d'un doute. Ariane voyait le scientifique sous un nouveau jour, sous une nouvelle facette. Peut-être une facette qu'il n'avait jamais montrée auparavant, qui sait ? Peut-être que la Blackthorn le perçait à jour, le poussait dans ses retranchements. S'était-il déjà montré ainsi avec quelqu'un ? Ses barrières avaient-elles déjà flanchées ? Ariane peinait à imaginer le jeune homme dans une situation un tant soit peu intime. En réalité, il avait probablement du passer toute sa vie entouré de travaux et de rapports d'analyse. Consacrer de l'énergie à quelqu'un ne devait pas faire partie de ses plans. Orphée s'était assit en face d'elle, et il plongeait son regard dans ses iris avec une certaine intensité, comme s'il avait accepté que cette situation inédite se présente, qu'il l'accueillait malgré toute les réserves qu'il pouvait avoir. A cet instant précis, la Sénatrice vint à comprendre tout une autre dimension de leur relation. Héroïque... C'était une façon de qualifier des actes aujourd'hui. Avait-il fait tout ça de façon totalement altruiste ? « Je voudrais rester ici... J'ai besoin de temps. Et l'espace est parfait. » Elle ne trouverait probablement pas meilleure planque, ni meilleure compagnie. Hors de question de rejoindre Ethan ou Ulfric ; elle voulait se débrouiller. « Je n'ai pas besoin d'être rassurée » s'entend-t-elle répondre, malgré ses tripes qui lui disaient l'inverse, tant elle était persuadée que cette attaque était précisément dirigée contre elle. « Tu aurais peur, toi ? » Et c'était si difficile à admettre, car cela remettrait probablement en question tout ce qu'il se déroulait ici et maintenant. « Tu aurais mal vécu que je meurs là dedans ? » Peut-être que cela ne l'aurait pas touché, ou au contraire, sans se l'admettre peut-être qu'il ne s'en serait pas relevé. Ariane ne savait même pas si elle voulait vraiment une réponse à cette question, si elle voulait réfléchir à cette éventualité. « Orphée... » Elle ne savait pas comment rassembler ses idées. « Et si je ne m'en était pas sortie ? » L'explosion aurait pu la tuer sur le coup, le verre aurait pu lui sectionner l'artère. Tant de paramètres qui auraient signé ses derniers instants... Qu'avait-il à répondre ? Il était mieux placé que personne pour savoir tout ce que cela impliquerait.

Leurs yeux se croisent comme une déclaration inaudible, tendresse partagée, aveux imperceptibles. La Sénatrice plante ses iris dans les siens et ses traits s'adoucissent. Lui semble sur le fil, prêt à tomber, dans un balancement subtil. Il y a, entre eux, ce courant électrique, ce feu qui s'allume petit à petit comme si les braises se jetaient sur les branches sèches de leurs idées chaotiques, et soudain Ariane abdique. « Orphée... » son souffle est si bas, on remarquerait à peine que leurs visages pourtant rivés au sol pourraient se frôler au moindre mouvement. Il a encore l'odeur du feu qui lèche sa peau, les traces noires de suies qui salissent sa chair si claire. Il fallait répondre, et la réponse venait de ses boyaux, ils se libèrent comme soudainement fondamentaux. « Je ne sais pas si j'aurais pu vivre avec ça. » La vérité, triste et nue, surprend la brune par sa violence, par sa soudaine conscience. Elle même n'est pas  présentable : elle jurerait sentir encore la présence de cendres dans sa crinière sombre ; on dirait qu'ils sortent de l'enfer, ensemble. Qu'il l'en aurait sortie au péril de sa propre vie. « Merci... » Ariane n'avait pas les mots. « Je serais là pour toi, comme tu as été là pour moi. » Et c'était loin d'être des paroles en l'air, venant d'une jeune femme que la vie avait délaissée, qui avait dédié sa vie au bien être des siens avant le sien. Elle ne parvenait pas à se souvenir de quand était la dernière fois qu'elle s'était souciée de ses propres besoins, de ses envies et de ses aspirations et ne pas vouloir absolument contenter quelqu'un. Spontanément, elle se saisit de la main de son vis à vis, comme s'il était son phare dans la nuit et qu'elle était perdue en pleine mer. Elle serait là, contre vent et marées. « Permets moi de rester ici, s'il te plaît. Tant que toute cette folie n'est pas terminée, je voudrais pouvoir rester à tes côtés. » C'était peut-être direct, mais la présence du scientifique la rassurait. Elle n'aurait plus à feindre la plaisance dans une suite bien trop grande pour elle. Comment pouvait-on se pavaner dans le luxe au point d'oublier les plaisirs simples de la vie, comme la présence de quelqu'un qui comptait.