Il y a toujours des amitiés plus étranges que les autres et celle-là se voulait être des plus étranges. Je ne me souviens plus exactement comment Ylenia et moi avions commencé à discuter. C'était après mon retour avec le Raider mais la raison qui avait engendré notre rencontre m'échappait. J'imagine que ça importait peu, quoi que j'aurai bien envie de savoir ce qui était arrivé pour que je puisse apprécier tant la présence d'une telle bavarde, d'une vraie farceuse. Nous semblions être deux opposées, moi calme, tranquille et discrète, elle exubérante, bavarde et survoltée. Rien ne semblait pouvoir nous rapprocher vraiment et j'en étais encore à m'interroger sur cette relation et son avenir qui semblait particulièrement trouble. Cela dit quand mes doigts ne trouvent pas la clef que je cherchais alors que je l'avais précisément laissée à l'endroit où ma main se trouvait, mes sourcils s'arquent comme je me demande qui a pris ma clef sans demander. Avant que je n'ai le temps de glisser pour m'extirper de sous le chasseur que j'entretenais, j'entends la voix d'Ylenia et je ne peux m'empêcher un furtif sourire qu'elle n'aura même pas l'occasion de voir. Je lui adresse un petit signe de tête avant de m'emparer de la clef qu'elle me tend.

« Merci. »

Sans m'inquiéter de lui demander ce qu'elle a vu, je la laisse enchainer de suite ses propos. Elle n'a pas besoin d'être autorisée à expliquer pour le faire et bientôt je me retrouve prise dans les histoires d'un stormtrooper dont j'ai déjà oublié l'identifiant avec la responsable de la buanderie. Un homme, une femme, un lieu clos, que veut-elle que je lui dise exactement à ce sujet ? Que ce ne sont pas les premiers ? Qu'ils ne seront pas les derniers ? En quoi est-ce si important ? Je reste convaincue que c'est ce genre de lien qui motive nos troopers à se battre encore et encore jusqu'à notre victoire. Et j'imagine que ce lien encourage la responsable de la buanderie à … ben … nous fournir des uniformes soignés et propres en temps et en heure. Seulement avec Ylenia, ça n'arrête jamais une fois qu'elle a commencé. Ce comportement exubérant et bavard me rendrait dingue avec n'importe qui d'autre. Alors pourquoi est-ce que je le tolère venant d'elle ? C'est un mystère qui n'aura aucune réponse sans doute. Je sais juste que j'apprécie sa proximité et cette amitié étrange d'une super-bavarde et d'une survivante qui ne dit que peu de choses. On pourrait croire qu'Ylenia aime s'écouter parler et que je ne dis rien au risque de l'entendre continuer mais non, ce n'est pas ça, j'aime sa façon de parler encore, encore, encore et encore. Oui avec quatre "encore" dans la même phrase parce que j'ai découvert qu'il est aussi difficile de l'arrêter que de l'interrompre. Mieux vaut laisser passer son déluge de verbiage.

D'ailleurs à peine vient-elle de finir de parler du trooper et de la responsable de la buanderie qu'elle me parle soudainement de mon travail, des consignes données aux pilotes, des réparations qui coûtent chers. Je ne rate aucun mot qui lui échappe tout en continuant à travailler sereinement, sa voix est un fond sonore très agréable, le Premier Ordre devrait l'utiliser pour les messages de propagande. Elle ferait un tabac. Je peux l'écouter des heures durant sans faiblir. Ressortant de sous l'appareil pour chercher une pièce qu'elle me tend comme je lui demande, voilà qu'elle commence à spéculer sur le propriétaire du chasseur  mais avant même que j'ai la chance de répondre je suis invitée, enfin contrainte et forcée, d'une séance de shopping avec elle dans la capitale de Corellia. Je saisis un bref instant de silence pour préciser.

« Je suis déjà sur mon temps libre. Les convecteurs ne se changent pas tout seul pour autant. »

Terminant la mise en place du convecteur, je le fixe soigneusement, referme avec attention et mon travail est fini. Le voilà bon pour quelques centaines d'heures de vol supplémentaire, à condition d'en prendre soin et de l'utiliser dans les conditions recommandées. Sortant de sous le chasseur, je regarde Ylenia qui prend nos regards qui se croisent comme une invitation à reprendre ses bavardages. Dans un réflexe rapide mon index se pose sur ses lèvres.

« Je me douche et j'arrive. »

Je retire mon index de ses lèvres, sa langue file sur ses lèvres pour nettoyer le lubrifiant que j'y ai involontairement déposé. Pas dangereux pour la santé mais certainement pas bon en goût. Je range mes outils avec attention avant de me diriger vers mes quartiers pour prendre une douche, cela sous le regard attentif d'Ylenia qui semble trop dérangée par le goût métallique et huileux du lubrifiant pour papoter. Nous arrivons devant mes quartiers où je l'invite à entrer d'un digne de main, je me dirige vers la douche, me tournant vers elle quand je l'entends recommencer à parler, je me risque à l'interrompre d'une question qui, je l'espère, lui coupera la parole le temps que je me douche. C'est qu'elle serait capable de parler à travers la porte … enfin j'imagine … elle est assez bavarde pour ça.

« Tu veux venir ? »

Je suis très sérieuse en demandant ça, du moins dans ma façon de le dire. L'invitation l'est beaucoup moins en revanche, je veux juste un peu de silence le temps de me doucher.