Se retrouver à la tête de son Clan, c’était toute une surprise pour Jill. Une prise de responsabilité considérable, la plus importante de sa vie à ce jour. On pouvait facilement imaginer à quel point ce genre d’évènement pouvait changer l’existence d’un individu.
Mais pas celle de Jill. A aucun moment elle n’envisageait changer sa façon d’être ou de faire, puisque c’était bien pour ces qualités ou pour ces défauts que son Clan avait décidé de la mettre à la place où elle se trouvait aujourd’hui. C’est donc tout naturellement qu’elle eut répondu aux messages remplis de détresse de son amie Kane. Pour la Résistante comme pour la Mandalorienne, l’ennui, c’était la mort. La mort, la déprime, une situation de malaise où l’on se retrouvait bien souvent à ressasser tous ses torts et tous ses échecs. Jill, comme Kane, devait se distraire dans cette période de crise sur Corellia et alentours. Quand la situation était aussi craignos, s’amuser était une façon de résister au système.
Une Cantina ferait amplement l’affaire. En armure de la tête aux pieds, elle était prête à dérocher un peu du sérieux et de la pression qui étreignait tout le monde.

Le TIE Defender de Jill, portant haut et fort ses couleurs, avait donc fait un crochet pour récupérer la Résistante sur Corellia. Elle ne s’en cachait pas, l’artiste était fière de son vaisseau et avait profité du blocus imprévu pour le repeindre de haut en bas. Elle se vantait aussi à qui voulait bien l’entendre quand à la façon dont elle avait fait l’acquisition d’une telle rareté. Quelques étapes bien précises qu’elle connaissait par coeur à force de les répéter aux curieux : D’abord, elle avait trouvé une aile. Puis elle s’était mise en quête de reconstituer le puzzle de technologie que représentait cet engin. Bien évidemment, elle avait mis hors service le système qui permettait de le désactiver à distance. Les mauvaises surprises, c’était elle qui les faisait aux autres, pas l’inverse.

“Tant qu’on est coincées ici, j’pourrais repeindre ton X-Wing si tu veux.”

Proposait-elle l’air de rien, alors qu’elles se posaient pour découvrir les rues animées de Coronet. Enfin, la ville était couverte d’une ambiance étrange depuis l’apparition de la bulle. Les gens étaient nerveux, méfiants. Beaucoup de locaux craignaient une montée en criminalité venant des visiteurs. Beaucoup de riches touristes craignaient aussi les foudres des locaux. Tout le monde voulait trouver un coupable, et tout le système était au bord de l’implosion à mesure que les tensions montaient.
C’était un peu pour ça que Jill s’était engagée au Mouvement Citoyen. Pour trouver un terrain d’entente et empêcher les civils de se mettre à la guerre.
Mais pas maintenant.

Son seul programme immédiat, c’était de prendre des nouvelles de sa collègue de biture en enchaînant les shots. Et elles approchaient de leur cible, dont l’enseigne en néons brillait de mille feux.

Prenez une permission qu'y disaient. Ca vous fera du bien, qu'y disaient. Ouais, mais en attendant, Kane était bloqué sur Corellia. Les premiers jours, c'était marrant, avec vaguement l'impression d'avoir des vacances gratuites. De toute façon, elle attendait la validation de son dossier de mutation pour rentrer au prestigieux escadron Rogue. Donc, clairement, elle n'avait rien de mieux à faire que de rester ici, à buller. Et ce n'était pas nécessairement une bonne nouvelle pour le lieutenant Riyher.

Elle avait fait le tour des holos grâcieusement offerts par l'hôtel où elle créchait, y compris les plus glauques et les moins qualitatifs. Résultats ? L'humaine s'ennuyait. Elle ne pouvait décemment pas faire décoller son X-Wing pour s'amuser un peu, ce n'était clairement pas le moment de faire la guignole. Surtout que bon, mine de rien, sa célébrité d'antan pouvait nuire à son statut militaire dans la Résistance : elle avait du mal à passer inaperçue dans les contrées où le Limmie était quand même connu.

Vous imaginez donc la joie de Kane lorsque sa partner in crime, Jill Atin, avait répondu par l'affirmative à ses messages : oui, elle était bien là et il y avait moyen qu'elle vienne la chercher. L'ennui allait, pour une fois, être tenu en respect. Kane se réjouissait plus que de raison de cette perspective, mais il était aussi évident que lorsque les deux comparses étaient réunies, il fallait tenir les gens à carreaux pour éviter que ça ne dégénère. Cachez vos femmes et vos enfants. Enfin. Surtout vos femmes.

Kane avait l'habitude du vaisseau de Jill, une petite merveille atypique, que la mando s'était empressée de personnaliser. Cette fois-ci, le lieutenant Riyher remarqua que la jeune femme était arrivée à une sorte de moment de grâce de son art. Elle ne pouvait qu'apprécier et ne manqua pas de féliciter Jill pour son bon goût. Dès que son amie s'était posée, Kane avait senti qu'une partie de son stress s'était évanouie. Sa façon de piloter, qui avait le don de l'apaiser tant elle connaissait par coeur les mouvements et les trajectoires de Jill, acheva de parfaitement détendre le soldat.

Ce jour-là, Kane avait opté pour une combinaison de vol neutre, plutôt simple, sans rien d'apparent, noire avec des renforts aux épaules et aux coudes en cuir brun. Le confort avant le sexy.

Jill lui proposa, l'air de rien, de repeindre son X-Wing, qui commençait à s'ennuyer aussi sévère que son pilote dans le hangar. Kane sourit.

"C'est une super idée. Tu crois que ça passerait, un X-Wing arc-en-ciel ?" Elle plaisantait, évidemment, même si l'idée de se trimbaler sur un théâtre d'opération avec un vaisseau aux couleurs criardes lui avait réellement traversé l'esprit, provoquant beaucoup d'amusement dans la tête du lieutenant Riyher. "Non, en vrai, je te laisse faire. Je sais que tu sauras en faire un bijou ambulant. Tant que les peintures réglementaires sont dessus... Toi-même tu sais." Elle lui adressa un clin d'oeil.

Elles étaient devant le bar. Parfait. Kane n'était pas dans les meilleures prédispositions, et rester trop longtemps dans la foule des rues de Coronet ne l'inspirait pas trop. Elle eut presque un soupir de soulagement en entrant dans le bar. Elles s'assirent dans à une table un peu en retrait, pour pouvoir parler en paix et surtout avoir un regard sur la salle, après avoir commandé quelques shots.

"Comment tu vas, Jill ?" demanda Kane, rassemblant les verres.

"Ca n'a pas encore été revendiqué pas vrai ? C'est quoi les dernières nouvelles ? J'ai entendu dire que y avait eu du grabuge avec des forceux ?"

Kane fit tourner le liquide coloré dans son verre à shot, allumant une cigarette.

"J'ai vu d'autres gars à nous à la surface de Corellia. Je me demande si on pourrait pas tourner tout ce merdier à notre avantage."

Se retrouver avec Kane ouvrait toujours une parenthèse agréable dans la vie professionnelle et personnelle de Jill. Pas qu’elle fasse une nette différence entre les deux, d’ailleurs.
En bonne pilote de course, elle tâchait toujours de rendre ses trajets les plus rapides possibles, et aussi de faire passer des manoeuvres dangereuses pour des banalités, tout en souplesse. L’avantage d’avoir une autre pilote à ses côtés dans le cockpit, c’est bien qu’elle sache apprécier sa conduite et en profite pour se détendre. Avec l’atmosphère tendue dans tout le système, il lui fallait au moins ça.

Au moins ça, et un certain nombre de shots.

“J’ai déjà ma p’tite idée de peinture va, j’te monterais. J’en aurais surement d’autres après quelques verres, faudra prendre des notes.”

Sous l’influence de l’alcool, Jill n’était pas nécessairement plus créative ou plus brillante, mais il fallait avouer que ses idées iraient certainements dans des recoins encore inexplorés de l’art de peinture de vaisseau. Elle en avait d’ailleurs déjà tagué plus d’un en état d’ébriété.

Enfin, l’heure était venue pour boire. La Mandalorienne regardait d’un oeil distrait sa camarade de biture aligner les shots. Elles en venaient aux nouvelles ! Et ça, Jill avait bien quelques trucs à raconter. Elle commencerait par le plat de résistance.

“Ca roule. Enfin, genre, autant qu’la situation l’permet, quoi. Tu peux même m’appeler chef : Mon clan m’a choisie comme Alor’ad.”

C’était pas rien pour elle, mais Jill s’efforçait de dédramatiser la révélation, quelque part pour alléger un peu le poids que pouvait représenter un tel rôle sur ses épaules. Pour rester au naturel et ne pas se transformer en politicienne par peur de se mouiller.

“Avec le mouvement, on essaie de faire en sorte que les aruetiise tayli val shab tome.”

N’ayant pas trouvé d’équivalent correct en basic, Jill avait improvisé sur la façon dont ils géraient les citoyens locaux et les touristes coincés ici pour une durée indéterminée. En bref : ils devaient rester calmes et ne pas partir en mouvement de panique incontrôlable. Les Mandaloriens présents sur Corellia étaient prêts à s’engager pour aider la CorSec à gérer l’affaire. Ceux avec qui Jill s’était entretenue, en tout cas.
De fil en aiguille, le sujet des forceux étaient aussi sur le tapis.

“J’soupçonne les siths. T’sais, les guignols avec des sabre laser rouges. Ils étaient planqués mais ils se sont fait repérer sur l’holonet y’a pas longtemps, j’sais pas si t’as vu les vidéos. J’en avais déjà rencontré deux avant ça, ils ont essayé d’me buter parce que j’les avais grillés. Enfin tu sais comment on est, les Mandos, il en faut plus pour en venir à bout.”

Déjà elle bombait le torse d’un air fier pour conclure sur l’un des actes qui l’avait propulsée à la tête de son clan.

“J’en ai battu un en combat singulier. J’ai pris cher, hein, mais moins que lui.”

La Mandalorienne affirmait son propos, et d’un oeil lorgnait sur les shots. Elle s’empara de celui qui était le plus proche d’elle et attendit que Kane ne fasse de même avant de le descendre d’une traite. Elles seraient bourrées, oui, mais en même temps !

“C’est cool si vous êtes quelques uns ici. On risque d’en avoir besoin si ces ordures décident de nous faire des crasses. J’sais qu’y a des gens du Premier Ordre aussi.”

Pour ne pas dire qu’il y avait une personne en particulier de chez eux. Elle avait déjà échangé quelques messages avec Thrace depuis son arrivée dans le système Corellien. Jill ignorait quelle genre de mauvaise surprise leur faisait la Force, mais beaucoup de ses contacts étaient regroupés dans ce système, et ça ne présageait pas que du bon.
Elle sourit et jeta un oeil dans la Cantina, qui n’était pas encore bien remplie. La musique tournait déjà à un volume respectable.

“Y’a p’t’être des meufs du Premier Ordre ici d’ailleurs. Enfin moi j’dis ça j’dis rien hein.”

La soirée ne faisait que commencer, et il fallait bien commencer quelque part. Jill était bien assez proche de Kane pour se permettre à peu près n'importe quelle remarque de ce genre. Et puis, il fallait mériter sa place de wing-girl, non ? Il n'était jamais trop tôt pour commencer les repérages.

“T’as vu des trucs louches, toi, par rapport à la bulle d’énergie ?”

Curiosité sincère, parce que tous les avis étaient bons à prendre. Si Jill mettait légèrement la charrue avant les boeufs en soupçonnant les vilains forceux à sabre rouge et à capuche horriblement cliché, elle pouvait aussi avoir tort. C’était bien pour ça que le mouvement citoyen tentait de regrouper tous les ingénieurs qui leur passaient sous la main pour travailler à résoudre ce problème épineux.

Kane était déjà en roue libre dans sa tête avec des idées de couleurs, d'ambiance et de conséquences stratégiques, pour la nouvelle livrée de son X-Wing. Y avait pas à dire : avec Jill, elles savaient s'amuser. La pilote hocha la tête.

- Ouaip et plutôt deux fois qu'une. Et j'ai récupéré un module de cafetière dans une vieille casse sur Tatooine, l'autre jour. Je suis sûre qu'il y a quelque chose à faire. Genre monter une batterie à dynamo dessus, je sais pas. Ca pourrait être marrant.

Enfin, la situation dans laquelle elles se trouvaient était tout sauf marrante, évidemment. Mais bon, en un sens, on pouvait très bien voir ça comme un énième prétexte pour aller se péter le foie avec Jill, et ça lui allait parfaitement. Il fallait rester de marbre sinon c'était la porte ouverte à toutes les fenêtres et c'était la meilleure façon de créer un courant d'air.

Les nouvelles, même si évidemment elles avaient tendance à s'échanger des messages, on était quand même bien moins laconiques quand on était face à face. On était même carrément bavards quand on avait de l'alcool et une situation désespérée et surtout désespérante en cours. Quand la mando lui raconta qu'elle était l'élue de son clan, Kane s'arrêta et la dévisagea. Comme à son habitude, Jill essayait de dédramatiser le bousin, mais Kane savait très bien ce que cela pouvait représenter. Elle joua un instant avec son verre plein d'un liquide bleu fluo qui lui avait tapé dans l'oeil.

- Ca va aller ?

C'était une phrase simple. Honnêtement en d'autres circonstances, le lieutenant Riyher aurait gentiment chambré sa camarade. Mais leurs rires auraient l'air bien creux étant donné le contexte galactico-politique.

- Je pense que c'est une bonne chose, je suis vachement content pour toi. Je connais pas trop tes responsabilités, mais je suis persuadé que tu vas t'en sortir. Même si parfois tu fonds des boulons, t'as le principal : l'instinct de survie. Et en ce moment, c'est pas de trop.

Kane hocha la tête quand il fut question de leur politique par rapport au bordel ambiant. Elle posa son regard clair dans le sien.

- Si t'as besoin de quoi que ce soit que je puisse t'apporter, sérieusement, t'as juste à me sonner. Clairement je vais pas arriver avec trois navettes blindées de bouffe ou même de PQ. Je suis douée en pilotage mais faut pas abuser.

Kane sourit. Il y avait toujours moyen de se rendre utile et elle tenait absolument à faire son possible pour chaque planète qu'elle visitait. Corellia ne ferait pas exception.

Et les Siths. Kane retint un soupir. Elle avait bien sûr lu les holoarchives et les récits de la guerre contre l'Empire. Elle avait jamais vraiment fricoté avec des forceux - Hmmmm... C'est une idée cela dit, se dit Kane avant de se reprendre -, mais elle avait pas trop l'intention de se mettre au milieu de leur petite guerre. Les trucs, les chevaliers de Ren je sais pas quoi, les Siths, franchement ? Qu'ils fassent leurs bails et les banthas seraient bine gardés. Elle ne voyait pas ce qu'elle pourrait faire avec son petit blaster contre des types qui maîtrisaient la Force. Mais si ces cons sortaient de leurs trous pour agiter leur sabre, ce n'était que le début. Et la Résistance là-dedans...

- Mais s'ils sont assez cons pour faire ça en plein jour devant tout le monde, ça peut aussi ne pas du tout être eux et ils profitent juste de la situation pour instiller la terreur. Mais jusqu'ici... N'importe qui pourrait être responsable de ce bordel. Y compris...

Bon, elle ne voulait pas s'avancer. Littéralement n'importe qui. Peut-être même la Nouvelle République ou ce qu'il en restait. Et là, en vrai, imagine, le plot twist, c'est que c'est juste un mec qui s'emmerdait et qui a décidé de voir s'il pouvait pirater les systèmes pour faire spawn un gros dôme. Oui, c'était peu probable. Mais ça le pouvait non ? Wait and see.

- Y compris vraiment n'importe qui. Peut-être même un nouveau groupuscule terroriste, qui sait ?

Kane approcha sa main de son verre à shot, trinqua avec sa comparse d'infortune au moment où cette dernière mentionnait qu'elle avait déjà battu un sith. Elle esquissa un sourire. Les mandos étaient vraiment des durs à cuire quand on y pensait. Jill n'était pas bien grande mais se battre contre un sith demandait beaucoup de courage, de détermination et quand même vachement de folie. Ca ne l'étonnait pas qu'elle s'en soit sortie.

- Nan j'ai jamais vu un forceux de près. M'est avis que ça ne va pas tarder et j'attends pas cette rencontre avec impatience, crois-moi.

Elle s'envoya le shot et l'étrange liquide bleuté explosa dans son estomac avec une agréable chaleur.

- Des gens du Premier Ordre...

Eux au moins n'avaient pas à se cacher. Elle soupira mais son visage s'éclaircit quand Jill lui parlait des meufs du Premier Ordre. Elle en savait un rayon. Et Kane appréciait de ne pas avoir à lui cacher quoi que ce soit à ce propos.

- Ah là, c'est intéressant !

Elle rit et trinqua à nouveau.

- Tu sais quoi, j'avais envie d'organiser un tournoi de Limmie, si la situation s'éternise, et d'inviter quelques hautes dignitaires du Premier Ordre, pour qu'elles puissent admirer... Tu vois...

Mine de rien, elle s'étira et fit jouer nonchalamment ses muscles secs. Soyons clairs : entre amies, Kane aimait bien se la jouait gros stud bien beauf, mais au fond cette stratégie pourrait bien fonctionner.

Elle s'appuya sur son dossier après son petit numéro. Le bar était encore assez clairsemé, ce qui poussait Kane à rester parfaitement calme et détendue.

- Non, j'ai rien vu de très suspect. Je suis pas assez proche du renseignement. Je sais juste que c'est la panique parce qu'Organa-Solo n'est pas dans le coin et que la Résistance est ici livrée à elle-même. C'est dans ces moments-là que naissent les héros ou les plus grands abrutis.

Elle reprit un shot.

- Donc y a ça, des siths en liberté. Et ça, c'est clairement pas la bonne nouvelle. Des gars du PO, des gars de chez nous... T'as l'impression que y a une sorte de mini représentation du conflit galactique actuel. En vrai, j'espère juste qu'ils vont pas nous gazer. Comme ce qu'ils ont fait sur Naboo.

Kane referma son poing ganté sur son verre à shot et son regard se fit plus sombre.

- Je te jure, ça ne se reproduira pas.

Elle avait un peu crié. Les occupants du bar tournèrent un oeil curieux vers elles, puis repartirent dans leurs occupations alcooliques. Kane écarquilla les yeux. Et recommanda des shots.

- Putain ouais si ça se trouve, on est dans la merde et le temps est compté.

Monter une cafetière dans les accoudoirs d’un X-Wing était le genre de choses qui entraient dans les compétences de Jill. Est-ce que ça valait la peine d’être affiché sur son CV ? Probablement pas, mais elle se ferait un plaisir de faire le nécessaire pour rendre le vaisseau de Kane plus efficace que jamais. Et peut-être un peu plus gadget aussi. D’idées elles ne venaient jamais à bout.

“Je ferais un porte gobelet aussi, pour pas que tu te brûles avec le café.”

La situation faisait du bien à Jill. Traîner dans une cantina, ne penser ni au lendemain ni ce qu’on pouvait attendre d’elle en tant que personne, en tant que leader. Et Kane qui veillait au grain. La Mandalorienne lui sourit, elle appréciait le geste. Elle se murait toujours derrière ses blagues pour se protéger, mais la Résistante savait voir clairement à travers cette barrière.  

“Ca va aller. Ils savent pourquoi ils ont signé.”

Encore de l’humour, mais de l’humour vrai. Jamais son clan ne l’aurait mis dans une position pareille s’ils ne pouvaient tolérer son comportement ou sa façon de faire les choses. Plus encore, ils devaient souhaiter ce comportement.

“J’peux pas arrêter la guerre civile toute seule, mais j’peux au moins faire en sorte que mon Clan aille bien.”

Elle ne savait pas exactement comment, mais ça incluait d’être persuasifs et efficaces. D’entretenir et d’étendre les structures qu’ils déployaient un peu partout dans la galaxie pour avoir du poids dans la politique et la puissance Mandalorienne. Quelque chose dans ce goût là.

“Tu déchires. Tu sais, avec tout le monde coincé ici, on pourrait vraiment avoir besoin de quelques caisses de PQ. T’imagines le bordel ?”

Si seulement les siths pouvaient se retrouver en pénurie, d’ailleurs, ça amuserait beaucoup Jill. Eux, et tous ceux à qui elle ne souhaitait pas une bonne année. Ouais, ils pouvaient toujours courir. Kane n’avait ceci dit pas tort : Cette bulle d’énergie qui entourait le système pouvait être due à n’importe qui ou n’importe quoi, et l’animosité que portait la Mandalorienne aux utilisateurs du côté obscur n’y changerait rien. Tout au plus, ça brouillerait son jugement et pouvait lui attirer des ennuis.

“C’est vrai. Autant c’est un mec qui a trébuché et qui a appuyé sur le mauvais bouton à Centerpoint, et maintenant personne sait comment on annule.”

Jill n’était pas bien grande, alors l’alcool faisait vite un petit bout de chemin dans son système, réchauffant ses organes et envahissant ses idées.
C’est certainement pour ça qu’elle se mettait à parler des éventuelles dames du Premier Ordre qui rôdaient dans les environs. Il devait y en avoir, c’était une évidence, et s’il fallait, elle demanderait à Thrace de lui donner quelques pistes pour Kane. Parce que pourquoi pas ? Elle sourit en coin à l’idée fantastique de Kane, qui en réalité n’était pas si sotte.

“Qu’elles puissent admirer, hein ? Sur un malentendu tu pourrais finir avec une sénatrice. Sans déconner en fait on pourrait bien lever des fonds avec ça quand même. Et lever autre chose aussi hein tu m’suis.”

Elle haussa un sourcil, d’un air que la Résistante connaissait assez bien. Celui que Jill lui faisait lorsqu’elle l’envoyait accoster une jeune femme à l’autre bout du bar. S’il fallait ça pour la rassurer et lui changer les idées, alors la Mandalorienne insisterait comme il faut. Surtout avec l’évocation de Naboo qui échauffait les esprits. Jill, rassurante, habituée aussi, posa une main sur l’épaule de Kane et l’autre sur son shot. Un appel clair à la beuverie qui ne faisait que commencer !

“Bah on a qu’à faire la teuf comme si Corellia était sur le point d’exploser. Sauf qu’en vrai on va être rébou et on va sauver la planète sans l’faire exprès, genre comme dans un épisode de Jack Space. En plus, Jack Space pécho aussi, tu vois, c’est nickel.”

Elles avaient fini leurs shots, mais d’autres étaient en route. C’était parfait, Jill n’en demandait pas plus. La musique commençait à lui rentrer dans les oreilles et à la faire gigoter. Des gens commençaient à affluer un peu plus dans l’espace éclairé de couleurs et de néons. Des hommes, des femmes, surtout des femmes ! Et combien semblaient suspects ?

“Okay, on fait quoi, on danse ou on fait les détectives ? Ou, oh, attends, on [i]détectanse[/u]. Allez, ça va être cool.”

Ce que Kane aimait chez son amie c'était son réalisme. D'autres auraient pris la grosse tête à être nommé à la tête d'un clan de mandaloriens. Elle, malgré son humour, elle resterait la tête froide avec une vraie direction à emprunter et surtout à conserver. Et c'était ce qui leur sauverait la vie dans les pires des situations. Kane ne se faisait aucun souci, au fond. Elle était grande.

Elle ricana quand elles abordèrent le sujet d'une éventuelle pénurie de PQ. Hé mine de rien si on y réfléchissait, ça pourrait être catastrophique pour tout le monde : les plus pauvres seraient d'abord touchés, tandis que les plus riches feraient des réserves de PQ. Les plus malins monteraient un marché noir de PQ - car qui voudrait se torcher autrement qu'avec du PQ, je vous le demande ? - et toute l'économie de Corellia tournerait autour du PQ et de la flotte pendant la prochaine crise - tout dépendrait de sa qualité, supérieure ou non, si on pouvait engager en toute sécurité une bataille de PQ ou sa densité, avec une échelle de danger de bouchage de WC -. L'image avait de quoi faire crever de rire Kane, mais elle ne s'y risqua pas : c'était un peu trop proche d'une réelle éventualité pour qu'elle en plaisante.

La situation sur Corellia était hyper tendue. Même si les siths faisaient les guignols en exhibant leur chibre laser - parce que qu'est-ce qu'un sabre laser si ce n'est une extension de la virilité, je vous le demande -, il y avait de grandes chances pour que tout ça soit bien plus compliqué avec des plots twists ridicules dignes des pires holos destinés aux 65+.

- Ouais. Bon okay, j'vois mal un tékos trébucher et foutre un boxon pareil mais admettons. En vrai, regarde-moi cette merde, c'est aussi le résultat d'un type qui était un sénateur de la République Galactique qui a décidé de prendre la grosse tête, se faire élire chancelier suprême et renverser la démocratie pour une armée de kékés en armure blanche. C'est chaud.

Kane ricana sur l'idée de lever des fonds avec le match, basé sur son sex appeal, puis réfléchit deux secondes avant de hocher la tête. L'alcool avait le don de les faire partir au quart de tour. Elle se nota mentalement de vraiment lancer le projet et contacter toute l'ex compagnie de la Team Corellia.

- En vrai. Ca se tente de ouf. Je te filerais une paire de billets VIP, le Corellia Stadium n'est pas dégueu.

Elle s'y voyait déjà, retrouver le brassard de capitaine, entrer sur le terrain, saluer les joueuses de l'autre équipe et se remettre à marquer des buts. Parfois, ça lui manquait et ça se voyait dans son regard clair qui venait de subtilement étinceler. Peut-être que c'était aussi à mettre sur le compte de l'alcool. Qui sait. Mais au moins, elle savait que cette folle aventure avait déjà l'approbation de Jill et c'était pas rien.

La mandalorienne savait comment s'y prendre avec Kane. Et c'était sans doute pour cela que leur amitié était indéfectible. Son geste l'apaisa, parce qu'il y avait tout un environnement familier derrière tout cela. Kane avait parfois besoin de ce type d'ancrage pour éviter de se dire que tout partait à vau l'eau, même si c'était le cas. Ca lui donnait beaucoup de courage. Celui de résister. Même si les sujets étaient frivoles, il y avait quelque chose de plus profond. Kane hocha la tête, signifiant qu'elle avait compris. Et qu'elle était reconnaissante.

Alors, parfois, que fallait-il faire contre la gravité ? Eh bien il fallait s'en débarrasser à défaut de l'affronter. L'alcool fera l'affaire. Les verres se remplissaient mais surtout se vidaient à un rythme assez satisfaisant, considérait Kane, et c'était tant mieux. En général, elle connaissait ses limites et finissait bourrée sans pour autant avoir à retapisser sa chambre. Cela dit, le lendemain serait difficile, mais who cares ? Elle aurait juste plus mal aux cheveux que les autres vagabonds de Corellia.

D'ailleurs les effets se faisaient déjà très bien ressentir sur la Résistante et sa comparse. Lorsque Jill proposa de sauver la planète par inadvertance, Kane frappa du plat de la main sur la table. Cette fois, personne ne se retourna : la salle commençait à se chauffer, c'était une bonne nouvelle.

- De toute façon, si ça explose, on aura su s'amuser comme il faut ou j'm'appelle plus Kane Riyher !

Elle eut un rire tonitruant et s'enfila un nouveau shot. Elle secoua la tête, accusant la claque alcoolisée qu'elle venait de se prendre. Jill venait de regarder la salle et il était clairement le temps d'aller se donner un peu sur la piste de danse.

- Allons détectdanser ! Je serais Cane avec un C plutôt qu'un K !

Elle se leva, passa sa puce de crédits pour relancer une nouvelle fournée de shots - non mais oh, fallait bien en emmener aussi aux dames qu'elles allaient interroger. Oui, parfaitement. Interroger.

Kane hurlait pour couvrir la musique et surtout son état d'ébriété avancé.

- PAR OU ON COMMENCE ? ON A QU'A DEMANDER AUX GENS C'QUI S'EN PENSENT TU VOIS ? COMME CA SI Y A DES COMPORTEMENTS SUSPECTS BAH ON INTERROGATISE !

Elle était en train d'entrer dans une danse aussi endiablée qu'elle était saccadée et surtout bourrée. Mais qu'était-ce la vie sinon une succession d'ivresse pour oublier que tout pouvait s'arrêter le lendemain ?

Kane pointa très discrètement du doigt une jeune femme humaine qui était vêtue d'un uniforme bien coupé, peut-être quelqu'un de la sécurité de Coronet, qui discutait avec un homme, un verre à la main.

Jill était plus que partante pour l’idée d’un tournoi de Limmie dans le système. Il n’y avait qu’à espérer que suffisamment de joueurs et joueuses se trouvaient dans les environs pour organiser ça. Et puis il fallait l’avouer, se voir offrir d’office une place VIP, c’était plutôt flatteur. Elle avait au moins besoin de ça si elle ne voulait pas se faire gâcher la vue par tous ceux qui se trouveraient potentiellement devant elle dans les tribunes.
Et ça, bien sur, ça n’était qu’un début comparé aux idées qui leur venaient au fil des shots. Entre les pénuries de papier toilette, les sénateurs qui devenaient le sénat, les matchs de Limmie… Elles arrivaient à l’étape la plus amusante.
Celle où Jill dansait en armure sous l’oeil curieux de quelques buveurs, comme s’il n’y aurait pas de lendemain. Autrement dit, elle détectansait, parce qu’elle ne se gênait pas non plus pour lancer des coups d’oeils à la clientèle et à sa partner in crime pour guetter un signal de sa part.

“Moi j’suis Jil avec un seul L au lieu de deux !”

Avait-elle lancé, hilare, après que Cane eut dévoilé sa terrible identité secrète d’espionne. Danser, repérer des gens, leur demander “CE QU’ILS EN PENSAIENT” comme le hurlait si bien sa camarade : c’était le plan. Jill était parfaitement d’accord avec ça. Ou tout du moins c’était ce que lui disait son esprit alcoolisé. La chaleur qui l’envahissait la poussait de l’avant, elle se sentait toute légère, elle et son armure, en se déhanchant sur la piste.

“LE BOOGIE WOOKIE !”

Fit-elle, avant de remarquer le signe parfaitement discret de Cane avec un C à son égard. Alors tout naturellement et en subtilité, Jill s’approcha de leur conversation.

“Bonsoir ! Dites, vous avez l’air d’être des gens passionnants. Alors j’me demandais… Cette bulle autour de Corellia, c’est une bonne situation, ça ?”

Alors la jeune femme échangea un regard que Jill ne saurait vraiment traduire à l’homme qui se trouvait à côté d’elle. Elle ne saurait dire s’il s’agissait de gêne ou de confusion, ou bien d’une fière détermination à répondre à sa question. L’homme supporta son regard quelques instants avant de l’abandonner à son triste sort.

“Jeeee vais chercher des verres.”

Avait-il fait avant de fuir.
Mais avait-il fui Jill, ou l’autre femme richement habillée qui s’apprêtait à formuler une réponse ? Elle inspira et …

“Vous savez, moi je ne crois pas qu’il y ait de bonne ou de mauvaise situation. Moi, si je devais résumer ma vie aujourd’hui avec vous, je dirais que c’est d’abord des rencontres. Des gens qui m’ont tendu la main, peut-être à un moment où je ne pouvais pas, où j’étais seul chez moi. Et c’est assez curieux de se dire que les hasards, les rencontres forgent une destinée... - A cet instant, Jill lança un regard à Kane. Le genre de regard qui voulait dire “ABORT MISSION, SORS MOI DE LA”. De la pure détresse. Et ça n’était pas fini. - Parce que quand on a le goût de la chose, quand on a le goût de la chose bien faite, le beau geste, parfois on ne trouve pas l’interlocuteur en face je dirais, le miroir qui vous aide à avancer. Alors ça n’est pas mon cas, comme je disais là, puisque moi au contraire, j’ai pu : et je dis merci à la vie, je lui dis merci, je chante la vie, je danse la vie... je ne suis qu’amour ! Et finalement, quand beaucoup de gens aujourd’hui me disent « Mais comment fais-tu pour avoir cette humanité ? », et bien je leur réponds très simplement, je leur dis que c’est ce goût de l’amour ce goût donc qui m’a poussé aujourd’hui à entreprendre une construction mécanique, mais demain qui sait ? Peut-être simplement à me mettre au service de la communauté, à faire le don, le don de soi…”

Arrivée à ce moment du discours, Jill avait volé le verre d’un danseur qui passait un peu trop près pour le descendre discrètement. Il fallait au moins ça pour digérer ce qu’elle venait d’entendre. Oui, d’entendre, pas vraiment d’écouter, il y avait une nette différence entre les deux.