« C’est tout ce que j’ai pu récupérer comme infos, madame. » La voix de l’agent s’interrompit juste après, claquant sa langue contre son palet sec. Probablement le stress de venir jusqu’à ici, jusqu’à ce bureau. Souvent, les agents préféraient largement m’envoyer leurs rapports écrits, car, comme cela, ils avaient le temps de formuler chaque phrase, de les tourner comme bon leur semble afin qu’aucun mot ne soit mal interprété. Mais, malheureusement pour ceux-là, j’aimais le contact et j’aimais pouvoir les écouter. Souvent, la vérité se reflétait mieux par la parole que par l’écrit, car le stress était une très bonne chose pour dénouer la vérité du faux et pouvoir bien se positionner sur une situation. Aujourd’hui, c’était cette fameuse réunion au sien du Premier Ordre. Réunion houleuse, réunion complexe, mais réunion malheureusement sans ma présence, retenue ailleurs.

Mes yeux se relevaient, passant une main dans ma chevelure d’ébène, en chassant la mèche derrière l’oreille, plongeant mes yeux bleus perçant en direction. « Je sens, à votre hésitation, que vous n’appréciez pas être ici. » Le visage de l’individu changea totalement, devenant livide. Il savait que si je le décidais, d’un claquement de doigts, il trierait des papiers pendant des heures et des heures sans aucune reconnaissance. Et aussi, il fallait bien avouer que j’appréciais de les voir comme cela, de sentir cette crainte de la sanction qui pouvait tomber en un instant. « Je suis désolée, madame… Je n’ai pas l’habitude de venir v… » Je venais de lever ma main, doucement. Il s’interrompit et ma tête se pencha doucement sur le côté. « Si vous êtes désolé, c’est que vous avez commis une erreur. Or, il s’agit juste d’une imperfection à corriger. Très vite. » Dis-je en lui faisant un signe. Signe qu’il pouvait quitter la pièce sans attendre. Il tourna les talons après m’avoir saluée, ne se faisant guère prié, plutôt ravi de pouvoir enfin quitter cette salle.

Je pris donc note des dernières informations qu’il venait de me donner. Une autre personne fit son entrée. A la voix, ce n’était pas la personne que j’attendais, mais c’était une voix que je connaissais. Mes yeux se relevaient et se posaient sur Ylenia. Elle avait assisté à la réunion et du fait que certains n’appréciaient pas la direction prise par le Suprême Leader. « Est-ce que vos informations sont aussi précieuses que pour vous permettre de passer avant les autres, agent Swiftflight ? » Dis-je avec un petit sourire en coin. Mon ton n’était pas aussi froid qu’il pouvait l’être lors des reproches que je pouvais donner. Il était plutôt neutre, mais je ne faisais que lui rappeler qu’elle avait outrepassé l’ordre de passage. Si elle était en dernière position, ce n’était pas pour rien, à vrai dire. J’avais pas mal d’espoirs en cette demoiselle qui avait toute la vie devant elle et un certain talent pour le métier qu’elle faisait.

« Et vous, agent Swiftflight, avez-vous un certain déplaisir quant à la direction de notre Suprême Leader ? » Juste une question, comme cela… Curieuse de voir comment allait être sa réaction, si elle allait laisser passer un regard, un froncement de sourcils, un mouvement du pied, tout ce qui pouvait trahir les jeunes femmes qui n’avaient pas encore l’expérience que j’avais pu acquérir depuis toutes ces années. Je relâchai l’objet que j’avais en main avant de m’installer confortablement sur mon siège, jambes croisées. Mes yeux ne la quittaient pas.

J’étais également curieuse de savoir ce qu’elle avait pu glaner comme informations et ce dont elle en pensait. Elle était plutôt intelligente et elle prenait son métier à cœur, elle était vraiment très intéressante et c’est pourquoi j’appréciais me pencher sur son cas.   

Pour moi, le Premier Ordre était tout. J’avais été élevée dans une éducation impériale et j’avais suivi les préceptes du Premier Ordre sans aucune once d’hésitation. J’avais été même l’une des premières à pouvoir être fière d’être une partisane du Suprême Leader, qui voulait rendre à la galaxie, sa gloire d’antan, au temps de l’Empire, mais en évoluant, en ne commettant pas les erreurs du passé. Car oui, erreurs il y avait eues.  Et déjà à l’époque, j’étais assez grande pour les comprendre de mes propres yeux. Mon père avait été un partisan de l’Empire, Amiral respecté, jusqu’à la fin de sa vie et je me devais d’honorer sa mémoire et être certaine qu’il ne s’était pas battu pour rien, qu’il ne s’était pas battu pour que tout ceci n’aboutisse qu’à une destruction programmée de l’Ordre en place. Je ne pouvais pas laisser une telle chose arriver. Mais dans un sens, je n’avais pas d’armée à mes côtés, mais j’avais mon intelligence et mon bureau. Eux deux pouvaient faire des miracles s’ils étaient bien coordonnés.

C’était Ylenia qui était venue me rapporter tout ce qu’il s’était passé lors de cette fameuse réunion houleuse, d’après ce que j’avais pu entendre à côté. Comme quoi, se battre sous une même bannière était bien difficile lorsque l’on fréquentait des gens avec des désirs de puissance et de contrôle. Certains étaient des petits chiens enragés sans grand danger, d’autres par contre… Eh bien, c’était différent. Le danger était bien réel, il ne fallait pas se voiler la face. Être sur le qui-vive à longueur de temps était une prérogative pour être à ce poste, de toute façon. Mais je n’avais pas pu m’empêcher de tester l’agent qui se trouvait en face de moi et qui avait répondu à ma question d’une manière audacieuse, sans répondre clairement à ma question, mais en précisant quand même le fond de sa pensée. C’est pour cela qu’elle me plaisait et je n’avais pu m’empêcher de décrocher un léger sourire en la regardant, de mon regard bleu profond qui pouvait percer n’importe quelle carapace.

Tout d’abord, la réunion s’était déroulée normalement, quasiment de manière protocolaire. Et puis, disait-elle, cela s’était dégradé. Un Chevalier de Ren avait émis son mécontentement sur l’Ordre en place. Pendant qu’elle parlait, je parcourais le dossier avec les noms présents dessus, relevant le visage de temps en temps pour capter son regard. Et puis, ce fut Thrawn qui remit de l’huile sur le feu, ce qui me fit soupirer. Qui ne connaissait pas le Grand Amiral ? J’avais d’ailleurs tout un énorme dossier à son sujet.

« Le Grand Amiral Thrawn se croit plus malin que les autres. Il vit dans le passé en espérant construire un meilleur avenir. Ils pensent tous pouvoir faire mieux que le Suprême Leader car ils ont des désirs de contrôle. Cela me désole. Car cela ne profite qu’aux résistants. » Je reculai totalement dans ma chaise, la faisant bouger un peu de gauche à droite avant de redresser le regard en direction de la demoiselle qui se tenait debout en face de moi.

« Mais si Thrawn a pris la parole, ce n’est pas sur le coup du sang. Non, ça a été murement réfléchi et lorsqu’il a parlé, il avait déjà prévu la suite. Nous allons devoir surveiller cet homme avec la plus grande prudence. Lui, et ses appuis, d’ailleurs. » Dis-je dans un ton froid et calculateur. Je n’aimais pas vraiment me renseigner sur des personnes qui étaient censées être nos alliés, mais cela était nécessaire pour pouvoir les contrer. Le savoir avait souvent été une puissance sous-estimée et je comptais bien en tirer profit, car si cette dissidence prenait de l’ampleur, elle aurait probablement besoin de l’appui du Bureau. Après, rien ne m’empêchait d’accepter… Juste pour la forme. Juste pour endormir les soupçons.

« Je contacterai le bureau d’analyse pour s’occuper de ça. » Dis-je, suite à la remarque de la jeune agente. Oui, elle avait totalement raison, bien que cela restait risqué et la discrétion était de mise. Mais je n’avais pas peur de cela, je travaillais avec des gens compétents où le métier était, justement, d’être discret et de ne pas se faire repérer. C’était la rançon du succès pour un tel métier après tout. J’avais appris à être discrète, quelle qu’en soit le contexte et c’est pourquoi la plupart de mes missions s’étaient terminées sur un franc succès et que j’avais fini par obtenir ce poste au sommet. Mes yeux se reposèrent sur Ylenia qui se demandait si elle devait surveiller quelqu’un en particulier. J’eus un léger petit sourire face à autant de fougue et d’envie de bien faire. Ça faisait vraiment plaisir de voir des agents aussi sérieux et avenants face au travail. « Vous serez prévenue en temps et en heure. » Je n’avais pas encore de noms précis en tête, alors, cela allait attendre un peu avant que je lui donne sa cible définitive. Il fallait que je vérifie tous les dossiers et tous les paramètres afin de lui attribuer la cible idéale, la cible qui n’allait pas pouvoir la repérer et qui n’allait pas se douter un seul instant de la raison de sa présence aussi proche d’elle.

Comme elle le disait bien, certains ne devaient probablement pas se douter de ce que le Grand Amiral avait prévu. C’était normal, il n’était pas homme à parler de ses plans ouvertement. Moins il y en avait dans la confidence, plus la surprise et les chances de réussite étaient grandes. C’est une philosophie qui me convenait parfaitement, car j’agissais de la même manière. Par contre, ça rendait notre travail légèrement plus complexe, il fallait bien l’avouer. Mes yeux ne quittaient par la demoiselle alors qu’elle proposait certaines choses. Les tenir éloigner était une bonne chose, mais pas forcément simple à exécuter non plus, car il m’était impossible d’imposer des emplois du temps à tout le monde. Certaines personnes étaient malheureusement inaccessibles, même avec certains de mes contacts.

J’eus quand même un petit rire à sa remarque concernant le fait qu’il demandait des comptes plutôt que de se lancer une guerre ouverte. « Joliment dit pour lancer une guerre interne. » Dis-je en soupirant doucement, passant une main dans ma chevelure avant de redresser mon visage dans sa direction. Concernant la résistance, elle avait totalement raison. « Malheureusement, certains semblent l’oublier. » La Résistance restait, pour ma part, le point essentiel à surveiller. Ils étaient confinés, comme tous, dans le système Corellien. Il était donc plus facile d’en capturer certains, de trouver des informations, mais cette guerre interne qui vint tomber rendait la tâche bien plus compliquée, il fallait bien l’avouer. « Bien, merci pour votre rapport. Vous pouvez disposer. Je vous recontacterai pour la suite des évènements. » Elle avait complètement rempli son rôle bien qu’elle n’était pas passée dans l’ordre qui avait été assigné. Tant pis, je pouvais passer l’éponge là-dessus, il y avait des choses plus importantes à régler dans l’immédiat.