Mieux vaut être la queue du lion plutôt que la tête du renard

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Les passants discutent. Les enfants jouent, ils rient. Les marchands négocient... des chants, des rires, des cris, des pleurs. Le quotidien de ces gens n'a en rien été bouleversé par les récents événements. La surprise ne vaut que pour quelques jours, quelques heures. Des instants d’inquiétudes, de craintes, de questions. Qui finissent par s'envoler, faisant rentrer l'objet de ces précédentes interrogations dans le quotidien. Un champ d'interdiction dans le ciel. Une arme ? Un bouclier ? Puis rapidement, on lui attribue un nom bien moins effrayant, bien plus accommodant : la sphère dans le ciel. La masse finit donc par s'y accoutumer, transformant le doute en banalité...  Et c'est ainsi pour bien d'autres choses. Coronet n'avait en rien perdu de son activité. Les rues étaient toujours aussi bondées, les commerces débordaient de clients. Cette ville respirait la vie. Premier Ordre et Nouvelle-République étaient tout deux présents dans le système. A n'importe quel moment, la rivalité entre les deux "camps" pouvaient aboutir à une bataille armée, pourtant, personne ne semblait les craindre ici. Corellia la Libérée avait-il lu sur un journal en marchant. Corellia rompt ses chaînes, sur un autre. La célèbre planète faisait la Une des journaux depuis un moment maintenant. Cette déclaration d'indépendance a remué les sphères médiatiques... mais pas seulement. L'organisation même de la galaxie s'est ébréchée à cette annonce. Et à la grande joie du Renard, le Premier Ordre aussi. Pro-Snoke et pro-impérialiste s'étaient enfin démarqués. D'un côté les fidèles serviteurs du Suprême Leader, de l'autre, les nostalgiques de l'Empire. Au milieu : Wes. Son camp ne portait pas de nom sinon celui du "chaos". Gal'aad avait touché juste pendant la fameuse réunion. Il n'apportait que le chaos avec ses paroles. Un chaos destructeur aussi bien pour lui que pour les autres. Il n'avait pas tardé à en faire les frais avec la réaction de Gamora. Une tempête naissante qu'ils avaient tous les deux sus éviter.

Il déambulait dans la rue, l'axe principal, les mains dans les poches, les yeux voguant par-ci par-là. Son visage était hermétique, il ne laissait rien entrevoir. Inhabituel. D'ordinaire, il se serait vu accompagné  d'un sourire dont il avait le secret : chaleureux, niais... surtout niais. Surtout au vu de la situation au sein du Premier Ordre. Pourtant, le jeune homme était préoccupé. A sa ceinture, deux sabres-laser pendaient, dissimulés derrière sa veste. Le sien et celui de Gal'aad. Gal'aad Serke.

A quoi joue-t-il.

Il ne comprenait pas. Il venait de clamer son opposition à Snoke, d'hurler son changement de camp, d'officialiser la rupture avec le Suprême Leader. Un traître. Mot qui fut sur de nombreuses lèvres ce jour-ci. Mot qui passa bien au-dessus de lui, même sorti de la bouche de ses "camarades" Ren. Beaucoup d'autres passèrent d'une oreille à l'autre, comme un coup de vent. Il n'en retint que l'air. Pourtant il y avait eu les déclarations de cet homme. Cet individu pour lequel, malgré son identité et les faits lui étant attribué, il accordait un respect tout particulier depuis toujours. Gal'aad Serke. L'intendant des Ren. Lui.

Petit frère. Se fichait-il du choix de son cadet ? Acceptait-il ce changement d'allégeance ? Si facilement ? Mais surtout... comprenait-il sa position ? Son choix ? Son but... visiblement oui. Jamais Wes ne s'était caché de son animosité envers Snoke et Kylo Ren face à lui. Au contraire même, plusieurs fois il a tenté d'ouvrir les yeux de celui qu'il a considéré comme son seul supérieur digne de respect. Et jamais ce-dernier ne l'avait traité comme un traître en puissance. Il lui laissait sa liberté de penser. Peut-être qu'avec le temps, le Renard aurait pu devenir ami avec le Lion.

Lentement, il poussa la porte de la cantina.

Les visages se tournèrent brièvement vers lui, tandis que son regard, lui, ne se dirigea qu'en la direction de l'homme au bras d'acier. Il ne l'avait que rarement vu en dehors du cadre professionnel, et même malgré cela, une aura se dégageait de lui. Même sans son sabre. Quelque chose d'imposant, d'impressionnant. Le jeune homme hésitait. Ses pas étaient lents, indécis. Désarmés, il était une proie plus aisée à abattre. Le Renard ôtant la tête du Lion. Un emblème du Premier Ordre s'effondrerait alors, un coup dur à Snoke.

Comment peut-il penser cela ? Renard n'est pas loup. Prudence. Le lion sans ses griffes, dispose de crocs acérés et d'une détermination quasi sans failles. L'espace d'un instant, le renard devint loup. Il fit un pas. Le premier déterminé. Le décisif. Celui qui le mènerait à cette table. Sur ce court chemin, il se souvint de l'humiliation reçue lors de la réunion. Son poing se serra. Il se souvint de son infantilisation. Ses dents grincèrent. Enfin il arriva. En trombe. Les mots qui l'accueillirent réveillèrent une profonde colère. Celle de l'échec. Violemment, il plaqua le sabre-laser enroulait dans du tissu sur la table. Enfin le son de sa voix résonna. Enfin il demanda.

- Qu'est-ce que ça signifie ?! Pourquoi ? A quoi tu joues Gal'aad ?!

Voilà la triste vérité. Jamais il n'avait réussi à percer le mur de duracier qu'était Serke. Que pensait-il en tout temps ? Jamais Wes n'avait réussi à lire en lui autre chose qu'une loyauté sans pareille envers Kylo Ren. Alors pourquoi. Pourquoi. Une question qu'il se pose depuis bien trop longtemps.

Mieux vaut être la queue du lion plutôt que la tête du renard

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Il se tenait là, droit, presque fier, mais surtout abasourdi par le brouhaha ambiant. Face à cette table, face à cet homme, bien que debout, il se sentait si... petit. "Petit". Un mot qui était gravé sur ses lèvres. Sans cesse il l'appelait "petit frère". Depuis quand ? Il ne saurait le dire, mais certainement depuis longtemps. De toute façon, Gal'aad avait toujours porté une attention particulière à son cadet... du moins plus que les autres. Cette sensation était-elle véritable ? Wes n'était pas en mesure de le dire, mais sans vouloir l'avouer, il l'espérait. Le nombre de personne le considérant comme autre chose qu'un outil se comptait sur les doigts d'une main... et encore, il y avait beaucoup trop de doigts. Malgré cela, le Renard, perdu, désemparé, cherchait à comprendre et pour cela il défiait l'Intendant. Un défi, non pas physique, mais un défi tout de même. L'heure n'était plus aux charades et autres philosophie, mais bel et bien à l'éclaircissement d'une relation que les deux partis ne parvenaient pas à cerner.

Le chaos, une notion familière au Chevalier tant elle était l'essence même de ces actes. Semer doute, discorde et zizanie, ce pourquoi il fut "choisi", mais certainement pas pour que ses talents soient utilisés contre l'autorité en place. Le chaos était l'arme de Wes, ni plus ni moins, sa résultante. Comme le soulignait son "grand frère", ce-dernier lui attirait la foudre de bon nombre d'individu, et utiliser dans de si mauvaises conditions - comme lors de cette réunion - il s'avérait dangereux pour lui. Gal'aad savait lui faire comprendre. Aucune once de menace, juste les mots d'un "ami" qui servaient à mettre en garde, à le préserver de ses propres actes. Le jeune homme crut comprendre, raison pour laquelle il ravala son animosité et écoutait les leçons de son "maître". Soudainement, le silence attrapa celui-ci, à un moment imprévu... au beau milieu d'une phrase, sans explications apparentes. De l'émotion ? Peut-être... Gal'aad lui-même ne semblait pas comprendre pourquoi.

A cet instant, Wes réalisa. Du moins, il apercevait une once de compréhension. Qu'attendait-il de Gal'aad ? Le savait-il seulement ? Il avait fait l'effort de répondre à cette invitation, sous prétexte de lui rendre son sabre alors même qu'il aurait pu le déposer n'importe où, où son supérieur avait l'habitude de se rendre. Il aurait même pu le faire porter par quelqu'un d'autre. Au lieu de ça il était venu jusqu'à lui... Depuis le début, il considère cet homme comme un symbole, non pas pour lui, mais pour le Premier Ordre. Sa considération est loin d'être celle qu'il a vis-à-vis des autres Chevaliers. Il éprouve du respect envers celui qui devrait être bien plus que ce qu'il n'est aujourd'hui. Un respect partagé. S'il avait refusé de prendre pour acquis les dires des officiers et autres gradés de cet Ordre ridicule, cela n'avait jamais été le cas pour ceux de Gal'aad. Malgré une absence de sentiments et d'émotions, il trouvait les mots. Comme à présent. L'animal ressassait même le passé. La discussion qu'ils eurent à la découverte de l'holocron ayant appartenu à Skywalker. Puis la bataille de Bogden, où Wes n'avait été que trop peu présent. Pourtant, il avait décidé de plonger sous le feu ennemi pour tirer son boss hors de ce merdier sans nom...

Au même instant, Gal'aad saisit la nuque du jeune homme, sans serrer, sans le tirer. Non, juste un contact, presque fraternel, mais maladroit. Il se laissa faire, essayant de déchiffrer peu à peu le jeu de son vis-à-vis. Ce jour-là... il aurait pu l'abandonner. Le laisser mourir. Cela aurait fait un ennemi de moins à affronter dans sa quête de vengeance, d'humiliation. Pas des moindre, certainement le plus coriace et dangereux en plus. Pourtant... il l'avait sauvé.

A leur façon,... ces deux hommes tentaient de se comprendre. De comprendre le lien qu'il pouvait y avoir entre eux. Celui qui faisait que la colère n'avait pas de place, tout comme la rancœur. Car au final, Wes n'en éprouvait aucune à son égard. Il plongea son regard dans celui de Gal'aad, un instant seulement, suffisamment pour y percevoir son reflet. Suite à celui, d'une bref mouvement de tête, il se dégage de la légère prise de son interlocuteur. Il observait le sabre posé sur cette table... un prétexte inconscient. Enfin, il fit un pas sur le côté, tira une chaise pour s'installer en face de lui, les coudes sur la table. Pourquoi donc rétorquer à des questions pas d'autres questions ? Et si pour une fois, il se contentait de répondre. Simplement.

- Je... je dirai qu'il est mon origine. La volonté de troubler. C'est ce pourquoi j'ai rejoins vos rangs non ? Le chaos.

Son passé, qu'il s'était efforcé de ranger dans un coin de sa mémoire. Cette flamme ravivée brutalement depuis ce jour-là. L'autre encore en vie. L'hôte habité. Jamais seul. Toujours observé, mais pas par celui qu'il attendait. Depuis, le doute était de retour.

- Vous avez fait de moi ce que je suis aujourd'hui : quelqu'un de détestable, voué à être celui qui "trahi". Je crois qu'au fond, si j'avais pu, j'aurai voulu ne jamais tenir ce sabre.

Il posa son propre sabre, vestige d'une autre époque, dont la couleur n'avait pas encore été terni par les ténèbres, sur la table. Sur la poignée de celui-ci, toujours attaché, se trouvait ce petit bout de tissu dont il ne saurait plus définir l'origine... sûrement une valeur sentimental car, sans savoir ce qu'il signifiait, jamais il n'avait eu la force de l'arracher.

- Malgré tout, j'ai essayé de me faire à cette vie que vous m'avez offerte, ou plutôt imposée. J'ai essayé de vous ressembler. Mais j'ai rapidement compris, que pour le Supreme Leader, je ne serai jamais que "celui qui sert à". Destiné à vivre derrière une prison de verre, à subir des coups encore et encore. Ce n'est que lorsque j'en suis arrivé à un stade où la douleur était devenue coutume que je me suis rendu compte, que jamais il n'y aurait de changement. A partir de ce moment, mon ambition n'a plus jamais été qu'humilier "notre" Maître.

Il justifiait ses actes, en étant persuadé que Gal'aad ne chercherait jamais à le lui demander pourtant. Toujours, il semblait avoir respecté ses choix, ses ambitions et idéaux, même lorsque ceux-ci divergeaient de "l'ordre en place".

- Mais... si je me suis obstiné à détester mes pairs, à les considérer comme des moins que rien. Vous je n'ai jamais réussi. Peut-être avais-je l'impression que vous me compreniez. Pourtant je suis persuadé de votre loyauté. Deux choses s'opposant, mais cohabitant, un méli-mélo insaisissable, indéchiffrable. Vos traitements de faveurs, votre... attention. J'aimerai comprendre. Je me fiche bien que vous m'ayez ridiculisé là-bas. Cela ne change pas ce que vous avez fait pour moi avant cela. Je suis certain que vous saviez qu'un jour, cela allait arriver. Alors pourquoi ? Plus de jeu maintenant.

De nouveau, il se tut, interrompant une serveuse au détour de leur table. Le jeune homme passa commande pour deux. Bientôt, deux verres vinrent les séparer.

- Maintenant boss, si vous le voulez bien... discutons comme... deux amis devraient le faire.

Wes tenta de récupérer un peu de sa consistance, de redresser quelque peu la tête, bien décider à ressortir de cet endroit avec des réponses.