Silence étouffant, absence entêtante. Pour la première fois depuis longtemps, Lexi était plus entourée que jamais, et pourtant elle se sentait seule, comme si tous les bruits de l'univers avaient cessé, que son esprit s'était résigné. Coronet, Corella, le champ de force obligeant la population à rester... La rousse devait à présent faire ses preuves envers l'Ordre, prouver qu'elle était plus que ses anciens péchés, qu'elle était libéré du démon que représentait l'obscurité. Pourtant, ce serait mentir que de dire qu'il n'était pas toujours présent au fond. La jeune femme avait hérité d'une petite chambre au sein de la capitale, tandis que les Jedi discutaient de la marche à suivre. Allongée sur le matelas dur et froid, elle observait la ville par la fenêtre, essayait de distinguer le fameux dôme qui les retenaient ainsi tous prisonniers. La nuit avait reprit ses droits, et les étoiles brillaient parmi les lumières artificielles. Elle pouvait presque sentir le vent caresser sa peau. Le calme était revenu, pour le moment. Et ce foutu silence, cette foutue inexistence. Quand avait-elle cessé de se sentir vivante ? Depuis son retour au temple, elle n'était plus que l'ombre d'elle-même. Pourtant, il n'était pas rare qu'il revienne. Qu'il s'invite régulièrement dans ses pensées. Elle revoyait tout, sans en omettre un détail. Si ses souvenirs antérieurs n'étaient plus rien, s'ils n'avaient plus de valeur, plus de point de départ, ceux d'Eden eux étaient plus vibrants que n'importe lesquels. Cette manière douce-amère de la traiter. Sa voix dure, cassante à certains instants, puis plus douce que n'importe quelle étreinte. Le feu qui animait son regard, la dextérité de ses mains lorsqu'il maniait son sabre, et la passion avec laquelle il la découvrait. Décadence exquise d'un homme qui ne vivait que par le battements de son cœur frénétique pour la destruction, pour l’annihilation. Le frisson de son exécution qui courait dans ses veines, magnificence d'un prince sans couronne.

Je t'aime, lui avait-il déjà dit, sans doute dans un moment d'égarement. Son influence qui ne la quitterait jamais. Il devait être mort à présent. Elle était seule : Lexi qui s'imaginait leurs deux cœurs liées était persuadée qu'elle mourrait de chagrin à l'instant précis où il aurait rejoint la Force, que les éclats de son âme iraient rejoindre sa mère et son fiancé à l'instant précis où la vie aurait quitté les entrailles de l'homme qu'elle avait aimé. Pourtant, il n'en était rien, et c'était peut-être pire, car à présent, elle ne ressentait plus rien. La tornade qui avait élu domicile en elle avait disparue en même temps qu'Eden. Il n'a jamais refait surface depuis son retour chez les Jedi. Elle se contentait d'être vivante, sur ses deux jambes, sous les yeux de son père qui croyait son petit ange de retour, qui dans ses yeux semblait si heureux, si fier qu'elle aie tant grandi. Elle ne voulait pas que la seule personne qui souhaitait dorénavant l'aider soit déçu de nouveau : alors elle jouait la comédie. C'est de loin ce que lui avait le mieux appris son ancien maître. La rouquine fermait les yeux : si seulement elle pouvait se laisse partir maintenant, merveilleuse innocence, délicieuse quiétude. Dormir l'aidait à oublier son chagrin. Elle ne l'avait pas encore vu dans ses rêves, peut-être parce que son inconscient était incapable de recréer Eden dans toute sa magnificence. Un prince sans couronne, un ange dont les ailes étaient brisées. Vite, que son esprit s’imprègne de cette image, qu'elle se laisse tomber...

« Lexi. » Elle ouvre les yeux d'un coup et son cœur rate un battement. Aussitôt, son rythme cardiaque s'emballe et toute les émotions qu'elle avait perdues ces dernières semaines lui revirent de plein fouet, l'adrénaline monte d'un coup et son corps se fige comme si de la lave parcourait ses veines. Elle vit. «Eden ? » Sa voix était si puissante, si réelle, comme si elle l'entendait dans sa propre tête. Sa réponse à elle, était claire, pleine d'espoir, mais peut-être aussi de rancœur ? Les morts pouvaient-ils s'adresser ainsi aux vivants ? « Eden ? » demande-t-elle de nouveau, comme pour s'accrocher à l'espoir de l'entendre encore une fois. Lexi se redresse sur le bord de son lit. Le monde n'existe plus. Il n'y a plus qu'eux. Devenait-elle folle ? Était-elle l'une de ces filles qui perdaient tout esprit une fois que leur amour était parti ? Juste un souffle, une question : « Tu es là... ? Tu es... parti ? » Lui et la Force. Le noir complet. Plus rien. Le vent avait disparu. Il ne restait plus que les ténèbres éternelles et la voix d'Eden.

 L’espoir fit gonfler le cœur de la rouquine alors qu’elle eut la confirmation que le couple était réuni. Il n’était pas mort. Mieux encore : il ne devait être pas loin. Car aussi loin qu’elle se souvienne, il n’était pas possible de se contacter ainsi naturellement, d’un bout de la galaxie à l’autre, à moins d’avoir des capacités hors du commun. Elle aurait voulu crier, sauter sur le lit, se mettre à pleurer. Tout le travail de deuil qu’elle avait commencé avait trouvé une fin prématurée. Il était là, elle pouvait l’entendre. Lexi ravalait un sanglot, et sans s’en rendre compte, fit baisser le volume de sa voix comme si elle avait cru que quelqu’un pouvait l’entendre. Naïve petite créature, et son cœur repart, ses veines s’enflamment. Elle est vivante.

Ses esprits reprennent leurs droits lorsqu’elle réalise que ce lien n’est peut-être que temporaire. Combien de temps lui restait-il avant d’être de nouveau solitaire ? Une part d’elle vint contredire la première : elle était libre à présent. Était-elle capable de replonger aussi facilement ? Comme une accro au crack, elle se laissait aller à ce qu’elle avait toujours connu, la tentation trop grande pour être évincée. « Je croyais que tu étais mort... » avouait-elle à demi mot, d’une voix blanche. Comment avait-elle pu seulement le penser ? L’aurait-elle seulement senti à travers la Force, s’il l’avait été ? Elle n’avait jamais ressenti ça, le décès de sa mère n’avait pas laissé de traces dans ses souvenirs.

L’heure venait aux rapports. Eden voulait en savoir plus sur sa situation à elle, par stratégie ou par véritable inquiétude, personne ne pourrait jamais le savoir. Toutefois, Lexi prit le parti de protéger tout le monde, et de n’en révéler que peu. «  Je vais bien. Ils m’ont fait cet espèce de... procès. Mais je n’ai rien dis, je te le promets. » Encore et toujours à chercher son approbation... quoi qu’il arrive.. quelle que soit la distance. « Je... ne sais pas où je suis. » Avait elle menti avec tout son aplomb. Une des rares fois où elle mentait à Eden. « Ils ne me le disent pas. Je sais que je suis sur le système corellien. Ils ne me font pas confiance, mais ils le tolèrent... Je crois qu’ils essayent de me pardonner... C’est étrange. Ils s’attendent à ce que je réagisse comme une enfant. » Force était de constater qu’ils s’attendaient toujours à retrouver l’ancienne Lexi. « Et toi ? Où es tu ? Tu n’es pas blessé ? Je pensais qu’ils te tueraient à peine revenu... » Les Sith ne s’embarrassaient pas de procès ridicules, quand des solutions à base de découpe au sabre laser était répandu.