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Pain is a soldier's friend

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- Shiveria et Sihaya



Deux jours qu’elle n’avait rien fait et elle tournait dans sa chambre tel un lion en cage. Elle n'était pas faite pour l'oisiveté. Elle aurait bien travaillé sur ses recherches actuelles, mais les boites de pétri qu’elle avait préparé prendraient encore un bon deux semaines à montrer de vrais résultats. Quant aux Chevaliers, la plus grosse blessure qu’elle avait dû soigner était un bleu reçu durant un entraînement. Et elle avait dû supplier le patient pour qu’il la laisse regarder de près. Ces hommes étaient beaucoup trop bons pour son art. Elle parcourait donc les derniers messages reçus sur son holopad, relisant des rapports d’équipe lointaines travaillant sur des projets peu intéressants. Elle soupira bruyamment avant qu’une notification attire son regard. Le N.W. Raider, un vaisseau dont elle n’avait plus entendu parlé depuis des lustres, avait ressurgit de nulle part. Les trois membres d’équipage restants nécessitaient des soin, mais surtout des analyses pour détecter tout élément suspect. Bien sûr, elle aurait pu envoyer Pear et Mip s’occuper d’eux et récolter les échantillons, mais l’ennui lui rongeait l’esprit et elle aurait donné n’importe quoi pour voir autre chose que sa cellule. De plus, un vaisseau qui revenait était une mine d’informations qu’elle ne pouvait pas ignorer. Peut-être découvrirait-elle un virus ou une bactérie inconnue en analysant navire et passagers. Elle répondit au message et commença à préparer Mip pour le voyage, le cerveau en ébullition.

Le trajet jusqu’à la planète où s’était posé le vaisseau rescapé n’était pas long. Muni de son attirail de docteur, elle s’avança vers la structure qui servait d’hôpital. Elle s’identifia rapidement à l’entrée et un infirmier la dirigea vers les chambres des rescapés. Elle prit un dossier au hasard et s’avança dans la pièce correspondante.

“Shiveria Varot? Bonjour, je suis Docteur Dib. Comment-vous sentez vous aujourd’hui?”

D’un oeil rapide, elle examina sa patiente. Elle fronça les sourcils en remarquant les bandages sur sa main et son épaule. Ils étaient beaucoup trop serrés et sa conscience médicale l’interdisait de poursuivre sa consultation dans ces conditions. Elle s’approcha du lit et commença à enlever les longues bandes blanches qui recouvraient des plaies soignées approximativement.

“De combien de temps datent vos blessures?”

On avait bien tenté de faire quelque chose pour la jeune femme auparavant, mais ce n’était pas du travail de professionnel. Qu’il en soit ainsi, Sihaya se donna comme mission de remettre la jeune femme sur pied. Il n’y avait jamais trop de bras au sein de l’Ordre et elle se ferait une joie de soigner la mécanicienne blonde.


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Nous étions revenus et nous étions vivants. C'était plus demander que ce que j'aurai pu espérer quand le Capitaine avait décidé de sauter eh hyper-espace dans un espace non répertorié. Il connaissait les dangers, on les connaissait tous, personne n'aurait osé lui dire qu'il était fou de faire cela. Nous voulions que notre mission soit un succès, j'étais une simple mécanicienne, loin de sa première mission mais c'était ma première mission à bord du Raider. Pas question dans une condition pareille d'ouvrir ma grande bouche. Une fois le saut passé, les choses avaient été catastrophiques, le vaisseau avait été gravement endommagé, une grande partie de l'équipage a été perdu dans la mésaventure et les survivants étaient blessés pour la majorité. Plus ou moins grièvement. Je n'aurai jamais pensé que je serai une priorité dans l'ordre des soins mais j'étais la dernière personne capable de faire voler cette brique à l'abandon dans l'apesanteur de l'espace. Un trou dans la main, un autre dans l'épaule, un œil brûlé. Tout ce qu'il ne fallait pas pour pouvoir faire du bon travail. J'ai été soigné par des soldats, soins d'urgences, approximatifs mais qui me contentaient pendant toute la période de notre dérive, pendant trois années à voler au ralenti dans un vaisseau qui tenait entier avec plus de bricolages que de véritables réparations. Voilà pourquoi retrouver l'espace du Premier Ordre et pouvoir poser l'épave du Raider avait été un tel événement. Et bien sûr immédiatement il fut impératif de faire un rapport.

Pas de soins à proprement parler mais un rapport impératif, le Premier Ordre voulait savoir pourquoi le Raider avait dévié de sa mission et mettait autant de temps à revenir. Pourquoi sur la centaine d'âmes de l'équipage il n'en revenait que trois. Nous fîmes nos rapports, nos logs furent étudiés pour mieux comprendre le développement de la survie. Finalement après quarante-huit heures, il nous fut demandé de faire contrôler nos blessures et les soins qui avaient été réalisés, le Premier Ordre voulait s'assurer que tout tournait rond chez nous. Craignait-on en haut rang que nous soyons devenus des sociopathes cannibales ? Nous avions assez de nourriture pour survivre encore plusieurs années avant de devoir nous dévorer mutuellement. Quand la médecin rentre je me lève, hochant la tête à sa première question pour confirmer mon identité.

« C'est moi. Je me sens comme … d'habitude. Ma main … »

Je lui montre ma main gauche, transpercée par une micro-météorite qui avait laissé un trou rond grossièrement cicatrisé.

« … ne me fait pas mal en général, j'ai parfois un sentiment désagréable comme si on tirait trop ma peau et qu'elle allait se déchirer. Mon épaule me fait mal dès que je lève le bras au-dessus de ma bouche, c'est gérable sur de brèves durées cela dit. Les bandages me soulagent. Mon œil est douloureux tous les jours, tout le temps, en continu. Pas beaucoup mais sans discontinuer ce qui finit par être très désagréablement douloureux au bout de la journée. »

Elle défait le bandage de mon épaule, je sais qu'il était trop serré mais ça m'apaisait, peut-être parce que moins de sang circulait. Ma main n'a jamais été bandée, mon œil caché derrière un cache œil noir serait facilement visible.

« Ca fait trois ans. Ma main a été transpercée par une micro-météorite. Mon épaule également mais le soldat qui m'a soignée n'était pas sûr que la météorite soit ressortie, il a nettoyé, recousu, bandé la plaie. Mon œil a été brûlé par un éclat de métal en fusion, je suis borgne depuis ce moment. »

Rapport simple et concis, sans m’apitoyer sur mon sort, je connaissais les risques quand le Capitaine avait annoncé que nous passions en hyper-espace. Ca aurait pu être pire, nous aurions pu reparaître dans le cœur d'un soleil.
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- Shiveria et Sihaya



Sihaya observait les blessures de Shiveria en palpant le rond de peau plus sec de sa main. Elle voulait s’assurer qu’elle n’aurait pas de séquelles. Elle écoutait en même temps les symptômes que la blonde lui énumérait.

“J'ai une bonne et une mauvaise nouvelle pour votre main. Vous pourrez continuer à l'utiliser comme avant, mais je ne peux rien faire pour l’aspect visuel. Pour l’effet de tiraillements, de la crème hydratante devrait suffir à apaiser.”

Elle nota dans le dossier le nom du produit qu'elle recommandait. La douleur que Shiveria mentionnait lui semblait inquiétante, mais les détails qu'elle lui fournit suffirent à la rassurer. Des corps étrangers près d'un nerf pouvaient être la cause de la gêne.

“Je vais demander une radiographie pour l'épaule. S’il y a encore des morceaux, on va les enlever.”

Les opérations de ce genre n'étaient pas les plus compliquées. Il était même probable que la mécanicienne récupère toutes ses facultés, si aucune infection n’était survenue. Le robot utilitaire de Sihaya entra à ce moment-là, bipant joyeusement.

“Je vous présente M1-P ou Mip. Il sera mon assistant.”

Mip ouvrit son tiroir frontal, dévoilant son attirail d’échantillonnage. Elle hésita quelques instants, son regard passant du kit à la jeune femme, et referma finalement le robot. Corriger les quelques problèmes de Shiveria ne lui prendrait pas beaucoup de temps et pourrait faire toute une différence pour la mécano. Avant de poursuivre son examen, posant une main qu'elle voulait réconfortante sur l’épaule saine de sa patiente. Elle avait déjà vu quelqu'un souffrir de la perte d'une partie de son corps et elle connaissait les dommages psychologiques qu'un tel traumatisme pouvait créer. Le visage fiévreux de Gal’aad se superposa un instant à celui de Shiveria et elle ne put réprimer l’expression inquiète qui s'immisca sur son visage. Mais là n'était pas le moment pour penser à d'autres patients. La blonde semblait forte, peut-être même optimiste, et Sihaya ne voulait pour rien au monde étayer cette détermination. Elle s’éloigna du lit pour fermer la porte.

“Vous êtes courageuse… et chanceuse. Vos séquelles sont minimes à première vue. Je peux?”

Elle pointait le cache-oeil en posant sa question. Elle ne voulait pas forcer la jeune femme à dévoiler son visage


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Quand la médecin parle mon regard tombe automatiquement sur ma main que je regarde, avec ce petit trou de chaque côté, mal cicatrisé, ça fait blessure pas très propre. Ca fait un souvenir m'a dit un jour un soldat qui parlait de la marque profonde qui se trouvait sur sa cuisse. Oui, ça fait un souvenir, comme un bon exemple quand à savoir si c'est une bonne idée de sauter en hyper-espace dans un espace non répertorié ou non. Je hausse les épaules, réponse que je donne à la médecin sur ce qui semble être mon indifférence mais je ne voudrai pas qu'elle pense que je me moque bien de ce qui est arrivé à ma main. Je veux qu'elle comprenne que je m'en soucie mais que si on n' peut rien et bien ce n'est pas le bout de la galaxie.

« C'est pas bien grave. Et puis ça fait plus pro. Je pourrai toujours lui trouver une histoire sur la façon de souder correctement pour effrayer les apprentis mécanos. »

J'écoute la médecin me parler de ce qu'elle souhaite pour mon épaule, je ne compte pas m'y opposer, je n'ai pas franchement la tête à ça pour tout dire, je préfère suivre ses conseils. Après tout si elle a besoin qu'on répare son matériel elle ferait confiance à un expert dans ce domaine et bien pour ma santé, je lui fais confiance à elle.

« Ok »

De toute façon j'aurai pu dire quoi ? Non je ne veux pas d'une radiographie et qu'on retire les morceaux de météorite ? Avec un peu de chance je pourrai peut-être retrouver ma mobilité d'avant. Enfin la doc n'en a pas parlé mais une petite partie de moi veut y croire ou en tout cas demeurer positif. Si des gens vivent avec des mains électroniques qu'on ne distingue même plus des vraies, pourquoi je ne pourrai pas récupérer ma mobilité ?

« Enchantée. »

J'adresse un petit signe de tête au droïde qui ne tarde pas à faire étalage de ses innombrables ustensiles. Au moins il est équipé. Et elle connait son métier. Ca aurait pu être pire. J'aurai pu tomber sur un médecin incapable de me répondre et un droïde ayant pour tout équipement une scie à os et une trentaine de scalpels. La médecin me demande si elle peut retirer le cache-oeil et encore une fois je me demande si la question n'est pas par pure politesse. On m'avait demandée de faire examiner toutes mes blessures, cela en était une. En plus je vivais bien avec cet œil qui avait souffert, même si souvent il mettait les autres mal à l'aise. Moi en revanche ça ne me dérangeait pas, ça ne me dérangeait jamais. Enfin sauf au bout de la journée quand la gêne s'était transformée en véritable douleur finalement. Pour réponse je retire le cache-oeil, d'après ce que j'en avais vu dans un miroir seul mon œil avait souffert, ma paupière m'avait semblé intacte, tout était allé si vite, je n'avais même pas eu le temps de réagir.

« Ca me fait toujours étrange de me dire que ça rend les gens plus mal à l'aise que ça ne me rend mal à l'aise. »
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- Shiveria et Sihaya



Sihaya rit de la remarque de Shiveria. Effrayer les plus jeunes, elle s’y connaissait, sa mallette de bactéries étaient là pour le prouver. Un léger sourire fit relever le coin de sa bouche alors qu'elle sortit une petite lampe de sa poche. Les membres du Premier Ordre n’étaient pas du genre à s’apitoyer sur leur sort. C’était en général une bonne chose, mais pour son métier, cela posait plus de problème qu’autre chose. Leur fierté l’empêchait souvent de détecter des blessures plus graves. Elle examina l’oeil qui était bien moins endommagé qu'elle ne l'aurait pensé. Rien de ce qu'elle voyait n’indiquait qu’on ne pourrait pas le remplacer.

“Que pensez-vous des implants, Mademoiselle Varot?”

Sihaya ne pourrait pas le remplacer elle-même, malheureusement. Elle dépassait déjà ses fonctions en s’attardant sur les problèmes préalables de la blonde.

“Je connais un excellent chirurgien, spécialisé en implants. Il a déjà réalisé des miracles. Je vais m’arranger pour que ce soit lui qui vous soigne.”

Elle repensa à James Syn et à ses parties métalliques. Lorsqu’elle avait soigné Gal’aad, elle s’était inspirée de ce qu’elle avait vu chez lui. Elle avait confiance en les capacités du docteur et le recommandait les yeux fermés. En revanche, l’apparente nonchalance de la blonde la surprenait. En trois ans, elle avait sûrement fait le deuil de sa vue. Malgré tout, Sihaya voulait lui offrir la possibilité de se laisser aller.

“Vous savez, je ne suis pas votre supérieur et je me fais un devoir de garder mes discussions avec mes patients secrètes. Vous pouvez parler sans crainte.”

Bien sûr, elle ne voulais pas forcer la mécanicienne à parler, mais elle se doutait que passer tant de temps loin de tout avait dû affecter son moral, surtout avec des handicaps tels qu’elle avait ramené.


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La médecin s'intéresse désormais à mon œil, l'examinant avec soin. Je ne vois rien de ce qu'elle fait, je pourrai peut-être en louchant comme une idiote mais je ne pense pas que ça aiderait son travail. Je laisse donc faire la professionnelle, après tout c'est son métier, je déteste qu'on se mêle du mien surtout quand on ne connait rien dans mon domaine, j'imagine que c'est pareil pour elle. Personne n'aime se faire marcher sur ses plates-bandes par une personne sans expérience. Son verdit ne tarde pas à tomber, rien à faire pour mon œil donc, ça je n'en avais jamais douté mais l'entendre parler de prothèse me fait arquer un sourcil. Je pensais que ça n'était même pas envisageable dans mon cas, que les dégâts devaient être trop importants. Si elle me propose cette possibilité c'est qu'il doit y avoir une possibilité que ça fonctionne.

« Je n'y ai pas songé un seul instant. J'ai connu des soldats qui en portaient, pas des prothèses oculaires mais leurs prothèses fonctionnaient à merveille. Si c'est envisageable, je suis prête à tenter l'expérience. »

Comme si elle voulait me rassurer définitivement, s'assurer que je ne fasse pas machine arrière, elle me parle d'un excellent chirurgien de sa connaissance. Une excellente façon de m'encourager encore d'avantage à accepter une prothèse. L'entendre parler de miracles ne me rassure pas vraiment mais je suis sûre qu'elle ne me proposerait pas une prothèse et un rendez-vous chez ce médecin si elle n'était pas sûre d'elle. Elle ne m'a jamais donné l'impression de se tromper jusque là et me fait une bonne impression depuis ces quelques minutes qu'elle m'examine.

« Vous savez rassurer vos patients, docteur. Je m'en serai remise à votre jugement sans savoir qu'il fait des miracles mais c'est rassurant de l'entendre. »

Un sourire passe sur mon visage quand vient une remarque qui me fait penser à de la psychologie. Je suppose qu'une évaluation psychologique pour un équipage ayant survécu dans un vaisseau pratiquement à l'arrêt pendant trois années, perdu dans l'espace, n'est pas excessif. C'est avec ce même sourire que je hausse les épaules.

« Que voulez-vous que je vous dise, doc ? »

Je reste assise face à elle en silence, l'air pensif. Après quelques minutes de silence, je reprends la parole.

« Ce n'est plus récent. J'aurai sans doute eu beaucoup de choses à vous dire il y a trois ans après que ça me soit arrivé. Ce qui m'est arrivée est arrivée au meilleur moment de mon existence, aussi étrange que ça puisse sembler. Je n'ai pas eu un seul jour le temps de penser que j'avais perdu un œil, que mon épaule pourrait bien ne plus jamais fonctionner correctement. »

J'aurai pu essayer de lui décrire ce que ça fait de vivre sur un vaisseau que vous êtes la seule à pouvoir tenir entier et plus ou moins fonctionnel mais aucun mot ne me vient qui décrive ce sentiment correctement.

« Je n'ai pas eu le loisir de faire le deuil de mon œil et maintenant c'est naturel pour moi, comme le reste de mes blessures. Quand vous êtes sur un vaisseau qui ne demande qu'à se disloquer et flotter sans réacteurs, un œil c'est bien peu de choses. Est-ce que j'ai cassé les miroirs de ce qui me servait de chambres sur le vaisseau ? Oui … et puis j'ai appris à vivre avec cet œil caché … Et puis j'ai appris à vivre en voyant cet œil mort dans un reflet … Et enfin j'ai appris à accepter que ça dérange les autres et pas moi, que je ne le cache que pour leur confort à me faire face. »

Haussement d'épaules.

« J'ai fait mon travail pour ramener les autres vivants, ça m'a gardée entière. Mais je suis contente de ne plus avoir la responsabilité d'un vaisseau entier et de plusieurs vies simplement en me demandant si je ne risque pas de dépressuriser toute une moitié de vaisseau en enlevant un boulon dont j'ai besoin ailleurs. »
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- Shiveria et Sihaya



Qu’elle soit ouverte à l’idée d'une prothèse ne surprit pas vraiment Sihaya mais une note de soulagement lui gonfla le coeur.

“Je vais vous arranger un rendez-vous dans ce cas. Il vous faudra probablement un temps pour vous y accommoder mais je vais vous laisser discuter des détails avec lui.”

Elle mit une note au dossier et se promit de faire le suivi jusqu'au bout, considérant Shiveria comme une patiente à part entière, bien qu'elle ne pouvait pas la soigner comme elle l’aurait souhaité. Elle demanda ensuite à la jeune femme de parler, peut être un peu brusquement. Mais cette dernière répondit et Sihaya l’écouta en silence.

La réponse de Shiveria la travailla plus qu'elle ne l’aurait pensé. Elle aurait pu mentir et dire qu'elle comprenait. Mais elle ne pouvait pas savoir le poids qui avait été sur les épaules de la mécanicienne. Elle écouta en silence, comme elle savait si bien le faire, espérant que le simple fait d’avoir une oreille attentive aiderait la jeune femme à alléger son fardeau. En tant que médecin, un certain nombre de vies avait dépendu d’elle mais elle devinait que ce n’était pas dans la liste des tâches des mécanos. Et surtout, il y avait un monde entre empêcher un soldat de se vider de son sang et causer la perte de toute une partie d’équipage à cause d'un boulon. Shiveria avait au fond de son oeil valide la maturité de ceux qui avaient dû mûrir dans le feu de l’action. Un éclat qu'elle avait déjà vu chez les soldats qui revenaient de longues campagnes ou de batailles éprouvantes. Elle savait les sacrifices nécessaires pour le bien de la cause, mais dans sa naïve compassion, elle aurait souhaité que personne n’ait ce regard.

“Concernant l’aspect de votre oeil, je peux vous assurer que ce n’est pas si terrible. Comme votre paupière est intacte, on pourra sans doute mettre un implant esthétique. Vous pourrez même en choisir la couleur.”

Elle prit une pause avant de continuer.

“Je pourrais peut-être vous recommander une période de vacances, si vous le désirez.”

Un peu de repos ne faisait jamais de mal à personne et la jeune femme en avait sans doute besoin. Décidée à rester la docteure optimiste, Sihaya colla un sourire sur son visage.

“En tout cas, je suis heureuse que vous soyez revenue parmi nous. La Galaxie a besoin de gens de votre trempe pour s’organiser correctement.”

La modestie et le courage dont la mécanicienne faisait preuve forçaient le respect. Une pointe d’admiration se glissa sous les mots de Sihaya. Mip choisi ce moment pour siffler, la ramenant à son affectation première.

“Je ne vais pas vous mentir, mon rôle n’est pas de vous soigner. Je suis épidémiologiste et on m’a envoyée pour vérifier que vous allez bien.”

Et qu'ils ne ramenaient ni maladie ni parasite, mais la phrase avait tendance à effrayer.

“Avez-vous eu des douleurs ou maladies quelconques durant votre séjour? En ne prenant pas vos blessures en compte, bien sûr.”

À première vue, Shiveria allait bien. Le scan qu'on lui avait fait passé à son arrivée ne montrait rien de vivant en elle et trois ans était une période suffisamment longue pour que quelque chose se développe si elle avait été infectée par quoi que ce soit. Malgré tous les signes positifs la docteure ne pouvait se permettre d'être superficielle. Si elle laissait un détail s’échapper, c’était toute la Galaxie qu'elle pouvait mettre en danger.


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J'arrive à décrocher un sourire quand elle me dit qu'elle va arranger un rendez-vous avec le chirurgien dont elle me parlait.

« Je pense qu'après le temps que j'ai passé dans l'espace à vivre avec un seul œil, un peu de temps pour m'habituer à en avoir deux à nouveau, ça ne sera pas trop difficile. »

Je me montre positive, pas parce que j'ai peur de ce qu'elle pourrait dire mais parce que je suis quelqu'un de réaliste. Parfois le réalisme c'est d'être un peu défaitiste, d'accepter que ce qu'on veut faire ne marchera pas, parfois c'est d'être optimiste et là, pour le coup, je me permets d'être vraiment optimiste et ça fait du bien. Après tout, à bord du Raider, les journées qui semblaient vraiment positives étaient assez rares, alors on était heureux de pouvoir dériver un jour de plus. Donc retrouver la vue est une excellente chose, c'est très positif, c'est encourageant. La médecin vient de rendre ma journée bien plus sympathique avec ses mots et ses remarques. Qui a dit que ce n'est pas bien d'aller chez le médecin parfois ? De toute façon, on ne m'avait pas laissée le choix. Je veux pouvoir être sur un vaisseau ? J'ai intérêt à passer un examen médical. Je ne suis pas vraiment surprise, trois années de dérive, ça peut vous tourner le cerveau d'un homme à l'envers.

Elle s'intéresse véritablement à mon œil, elle me garantit que ce n'est pas aussi terrible que je pourrai le croire. Je ne suis pas médecin, de la façon dont je voyais mon œil, ce n'était plus mon œil, cela devait fausser mon jugement. Elle me dit que je pourrai choisir la couleur de mon œil et un petit rire m'échappe.

« Ils en font aux couleurs du Premier Ordre ? »

Non, je choisirai sans doute un œil similaire à celui que j'ai perdu mais j'avoue qu'à bord du Raider, presque persuadée qu'il n'y aurait rien à faire pour mon œil, j'imaginais bien porter un cache-oeil aux couleurs de ma famille.

« Non merci, Doc. Vous savez, j'ai déjà envoyé des demandes de mutation sur d'autres bâtiments et ça ne fait que quatre jours que le Raider est rentré. J'ai envie de reprendre le travail, de le reprendre vraiment je veux dire. Pas avec des bidouillages incessant comme je l'ai fait. »

Je suis une accroc à mon travail, je pourrai prendre les vacances mais en un sens, n'avais-je pas été en vacances ces trois dernières années ? Je voyais ça comme ça en un sens, beaucoup d'obligations classiques quand on sert sur un bâtiment s'étaient perdues dans la nature avec le temps.

« La galaxie je ne sais pas, je connais quelques personnes qui auraient été heureuses de ne plus me revoir. Mais si le Premier Ordre peut se réjouir de mon retour alors c'est le principal. »

J'apprécie l'honnêteté de la médecin quand elle confesse être une épidémiologiste et ne pas être là pour me soigner. Elle veut juste s'assurer que je n'ai rien que je puisse transmettre autour de moi. J'écoute ses questions et je tâche de me remémorer s'il y a eu des jours où j'ai été malade.

« C'est qu'il ne faudrait pas qu'on revienne avec une maladie inconnue et ultra-contagieuse. Ou un truc dans le ventre comme dans cet Holovid … j'ai oublié le titre … un truc avec un alien au sang acide. »

Je réfléchis donc vraiment mais je finis par secouer la tête.

« A part les douleurs dont je vous ai fait part, je n'ai pas souvenir avoir souffert de quelque chose d'autre. Du moins rien qui ne puisse s'expliquer, j'ai fait de la déshydratation un jour et j'ai eu faim plusieurs fois mais c'est le rationnement qui veut ça. »
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