Are we so helpless against the tide ? ✖ Diarmuid

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Le champ de bataille ? Moira n’en a pas vu la couleur ; tout juste en a-t-elle entendu le fracas au loin. Ils étaient encore à faire un rapide briefing avant d’être envoyé sur le terrain que tout est devenu complètement noir. Elle ne saurait même pas dire où ils en étaient, étaient-ils sur le point de partir rejoindre leurs postes ? Possible. Tout le début du briefing s’était déroulé comme dans un rêve, avant même de perdre connaissance, Moira était déjà très loin dans ses pensées : incapable de se concentrer. Alors lorsqu’elle a ouvert ses paupières dans un vaisseau, un droïde médical à ses côtés, elle n’a d’abord pas compris. Tout s’emmêlait dans sa tête, ses pensées étaient chaotiques et impossibles de les démêler les unes des autres. Du stress, une tension basse et trop de nuits blanches auront finalement eu raison de Moira. Les trois derniers jours avaient été angoissants, l’idée de se retrouver sur le front mais également d’avoir ce lourd secret sur la conscience n’avaient eu de cesse de bouffer la pilote de l’intérieur. Il n’était de toute façon plus question de l’envoyer combattre auprès de ses camarades, c’eut été du suicide que de la balancer comme ça, le fusil en main. Autant lui tirer directement une balle dans la tête. Elle serait rapatriée à la base, renvoyée dans l’unité médicale pour d’autres examens. Cela ne plaisait pas à la petite brune, elle aurait dû être avec les autres et non pas dans cette navette la reconduisant sur Fenves. Si l’un de ses amis venait à mourir, elle le regretterait toute sa vie de n’avoir pas été plus résistante.
Tout le trajet, elle le passe prostrée dans un coin à n’adresser la parole à personne, elle se contente juste d’envoyer un message à Diarmuid. Il est temps de lui dire la vérité, elle sait qu’il aurait mieux valu qu’elle le lui annonce directement mais… Elle n’avait pas pu. Pas quelques jours avant des assauts importants, pas quand il est aussi préoccupé… Quoi que, quand ne l’est-il pas, finalement ? Ce qu’elle aimerait se réveiller dans son lit et se rendre compte que tout cela n’était qu’un mauvais rêve. Moira ne sait comment le vivre, si elle doit être heureuse ou terrifiée… Pour tout dire, elle est plus effrayée qu’autre chose.

La voilà à l’infirmerie, assise sur le bord d’une table d’auscultation et le regard vide. Il faut qu’elle se repose, lui dit-on, qu’elle se ménage. Cela la fait vaguement sourire, l’endroit où ils se trouvent n’est pas réellement propice au repos et au calme. On pourrait peut-être la renvoyer sur sa planète d’origine mais Moira n’en a pas envie, c’est exactement ce qu’elle a fait pour Aloy et elle le regrette. De toute façon, pourquoi sont-ils si sûrs qu’elle mènera à terme cette seconde grossesse ? Rien n’est décidé, rien n’est certain. Elle n’est pas la seule à devoir prendre une décision, l’enfant a un père qui a également son mot à dire. Puis la jeune femme ne sait pas ce qu’elle veut, ne sait même pas ce qu’ils sont, Diarmuid et elle. Elle est incapable de définir leur relation, tout est allé si vite ces derniers mois, ses sentiments sont aussi confus que ses pensées. On lui parle, elle répond par des monosyllabes avant d’être finalement relâchée. Elle ne demande pas son reste, se dirige aussi vite que possible jusqu’à la chambre de son… Ami ? Où elle doit l’attendre. La brune évite les gens, ne veut parler ou ne voir personne.

Impossible de déterminer combien de temps Moira reste là, assise sur le lit à fixer un pan du mur. Lorsque la porte s’ouvre enfin, son estomac se serre douloureusement, son rythme cardiaque augmente mais elle ne bouge pas. Elle reste silencieuse pendant de longues secondes, cherche un moyen d’annoncer la nouvelle sans le brusquer sauf qu’elle a beau le retourner dans tous les sens, il n’y pas trente-six milles façon de dire cela. La jeune femme inspire profondément, se lève, fait quelques pas dans la chambre ses bras croisés contre son ventre. Elle n’ose pas réellement faire face à Diarmuid, pas de suite.

« J’aurais dû te le dire plus tôt mais je n’en ai pas eu le courage avec tout ce qu’il se passe ces derniers jours… »

Une nouvelle inspiration, cette fois-ci elle se tourne complètement face au brun, ça ne sert à rien de fuir son regard, il faudra bien l’affronter à un moment ou à un autre.

« Je suis enceinte. »

Que dire de plus ? Qu’elle meurt de peur ? Qu’elle aimerait pouvoir se planquer dans un trou pour pleurer toutes les larmes de son corps ?

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Moira & Diarmuid

Nous dansons sur la tête d'une allumette...

Comme à chaque fois qu'ils devaient essayer de contrôler à nouveau les univers par la seule force de leurs bras, Diarmuid ne s'enlevait pas cette pensée de la tête. Un incendie attendait, les attendait tout, la Résistance était une poudrière tout autant que le Premier Ordre. Le Général ne savait pas quoi plus craindre des défaites ou des victoires lorsque cela ne pouvait signifier que la mort pour beaucoup. Pour trop.
Que la mort avait déjà tant pris, qu'elle prendrait encore.
Il n'y avait de repos pour personne depuis les derniers jours, les troupes envoyées sur Bogden ou bien ailleurs aussi, d'autres missions plus secrètes également que Diarmuid ne connaissait pas mais qu'on lui demandait de prendre en compte aussi pour beaucoup trop de choses.
Et puis les recrues, évidemment. Certaines ne voulaient qu'un but dans la vie, l'homme leur en offrait un avec toute sa cruauté. Celui de mourir pour eux...
Pour un rêve, un putain de rêve que même lui faisait encore, faisait toujours.
Un soldat affilié aux transmissions vint le trouver, de nouvelles informations venaient.
De Bogden.
Maladroit, le jeune résistant semblait hésiter après avoir délivré son message. Parce que celui-ci ne concernait pas le général directement, mais qu'il avait vu aux hangars le baiser échangé entre Diarmuid et Moira, voilà tout.
L'homme acquiesça, le remercia, n'ajouta rien. La jeune femme irait à l'infirmerie sitôt son retour, lui ne viendrait pas l'y rejoindre. Parce qu'il ne savait pas organiser ses pensées, donner de la place aux sentiments quand le travail lui prenait temps, leur prenait temps... Cela serait soumettre moira à sa propre colère à lui, celle de ne rien maîtriser, lorsque la jeune femme n'avait pas besoin de ça.
Ce qu'il pouvait faire, c'était l'inviter dans sa chambre pour après, l'y retrouver dans ce temps qu'il gardait au sommeil.
Au repos.
Sans repos, il ne pouvait rien faire de toutes les tâches à accomplir encore. Des ordres à donner aussi, des gens à pousser, à porter.
C'était un sentiment étrange, celui du marionnettiste que Diarmuid pensait parfois être. Et s'il cessait enfin de bouger les mains, que se passerait-il alors?

La journée s'écoula, ses heures, ses minutes. Il ne sentait pas le soir peser sur ses paupières, il ne sentait pas grand chose tout court. Un état de semi abrutissement où ses capacités intellectuelles devaient rester aiguisées pourtant. Et les larmes menaçaient de couler, une manière pour son corps de hurler à la limite.
Du coin de l'oeil, Sehrin le surveillait. Comme toujours. Un réel ami se devait d'être un geôlier également, et Diarmuid lui en était reconnaissant. Et puis le général essaya de sourire, après tout elle était revenue, non? Moira. Il pouvait au moins se concentrer sur cela maintenant, au moins ça.
Quand Shirakz restait dans le néant, elle...

Dans sa chambre, puisqu'elle était sienne, Diarmuid entra sans frapper, et son ombre s'allongea à travers la pièce, là où la petite brune attendait. Il referma la porte derrière lui, écouta le flot de paroles.
Au début, il n'y eut que le silence. Il ne contestait pas ce que lui avouait la jeune femme, ne cherchait en rien à réfuter quelque chose qui dès à présent sonnait comme une évidence: enceinte.
Et son visage resta impassible, sévère, sans pour autant que la méchanceté ne s'y lise.
Il s'était toujours protégé, pour des raisons plus qu'évidentes. Tout d'abord, avec l'habitude qu'il avait eu de coucher à droite et à gauche, contribuer à une épidémie de MST diverses et variées ne l'intéressait pas, ensuite...les enfants. On ne pouvait imposer des enfants aux femmes, tout comme on ne pouvait imposer ce monde à des enfants. Même dans la tente, dans cette putain de tente en mission, Diarmuid avait fait attention, pris ses responsabilités.
Quant à Moira, elle avait déjà été enceinte une fois, savait les responsabilités que cela impliquait, les possibles douleurs aussi.
Elle attendait, avait peur. Peur parce qu'il y avait tant de fantômes, là, entre eux. Shirakz bien sûr, et puis le dernier amant que Diarmuid avait connu à la petite brune aussi.
Avant lui.
Peu importait le père, peu importait ce qu'avait ou non fait le père.

”...on doit bien avoir des fraises quelque part.”

Sa voix était rauque comme un mauvais rêve. Il faisait face à Moira, grand bien plus grand qu'elle. Trop grand presque, le poids du monde était sur ses épaules à lui, le poids d'une vie dans son ventre à elle.

”Tu le veux, cet enfant?”

Il savait sa place, n'avait rien à exiger qu'elle le garde ou qu'elle décide toute autre chose. Diarmuid avait joui du corps de la jeune femme ainsi qu'un amant a à le faire dans des plaisirs partagés, il ne possédait néanmoins aucun droit sur elle, ses décisions. Est-ce qu'il pouvait imaginer, là, le poids d'un bébé entre ses bras?
De son bébé?
Il pouvait en être le père naturel, bien sûr, mais il y avait un autre nom auquel Moira pensait peut-être. Cela ne changeait rien, Diarmuid serait celui chargé de l'élever à moins que la brune ne désire de chercher son bonheur ailleurs.
Il pensa à son propre père alors que tout restait confus dans sa tête. A l'amour qu'il éprouvait encore pour cet homme, qu'il éprouverait toujours. Pourrait-il suivre ses traces?
Il n'y avait pas de larmes dans ses yeux, pas encore. Le parfum de Shirakz flottait un peu dans ses narines, Diarmuid ne comprenait pourquoi... l'autre femme n'aurait jamais eu d'enfant à lui donner, très tôt elle le lui avait dit, elle avait pleuré. Comme si elle craignait que cela soit la seule chose que Diarmuid puisse attendre d'elle.
Cela n'avait rien changé. A présent il y avait une autre femme, d'autres choix.
D'autres chagrins.
Lentement, Diarmuid se mit à genoux et ferma les yeux. Il fit ce qu'il avait envie de faire alors, simplement entourer le corps de Moira de ses bras et appuyer sa propre tête à lui, fatiguée, barbue, sur le ventre de la jeune femme, les yeux fermés toujours.
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Jamais Moira n’aurait cru annoncer à nouveau pareille nouvelle de toute sa vie. Cela n’avait rien de prévu, de calculé. Avant Aloy, la maternité n’intéressait pas la pilote, la grossesse était quelque chose qui lui donnait plus envie de pleurer que de se réjouir. Elle n’est pas comme sa mère ou sa soeur, ne possède pas cette fibre maternelle innée qu’ont les deux autres Sayall. Elle se souvient avoir pleuré en découvrant qu’elle était enceinte d’Aloy, pas de bonheur mais de rage. Oh grand jamais elle ne regrettera d’avoir eu sa fille seulement, souvent elle se dit qu’elle était trop jeune à l’époque, pas prête et n’a pas réellement eu le choix alors qu’elle aurait préféré attendre encore. La pilote a détesté ses longs mois à rester cloîtrée chez ses parents sur sa planète d’origine, a détesté être loin de ses amis et coéquipiers, être inutile et couvée à l’extrême. Aujourd’hui elle n’est plus la gamine de vingt ans qu’elle était à l’époque, elle est plus mature néanmoins la grossesse continue d’être une chose qu’elle trouve effrayante.
Elle regarde Diarmuid, son visage a cette expression si difficile à lire, ce sérieux qui le ne quitte pas et la raideur d’un Général. Cela ne rassure pas Moira qui ignore sur quel pied danser : oh comme elle aimerait pouvoir disparaître dans un trou de souris ! Il est impossible de savoir ce que Diarmuid peut bien penser, ressentir alors que la confusion, la peur, se lit si aisément dans le regard sombre de Moira. Elle pourrait prendre sur elle, avoir un visage impassible et camoufler son trouble seulement elle n’en a pas l’envie ni même la force. Plusieurs jours qu’elle refoule tous ses états d’âmes et son malêtre, sauf qu’elle est fatiguée de porter ce foutu masque et que cela ne sert plus à rien, maintenant que son secret n’en est plus un. Sa réflexion arrache à la brunette un rire nerveux tandis qu’elle n’ose plus bouger ni rien dire. Ses bras sont toujours croisés contre son ventre, elle hoche vaguement des épaules à sa question.

« Je… Tout est confus. » Murmure-t-elle, le regard fuyant.

Ses yeux se sont remplis de larmes qui dégoulinent le long de ses joues pâles. Parfois, Moira se demande ce qui lui a pris de choisir de vivre une vie aussi compliquée, dangereuse et incertaine. Elle a appris, avec les années, que toutes les décisions doivent être prises après mûre réflexion, qu’il faut toujours peser le pour et le contre. Moira a essayé de le faire, toute seule dans sa chambre et durant ses longues nuits d’insomnie. Gwen avait tenté d’aider son amie mais la pilote s’était rendue compte qu’elle ne pouvait pas prendre la bonne décision, pas toute seule en tout cas. Y en a-t-il seulement une, de bonne décision ? Tout va vite, oui, mais avec la vie qu’ils vivent, on ne peut pas dire que le temps soit quelque chose dont ils peuvent jouir aisément.
Les bras de Diarmuid l’entourent et après une brève hésitation, les doigts de Moira viennent doucement caresser les cheveux du brun. Son esprit commence petit-à-petit à redevenir limpide, le stress diminue, elle se sent un peu mieux. D’une main, elle vient essuyer ses yeux encore larmoyants puis baisse son regard pour le regarder lui, à genoux et sa tête blottie contre son ventre encore plat. Il est impossible d’effacer toutes ses angoisses d’un revers de la main, de faire disparaître les doutes qui subsistent mais dans son esprit Moira commence à imaginer ce bébé ; leur bébé. Peut-être aura-t-il les mêmes yeux clairs que son père ou à l’inverse ceux sombres de sa mère ; à qui ressemblera-t-il le plus ? Le coeur de la pilote se serre légèrement, se pourrait-elle qu’elle se soit déjà, et malgré elle, attachée à cet enfant ? Et si elle avait finalement envie d’avoir ce bébé, de choisir de vivre une vie un tant soit peu normale ? Serait-ce si mal que cela ? Doivent-ils s’en vouloir d’avoir envie d’un peu de banalité dans cette existence mouvementé ? Beaucoup d’interrogations. Délicatement, elle effleure l’une des joues de Diarmuid  

« Je ne peux pas prendre une décision toute seule… Ce bébé a un père. Toi. »

Si il y a eu quelques doutes sur la paternité, ceux-ci ont été bien vite effacés. Moira n’en a plus aucun, elle sait qu’il est le père de l’enfant, ses maintes calculs l’ont prouvé et le dernier droïde médical a été plus que précis quant à la date de procréation ; ne laissant plus aucun doute possible.

« Cela ne sert à rien de le cacher, je suis terrorisée. J’ai les mêmes peurs pour cet enfant que j’avais et ai toujours, pour Aloy. Ce n’est sûrement pas raisonnable d’avoir un bébé avec la vie que nous menons mais… Je ne peux pas m’empêcher de déjà aimer ce bébé… Notre bébé. »

Encore une fois, les grands yeux sombres de Moira deviennent larmoyants et elle se mord les lèvres. Les peurs subsistent mais dans tout ce chaos il y a au moins une certitude qui s’est détachée du reste et c’est une grande avancée. Elle le veut, ce bébé. Elle a déjà l’envie de pouvoir le serrer entre ses bras, vivre tout ce qu’elle n’a pas pu avec son aînée, des choses simples mais qui lui ont toujours manqué.

« J’ai besoin de toi à mes côtés, dans ma vie. Et dans celle du bébé. Bien sûr, le choix t’appartient… »

Après tout, peut-être ne veut-il pas d’une responsabilité de plus à endosser même si, connaissant le Général, il n’est pas du genre à ne pas assumer. Sauf que Moira ne veut pas qu’il se sente obligé de devenir père si il n’en a pas envie ; il n’y rien de pire que d’imposer ses choix à une personne qui n’aurait rien demandé. Si il préfère rester à l’écart eh bien… Sûrement sera-t-il temps pour Moira d’écouter sa mère et de revenir sur Yavin IV. Ce que la pilote ne souhaiterait pour rien au monde..

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Il pensait aux morts comme il pensait aux vivants, et son visage restait ce masque indéchiffrable par delà l'honneur et la sévérité. Il y avait un coeur de pierre en lui, un coeur pour le devoir, un coeur pour la raison, quant aux autres qu'étaient-ils alors? Les spectres de la vie que Diarmuid aurait pu un jour se construire. Existait-il un autre univers, une autre galaxie, où un double de lui-même jouerait de tout ce qui lui était refusé là alors? En ce cas, quelle valeur pouvait posséder sa propre existence?
Parce que la douleur était un coeur humain, et les doigts de Moira s'accrochaient aux lambeaux de son âme lorsque tout redevenait poussière pourtant.
Le spectre de Shirakz était là, entre eux, et Diarmuid continuait de l'aimer. Il y avait ses sentiments pour Moira aussi, ceux-ci étaient sincères et le général les comprenait sans peine, mais il y avait ce deuil qui continuait de le tuer encore et encore.
De la même manière qu'il avait lui, tué sa femme.
Alors les larmes restaient dans ses yeux malgré Moira qui, patiemment les essuyaient encore et encore. Il écoutait ses mots, la tête lourde, le coeur en sang. Quel décision pouvait-il prendre, hein?
Diarmuid en avait assez de choisir quand aucune solution ne pouvait exister. Il continuait à se battre malgré tout contre toutes les gueules capable de le dévorer, et il y en avait tant, oh Force il y en avait tant....

”Comment puis-je faire la moindre chose sans Son pardon à elle?”

Ses bras incapable de lâcher Moira, ses souvenirs aussi, la silhouette de sa mère comme un chagrin alors qu'elle savait abandonner un mari à une mort certaine. Parfois, Diarmuid avait songé à lui demander : “ Mère, quand nous nous sommes enfuis, qu'avez-vous laissez là bas d'un mari ou d'un amour?”
Dans le secret et la froideur de l'Empire, l'un ne semblait pouvoir exister avec l'autre. Avec Shirakz, lui-même avait laissé un amour, un coeur et cela ne reviendrait jamais. Être avec moira alors, c'était emprunter un peu le coeur de la jeune femme pour ses propres battements à lui plutôt que de s'enivrer à celui d'inconnues encore et encore au fur et à mesure des nuits à la manière d'un bien étrange vampire.
C'était cela alors, le poids de la jeune femme dans sa vie alors qu'il vieillissait de plus en plus, qu'elle, elle restait jeune. Quant au bébé....

”Le.... le père de ton bébé sera un général, Moira. Je ne peux abandonner la Résistance pas plus que je ne pourrai vous abandonner vous, tous les trois....On aura des sacrifices à faire encore, tous. Mais je ne connais pas d'autre manière d'être père...”

La sincérité, comme s'il ne leur restait plus que cela dans cette chambre vide et remplie tout à la fois. Diarmuid ne pleurait plus, ses larmes avaient tari, non son chagrin. Il y aurait du bonheur pour leur bébé, il y aurait de la joie, que leur sacrifice à eux servent à quelque chose enfin, et peut-être était-ce là la solution?
Quelque chose en lui se contracta à nouveau. Il y en avait ici qui avaient perdu des enfants, douleur étrange et indescriptible quand aucun mot n'existait pour qualifier le père qui n'a plus de fille, la mère qui n'a plus de fils...
Certaines choses ne nous retourneraient jamais, avait murmuré Leia un jour. Et Diarmuid sentit l'envie d'hurler naître en lui, comme un coup de poing au coeur. Hurler au monde, hurler contre le monde car il était sale, car il était laid, sans rêve ni pardon lorsque le général ne voulait offrir que cela pour son enfant à venir.
Il ravala son cri cependant, il se releva avec toute la désinvolture qui était sienne, mélange de flegme et de responsabilité tout à la fois “ah je dois être debout? Ainsi soit-il alors”, et ses bras ne lâchèrent jamais la petite brune.

”J'ai peur moi aussi, peur qu'il naisse et grandisse dans un monde où l'on serait incapable de se souvenir de l'amour. J'ai peur du monde tel que le veux le Premier Ordre, et bien sûr qu'on pourra lui enseigner la tendresse et l'affection, mais après? Aucun de nous n'a les épaules assez solide pour lui faire comprendre la nécessité de chacun de nos sentiments... Nous n'y arrivons même pas avec nous-même!”

Il y avait trop de choses entre la rage des mots, il y avait le désespoir d'un veuf, l'angoisse d'un père, il y avait le combat d'un soldat aussi, et tout ce que cela impliquait du pouvoir du Premier Ordre qui grandissait encore, qui grandissait toujours.
Ils s'abritaient dans un château de verre, eux, les résistants, aveuglés par leurs idéaux, mais qu'étaient-ils face au monde?

Ce que nous sommes? Pas assez, jamais assez...

Et soudain le général commença à avoir peur de lui même également: quel homme serait-il lorsqu'enfin viendrait le temps de prendre un bébé, son bébé, dans ses bras?


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Combien d’années encore devrait-il s’autoflageller pour ce qu’il a fait ? Peu de personnes peuvent le comprendre entièrement, pas même Moira oserait dire qu’elle sait ce qu’il vit parce que ce n’est pas le cas. Elle n’a pas envoyé le missile qui a détruit le X-Wing de son mari et pris sa vie, n’en a pas donné l’ordre et quand bien même elle culpabilise de l’avoir poussé à la suivre dans la Résistance, elle ne l’a pas tué. Pas directement. On ne peut mettre sa vie en suspens pour attendre un quelconque pardon, les morts ne parlent pas et ne sont plus que des souvenirs qu’il faut laisser reposer en paix. Certains se cachent derrière ces ombres pour se protéger des vivants, se protéger de la peine que pourrait engendrer le trépas d’un autre être cher. Sauf que c’est cela, être vivant, c’est aussi ressentir de la douleur et on peut bien construire toutes les forteresses possibles : elles finissent toujours par s’effondrer. C’est c’qu’elle a fait Moira, après la mort de Gavin, jusqu’à ce qu’elle se rende compte que c’était futile, qu’elle ne pouvait pas passer sa vie à protéger son coeur d’un ennemi impossible à vaincre. Alors sa bouche s’entrouvre mais finalement, Moira ne dit pas un mot, elle ignore si c’est sa place que de lui dire quoi faire, de laisser enfin partir ce fantôme. Et ce même si c’est douloureux de lâcher prise. C’est indescriptible cette douleur qui vous détruit le coeur, consume votre âme lorsqu’on consent de se séparer d’une ombre qui vous suit en permanence. Mais on se sent mieux aussi, après, on peut réapprendre à vivre sans cette culpabilité d’être en vie. Moira ne peut rien faire pour lui, à part être là mais ce n’est pas elle qui fera disparaître le fantôme parfois pesant de la femme du Général. Elle n’en a ni le droit ni le pouvoir, c’est à lui et lui seul de le faire… De le vouloir. Ca aussi, ça lui fait peur à Moira, de ne pas réussir à trouver une place légitime dans la vie du brun. Une question qui la travaille, la fait douter quant au futur. Elle ne peut pas et ne veut pas rivaliser avec un fantôme, la pilote aurait l’impression d’être de trop. La jeune femme retient un soupir, a-t-elle raison de s’inquiéter pour ça ? Tant pis si elle est un peu malheureuse, tout ce qu’elle veut c’est que ses enfants ne le soient pas, c’est tout ce qui importe.

Mon père, ce héros. Celui de la pilote en est un, pour elle. Il ne correspond pas aux critères du héros, n’a jamais combattu, ne s’est jamais sacrifié pour une quelconque cause mais ça ne change rien. Si certains portent sur leurs épaules le futur de la galaxie et son poids, son père a toujours eu celui de ses huit enfants ainsi que du restant de leur famille. Il est cette figure apaisante malgré sa carrure impressionnante et son air un peu bourru, sous son épaisse moustache grise. Jamais Moira ne l’a entendu élever la voix, sa femme le faisait pour lui pour maintenir l’ordre dans une maison bien souvent désordonnée et bruyante. Et lui il est toujours là, au milieu du chaos familial à attendre que l’ouragan finisse par passer. Il n’y pas un seul type de figure héroïque, parmi ceux qui finiront aux Panthéons il y a les autres, ceux de tous les jours qui sont parfois là juste pour calmer des pleurs. C’est sûrement le héros dont a le plus besoin un enfant, celui qui chasse les monstres cachés sous le lit ou apaise les bobos. Celui qui est là, tout simplement. Et Diarmuid ? Il est peut-être un général mais il sera là, non ?

« Et cela n’a aucune importance, Diarmuid. Notre enfant saura qui est son père, son rôle ; je ne doute pas une seule seconde qu’il sera fier de toi. »

Il se relève et la pilote ne bouge pas d’un cil avant de finalement venir appuyer sa tête contre le torse du brun. C’est à son tour de fermer ses paupières durant quelques instants, elle est épuisée. Le stress est retombé, celui qui la tenait éveillée depuis quelques jours et maintenant, elle pourrait presque s’endormir sur place. Elle se contente juste d’écouter Diarmuid sans rien dire. Bien sûr qu’il a peur, toute personne douée de raison serait effrayée que de mettre au monde un enfant dans une galaxie aussi chaotique sur laquelle l’emprise terrifiante du Premier Ordre se referme un peu plus, tel un étau. Pourtant, rien n’est perdu, non ? On peut trouver le bonheur même dans les moments les plus sombres, il suffit de se souvenir d’allumer la lumière. Après quelques instants, la brunette relève la tête afin de regarder Diarmuid dans les yeux, ses doigts dessinent la ligne de sa mâchoire avant de venir se glisser à nouveau dans ses cheveux sombres.

« Peut-être devrions-nous essayer de nous focaliser un peu plus sur autre chose que nos peurs et angoisses. Ne serait-ce que pour quelques heures, oublier cette galaxie chaotique et tout ce qui peut peser sur nos épaules… »

Mais peut-être est-ce trop demander ? Moira enfouit son visage contre le torse de Diarmuid, respire son odeur et écoute les battements de son coeur qui résonne dans sa cage thoracique. Sa tête est juste lourde, tout son corps l’est, au point qu’elle se demande comme elle tient encore debout. Ah oui, sûrement parce qu’elle est limite appuyée de tout son poids contre le Général. Il lui faut quelques secondes pour s’en rendre compte et pour qu’elle finisse par se redresser tout en passant une main sur ses yeux épuisés.

« Pardonne-moi, la journée a été interminable et j’ai l’impression de dormir debout. »

Moira rit doucement, elle se sent tellement fatiguée qu’elle serait bien capable de dormir trois jours d’affilés sans se réveiller. Enfin dans la pratique, ça ne se produira jamais mais ne serait-ce que quelques heures de repos, avoir l’esprit vide de toutes pensées… Oh qu’elle en rêve ! Sûrement ferait-elle mieux de s’asseoir alors que ses jambes lui donnent l’impression d’être en coton. A contrecoeur, la jeune femme se détache de Diarmuid pour faire quelques pas -légèrement chancelant mais elle gère- jusqu’au lit sur lequel elle s’assied. La tête entre ses mains, elle inspire et expire profondément pour faire partir les petits points qui dansent devant ses yeux. Quelle désagréable impression déjà-vu d’il y a sept ans.

« Si c’est comme pour Aloy, il serait peut-être plus raisonnable que j’évite de piloter. J’avais la fâcheuse tendance à m’évanouir de façon complètement aléatoire. Elle soupire, dépitée, et se passe une main sur la nuque. Laisse-moi te souhaiter bon courage pour me supporter pendant les semaines à venir. »

Il en aura besoin, le Général.

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Moira & Diarmuid

Il ne pourrait jamais cesser de pleurer pour Shirakz, son feu ardent disparu et le coeur qu'il avait adoré comme l'on adore les dieux. L'amour était une chose multiple cependant : simple étreinte parfois, ou bien mots plutôt que gestes...
Parfois un homme, parfois une femme, les deux peut-être. Une personne comme plusieurs....L'amour, hydre aux mille visages, et quand une tête tombait, une autre pouvait repousser.
Mais il ne fallait pas abandonner, même si les fantômes restaient.
Diarmuid pensait aux jours passés et au soleil, la voix de Shirakz alors que lui-même pinçait les cordes de sa guitare. Des rituels qui n'appartenaient qu'à eux, des colères aussi et des disputes, trop de choses, tellement de choses.
Moira ne lui offrait pas le vide, elle était une autre porte à ouvrir, un chemin différent. La comparer à Shirakz? Inutile, cela aurait été injuste pour l'une comme pour l'autre, car Moira possédait également des qualités ayant cruellement manquées à la décédée. Moira possédait son histoire propre, son vécu, ses deuils également et ses espoirs. Il n'attendait rien d'elle, car le général n'avait pas à la modeler à ses propres désirs à lui, acceptait ce qu'elle était bien que cela puisse signifier s'affronter parfois, s'affronter souvent.

Le silence devenait grave, solennel. Il n'y avait pas de réponses à ses questions sur Shirakz, à son envie de pardon ainsi que l'autre femme le lui signifiait. Continuer à vivre, porter cette interrogation était une douleur insupportable pour Diarmuid. Une douleur qu'il devait s'infliger à lui-même, non à Moira...
L'esprit brumeux, il se rendit à peine compte du poids de la brune contre lui. Elle s'appuyait pourtant, bien sûr qu'elle s'appuyait. Et c'était bien là son rôle, non? Être le pilier stable pour les fondations branlantes de tout ce qu'ils pouvaient aimer ou représenter.
Un peu ailleurs toujours, il acquiesça. Lui suspendre ses activités de pilotage n'était pas un problème pour lui, il savait que la jeune femme saurait s'occuper à d'autres tâches. Des tâches assises.
Quant à Dashara, leader des Rogue, elle aussi reconnaîtrait qu'il s'agissait là d'une question de sécurité...

A présent, Moira lui faisait face sur le lit, la fatigue trop présente avait empêché Diarmuid de se rendre compte de ses mouvements. Dans sa tête à lui, une cloche teintait, étrange, lugubre. Combien d'heures lui restait-il avant de retourner s'échiner à la tâche, hein? Le repos se glisserait-il entre ses mains au moins un peu.?

”Elles le sont toutes en ce moment, interminables...”

Vraiment? Non, un mensonge, un de plus, Diarmuid faisait tout pour les rendre ainsi, là était la différence. Que ne vienne jamais le temps du repos encore une fois....Rester grave, rester concentré, par la fenêtre il y avait la nuit et que dirait-il à son enfant lorsque les premiers pleurs viendraient, et avec eux la peur du noir?

”Je suppose qu'il va falloir que tu rencontres ma mère....”

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Moira relève la tête rapidement, un air surpris sur le visage, ne s’attendant clairement pas à entendre ce que vient de dire le Général.

« Quoi ? Oh. Oh… J’avais complètement oublié les parents. Il va falloir que tu rencontres également mon père et ma mère. »

A nouveau, la brune se passe une main sur le visage en soupirant. Avec tout ce qui lui est passé par la tête, toutes ses inquiétudes, il ne lui est pas venu à l’esprit une seule seconde qu’il faudrait en parler aux parents respectifs. Et les rencontrer. Une vague nouvelle de stress la submerge : rencontrer la mère de Diarmuid, comment a-t-elle pu oublier le fait que ça s’imposerait ? Elle n’a aucune expérience en la matière, la brune n’a jamais eu à rencontrer les parents de Gavin, ils se connaissaient depuis toujours et ses beaux-parents faisaient déjà partie de la famille avant même d’être mariée à son époux. Et si elle ne l’appréciait pas ? Et si elle ne la trouve pas assez bien pour son fils ? Encore tout un tas de questions qui viennent encombrer l’esprit déjà bien trop saturé de la pilote. Il lui faudra également introduire Diarmuid auprès de ses parents, de sa famille toute entière qui est, très étendue. La brune ne doute pas que sa mère et son père approuveront leur relation sans la moindre hésitation, ce n’est pas vraiment ça qui l’angoisse mais plutôt devoir annoncer sa seconde grossesse à sa mère. Elle ne connait que trop bien sa mère, qui à chacune de ses visites la supplie presque de ne pas repartir. Moira ne comprend que trop bien la peur viscérale que ressent Abygaïl lorsqu’elle voit sa fille repartir dans son vaisseau sans pouvoir savoir si elle la reverra. La pilote ressentirait la même chose si c’était sa propre fille qu’elle laissait partir comme ça. Sauf qu’elle ne supporte pas qu’Abygaïl puisse utiliser Aloy comme argument, moyen de pression pour la faire revenir dans la maison familiale. Cela sera pareil avec ce nouveau bébé, pire même. Double pression. Elle voudra probablement que Moira passe sa grossesse sur Yavin IV au « calme » et loin de l’agitation ou du stress de la Résistance. Jamais.

Elle se lève brusquement du lit, comme si cela allait suffire pour faire partir la panique qui l’étreint. Ses foutus souvenirs qui l’assaillent, Moira peut presque sentir la cicatrice sur son ventre devenir douloureuse, la brûler et inconsciemment elle frotte sa peau à travers le tissu de son vêtement. Des années que la jeune femme n’avait pas eu ces images en tête, elle les pensait derrière elle, oubliées et qui ne l’atteindraient plus jamais. Apparemment, elle avait tort. La pièce est d’un coup trop petite, les murs trop oppressants, il lui faut de l’air. Respirer. Avant qu’elle ne craque pour de bon.

« Pardon, je te tiens éveillé alors que tu as besoin de dormir. Nous avons plusieurs mois devant nous, on aura largement le temps de parler de tout ça. Je vais te laisser te reposer. »

Il faut qu’elle se hisse sur la pointe de ses pieds afin de venir déposer un baiser au coin des lèvres de Diarmuid avant de s’éloigner pour s’approcher de la porte. Elle s’apprête à l’ouvrir lorsqu’elle se retrouve stoppée dans son mouvement par une question qui la tracasse. L’hésitation la fige le temps de quelques secondes puis finalement, elle se décide à ouvrir la bouche, toujours de dos à Diarmuid :

« Juste… On ne va pas me renvoyer sur Yavin IV, hein… ? Sa voix tremble, trahissant sa peur. Je… Je… »

Sans crier gare, la brune éclate en sanglots. Ses mains cachent son visage, les larmes qui coulent sur ses joues et tout son corps est secoué de tremblements. Putain ce qu’elle ne veut pas revivre tout ça, revivre cette même souffrance physique, cette détresse. La situation est pourtant bien différente de la première fois mais il semblerait que ces évènements soient indélébiles, que le traumatisme soit trop ancré dans le subconscient de la brunette pour qu’elle puisse appréhender la naissance sans craintes.

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Il la regarda pleurer, pensa aux larmes qu'avait déjà eu Shirakz, les larmes qu'il n'avait jamais consolé. Parce que ce n'était pas leur relation, ça ne l'avait jamais été. La jeune femme avait du apprendre à se débrouiller seule, à ne pas avoir peur de lui, de ce qu'elle ne pouvait deviner de son amant, de son mari. Il avait été un trop grand secret pour elle peut-être, parfois trop froid, parfois trop cruel sans la moindre innocence pour compenser cela à la manière d'un enfant trop vite grandi. Non, parce que Diarmuid était soldat, ne pensait pas avec son coeur, se l'interdisait. Pourtant son coeur battait, et peut-être que Shirakz riait un peu à présent si les morts en avaient le droit.
Parce qu'il souffrait le martyr, que l'absence était là, que l'absence restait, qu'il n'avait pas été digne d'elle et surtout, le savait.

Le général soupira un peu, releva la tête de moira d'une main et, par un geste habile, doux, essuya ses larmes du bout des doigts dans un mouvement rapide. Aussi rapide qu'un tir de blaser, qu'un lancer de couteau peut-être, guerrier un jour, guerrier toujours.

”C'était une blague pour ma mère, et non tu ne retourneras pas sur Yavin, surtout dans un état psychologique aussi instable. Le Premier Ordre est partout, la torture ne les a jamais effrayé, inutile de faire de toi une proie de choix pour leur dire où nous nous cachons.”

Et Diarmuid ne pouvait concevoir que l'on puisse vouloir retourner dans un foyer, dans une famille. Aucune planète n'avait chez elle, une maison ayant compté pour le général, quant à sa mère... Yassika était fille de soldat, veuve de soldat et mère de soldat, elle savait tous les enjeux que cela impliquait, y compris de ne plus voir son fils de longues années peut-être.
La dernière fois qu'il lui avait rendu visite, Shirakz venait de mourir, la Résistance avait décidé de le nommer général et Diarmuid avait cru se suicider dans la nuit.
Sa mère l'avait accueilli avec son silence caractéristique. Il y avait du soleil dans ses cheveux, incapable de les vouloir blancs, elle continuait à les teindre dans une coquetterie désuète. Elle n'avait pas eu besoin de cela pour rester belle cependant.
Toute la nuit, elle était restée à son chevet, parlant lorsque cela devenait nécessaire, le laissant se cacher dans son silence le plus souvent. Elle l'avait bercé, avait pleuré un peu avec lui pour qu'aucune larme n'ait un goût de honte et le lendemain, Diarmuid s'en était allé à nouveau.
Un instant il l'imagina comme il se la rappelait souvent, le regard lointain, le visage à demi tourné vers la fenêtre, vers le soleil, comme songeuse face à la lumière. De nature, Yassika était songeuse par rapport à tout, parfois Diarmuid pouvait retrouver ce trait de caractère en lui-même également.

”Tout déplacement, tout contact avec l'extérieur pour autre chose que des missions, est un trop grand danger. Les missions comprennent assez de risques comme cela...”


Il referme la porte, a remit Moira à l'intérieur. Dans le couloir, personne ne s'inquiétera du bruit, il le sait. Trop de personnes venaient frapper à sa porte pour pleurer. En silence, le général se rasseoit, oublie l'idée de dormir. Il a pris sa guitare sur ses genoux, commence à en pincer les cordes, à l'accorder.
Et puis il joue une mélodie simple, un peu triste, un peu déterminée aussi, comme leur vie à eux, sur Fenves. Un accord gratté, rageur, quelques arpèges parce que...pourquoi pas? Un rythme, caché dans le rythme, une mélodie, et cela remplaçait le chant parce que Shirakz n'était plus là pour chanter, sa voix avait disparu.
Il joue, Moira peut s'asseoir, écouter, elle peut parler aussi. Sa voix à elle existe encore. Il y a une carafe d'eau, il y a toujours une carafe d'eau ici, et de quoi grignoter aussi, parce que parfois il faut se remplir l'estomac pour se vider la tête.



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Ce que Moira peut détester lorsque ses émotions la submergent, lorsqu’elle n’est pas en mesure de tout contrôler, refouler, ravaler ces larmes et ces sanglots qui la trahissent. Elle y arrive pourtant bien, d’une façon générale mais personne ne peut tout garder pour soit trop longtemps. On accumule, on enfouit au plus profond en essayant d’oublier un malêtre et tout s’empile, s’encombre, jusqu’à ce qu’un beau jour, tout ne s’écroule. Sûrement que les hormones ne l’aident pas, à ce moment précis et elles ne l’aideront pas pendant un moment. La brune se souvient être passée en un claquement de doigt du rire aux larmes, de l’apaisement à une rage totale avant de s’apaiser à nouveau. Incontrôlable. Son corps, ses émotions, cette impression de faiblesse face aux événements et cette impression de ne plus s’appartenir. Elle n’aime pas ça, déteste même ne pas être en mesure de contrôler ses réactions, de voir son corps devenir un étranger. C’est le prix à payer et elle l’accepte, difficilement mais elle l’accepte. Parce que ça en vaut le coup, finalement. La brune n’a qu’à penser quelques instants à sa fille pour se dire que, même si ça lui semble interminable, même si elle est morte de peur, ça en vaut la peine. Sa fille en valait la peine et ce bébé également. Alors Moira prend de grandes inspirations, termine de pleurer un bon coup car ce n’est pas en gardant tout pour elle qu’elle se sentira mieux. Tant pis, ce n’est pas la première fois qu’il la voit pleurer et ce n’est certainement pas la dernière. Le poids qui pèse lourd sur ses épaules se fait un peu plus léger à mesure que les larmes continuent de dégouliner sur ses joues pâles et son noeud à l’estomac se détend. Elle se sent mieux. De nombreuses questions demeurent mais elle a le temps d’y trouver des réponses, de longues semaines, mois, devant elle.

Il est assis mais Moira reste encore quelques instants là, planté en plein milieu de la chambre à finir de sécher ses larmes. Les notes résonnent entre les murs et l’ouragan qui faisait rage en elle s’est enfin apaisé. Peut-être pas pour longtemps, probablement reviendra-t-il aussi violemment mais mieux vaut profiter de l’accalmie autant qu’elle durera. Les yeux sombres de la pilote observent les doigts sur les cordes ; la musique n’est pas son domaine, ne saurait quoi faire d’un instrument entre ses mains et se contente de fredonner des berceuses à Aloy. Pourtant elle apprécie la musique, les sensations qu’elle peut procurer, les diverses émotions. Et là, c’est le calme. Juste le calme. Moira aperçoit du coin de l’oeil son éternel carnet qu’elle a probablement laissé là avant de partir. Ca ne lui ressemble pas, elle l’a toujours sur elle ; sûrement était-elle trop préoccupée au moment du départ pour penser à le récupérer. Elle l’attrape avec le crayon posé dessus puis retourne s’asseoir sur le lit. Les pages noircies de dessins, croquis et parfois notes, défilent sous ses yeux avant de trouver un espace vierge. Tout en écoutant d’une oreille la musique, la pilote tente de rassembler ses souvenirs. Ils sont emmêlés, il est difficile d’extirper le bon d’entre tout le mauvais qui entache le tout. Les premiers traits sont hésitants, tracés avec lenteur pour aider à éclaircir sa mémoire. Ca revient, les détails se font moins flou à mesure que le crayon glisse sur le papier. Aloy était un si petit bébé, minuscule même, avec ses traits délicats bien que pas encore totalement définis. Puis ses grands yeux bleus, comme des billes, qui l’avaient fixée brièvement lorsque Moira avait tenu sa fille pour la première fois. Juste quelques secondes avant de fuir pour tourner le dos à ses responsabilités et son coeur brisé ; la prochaine fois qu’elle la reverrait, l’enfant aurait déjà plus d’une année.

« J’ai manqué trop de choses avec Aloy, je n’avais pas même le droit de la tenir dans mes bras plus de cinq minutes avant que ma soeur ne me l’arrache des bras. C’était tellement… Frustrant. Mais je sais que cette fois ce sera différent. »

La brune relève les yeux de son dessin durant quelques instants avant de rabaisser la tête pour arranger la courbe d’une ligne qui lui déplaît, qui n’est pas comme elle devrait l’être.

« Toutes les inquiétudes, les peurs, les larmes… Un enfant chamboule toute une vie mais ça en vaut tellement la peine. Ils donnent un sens concret à ce qu’on fait, à cette lutte. Peut-être que nous ne connaîtrons jamais la paix mais il y a de l’espoir pour le bébé et Aloy. »

La Galaxie telle qu’elle est aujourd’hui, ce n’est pas ça que Moira veut pour ses enfants. Elle n’a pas envie qu’ils vivent dans la peur, sous le joug du Premier Ordre ou autre dictature. Elle sait qu’en grandissant au milieu de la Résistance, il sera difficile de les protéger de tout ça, d’épargner le plus possible leur enfance et de converser une certaine innocence dans cet univers violent. Pourtant Moira essayera, pas la peine de leur mentir mais pas la peine non plus de leur balancer tout le poids de la Galaxie sur leurs frêles épaules. Des enfants doivent avant tout être des enfants et laisser aux parents les responsabilités qu’ils affronteront bien assez vite.

« Tu seras un bon père. »

Elle dit ça sans relever la tête de son dessin, c’est une affirmation, une certitude. Moira referme le carnet avant de le poser sur la table de chevet la plus proche d’elle. La jeune femme se frotte un peu les yeux et se laisse tomber le dos contre le matelas, la tête dans l’un des oreillers. Peut-être est-ce temps d’essayer de dormir, avant que les angoisses ne reprennent le dessus.

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Il n'a pas la même conception de la vie que Moira, pour Diarmuid, manquer des choses est la logique même de son existence. Des sacrifices, des choix difficiles, des gens que l'on perd, d'autres que l'on ne doit pas connaître sous peine de faiblir, de flancher. Il se rappelle les mots mots de son père, ceux qu'il récitait toujours, un peu ivre, alors que sa femme le regardait en silence, acceptant cette leçon pour leur fils unique: Aucun bon général ne connaît une mort dans son lit.
Il n'est plus jeune, Diarmuid, plus comme avant, cependant et même s'il ne participe plus aux batailles de la même manière, quelque chose le fauchera avant son heure. Le soldat voue sa vie au combat, tant de choses l'ont déjà prouvé, tant de choses le prouveront encore... Jouer à une vie normale? Cela le rendrait fou, et les autres mots de Moira l'étouffent un peu plus.
Un bon père, vraiment? Il pense au sien, bien sûr qu'il pense au sien. A ce dernier échange aussi, à cette fierté qu'il avait du être tellement dur d'avoir pour son père aux yeux gris. Envoyer son enfant chez ses ennemis, ceux que l'on combattait depuis des vies et des années, et l'aimer de tout son corps pour être fier de cela, voilà ce qu'un bon père se devait d'être pour Diarmuid. Un père qui ne serait jamais une ombre dangereuse, un poids pour le fils, à combattre, à surpasser, à chercher à rendre fier.
Il ne pouvait imaginer faire le même sacrifice, imaginer que la survie de son enfant pourrait un jour vouloir dire l'envoyer au Premier Ordre avec de quoi lui assurer une bonne vie là bas. Pourtant de telles choses existaient, avaient existé, cela était son histoire à lui, mais à l'envers, et la galaxie aimait à tourner et retourner les vies et les destins en choses cycliques.

Diarmuid ne voulait plus réfléchir, il continuait à jouer, à gratter les cordes, les yeux dans le vague. Des questions effroyables tournaient dans sa tête: lui qui avait été capable de sacrifier une femme, amour de sa vie, ne pourrait-il un jour porter le même choix effroyable sur l'enfant à naître pour peu que cela aide la Résistance?
Suivre un tel chemin lui aurait demandé d'exiger de Moira un avortement, il ne le faisait pas, n'y pensait pas. Mais après, d'autres choix viendraient, alors les menaces se tapissaient là, dans son coeur, s'y faisaient un nid douillet, blotties entre elles, ricanantes et grimaçantes.
Il ne regardait pas la jeune femme à ses côtés sur le lit, tout simplement parce qu'il n'a pas besoin de ses yeux pour la voir, sentir sa présence, la savoir là avec lui comme perdue dans ses pensées à elle en même temps. Un enfant, cela était beaucoup de choses, un père aussi. Et il y a ce que dit Moira également, sur elle, sur Aloy, qui le fait murmurer par delà sa mélodie.

”Parfois, pour être un bon parent, il faut savoir abandonner son enfant.”

laisser Aloy à sa famille n'avait peut-être pas été un bon choix, cependant il avait été nécessaire. Les gens s'arrêtaient vite, bien trop vites aux notions de “bons” et de “mauvais”, sans comprendre qu'une bonne action entraînait des conséquences néfastes, tout comme une mauvaise pouvait se révéler bénéfique sur le long terme.
Le porteur du choix devait apprendre, accepter à souffrir plutôt que de se cacher dans un pseudo bien être moral. Après, cela devenait un martyr de tous les instants. Moira le savait, il y avait eu Aloy, d'un point de vue personnel, et puis toutes les décisions qu'elle avait également du prendre sur le champs de bataille, chacune avec son lot de conséquences...

”De l'espoir? “

Il soupire, n'en a plus. Voilà pourquoi l'impossibilité de Shirakz à porter un enfant ne le blessait pas, ne le rendait pas amer, Diarmuid se considérait lui-même comme un début et une fin, pas comme la première pierre d'une construction avec un nom à transmettre. Un élément détonateur, assourdissant, qui irait avec chacun de ses sacrifices. Aujourd'hui, le Destin, la Force, quelque chose le mettait sur un chemin différent. Il haussa les épaules, repris son morceau.

”Repose-toi, je ne repars pas tout de suite.”

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