Your heart and my heart are very, very old friends.

Après la tragédie de Yavin IV, Galen avait été le premier Jedi qu’elle avait pu recontacter. Il lui avait confié la mort de sa femme, mais également celle de Camilia, l’épouse d’Hayden Horn. Elle se souvenait du visage sombre du Chevalier ce jour-là, de ses traits tirés par la fatigue et de son regard hanté par une colère impossible à assouvir. Mara comprenait son désir de vengeance, même si elle savait que pour un Chevalier, cela avait d’autres répercussions. Le Côté Lumineux n’était pas fait pour ruminer une rage pendant des années, car cela les menait bien trop souvent sur le chemin obscur. Sans Myri, c’était probablement ce qui aurait pu arriver à Galen ; il aurait pu se perdre à travers sa colère, perdant ainsi foi en les préceptes qu’il chérissait autrefois. Songeuse, Mara effleura du bout du doigt la plante exotique disposée sur le comptoir. Au moins pouvait-elle haïr pour deux sans risquer de basculer du mauvais côté de la Force. Après un dernier regard aux images défilant sur l’hologramme, elle rejoignit son ami dans le salon, attrapant l’un des deux verres pour prendre une gorgée de whisky. Comme elle le craignait, l’enseignant avait été profondément touché par sa récente rencontre avec Lexi – laquelle n’était vraisemblablement plus la gamine enjouée qu’elle avait vu grandir.

Quelque chose en Mara se brisa en l’écoutant parler du poison ayant vicié sa filleule, le sentiment d’avoir perdu à tout jamais l’enfant qu’elle était s’ancrait profondément en elle. Même si elle ne perdait pas espoir de retrouver sa Lexi, plus rien ne serait réellement comme avant. Depuis Yavin IV, elle avait tenté d’occulter ce risque, mais il devenait évident que les choses avaient changé. Pour le meilleur comme pour le pire. Elle appuya son bras contre le dossier du canapé, pliant à demi ses jambes sous elle et gardant le verre en main. Au fur et à mesure que Galen parlait, le whisky disparaissait. Lorsqu’il en vint à parler de sa tentative d’assassinat, le sang de la Résistante se glaça… mais pas autant qu’en entendant ces mots sortir de la bouche de son compagnon. J’aurais limite préféré qu’elle soit restée sur cette maudite planète. La phrase frappa Mara comme un coup de poing dans l’estomac, la laissant à bout de souffle et nauséeuse. Laissant son verre vide sur la table basse, elle soupira longuement en glissant ses mains à travers ses mèches rousses pour ramener sa crinière en arrière. Etait-ce là le destin de tous les Jedis ? De perdre l’esprit, de se perdre eux-mêmes, de perdre leurs proches ? N’avaient-ils pas assez souffert depuis des siècles et des siècles ? Devaient-ils être perpétuellement ceux qui payaient le prix fort en temps de guerre ?

Ses pensées la ramenèrent inévitablement à Hosnian Prime. Le jour de sa destruction, Mara était en faction au bord du Protector. Elle n’avait rien pu faire pour protéger le noyau de la Nouvelle République, et elle ne pouvait même pas les venger pour le moment. Leia avait perçu le ressentiment que le commandant nourrissait en secret, elle l’avait apaisé de son mieux en lui promettant que le Premier Ordre serait réduit en cendres et que la République renaîtrait. Néanmoins, le mal était là, guettant la moindre occasion de s’exprimer. C’était en partie pour cela que la fille de Kuat se refusait à laisser sa tristesse s’exprimer. Si la peine disparaissait, il ne resterait que la colère sourdre et ardente. Or, elle ne pouvait pas prendre le risque d’être dominée par la rage. Pas alors que la Résistance comptait sur elle et son vaisseau pour remporter la victoire. La mort récente d’Han Solo ne faisait qu’attiser davantage le trouble de la jeune femme, ajoutant un nouveau poids sur ses épaules.

Après quelques minutes de silence, Galen reprit la parole en s’excusant et elle secoua doucement la tête. Elle ne lui en voulait pas, pas après tout ce qu’il avait traversé. Elle avait déjà conscience qu’il ne pensait pas réellement ce qu’il lui avait dit. Lexi avait été son Padawan, son apprentie, alors il se sentait tout autant concerné que Mara par son bien-être. Sans un mot, elle imita le Jedi en se servant un autre verre. Une ébriété même partielle serait plus avenante que ces sombres sentiments.

« Je sais, Gale. Tu as été face à elle, et je ne peux qu’imaginer ce que tu peux ressentir maintenant. » Elle détourna les yeux sur le whisky et sa robe ambrée. « Mais s’il ne reste qu’une once de la Lexi que j’ai connu, elle reviendra. Changée, brisée, mais aussi plus forte. » Un pâle sourire ourla ses lèvres. « Tu dois te dire que je suis naïve, seulement je préfère croire ça que songer un seul instant qu’elle est réellement perdue. Je ne l’ai pas vue comme toi, je ne sais pas vraiment ce que je lirais dans ses yeux si elle se trouvait devant moi aujourd’hui… Mais je ne la laisserais sûrement pas s’en tirer aussi facilement. » Elle fit la moue. « Une Horn ne doit pas se laisser abattre, quelles que soient les difficultés. Et si sa mère et son père ne sont plus là pour lui rappeler, ce sera à moi de le faire. Force ou pas, Côté Obscur ou non, je ne laisserais pas ma filleule terminer son existence dans un mensonge. »

Si elle avait la moindre idée d’où Lexi se trouvait, Mara s’y serait rendue sur-le-champ pour lui rappeler toutes les fois où, en digne marraine, elle avait couvert ses bêtises et ses espiègleries. Toutes les fois où, même en ne disposant que de quelques minutes avant une mission, elle avait tenu à contacter l’adolescente pour prendre de ses nouvelles. Elle avait beau ne pas avoir d’enfant, Lexi s’était avérée être ce qu’elle avait de plus proche d’une fille pendant toutes ces années. Et si Hayden avait disparu, tout comme Camilia, il était de son devoir de tenter tout ce qui était en son pouvoir pour la ramener parmi eux. Mara s’humecta les lèvres, reprenant une rasade de whisky en relevant les yeux vers Galen.

« Je suis contente que tu sois présent aux funérailles, même si j’aurais préféré te savoir ailleurs. En sécurité. » Elle inspira profondément, chassant les sombres nuages de Lexi. Ils ne pouvaient pour le moment rien faire de plus la concernant, si ce n’était ouvrir les yeux lorsqu’ils se trouvaient sur Naboo. « Et pour ta gouverne, même les Rogues sont plus ordonnés que Myri. »

Une touche d’humour ne pouvait pas leur faire de mal.

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L’inquiétude de Galen à son égard était touchante, trahissant le lien qui les unissait depuis des années, mais Mara n’avait jamais eu besoin que l’on veille sur elle. Femme indépendante, soldat accompli, elle savait prendre soin d’elle – même si ses méthodes laissaient à désirer lorsqu’il s’agissait de sa vie privée – et tolérait parfois assez mal que d’autres puissent prétendre le contraire. Les attentions du Jedi passaient bien mieux, puisqu’elle le connaissait et le tenait en haute estime, néanmoins de la part d’un autre, cette simple volonté de la tenir « à l’écart du danger » l’aurait facilement irritée. Qui plus est, Galen n’avait pas totalement tord : toutes ses techniques de combat, toutes les armes qu’elle pouvait déployer n’étaient presque rien face à la Force, or Lexi avait cet avantage sur elle. Si elle avait réellement perdu l’esprit, ou tout du moins la mémoire, rien ne l’empêcherait de s’en prendre à sa marraine avec ce pouvoir. Toutefois, Mara n’arrivait pas à avoir peur de cette alternative. C’était sa filleule après tout… et elle devait être quelque part, dans cet amas tortueux et perdu. C’était le seul espoir qui semblait lui rester pour elle.

« Ne t’en fais pas, Gale, je serais prudente. » Elle effleura brièvement sa main. « J’ai toujours eu du mal à appréhender la véritable influence du Côté Obscur, même si Hayden et Camilia n’ont pas cessé de me l’expliquer. Pour moi, nous possédons chacun cette faiblesse… parfois elle nous domine, et d’autres non. J’espère qu’au moins une partie de ce que je crois est valable. Pour Lexi. »

Le sujet dériva lentement sur les funérailles proches, et ils échangèrent leurs inquiétudes quant à se savoir mutuellement présents. Mara ne rajouta rien de plus, sachant pertinemment que le débat était stérile. Même s’ils craignaient pour la vie l’un de l’autre, ils avaient leur lot d’obligations qui ne pourrait jamais être mis de côté. La Républicaine n’abandonnerait jamais ses devoirs, et le Chevalier savait à quoi il s’exposait également. Tout ce qu’ils pouvaient espérer, c’était que cette journée soit plus paisible qu’ils ne le redoutaient. Puis les sombres nuages de cette discussion s’étirèrent, laissant entrevoir une atmosphère plus saine. Mara eut un sourire amusé en entendant l’anecdote ; Myri était visiblement aussi débrouillarde que ses parents, la fougue de la jeunesse en plus.

« Jusqu’au spatioport ? Mmh, m’est d’avis que toute cette course cache autre chose. Mais elle ne t’en parlera probablement pas. Tu sais, les filles ont toujours besoin de leur jardin secret... » Elle pencha la tête, portant le verre à ses lèvres. « A moins que tu ne parviennes à l’amadouer suffisamment pour qu’elle se confie à toi, évidemment. » A la mention du droïde, par contre, la rouquine eut un rire sincère. « Par les Etoiles, ne me dis pas qu’elle se traîne encore ce vieux modèle ? Walee ? Wadee ? J’ai rarement vu un robot aussi doué pour plomber l’atmosphère… ou mettre les deux pieds dans le plat. »

Son deuxième verre terminé, elle l’abandonna près de la carafe de whisky, mais c’était sans compter Galen qui lui servit une troisième dose. Elle lui jeta un regard faussement suspicieux, hésitant à lui rappeler que contrairement à lui, elle ne tenait pas aussi bien l’alcool. D’un autre côté, s’il y avait bien un endroit où elle pouvait se relaxer, c’était ici. Et cela l’aiderait à éviter de repenser au funeste destin de Lexi. Pour autant, elle ne trempa pas immédiatement ses lèvres dans le liquide ambré, préférant répondre à la nouvelle question du Jedi.

« Dernier ordre d’une République au crépuscule de sa vie. Mon affectation a eu lieu juste après la destruction d’Hosnian Prime, ils n’étaient pas en mesure de répliquer et savaient que Leia s’était au contraire préparée de son mieux. Nous avons toujours soutenus… officieusement les actions de la Résistance, mais là il n’y a plus de place pour les hésitations. La Générale est ravie de compter un croiseur lourd parmi sa flotte. » Comme souvent, Mara rechignait à se mettre en avant. N’étant pas vantarde pour un sou, elle préférait valoriser son vaisseau plutôt que ses états de service plutôt brillants. « L’ambiance y est… Différente. Plus soudée, je dirais. J’ai passé presque toute ma vie à servir la République, sous différentes affectations, avec d’autres soldats tout aussi engagés. Les Résistants sont conscients des risques, encore plus que nous autres, ils savent que leurs chances sont maigres – ils le savaient déjà avant que la base Starkiller ne... » Elle pinça les lèvres, tourna le regard. « Ce sont des personnes déterminées, volontaires. Et même si ça ne fait pas longtemps que je suis parmi eux, je m’y sens presque à ma place. Nous voulons tous, à des degrés différents, nous venger et que la galaxie puisse profiter d’une paix bien méritée. Autant dire que depuis l’attaque, les volontaires affluent. » Elle remua sur son assise, prit une gorgée de whisky. « Certains ne sont absolument pas formés, d’autres sont d’anciens soldats. Il y a même des mercenaires, des contrebandiers. Alors forcément, ça me change de l’esprit militarisé de la République. » Elle esquissa un sourire railleur, presque canaille. « Mais je n’ai jamais été très douée pour les règlements. Je le cache juste bien mieux maintenant que c’est moi qui doit les faire appliquer. »

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En l’état actuel des choses, la Nouvelle République n’était pas en état de mener un assaut frontal contre le Premier Ordre. C’était principalement pour cette raison qu’ils avaient transféré Mara au sein de la Résistance, se privant de fait de l’appui du croiseur lourd qui était sous son commandement. Il lui faudrait du temps pour se relever, et la République savait qu’elle ne possédait pas ce temps. Maintenant que ses adversaires avaient porté leur première attaque, la guerre galactique avait débuté ; mieux valait apporter le plus de soutien possible à la faction rebelle, qui était finalement la mieux placée pour s’opposer à leur montée en puissance. Question de logique. Elle étira ses jambes un instant avant de les ramener à nouveau sous elle, se débarrassant au passage de ses chaussures. Galen n’avait pas tort, elle n’était pas un élément à négliger pour la Générale. Néanmoins, Mara savait également que sa présence n’était pas indispensable à Leia.

« Une seule femme ne peut pas changer le cours de la guerre… Mais un vaisseau comme le Protector fait toujours pencher la balance. »

Ils s’étendirent quelques minutes sur l’atmosphère au sein de la Résistance et le commandant se confia sur le sentiment d’appartenance qu’elle ressentait à présent. Elle avait toujours fait partie d’un groupe, celui des hauts dignitaires, celui des militaires, et maintenant celui des combattants pour la liberté. Si elle avait longtemps cru que le second était exactement ce qui lui convenait en dépit de ses difficultés à marcher au pas, elle se demandait à présent si sa voie n’était pas ailleurs. Goûter à l’indépendance auprès de la guérilla intergalactique avait quelque chose de grisant, d’autant plus qu’ils n’étaient guère entravés par la paperasse ou les autorisations à dénicher auprès de telle ou telle autorité planétaire. Ils faisaient ce qu’ils savaient juste, ne répondait qu’au bien commun. C’était certes une vision quelque peu utopiste qui était difficile à maintenir en temps de paix, mais une notion enivrante et qui avait charmé plus d’un volontaire à la cause.

« Tu devrais savoir que madame n’a jamais été très douée pour suivre tous les bons conseils qu’elle peut donner aux autres, » ironisa-t-elle en prenant une gorgée de whisky. « Mais mes vilaines habitudes sont tenaces. On ne ressort pas d’un train de vie militaire sans séquelles. »

Là encore, Galen en était le premier à en avoir payé les frais. Suite à leur bref rapprochement, Mara avait absolument tenu à éviter toute discussion – ce qui semblait convenir aussi au Jedi à l’époque. Une partie d’elle était trop bousillée par les enseignements militaires, par une vision pragmatique de la vie. Et l’autre… l’autre savait qu’elle ne serait jamais capable de tenir ses engagements envers lui. Elle le ferait souffrir par son incapacité à se détacher de ses devoirs, de façon totalement involontaire. Au début, elle tenterait de faire des efforts, elle y parviendrait probablement. Mais à terme, lorsque la guerre battra son plein, ses obligations de commandant passeront en premier. Son travail a toujours été plus important que sa vie privée. Une chose qui n’était sûrement pas prête de changer. Une chose qu’elle ne pouvait pas imposer à Galen.

« On a toujours besoin d’un Jedi, mais c’est à lui seul que revient la décision finale. C’est l’avantage d’être en-dehors du système, pour une fois. » Le verre était presque vide à présent. « Hey, je ne suis pas une tortionnaire ! Les punir pour jouer au sabbac… » Elle leva les yeux au ciel, soufflant avec exagération. « Je préfère les plumer, ça leur passe généralement l’envie. »

Sans être un génie du sabbac, Mara se débrouillait plutôt bien à ce jeu. Il lui avait fallu du temps pour en saisir les ficelles, mais c’était un divertissement populaire – et universel. Toutes les recrues qu’elle avait fréquenté durant ses classes avaient ce goût pour le sabbac, qu’ils lui transmirent alors qu’elle était persuadée qu’elle ne deviendrait jamais une fervente adepte. A trente ans, la fille de Kuat déclarait fermement ne pas être une « accro du sabbac », mais refusait rarement une partie. C’était finalement un moyen comme un autre d’apprendre à connaître de nouvelles personnes… même si depuis qu’elle avait accédé au poste de commandant, bien peu osaient le lui proposer. Elle se pencha pour déposer le verre vide sur la table basse, coulant un regard vers le Chevalier et levant un index pour le prévenir.

« Je m’arrête là. Ne t’avise pas de me resservir, ou je pourrais suspecter que tu veuilles m’enivrer. » Mara remua le doigt de droite à gauche. « Ce serait mal de la part d’un Jedi que de vouloir profiter d’une faible femme. »

Faible n’était pas le bon mot lorsque cela concernait la rouquine, mais sa relative tolérance à l’alcool était bel et bien une faiblesse qu’elle se devait d’admettre. Le point positif, c’était qu’elle n’avait pas à dépenser une masse de crédits pour ressentir les prémices de l’ébriété.

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C’était vrai, jamais Galen n’avait tenté d’enivrer ou de profiter de la rouquine. Et comme il le soulignait si bien, elle n’était de toute façon pas facile à gérer, même en état d’ébriété. Il semblait que les instincts de Mara s’endormaient difficilement, ce qui n’était pas étonnant considérant la part importante qu’ils avaient dans sa vie. Cela faisait plus de dix ans qu’elle suivait entraînements et préceptes militaires, alors autant dire que certaines manœuvres pouvaient être exécutées les yeux fermés. Mettre un homme au tapis était nettement plus aisé qu’on ne pourrait l’imaginer – après tout, n’avaient-ils pas le même point faible, accessible rien qu’en soulevant une jambe ? Ainsi donc, si l’alcool pouvait la priver d’une partie de son adresse, de sa logique ou encore de sa force, il ne parvenait jamais totalement à éradiquer toute réaction de la part de Mara. S’apprêtant à se lever, le Jedi lui proposa malgré tout un dernier verre de vin nubien, reprenant un ton théâtral qui lui valut une bourrade amicale. Il tenta de l’esquiver, trébucha et se retrouva subitement au sol : le temps se suspendit entre leurs regards surpris. Une, deux, trois secondes.

« Surtout, ne dis rien. »

Et brusquement, la Résistante éclata d’un rire contagieux et sincère. C’était une scène qui resterait probablement gravée dans sa mémoire, celle d’un fier Chevalier les quatre fers en l’air qui tentait de garder son sérieux. Un instant, ses traits semblèrent hésiter entre la vexation, la honte, avant qu’il ne suive le vif élan d’hilarité du commandant. Passant une main sur ses yeux humides d’émotion, Mara se leva à demi, grimaçant en étouffant quelques ricanements. Son abdomen lui faisait mal, ses joues la tiraient affreusement et sa vision était encore un peu brouillée. Le souffle court, elle tenta de retrouver son sérieux en s’approchant de l’homme à terre, lui tendant maladroitement la main pour l’aider à se relever.

« Merci pour cette formidable ima… Wow ! »

Alors qu’elle peinait à se contenir, Galen profita de son équilibre précaire pour l’attirer brusquement à lui, précipitant Mara dans une chute toute aussi indigne de son statut. Sa première pensée fut de le maudire pour son geste, elle songea même à le rouer de coups inoffensifs, à la façon dont les enfants se disputaient. Puis elle réalisa leur proximité et perdit tout envie de se chamailler ; inévitablement, les souvenirs revinrent l’assaillir. Sons et couleurs, sensations et sentiments. Un cocktail autrement plus enivrant que n’importe quel alcool, et qui la percuta quand elle croisa le regard du Jedi. Il serait si facile de… Un doux sourire naquit sur son visage tandis qu’elle levait la main pour effleurer la courbe d’une pommette, le creux d’une joue, le dessin d’une lèvre. Son geste était lent, presque tremblant, mais ses prunelles ne le quittaient pas. Elle apposa son index sur sa bouche, tapota deux fois.

« Je devrais y aller, avant que ce whisky ne provoque d’autres… » Mara rompit le contact visuel, laissant ses doigts retomber doucement sur le torse de son compagnon. Sa voix était basse, à peine plus haute que le murmure et l’intensité de l’instant s’y laissait percevoir. « … actions inconsidérées. »

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Il y avait tant de questions en suspens pour le moment, tant de nuages qui obscurcissaient l’horizon. Mara savait pertinemment que quoi qu’il puisse se passer à cet instant, quel que puisse être sa décision, ils devraient aborder un sujet soigneusement évité depuis des années. Mais la proximité du Jedi, sa chaleur qui l’enveloppait toute entière et ses prunelles qui la dévisageaient intensément, attendant une réponse dont elle-même ignorait tout… Tout cela compliquait un choix pourtant simple. Son esprit lui dictait une action, son corps en réclamait une autre. Son cœur, quant à lui, demeurait irrémédiablement silencieux. Il savait qu’elle n’était pas prête à s’engager sur une voie ou sur l’autre, qu’elle souffrirait autant qu’elle sèmerait son lot de peine. La guerre qui se profilait n’était pas propice à une relation, et l’esprit rigide du commandant considérait toute liaison comme une distraction. Au mieux, une distraction, au pire une faiblesse dont l’ennemi pourrait se servir, avec laquelle elle s’exposerait. Même si la froide logique du soldat semblait prédominer, Mara n’en demeurait pas moins humaine. Elle désirait cette « action inconsidérée », à la fois parce qu’elle ne pouvait nier l’attirance qu’elle éprouvait pour Galen, et pour une part égoïste – celle qui voulait oublier, l’espace de quelques heures, la menace qui planait sur sa vie et sur toute la galaxie. Les morts qui marquaient le début d’un nouvel affrontement entre les forces du bien et du mal, et ceux encore à venir.

A cette pensée, elle releva le regard vers le Chevalier, laissant ses yeux guetter une réponse qu’elle savait pourtant impossible à obtenir. Même lui ignorait la décision à prendre. Sous ses doigts, le cœur du Jedi battait à tout rompre, néanmoins ses traits demeuraient paisibles. Dans l’attente d’un signe, quel qu’il soit. Alors, lentement, Mara se pencha vers lui ; elle glissa sa main libre derrière sa nuque en une caresse tendre, interrompant son avancée à quelques millimètres. Puis doucement, ses lèvres s’étirèrent. Elle prit la parole d’une voix posée, presque lente.

« Je ne sais pas, Galen. Peut-être pas, peut-être est-ce quelque chose de nettement plus important qui tente de se jouer… » Elle émit un soupir chargé d’émotions refoulées. « Mais tu mérites mieux que des doutes et des silences. Et actuellement, c’est tout ce que je peux t’offrir. » Son front effleura le sien. « Je ne sais pas ce qu’il va se passer pendant les funérailles, mais nous repartions après avoir rendu nos derniers hommages au Général Solo. Et je ne peux même pas garantir que nous aurons l’occasion de nous revoir. »

D’un geste délicat, elle délivra un baiser à la commissure de ses lèvres avant de s’écarter, s’arrachant à l’étreinte réconfortante de ses bras. Tout en se relevant, Mara jeta un bref coup d’œil à la ronde – elle avait froid maintenant, mais elle avait également la certitude d’avoir pris la bonne décision. Remettre de l’huile sur ce feu ne ferait que troubler davantage leurs esprits. Bien sûr, ils avaient toujours l’option de mettre les choses à plat, mais pas ce soir. Un jour prochain, peut-être. Si la Force le leur permettait.

« Je vais rentrer, Gale. Prends soin de toi, d'accord ? »

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