La navette se posa doucement dans la spatioport de Tatooïne. Un regard à travers la vitre laissait deviner que la planète jaune était particulièrement fréquentée en cette période; les vaisseaux ne cessaient d’atterrir sur son sol ou de le quitter, formant un incessant manège d’allées et venues. Aurora Tharkh s’y attendait; mais cela ne contrariait pas ses espoirs de discrétion et d’incognito, au contraire. Il est parfois plus facile de passer inaperçu au milieu d’une foule. Qui distinguerait au milieu de ces vaisseau celui de la Sith Darth Arkana, et celui du chevalier de Ren Gal’aad Serke ? Une telle rencontre se devait d’être discrète en effet. Aurora avait choisi à Korriban un navire des plus passe-partout, et dont les parois épaisses dissimulaient les conversations à d’éventuelles oreilles indiscrètes.

Le Chevalier de Ren avait répondu promptement et favorablement au message anonyme laissé par la Sith, et qui plus est avec courtoisie. C’en était suspect. Comment un guerrier de cette importance et de cette trempe pourrait-il se jeter dans un vaisseau inconnu, à la rencontre d’une connaissance dont il ignorait l’identité et les intentions ? Cela dissimulait quelque ruse; l’inverse était tout bonnement inimaginable. La méfiance de la Sith à l’égard du Premier Ordre s’était renforcée après l’épisode de Naboo; il était normal que celui-ci cherche à la joindre pour lui faire des propositions en ce qui concernait les activités de l’Archeiacorp, mais il aurait suffit de s’adresser directement à la responsable. Nul besoin de la faire arrêter et escorter par des troopers ! Ce bas stratagème avait évidemment échoué et la Sith leur avait échappé. Elle avait du mal à croire que les Chevaliers de Ren n’avaient rien à voir avec la volonté du Premier Ordre de la rencontrer; à plus forte raison le plus haut placé d’entre eux, qui était nécessairement au courant de l’existence de guerriers Siths sans pour autant connaître l’étendue de leur influence. De la part du Chevalier de Ren Gal’aad Serke, Aurora s’était donc attendue à des questions, à des protestations, mais rien. L’invitation avait été directement acceptée.

Il était donc temps de l’attendre. S’il avait bien quelque chose à voir avec les procédés indélicats du Premier Ordre à l’égard de la Sith, alors il allait l’entendre ! Mais rien n’était sûr. Et si ce n’était pas le cas, alors ils auraient d’autres sujets de discussion. Après tout, les relations entre les deux Ordres restaient encore à définir.

Savait-il tout ce qui se passait au Premier Ordre? Non...Le désirait-il? Oui, un peu, non quand même, finalement... En acceptant de laisser des affaires et problèmes aux armées seules, Gal'aad achetait par la même occasion l'indépendance de ses chevaliers. Certains préféraient l'Ordre malgré tout à ce que leur chef leur offrait, ils avaient un choix, ils le prenaient. Quant à Gal'aad, au fond le jeune homme préférait pourchasser des contes et des légendes de la Force.
Luke Skywalker était la quête de Kylo Ren, non la sienne. Il ne savait rien d'un sang partagé, d'un héritage, d'une malédiction, il ne savait rien de lui-même, restait à ses ombres...
Et qu'était un chevalier?
Un chevalier, c'est moi, pouvait-il penser encore, et cela suffisait.
Le message anonyme l'avait surpris, on pensait à lui pour menacer, pour terrifier, pas pour de réelles négociations. Néanmoins, il était Maître des Rens, pouvait voir là un moyen de mettre en avant la propre puissance de son groupe. Pourquoi pas?
Il avait accepté l'invitation. Pour Gal'aad, l'honneur et le respect étaient des choses importantes, fondamentales, aussi ne chercha-t-il pas à contester ou imposer ses propres termes... Un “ennemi” acceptait de le recevoir? Il ne cracherait pas à sa porte, voilà tout.

Si la politique était chose malaisée, qu'y pouvait-il? Naboo... Gal'aad n'avait pas remis les pieds sur cette planète depuis les funérailles de Solo. Là encore, une glorieuse idée, faire d'un mercenaire un symbole national et mettre ainsi toute la population en danger par la même occasion. L'assassinat d'un roi, les bombes... Gal'aad avait pu observer cela avec une fatigue perplexe, blasée, lorsque lui-même que l'on accusait de bien des maux de la Galaxie se retrouvait innocent. Quant à la bataille plus tard menant au destin tragique de la planète, il n'y était pas...

Il pensait à cela bien sûr, perdu dans ses pensées, alors qu'on lui ouvrait la porter du vaisseau. Le sien ne semblait visible nulle part, comme si le chevalier émergeait des ombres de la planète, île obscure et oubliée de l'espace, Avalon maudite attendant son renouveau.
Comme promis, ainsi qu'il l'avait spécifié, il avait apporté du vin...
L'homme se défit de son casque, ce fut alors qu'il la vit. Connaissait-il son nom? Non, cependant il se rappelait d'un combat où la jeune femme avait nettement eu l'avantage face à lui. Elle ne l'avait pas tué pour autant, sombre et loyale, et Gal'aad avait accepté la défaite. Il inclina la tête, respectueux, amusé peut-être, ce combat correspondait pour lui à un bon souvenir.
Quant au côté obscur qu'ils possédaient et invoquaient tous deux, Gal'aad se trouva comme bercé par sa présence, comme un apaisement réconfortant après une lumière trop violente, meurtrière...

”Madame, ainsi donc nos chemins se croisent à nouveau...Comment désirez-vous que je m'adresse à vous? Je me suis permis d'apporter le vin, comme promis. Quant à vos questions...parlez, j'y répondrai.”

Il n'avait pas fait voeu de silence et jamais le mensonge n'avait été dans ses habitudes après tout. Au final, les contes et légendes de la galaxie le proclamaient bien plus monstrueux que, sombre enfant, il n'était réellement...

Elle restait telle que dans ses souvenirs, grande et puissante, les yeux sincères surtout. Elle aussi, elle possédait un ciel dans son regard, et pour elle aussi il s'assombrissait parfois. Gal'aad se demandait quelles étaient ses souffrances, ses douleurs, si elle pouvait pleurer par delà le léger sourire, si des regrets la consumaient...
Durant leur affrontement où le chevalier ne gardait d'autres souvenirs que sa défaite à lui, la jeune femme s'était montrée calme, agile, stratégique, maîtrisant des formes d'escrime parmi les plus compliquées et faisant preuve d'une réflexion de terrain tout à son honneur. Quelles seraient ses réflexions aujourd'hui alors?
Au nom qu'elle lui donna, l'homme s'inclina sans que le geste ne lui coûte. Car Darth était un titre de Seigneur lorsque Gal'aad se savait simple Chevalier...
Il prit place ainsi qu'elle le lui invitait et se saisit de la bouteille à nouveau.

”Je suppose que le fait que vous ne chassiez plus les artefacts explique en effet pourquoi je les récupère sans difficultés ou blessures désormais.”

Se sentait-il à l'aise d'essayer ainsi l'humour et rire de ses propres faiblesses? Non, cela était comme avancer sur un lac gelé alors que le soleil brillait fort, trop fort. Néanmoins la voix de Darth Arkana invitait aux réponses, elle savait la moduler en des tons aimables et montrer une confiance que le Chevalier tâchait de rendre.
Il ouvrit la bouteille sans difficultés, utilisant les deux bras dans des gestes fluides à la fois pour tenir la bouteille et enlever le cachet de cire recouvrant le bouchon. Ce que la jeune femme ne pouvait savoir était que cette bouteille, Gal'aad l'avait plus ou moins dérobé dans la cave personnelle de l'Amiral Thrawn. Oserait-il néanmoins convoquer le Maître des Ren pour cette légère infraction? Gageons que le vieux brigand en était encore capable, comme à l'époque où le jeune homme n'était que simple chevalier.
Mais après tout, Gal'aad comprenait confusément qu'on ne pouvait faire de politique sans casser des oeufs, s'impliquer demandait un minimum de sacrifice personnel afin d'être écouté.
Il versa la fin, se rappela alors que la dernière fois que la femme sith l'avait vu, il avait encore ses deux bras.
Confusément, pareil à un petit garçon, Gal'aad se mit à rougir, reposant la bouteille, baissant le regard un peu.
Avait-il honte de cette blessure encore? Oui, cela ne partait pas, cela ne partirait jamais et les différentes plaques métalliques se collaient à son identité propre, dévorant le peu de chair et de coeur qu'il lui restait.
Arkana le ramena à lui alors par une question, la dernière et la première tout à la fois, celle qui amènerait des réponses, celle qui fermerait bien des dialogues et des possibilités également.
Il leva les yeux à nouveau, la regarda comme s'il essayait de transpercer son regard à elle, de marcher et braver son ciel tout à la fois.
Il y avait de l'intelligence dans les yeux du jeune homme, une intelligence froide, aiguë, affûtée au rythme des insultes car il était simple, tellement simple de le sous estimer alors. Mais se faire piétiner, Gal'aad ne le voulait plus...

”Je ne suis allé sur Naboo que pour les funérailles de Solo où un groupuscule inconnu a tenté un attentat. Quant à la bataille, j'avais d'autres actions à accomplir....Mon seul fait a été d'y dépêcher un Chevalier dont je souhaitais me débarrasser.”

Ainsi, le chef de guerre se devinait également dans ces quelques mots, et Gal'aad s'avouait capable de manipulations. L'homme avait été honnête, à présent il lui convenait de jouer finement pour qu'Arkana ne profite pas de cette honnêteté qu'il semblait offrir. Encore une fois la glace sous ses pas semblait bien fragile...

”En quoi cet événement vous intéresse-t-il, vous qui avez intérêt à rester éloignée à la fois de nous et à la fois de la Résistance?”

Les siths, pour Gal'aad ils existaient encore bien sûr car ils étaient l'une des nombreuses facettes du côté obscur et bien vaste était la galaxie, mais de là à les imaginer en organisation puissante...le Chevalier se montrait ainsi réellement naïf sur le sujet.

”Toute information est la bienvenue, j'ai moi-même été interroger la Reine de Shu-Torun, qui se dit proche de la Résistance, cela n'a rien donné.”

Le rire d'Arkana le surpris, avec précaution il pencha la tête un peu, la regarda. Avait-il dit quelque chose de mal ? Gal'aad comprenait encore peu de choses : l'humour devait amuser, cela il lui semblait en être sûr, mais ainsi cela demandait de rire alors ?
Sous les gants de cuir qu'i portat à chacune de ses mains, ses doigts se crispèrent un peu dans un réflexe d'enfant. Il ne chercha pas à le montrer, essayant simplement d'être un peu plus attentif.
Fort heureusement, la conversaton gardait un rythme rapide, empêchant le chevalier de se perdre sans ses questons et interrogations. Il semblait moins dangereux qu'à son arrivée, enfantin surtout, une innocence sombre, étrange, cruelle aussi dans l'éclat de ses yeux. Parfois, il acquiesçait aux paroles de son hôtesse, parfois il réfléchissait juste.
Darth Arkana parue comme impressionnée de sa rencontre avec une souveraine, Gal'aad se contenta d'hausser les épaules.

 « En vérité il m'a juste suffit d'assommer ses gardes et de rentrer dans la salle du trône... Une planète étrange pour une souveraine étrange, elle possède véritablement un dragon mais je ne sais pas s'il s'agit là d'une véritable force. »

Qu'importe, car le chevalier n'était pas invité ici pour parler de Shu-Torun et le savait fort bien. Quelque chose se sera un peu entre sa gorge et son cœur : voulait-il véritablement parler de Naboo ? Darth Arkana menait la conversation avec talent, subtile et directe tout à la fois. Elle ne cherchait pas à l'humilier par un quelconque jeu de langage, acceptait ses réponses y compris lorsque Gal'aad semblait se fourvoyer.

 « Madame, vous m'avez questionné sur la bombe de Naboo et je ne sais pas vraiment comment vous répondre...Cla n'était pas notre plan à nous, les Ren, pas plus qu'au Premier Ordre. Starkiller était déjà une erreur en tant que super-arme, il est également difficile pour un sensible à l Force de comprendre le vide soudain que de telles choses entraînent, peu importe le côté que nous avons choisi.... cette bombe n'a pas détrit la planète mais l'a changé, asphixié, mutilé, cela aussi laisse des traces et des cicatrices. »

S'exprimait-il bien ? Galaad en doutait. Un instant ses yeux se posèrent sur la prothèse de son bras, il su qu'une métaphore serait intéressante et bienvenue sur le sujet mais le na trouva pas, pas complètement.

 « Je peux donc en conclure que les personnes ayant utilisé cette arme veulent posséder et conquérir. Il est intéressant de constater que si nous, avec le Premier Ordre, nous choisissons l'annexation, eux passent par la mutilation en se fichant bien de ce qui leur reste. Quel est le but d'une telle arme, peut-être saurez-vous m'éclairer là dessus ? »

Dans ses yeux, une soif de savoir, parce qu'il peinait avec les mots, en utilisait trop peut-être mais les idées se bousculaient dans son esprit, refusaient de s'exprimer correctement malgré l'intelligence fine que le chevalier possédait. Il savait des langues et cultures anciennes, il savait les plans de batailles pour perdre, pour gagner, mais à l'image du cœur humain, les clés du langage lui restaient comme inaccessible.
Gal'aad inclina un peu la tête cependant alors que Darth Arkana évoquait ses quelques déboires face aux troopers. Il pouvait l'éclairer sur ce point, néanmoins ne promettait pas d'en posséder la vérité.

 « Vous êtes dans nos fichiers depuis notre combat en effet, une utilisatrice dangereuse de la Force n'est pas à perdre dans la nature. Néanmoins des alliances sont toujours possibles pour éviter ces désagréments à l'avenir, pas forcément avec le Premier Ordre en général, mais au moins avec nous, les Ren. Il est intéressant de constater que nous utilisons chacun la Force dans son côté Obscur, cependant nos enseignements et philosophies me semblent bien différents... »

Il eut ce réflexe idiot alors, celui de se mordiller les lèvres à la manière d'un enfant. Et tout, depuis la mimique jusqu'à ses sourcils froncés, ses yeux perdus, concentrés, lui donnait l'image d'une jeunesse naïve.
Innocente.
Gal'aad, Maître des Ren, qui ne murmurait pas aux pertes et aux victimes, se demandait juste comment parler, en parler.
Avait-il de l'empathie pour autant? Non, et son esprit était loin voilà tout, ni dur ni cruel, simplement lui, capable de tuer et capable de pleurer tout à la fois comme jamais.

”Il me paraît bien trop simple de les lier à la bombe cependant, pardonnez-moi. On ne peut comparer un régicide à une attaque d'une telle ampleur... Ce couple dont vous parlez peut présenter un certain danger, mais quand on est aussi isolé qu'eux on n'utilise pas des armes pareilles...”

Et c'était bien le Maître des Ren qui parlait, capable de commander à ses chevaliers et de répandre la terreur dans la galaxie par le choix d'un mot, d'une action. Il pensa à Kylo Ren, il pensa au Général Hux et s'en trouva guidé alors, se rappelant les différents entre les deux au simple propos de Starkiller.

”Une bombe est une arme militaire, bien savoir l'utiliser, l'employer, demande à ce que des structures puissent exister derrière, des petites mains, des intelligences grises comme l'on disait autrefois. Parce qu'il s'agit là d'une démonstration de pouvoir, qu'un message se cache derrière de la même manière que les militaire de mon Ordre ont envoyé un message à la Résistance en détruisant leur République véreuse.... “

La pensée continua d'évoluer dans son esprit bien qu'il ne prit pas la peine de la formuler: lorsque les effectifs étaient par trop réduits, un simple groupe de chevaliers non pas un Ordre à lui seul, un couple d'amants, ils n'étaient alors des attaquants ou des adversaires, ils étaient des armes.
En s'appropriant les Chevaliers de Ren, Snoke avait compris cela. Ils étaient des objets, des outils capable de prêter serment voilà tout.
Surtout, ils le savaient, tous...
Ils l'avaient choisi.

”De contacts, Seigneur Arkana?”

Il pencha la tête sur le côté un peu. Désirait-elle qu'il tue à son service comme il le faisait pour le Premier Ordre? Une question complexe: Gal'aad en avait-il seulement le droit? Il voulu penser au désert, aux sables brûlants où s'enfonçaient ses pas. Marcher encore, marcher toujours, jusqu'où? Jusqu'au ciel? Et après quoi, le traverser?

”Savons-nous seulement l'un comme l'autre quelle vérité nous recherchons?”

L'homme murmurait, surs ses gardes un peu et pourtant désireux de parler encore, parler toujours, s'ouvrir à cette intelligence qu'il avait là devant lui.

”Je ne suis qu'un pion lorsque vous êtes un joueur après tout....”