32 après Yavin.

Système Syvris, inhabité exception faite de la lune du même nom, sur la limite entre l’espace hutt et celui qui avait été dominé par l’Empire.
Un endroit qu’il songeait à visiter justement. Blague à part, il regardait l’écran pensivement tandis que son chasseur filait à toute vitesse dans l’hyperespace. En lisant les informations que Rick lui donnait, il songeait que les contrebandiers avaient réellement des endroits improbables pour se dissimuler. Et que peu importe le côté par lequel on retournait le problème, cette mission puait les problèmes à plein nez.
L’Ordre avait décidé d’y foutre le boxon.
Ils étaient bien les dignes successeurs casse-bonbons des crevures de l’Empire, dominateurs d’une époque qu’il n’avait certes pas connue, mais dont on lui avait suffisamment rabâché tout ce qui faisait d’eux des hommes pour le moins détestables.
En résumé on se marrerait bien.
Cette mission en perspective dangereuse lui décocha un sourire. L’excitation d’une mission potentiellement troublée réveillait l’instinct du pilote, celui de la foutue tête brûlée. Comme disait son instructeur, le sourire aux lèvres. Que faisait-on quand on sentait que l’on allait trouver un piège? On le mettait en marche.
Il sortit de l’hyperespace et retrouva son coéquipier, qui vola à ses côtés, puis ils filèrent vers la planète.

Les pilotes mirent pied à terre dans une zone quasi déserte, où un bâtiment de dimensions considérables se dressaient entre les cailloux. Le propriétaire n’était pas un contrebandier mais un commercant. Celui-ci les avait appelés. Il demandait de l’aide de la résistance, contre un Ordre sans pitié qui confisquait des marchandises sans la moindre vergogne. Tuiren avait été envoyé en reconnaissance, pour filer un coup de main et inspecter les environs. L’homme avait promis de livrer des informations en même temps, ce qui ne pouvait qu’être un plus pour cette mission.
- C’est joli tout ca, commenta Kerrilt en observant la bâtisse.
Kerrilt était un gars à la langue bien pendue et aux remarques qui faisaient parfois lever les yeux au ciel, mais c’était un pilote qui sortait de la norme, et Tuiren était bien content de le compter dans son équipe. Dans un sourire il l’invita à marcher à ses côtés sans perdre de temps. Laissant leurs droids garder leurs X-Wing, et l’ordre de ne pas faire dans la dentelle si l’Ordre se présentait, ils se rendirent jusqu’à l’entrée, où le propriétaire en personne se présenta sur le seuil.
Il les invita à les suivre à l’intérieur, et les précéda dans son bureau. Il leur offrit un siège.

Tuiren lanca un regard à Kerrilt, et celui que lui renvoya l’homme voulait tout dire.
Il se passe quelque chose de pas net. L’homme était bien nerveux.
- Que se passe-t-il? demanda Tuiren.
L’homme se redressa maladroitement dans son bureau.
- Eh bien, commenca-t-il d’une voix qui partait suffisamment dans les octaves pour ne pas paraitre suspecte. Il se trouve que je ne peux pas vous recevoir tout de suite.
Les pilotes le regardèrent sans rien dire, d’un regard insistant qui lancait une question muette. C’était quoi cette embrouille.
- J’ai eu des soucis, du matériel dont je dois m’occuper immédiatement.
Nouveau regard échangé de la part des résistants.
- Cela vous dérangerait-il de patienter quelques instants?

Il les mena dans une pièce quelque peu en retrait dans le bâtiment, un salon au mobilier limité. Quelques fauteuils confortables, une table au centre de la pièce, un distributeur d’eau, et un hologramme dans un coin qui passait les nouvelles. Il leur dit de se mettre à l’aise. Il reviendrait au plus vite.
Restés seuls Kerrilt leva les yeux vers lui.
- J’ai comme l’impression qu’il s’est foutu de notre gueule.
Dans un geste commun les deux hommes sortirent leurs blasters.

Dans le salon les pilotes étaient déjà en train d’examiner les lieux, tout en discutant de leur étrange hôte, le blaster en main. Une rapide inspection leur fit comprendre qu’il n’y avait pas tellement de choix. La pièce ne comportait que quatre issues, l’entrée par laquelle ils étaient venus, une porte qui donnait sur un couloir, terminant lui-même par une nouvelle porte fermée, une grille d’aération suffisamment large pour qu’un homme réussisse à s’y glisser, et une fenêtre qui donnait sur la cour mais qui semblait correctement fermée. Ils calculaient qu’ils devaient être en retrait de la porte principale, et qu’il leur faudrait retraverser les locaux pour y parvenir. Les résistants semblaient se rejoindre sur un point, le chemin par lequel ils étaient venus semblait la meilleure option. Mais avant de prendre la fuite sur des éventuelles suppositions, il valait mieux fouiner un peu. Tuiren ouvrit donc la porte et jeta un coup d’oeil, puis se faufila dans la pièce, suivi de près par son coéquipier.
Rien dans la seconde pièce, ils continuèrent donc leur exploration discrète jusqu’à ce que de l’autre côté d’un mur leur parviennent soudain des voix. Elles étaient intelligibles mais la discussion était plutôt vive. Le commandant se retourna vers son collègue, lui montrant une nouvelle direction à prendre. Le pilote hocha la tête et essaya l’ouverture de la porte. Par chance celle-ci n’était pas fermée, et ils s’y faufilèrent.
- On fait quoi maintenant? demanda Kerrilt.
- On essaie de trouver pourquoi ce gars nous cache.
- Que fait-on des infos qu’il devait nous donner?
- On essaie de les récupérer.
Tandis que Kerrilt faisait le guet, Tuiren sortit son comlink.
- Rick?
Le droid se fit immédiatement entendre.
- Du nouveau à l’extérieur?
Un court mais décisif champ électronique lui répondit pour signaler que tout semblait calme, ce qui les incita à poursuivre leurs recherches, et très vite, ils parvinrent jusqu’à un bureau. L’endroit était désert. L’ordinateur de la pièce leur tendait les bras. Tuiren ne perdit pas de temps et se mit au travail, tandis que Kerrilt fouillait le reste de la pièce. Heureusement pour lui le maitre des lieux n’avait pas songé à mettre des codes de sécurité impossible à franchir, et il lui fut facile de trouver les documents qu’il recherchait. Il les téléchargea sans tarder et commenca à fouiner le reste de l’ordinateur.
Le contenu semblait plutôt intéressant, mais la porte qui s’ouvrit soudain l’interrompit dans ses recherches. L’instant suivant il voyait Kerrilt s’écrouler, touché par un rayon paralyseur. Reáctif il leva son blaster vers la menace tout en se levant pour lui faire face.
C’était une non humaine qu’il identifia sans peine comme une chiss, et plutôt que se demander ce que faisait une telle créature comme elle dans le coin, étant donné qu’il était plutôt rare d’en croiser, préféra s’intéresser au fait qu’elle l’avait en joue. Chose qui forcément ne lui faisait pas excessivement plaisir au demeurant. Sans rien dire et tout en veillant à bien laisser l’intrus dans sa ligne de mire, il se rapprocha de Kerrilt qui gisait au sol, et d’un geste rapide, s’enquit de son état.
Il était inconscient mais vivant, et cela le rassura.
La situation n’était pas réconfortante pour autant. De toute évidence le premier ordre avait eu vent de leur virée, et ils voulaient faire d’eux des prisonniers.
Un contre un face à elle, il avait encore une chance de s’en débarasser, mais rien n’indiquait qu’elle était venue seule, et Kerrilt n’était pas des plus utiles en cet instant précis.
- On peut négocier non?

Quand il se réveilla, il avait l’esprit embrumé et une douleur vive dans le dos, là où le rayon l’avait percuté, qui le fit geindre. Il resta un moment les dents serrées pour faire passer l’élancement, et en même temps reprenait ses esprits. En essayant de bouger, il comprit rapidement qu’on l’avait entravé. Que sa vue n’était plus trouble mais que l'éclairage était défaillant. Que s’est-il passé? Peu à peu les souvenirs revenaient. Il se revoyait avec Kerrilt fouillant l’ordinateur du commercant, puis son coéquipier touché, et cette femme qui les menacait, et ensuite plus rien….c'était flou mais de toute évidence elle avait réussi à avoir le dessus sur eux.
Parvenu à cette conclusion, il se mit à chercher son coéquipier dans la pénombre. Plissant les yeux il finit par distinguer une ombre. Ce n’était pas lui. A son uniforme certifié premier ordre, il pouvait deviner que c’était la demoiselle. Sa peau bleue confirmait.
Cela changeait la donne.
Ils étaient tous les deux captifs, et son coéquipier n’était pas là. Le pilote avait beau se contorsionner dans tous les sens et scanner la salle en plissant les yeux, il ne voyait rien.
Elle avait bougé et même parlé.
La lumière était ténue mais il ne pouvait pas manquer ses yeux rouges flamboyant dans l’obscurité. Une Chiss du Premier Ordre, y’en avait pas des dizaines. Thrawn en tête évidemment. Il n’était pas difficile de connaitre l’identité de celle qu’il avait en face.
Il hocha la tête sans rien dire, essayant de se rémémorer ce qu’il s’était passé.
Il s’était imaginé qu’elle lui tirerait dessus, parce que le Premier Ordre n’avait pas pour habitude de faire des concessions. Elle avait été néanmoins enclin à la discussion, ce qui l’avait étonné. Mais cela l’avait arrangé après tout. Quelque part depuis l’ombre pourtant, un tir avait fusé suivi par un second, les entrainant chacun leur tour dans les limbes d’un lourd sommeil.
- Je croyais que tu m’avais touché, commenca-t-il, mais je suppose que ce n’est pas le cas.
La seule explication qui lui paraissait logique était qu’ils étaient tous les deux tombés dans un piège, et que quelqu’un en voulait tant à la Résistance comme à l’Ordre. De toute évidence tout le monde n’avait pas choisi un camp.
Quoi qu’il en soit ils étaient enfermés comme des cons, et les deux ennemis du même côté c’était tout de même ironique. De sa main il se gratta le menton d’un geste pensif.
- Ces commercants ne marchent que par le fric, marmonna-t-il plus pour lui-même que pour elle.
Il regarda les liens et les chaines qui le retenaient au mur. C’était un matériel classique, rien qu’il ne puisse casser d’un bon coup de marteau. Avec les outils adéquats. Il fit ses poches, vides évidemment. L’ennui c’était qu’il ne voyait rien autour de lui. Dégageant l’une de ces longues jambes, il se mit à essayer de faire tomber l’une des caisses. Il n’était pas bien loin, à quelques centimètres quasiment…Encore un petit peu.
Filant un coup sec direct sur l’étagère il fit bouger la caisse la plus proche, la rapprochant de son pied.
Un dernier coup et la voilà qui tombait par terre.
Le contenu de la boite tomba dans un cliquetis metallique, et ils retinrent leurs souffles, à l’affût du moindre bruit de pas. Les secondes s’égrénèrent et pas le moindre bruit à l’extérieur.
Il se tourna vers elle, il était vaguement hésitant. Pas qu’il comptait lui demander de filer un coup de main, mais il pouvait pas nier l’évidence. Ca serait plus facile à deux. Maintenant voulait-il vraiment faire équipe avec l’ennemi?

Son premier réflexe fut de protester.
- Non mais je voulais dire….
Il avait eu envie de lui renvoyer un ”eh ben ouais commercant t’es sourde?”, histoire de l’envoyer se faire gentiment voir ailleurs. Ce type en était un, mais ce n’était pas lui qui les avait capturés. Enfin c’était quand même gentil de la part de cette fille que de se soucier de bien lui faire entendre qu’il se trompait. La frontière entre mesquinerie et mépris se faisait soudain très floue.
- Efin laisse tomber.
Qu’elle croit ce qu’elle veut après tout. Il voulait juste dire que le type les avait vendus à quelqu’un de plus fort, et que c’était probable que le fric ait été une excuse suffisante, mais de toute évidence ca faisait plaisir à la demoiselle d’en face de tordre ses propos. Fallait pas lui enlever cette réjouissance. Il retourna à ses liens en soupirant. Elle avait à peine ouvert la bouche, il se sentait déjà des envies de désespoir. Il aurait pu avoir une totale mobilité de ses mains qu’il se serait volontiers frotté les tempes.
En revanche, il avait vu dans cette attitude une volonté de cacher une panique. Elle le faisait bien, ca aurait sans doute pu tromper un oeil non entrainé, mais il avait derrière lui un long entrainement, et forcément il savait le reconnaitre.
Quand elle détacha ses liens, il leva un sourcil intrigué. Il se frotta les mains, écoutant à peine ce qu’elle lui disait, et se concentrant uniquement sur l’envie de retrouver son coéquipier. Tandis qu’elle étudiait la fermerture de l’entrée, il se mit à fouiller les boites sur les étagères, à la recherche d’une éventuelle arme. Il ne trouva qu’une lourde barre en fer, qui ferait parfaitement l’affaire.
Puis il se retourna vers la Chiss, occupée avec la porte.
- D’accord des mynocks et….?
Il se mit d’un côté et la regarda faire, résolu à ne pas bouger le petit doigt.
- Ne me regarde pas comme ca je n’y connais rien, et en plus je m’en voudrais de retarder ton échappée avec ma médiocrité.
La laissant se dépatouiller il fila sans demander son reste et se mit en quête d’une autre facon de sortir de là. Il repèra une faille dans le mur, mais pas grand chose de plus. Revenant vers la Chiss, il vit qu’elle était en train de démonter un à un les systèmes. D’une facon plutôt efficace, il devait l’avouer. En lui disant qu’il ne savait pas ouvrir une porte, il avait menti. Il en savait suffisamment pour voir qu’elle savait y faire.
C’était bien mais c’était lent.
D’une main il l’écarta, et prenant de l’élan, abattit la barre en fer sur la fermeture. Il y mit toute sa force,  faisant exploser l’ouverture en une gerbe d’étincelles.
Le mécanisme était détruit. Comme quoi avec l’outil conforme, on pouvait en faire des choses.
La porte s’ouvrit, et sans réfléchir il s’engagea dans le couloir. Il y avait là un gars qui le regardait l’air ébahi. Avant qu’il ne puisse lâcher le moindre cri, il l’avait déjà envoyé dans le décor. Penché sur l’homme inconscient, il n’eut aucun mal à reconnaitre l’emblême de la Nébuleuse Noire.
- T’avais parfaitement raison dis donc, ironisa-t-il, ce n’est pas un commercant.
Sans plus de cérémonie il se pencha pour récupérer le fusil que celui-ci porté, laissant le blaster plus léger à sa collègue de fuite.

Faire équipe pour s’en sortir? L’idée ne l’avait pas tellement effleurée, et même maintenant elle lui paraissait improbable. Se défaire de leurs liens, et sortir de l’endroit où ils étaient retenus étaient une chose. Travailler ensemble en était une autre. Il n’en avait pas l’intention, et le fait qu’il lui laissait un blaster n’avait strictement rien à voir avec tout ca. Il la laissait parler sans rien dire. Il se révêlait parfois pas très causant, surtout avec l’ennemi. En revanche il la regardait. Il la détaillait de la tête au pieds non pas comme un homme détaille une femme, mais plutôt avec une curiosité non dissimulée. Ce n’était pas n’importe qui qu’il avait en face. L’identité de la demoiselle ne lui avait pas échappé, et bien entendu ce n’était pas sans une fascination certaine qu’il la regardait.
- Capitaine Thrace je vois.
Une question rhétorique évidemment, non sans un certain respect dans la voix. Il évalua les conséquences de sa présence par ici. Une capitaine de l’Ordre n’était pas tellement importante, mais la descendante de Thrawn en personne? Des équipes de secours seraient sans doute à prévoir, ce qui ne laissait qu’une marche de manoeuvre très réduite. Même en échappant à leurs adversaires, il lui faudrait faire gaffe à ce cas de figure. Ce serait bête d’échapper à un groupe d’ennemis pour tomber entre les mains d’un suivant.
- Y’a quoi dans cette cargaison?
Il voulait savoir de quoi il en retournait, parce que de toute évidence, il ne pouvait décemment pas laisser emporter sa cargaison comme ca. Il n’allait pas lui laisser emporter ca sans au moins faire un rapport de ce qu’il y avait dedans. Tout en parlant il considérait le lourd fusil dans ses mains, pas encore décidé à travailler avec la capitaine.  Il tentait d’évaluer ses capacités à s’en sortir tout seul, quand la Nébuleuse Noire n’avait rien d’un groupe pacifique. Sur le papier, travailler ensemble marchait. Mais en pratique Tuiren avait beaucoup de mal à s’imaginer.
- Mmmm.
Trouver son coéquipier restait la priorité – peu importe les caisses qu’elle venait chercher. Il n’était pas emballé par l’idée.  Ensuite dévoiler le mystère qui trainait dans le coin. Il pensait à Kerrilt. Pourquoi n’était-il pas enfermé avec eux? L’idée qu’il put déjà être mort lui voilà un instant le regard.
- Il est ma resp….
Il n’eut pas le temps d’en rajouter, la porte du fond venait de s’ouvrir dans un grand éclat, et derrière plusieurs hommes qui ouvrirent le feu sans tarder. Il eut juste le temps de plonger pour éviter les tirs. Ils étaient nombreux, et il ne put rien faire d’autre que de riposter tout en filant du côté opposé.
Elle était derrière lui, et ils passèrent la porte en se marchant presque dessus.
Ensemble ils bloquèrent la porte.
Collé contre la paroi, la respiration haletante, le blaster prêt, il laissa passer les secondes. Leurs ennemis derrière frappaient sur la porte, jusqu’à ce soudain plus rien.
Ils étaient de toute évidence en train de trouver un nouveau chemin, pour les prendre à revers.
Sans perdre plus de temps, il se mit en route, peu désireux de finir dans leurs filets.