Ulfric touchait au but il en était certain. Sa démarche quelque peu agressive avait le mérite d'attaquer Lyana là où ça faisait mal, là où elle ne savait pas se défendre. Il la savait relativement susceptible, de ce fait la moindre critique aussi constructive soit-elle était transformée en une insulte de la pire espèce. Cependant il se souciait peu de sa réaction finale, le soldat était un compétiteur depuis toujours et aujourd'hui gagner c'était avoir raison. Deux moyens s'offraient à lui, tout d'abord si sa supérieur hiérarchique décidait de prendre -énormément- sur elle et d'entendre la vérité que lui édictait son sous-fifre, cela avait le mérite de résoudre tous problèmes et de faire avancer la discussion. Mais c'était une vision bien utopiste et le trentenaire doutait fortement de la faisabilité de la chose. La deuxième option était que, pour éviter de devoir s'abaisser à avouer qu'il avait raison, elle allait s'énerver outre mesure, montant sur ses grands chevaux. Dans les deux cas le brun sortirait gagnant, après tout soit elle ferait fi de son honneur et n'en serait qu'une meilleure commandante, soit elle prouverait sa théorie. Une table les sépare et, il le sait, elle n'est pas à grand chose de lui jeter sa bière à la figure. Si elle venait à sortir véritablement de ses gonds et à lui sauter dessus, il voyait mal comment il pourrait se défendre, c'était comme jouer à chat perché dans la cage d'un grand fauve.

La contre-attaque ne tarde pas à arriver, comme prévu d'une certaine manière, depuis qu'il a recommencé à ouvrir la bouche elle doit ruminer ça en silence, appuyant ses ongles dans la paume de sa main pour tenter de se calmer, serrant la mâchoire pour éviter de dévoiler la grimace d'énervement qui s'y cachait. La réaction d'Ulfric face à ces paroles est semblable dans les faits mais pas dans le fond, cela lui passe totalement au dessus de la tête. C'est sans doute la part d'hypocrisie qu'il avait en lui, après tout il déblatérait de long conseil sans se soucier de s'il blessait ou non son interlocuteur, et lorsque son tour venait il n'en avait cure. Il ne se considérait pas comme parfait loin de là, cependant il ne voyait absolument pas l'intérêt de changer si c'était uniquement pour faire plaisir aux autres. D'aucuns reniait leur nature égoïste jusqu'aux moment où leur instinct de survie les rappelait à l'ordre, lui l'avait accepté. Ainsi il était sûr que quelle que soit la situation, quelqu'un penserait à lui.

Lui, parler trop ? C'est vrai qu'il se perdait dans des discours un peu long et dont la logique ainsi que la saveur s'atténuait avec la durée. D'autant qu'à son habitude il se contentait de dire le minimum avec une efficacité tranchante digne d'une lame de barbier. Elle avait un ton étrange la jeune femme qui venait de se lever, un timbre bien différent de celui employé habituellement, comme si elle s’apprêtait à faire basculer la conversation. Cessant bien évidemment de parler, Ulfric focalisa son attention sur la jeune femme, la suivant de son regard de glace. Même s'il voyait doucement l'action se profiler, il avait du mal à croire que c'était réellement en train d'arriver. Pourtant Lyana appuya bel et bien ses lèvres sur les siennes dans un mouvement qui le laissa quelque peu pantois. Alors qu'elle se retirait en direction du bar, une foule de questions se pressaient dans l'esprit désordonné du soldat. Quelle était la véritable raison de cette embrassade ? Etait-ce par simple provocation ? Y'avait-il un véritable désir derrière ? Depuis quand sa supérieur jouait-elle les femmes fatales ? Qu'est ce qu'elle voulait lui faire comprendre ? Aucune de ces réponses n'était à sa portée sans s'adresser à la jeune femme. Il aurait très bien pu partir dans des déductions, mais même s'il adorait cette méthode il la savait trop peu efficiente. « Y'a pas une histoire de troisième rendez vous normalement ? »

L'humour, une bonne façon de quitter la zone de malaise avec intelligence. S'il réussissait à arracher un sourire à la brune peut-être pourrait-il en tirer quelque chose lors d'une conversation. « Tu embrasses souvent tes subalternes lorsqu'ils sont insupportables ou c'est juste moi et je dois t'inviter au restaurant ? » Continua-t-il sur un même ton plaisantin. Après tout s'il avait la chance de se rapprocher un peu plus de sa supérieur il n'allait pas s'en plaindre, malin comme il était il trouverait bien une façon d'utiliser cette petite nouveauté à sa manière, si en plus de cela il parvenait à devenir complice avec quelqu'un où était le mal ? « Quand on résume tout devient plus clair, tu as attendu que je sois infirme pour me saouler, immobile et privé de mes réflexes je ne pouvais te résister. » Finit-il. Même si sa proposition possédait une pointe d'humour, il avait su la dissimuler au beau milieu de deux petites remarques humoristiques ce qui ne ferait sans doute que mieux passer la pilule.

Un léger sourire s'était dessiné sur ses lèvres. Il était plus qu'amusé par la situation, si cette dernière avait pu l'intéressé un temps, à présent elle avait fait bien plus que piquer sa curiosité, elle avait toute son attention. Après tout, le ton tendancieux que prenait la conversation dépassait la simple pique lancée à tout va. La tentions qui en découlait en était particulièrement délectable et Ulfric n'était pas près de la laisser retomber tant qu'il n'en serait pas repus.

"Mais ma chère, c'est dans les marmites les plus anciennes qu'on fait les meilleures confitures n'est il pas ?"

Se redressant difficilement, il se félicita en finissant sa pinte et en enchaînant avec une bouffée de tabac. C'était l'occasion idéale pour réfléchir à ce qu'il allait dire. Après tout, l'ingénieur ne pouvait se permettre de mal placer une parole dans un moment aussi délicat.

"Pourquoi attendre ? On a aucune mission sur feu et du temps à tuer ici alors autant en profiter non ? A moins que la grande Lyana Kira ne cherche à se défiler. En plus de cela qui sait si j'ai prévu de survivre à cette guerre ? C'est glorifiant de mourir en martyr non ? Peut-être même que j'aurai une statue à mon effigie, l'occasion pour toi de déposer ma dalle mortuaire."

Ulfric ne comptait pas vraiment lui laisser le choix. Si elle voulait éviter de se retrouver seule face à lui elle allait devoir refuser frontalement, mais il ne tolérerait en aucun cas qu'on se défile face à lui. Mettrait-elle en jeu l'atmosphère nouvellement installée ?

"Oh, les rumeurs sur ton charme de glace seraient-elles parvenus à tes oreilles ? Lyana la briseuse de coeurs n'est ce pas ainsi qu'on te surnomme ?"

Reprit-il sur un ton faussement étonné alors que sa supérieur direct revenait s'asseoir face à lui. Il préféra faire comme si sa réplique n'existait pas. Pour rien au monde il n'aurait cherché à briser le charme de cette conversation. Préférant même renchaîner en remettant directement les pieds dans le plat, histoire de montrer qu'il ne comptait pas oublier cette histoire d'aussi tôt.

"Cependant je tiens à souligner que ce n'est pas moi qui t'ai embrassé mais bien l'inverse, serait-ce un aveu de ta part ?"

Un temps il observe sa cadette, chargée de responsabilité et qui doit faire face à l'irresponsabilité des membres de son équipe. Ulfric, lui, ne se considère pas comme tel. Après tout chacune de ses actions sont sous pesées méthodiquement. Pourtant il lui pose bien des problèmes, mais après tout s'il n'en posait pas elle risquerait de l'oublier.

"Encore une fois, même en fauteuil je peux faire plus mal au Premier Ordre que toute l’escadron Steel réunis. Toujours prêt pour l'action chef. Quant à mater des recrues jusqu'à les dégoûter de la vie ça me plaît bien, à croire que j'ai un talent inné pour cela.