L’escadron rogue s’était posé la veille au soir sur la jolie Naboo. Ils n’étaient là que quelques jours, le temps de rendre hommage à un héros et de le laisser partir. Les missions reprendraient ensuite. Malgré les temps sombres, cesser la traque n’était pas envisageable.
Theed était une ville tranquille, dont il avait déjà foulé le sol. Une décennie auparavant, l’impression d’une existence entière. A l’époque, il n’était rien d’autre qu’un jeune étudiant qui venait profiter de vacances. Cette vie lui semblait si lointaine à présent. Mais la fascination pour Naboo ne s’était pas envolée, et ce fut avec plaisir qu’il retrouva la ville. Même teintées aux couleurs du deuil, elle gardaient leur panache. Mais la tristesse recouvrait les murs, les rues étaient calmes et vides de joie, et elle lui rappelaient la raison de sa présence, la perte non pas d’un être cher mais d’un qui avait donné sa vie pour la galaxie.
Le rebelle avait choisi de rendre visite à un vieux professeur avec qui il avait gardé contact. Le quermien avait enseigné sur Coruscant, avant de se retirer sur Naboo. Tuiren avait été un de ses élèves, et même durant ses années de résistant, il avait gardé le contact avec lui. Les responsabilités du Rogue ne l'empêcheraient pas de lui rendre une visite, il lui semblait indispensable de revoir un visage connu.
Tuiren se rendit à l'université, vêtu de ses vêtements civils qui lui donnaient un camouflage relatif. Noyé dans la masse d'étudiants qui envahissaient les couloirs, l'homme traversa le campus, et trouva le bâtiment où enseignait son ancien professeur. Il se faufila ensuite dans la salle où celui-ci donnait cours.
Uyenli Ravendorm n'avait pas tellement changé, exception faite des dix ans qui lui marquaient le visage - encore que chez les quermiens c'était quand même moins évident à remarquer. Mais il y avait la même passion sur son visage. L'homme eut un sourire et s'installa dans un coin en silence pour écouter le cours. Quand celui-ci fut terminé, il laissa la vague d'élèves filer, puis quand la tranquilité fut revenue, il se rapprocha du bureau où se trouvait Ravendorm.
- Professeur?
Le quermien se retourna pour lui faire face -ou plutôt le surpombler, car le resistant était loin d'être minuscule selon les standards humains, mais le quermien le dépassait facilement de quarante bons centimètres, la longueur de son cou y contribuant largement-. Quand il découvrit l'indentité de son interlocuteur, un sourire s'étala sur son visage.
- Tuiren quelle bonne surprise.
Ils échangèrent une étreinte.
- Je devine ce qui te mène sur Naboo, continua le professeur.
- J'aurais voulu venir pour des évenements plus joyeux.
Ravendorm hocha la tête avec tristesse.
- Je te rejoins dans la tristesse mon ami, je suis désolé pour Solo, c'était un grand homme.
- Merci. Le visage de Tuiren se tinta d'un sourire désolé.
- Mais il n'est pas que mauvaises nouvelles dans la galaxie. Le professeur posa une main griffée sur l'épaule du pilote. Le premier ordre a perdu du terrain, et quelque chose me dit que tu n'y es pas étranger.
- Je ne sais pas de quoi tu parles, rétorqua le Rogue qui le regardait faussement surpris.
Le professeur savait qu'il était devenu pilote et qu'il était résistant, et sans doute savait-il bien plus de choses que Tuiren s'imaginait.
- Mais n'en parlons pas, contina le sage professeur qui comprenait bien l'importance du secret. J'ai une nouvelle collection de roches qui devrait te plaire. Restes-tu avec moi ou passes-tu juste un moment? Nous pourrions déjeuner ensemble.
Le Rogue avait fort à faire, mais il avait encore du temps devant lui. Sans compter qu'une telle invitation ne se refusait pas.
- Je serais plus que ravi d'honorer cette invitation.

La collection de roches du professeur était tout simplement magnifique. Communes ou rares, des quatre coins de la galaxie, elles étaient le travail de plusieurs décennies d'exploration, et s'étalaient sous une multitude de formes, de couleurs. D'un âge improbable elles traversaient le temps. Tuiren en reconnaissait encore un grand nombre, n'ayant pas vraiment perdu l'envie d'étudier. Son métier de pilote ne lui laissait que peu de loisirs, mais il continuait de lire sur le sujet et ne manquait pas une occasion de regarder le terrain quand il débarquait sur une nouvelle planète qu'il ne connaissait pas.
Le professeur lui expliqua tout en détails. La passion ne tarissait pas, et Tuiren fut pris dans le tourbillon de connaissances.
- Quel sentiment étrange de te voir à l'écoute, remarqua soudain Ravendorm avec malice, dans mon souvenir tu n'étais pas des plus concentrés.
- Ehem.

La visite terminée il se rendirent à la cantina de l'université, où il prirent place et discutèrent du bon vieux temps, jusqu'à ce qu'au milieu des universitaires, Tuiren ne remarque un visage.
Il fronca les sourcils. Ravendorm le regarda intrigué.
- Que se passe-t-il?
- Je suis pas certain....Est-ce que vous connaissez ce gars-là? demanda le pilote en montrant l'homme qu'il avait remarqué.
- Sa tête ne m'est pas inconnue, mais je ne sais pas qui il est.
- J'ai l'impression de le connaitre...Excusez moi un moment professeur je reviens.

Le Rogue quitta la table, traversa la salle, et se dirigea vers l'homme, pour se retrouver face à lui.
- Désolé de vous importuner, mais est-ce que l'on ne se serait pas déjà croisé quelque part?

Ses souvenirs étaient encore imprécis. Ils n’étaient rien de plus qu’une image vieille d’une décennie qu’il n’avait vue que rapidement. Tuiren avait une bonne mémoire mais de là à dire qu’il allait se rappeler de n’importe quel bonhomme qu’il avait pu voir ou rencontré, il y avait un large fossé. Quand l’homme lui répondit, le Rogue eut un sourire.
- Pour tout vous dire je n’aurais rien contre revenir à l’université.
Les secondes qui s’égrénaient clarifiaient sa mémoire, et le visage qu’il avait déjà vu. Cette force tranquille dans le regard. Les vêtements n’étaient pas les mêmes. Mais n’importe qui pouvait se dissimuler sous des habits. Pour le reste il n’était pas facile de redevenir un homme banal.
C’est ce gars je me trompe pas.
L’homme l’invita à prendre place avec lui, ce que le pilote s’empressa de faire.
- C’est gentil à vous.
Le Rogue n’avait pas senti l’homme effleurer son esprit avec la Force, mais il ne venait effectivement pas nanti de mauvaises intentions. Il pensait avoir reconnu un visage non pas de son passé mais celui de l’Ordre Jedi décimé par les chevaliers de Ren quelques années auparavant, laissant la plupart des Jedis morts et certains en fuite. La générale Leia avait réouvert les dossiers quand elle s’était replongée dans la recherche de son frère, isolé dans un coin inconnu. Retrouver les Jedis disparus avait été considéré comme une priorité. Ceux-ci seraient sans doute à même de pouvoir revenir pour épauler la résistance. Alors ils avaient épluché les photos des éventuels jedis encore vivants. Kale, lui semblait-il était son nom. C’était celui qui ressemblait le plus à l’homme en face de lui.
- Et vous avez raison, je ne suis pas d’ici, mais de Coruscant.
L’homme en face de lui prétendait être de Naboo, et de toute évidence ce n’était pas le cas du Jedi disparu. Mais ses traits ne trompaient pas, sa carrure non plus n’était pas des moindres et montrait quelqu’un d’entrainé, et ce fut ce qui poussa le pilote à insister, ou du moins se retrancher pour l’instant dans une stratégie neutre.
Pour l’instant il pouvait juste jouer le jeu.
- Je suis ici pour les funérailles du général Solo.
Rien de bien étonnant puisque la ville entière s’était mobilisée pour l’occasion. Le pilote laissait échapper des vérités sur lui mais elles étaient banales. Il pouvait être résistant mais pas que. Solo était respecté de partout. C’était comme ses origines. Dire que l’on venait de Coruscant revenait à ne rien dire, la planète étant tellement grande et peuplée que cela revenait au même. Il aurait pu également aller droit au but, lui demander s’il était ce jedi. Le jeune lui l’aurait sans doute fait. Mais Tuiren avait depuis le temps changé, il était moins brut de décoffrage. La subtilité était de mise également. L’homme avait ses raisons pour se cacher et ne pouvait pas, ou ne voulait pas, se dévoiler aussi facilement. Et puis tant qu’à jouer à se cacher, il pouvait tout aussi bien le faire. Un jedi de toute facon n’aurait aucun problème à déceler un mensonge, mais le faire remarquer équivaudrait à se montrer.
- Quelle histoire enseignez-vous professeur?
Un simple homme suivrait simplement la conversation, un jedi se rendrait compte de la stratégie mais ne pourrait manquer le message. La galaxie était tellement vaste qu’il était impossible de tout enseigner. Ne restait plus qu’à connaitre le domaine dans lequel il excellait le plus. Cétait une conversation banale.

L’homme parlait de ses cours avec un enthousiasme effarant, celui de ceux qui passent plus de temps dans leurs livres que réellement sur le terrain. Suffisamment pour que le pilote commence à douter de la véracité de son identité. Des guerres et des jedis. Le gars s’intéressait néanmoins beaucoup au thème des jedis, et le fait qu’il en parle tellement maintenait le sentiment qu’il ne se trompait pas. Soit c’était un passionné de l’histoire jedi qui ressemblait à un maitre jedi, soit il tentait de noyer le poisson. Tuiren hochait la tête avec une ferveur non dissimulée. C’était intéressant après tout, quoiqu’un peu étrange. Les jedis n’avaient pas le monopole dans tout cela, c’était également une question de politique. Du moins c’était ce qu’il aurait pensé, mais il n’était pas expert. Ces guerres ils les connaissaient sans doute plus du point de vue militaire qu’autre chose. Il se contenta donc de hocher la tête et de lui donner raison. Il serait effectivement utile de remettre la main sur le savoir des Jedis.
La conversation revint vers lui, et l’homme retournait la conversation de facon habile, en lui demandant ce qu’il faisait, et s’il connaissait Solo, des questions auxquelles le pilote n’eut pas le temps de répondre. Il enchainait déjà sur des considérations historiques, qui firent sourire intérieurement le pilote. Il connaissait d’autre gens que Solo qui auraient pu parler longuement de cette bataille, qui semblait être celle de Yavin.
Les Rogues y avaient été, ils avaient combattu l’Etoire Noire, mis fin au règne de l’empereur, et récupéré la liberté que l’empire leur avait enlevé. Il aurait voulu dire qu’il espérait que cela se reproduise, qu’un jour ils fassent disparaitre Snoke qui tout comme son prédecesseur remportait la palme d’enquiquineur de première.
La destruction de la base Starkiller était un coup dur porté à l’ennemi, mais la guerre n’était pas terminée.
Et soudain l’homme se pencha tout près de lui pour lui demander s’il était résistant.
Le Rogue écarquilla légèrement les yeux, une expression de sa surprise qui ne dut pas échapper à l’homme en face de lui. Celui-ci s’était excusé devant tant de curiosité, visiblement plutôt mal placé. Le résistant eut un nouveau sourire. Il ne tenait pas à dévoiler son identité aussi facilement. Surtout sans rien recevoir en retour de la part de l’homme.
Il ne connaissait même pas son nom.
- Ce n’est pas grave, répondit-il de sa voix la plus naturelle. Mais je ne suis qu’un simple citoyen, j’ai bien peur que je ne puisse pas tellement vous renseigner.
Et il se pencha également vers l’homme.
- Mais mettons l’espace d’un instant, que je sois un de ces résistants et vous un de ces jedis, imaginez quelles informations nous pourrions échanger.
Il se colla une fausse expression mystérieuse sur son visage.
- Des récits de bataille de ceux qui se battent côte à côte.
Clin d’oeil comme nous hein mec second clin d’oeil.
Evidemment il n’avait pas déplacé la moindre paupière mais l’idée y était.
- Evidemment cela reste hypothétique, nous ne sommes que des hommes dans la masse, déclara-t-il en se laissant aller contre le siège de son fauteuil. Qu’en pensez-vous, voudriez-vous être un jedi?

La conversation tournait en rond. Et tout comme le jedi, le résistant trouvait le temps long et ne comptait pas jouer à ce jeu très longtemps. Ce n’était pas son travail de chercher les jedis. Et si celui se cachait, il ne pouvait pas l’obliger à se dévoiler. Il respectait Leia et voulait l’épauler de la meilleure facon possible, mais il ne pouvait obliger quelqu’un à faire de même. L’homme devait posséder des raisons pour se cacher, qu’il ne devait pas juger. Cela ne l’empêcherait pas de le faire, et de trouver que c’était inutile. Les Jedis devaient revenir dans la bataille. Pour le reste cela le dépassait. Il ne possédait pas la moindre connection avec la Force et n’en comprenait pas la signification. Il ratait sans doute une partie de l’explication, mais cela ne changeait rien au principe. Les jedis avaient été les gardiens de la paix, il devaient revenir pour continuer la résistance.
Il y eut une trève.
Il était évident que ni le professeur ni le pilote n’allaient dire quoi que ce soit.
Le pilote se rendit, pour le moment évidemment. Tandis que l’homme enchainait sur les funérailles de Solo, il hocha la tête.
Un peu de conversation ne pouvait pas faire de mal.
- Il a donné sa vie pour la liberté il le mérite.
Ses lèvres se tordirent en une expression renfrognée. Il tentait de paraitre calme, bien qu’en vérité il aurait plus eu envie de taper du poing sur la table, une haine sourde que l’homme canalisait dans une volonté de combattre.
- Cela fait plaisir de voir que Naboo lui rend hommage.
La planète toute indiquée pour être le théâtre d’un triste hommage. Les habitants de Naboo étaient connus pour être pacifiques, chaleureux. Liés aux valeurs de la République. Peu de planètes pouvaient se targuer d’être à la hauteur d’une telle intégrité. Il songea à sa propre planète, Coruscant, longtemps le théâtre d’intrigues politiques, de conflits. De libertés bafouées et de guerres. Les races qui la peuplaient, de tous horizons, étaient à la fois la force et la faiblesse de Coruscant. Ils étaient une planète où tout le monde pouvait venir, mais tous ces gens ne partageaient pas la même opinion. Ce qui aurait rendu un hommage tel que celui rendu à Solo bien compliqué à mettre en place.
- Je sais que le peuple de Naboo est fidèle à la République.
Il sourit à l’homme.
- Et qu’ils ne font pas les choses à moitié. Je suis déjà venu passer plusieurs fois mes vacances sur cette belle planète.
Il jeta un coup d’oeil à Ravendorm, qu’il avait laissé en plan un peu plus tôt pour venir parler l’homme. Ce n’était pas très gentil, mais le professeur ne lui en tiendrait pas rigueur. D’ailleurs il semblait avoir déjà trouvé quelqu’un pour le remplacer et conversait avec un confrère. Le pilote rassuré de ne pas avoir fait d’écart de conduite impolie se retourna vers son interlocuteur.
- Je ne vous ai même pas demandé votre nom.
Il lui tendit la main par dessus la table.
- Je m’appelle Tuiren enchanté.

L’homme lui donna son nom, mais cela ne raviva pas le moindre souvenir. La mémoire lui faisait défaut. Il jeta un coup machinal à l’heure. Il ne pouvait pas s’éterniser dans le coin, les responsabilités l’attendaient ailleurs. Mais il était relaxant l’espace d’un moment d’entendre quelqu’un défendre les mêmes valeurs que soi. Le pilote ne partageait pas tout. Cette histoire de commencement était un peu trop spirituel pour lui, bien plus terre à terre. Ou du moins non entrainé à cette histoire de force qu’il ne connaissait pas. Il ne devina pas que c’était des mots de jedis, et il se fit la réflexion que l’homme était un peu excentrique. Ou professeur d’histoire tout simplement. Peut-être était-ce simplement une image pour dire que l’histoire continuait.
- C’est un symbole j’imagine, expliqua-t-il. Ce héros est un symbole de liberté, et il faut une grande cérémonie pour lui rendre hommage. Maintenant la guerre contre le premier ordre n’est pas encore terminée, et quand ce sera fait son sacrifice aura un réel sens.
En tant que résistant, il ne laisserait pas ce combat facilement car il leur restait encore un long chemin à parcourir. Cette pause dans leur longue guerre leur rappelait pourquoi ils luttaient. Il aurait voulu pouvoir s’exprimer avec des mots, dire le fond de sa pensée en tant que pilote de la résistance. Dire combien il s’opposait à leurs ennemis.
- Je ne suis pas un expert mais je pense que la victoire est encore loin, mais vous avez sans doute plus de connaissances que moi à ce sujet.
Il se laissa aller à un sourire conciliant.
- L’important est de ne pas oublier.
Il était l’heure de filer.
- Vous pourrez enseigner cela à vos élèves
Il se leva et le salua de la tête. La rencontre avait été sympathique, il aurait sans doute voulu rester plus longtemps et parler de tout, de l’histoire et de la liberté, mais il n’avait plus le temps, et chacun devait retourner à ses occupations. L’homme sans doute à ses cours, lui à ses pilotes. A se préparer pour les jours qui venaient.
- J’ai été ravi de vous rencontrer mais je dois vous laisser à présent. Je suis certain que vous avez du travail et je ne voudrais pas vous retarder.
Il ne fit pas de salut militaire, ca aurait été un peu bête de se griller aussi vite. Heureusement il n’avait pas été toute sa vie militaire, et il avait encore des réflexes de simple civil. Il quitta rapidement la table et se dirigea vers la sortie. Il retrouva Ravendorm et prit congé, promettant de revenir au plus vite.
Il retrouva son escadron mais pris par le tourbillon de choses à faire, oublia sa rencontre avec l’homme. Il en toucha vaguement quelques mots à ses hommes, mais personne ne sembla y faire plus gaffe que ca. Il y avait plus important à mettre en place pour le moment. Il mit de côté l’image de l’homme et se concentra sur son travail. La galaxie n’allait pas se remettre en place toute seule.