« Keva, on a un problème. » Je me précipite dans le cockpit pour retrouver ma sœur. Ce n’est jamais très bon signe quand elle me dit quelque chose comme ça. C’est une enfant encore, du haut de ses quinze ans, même si elle sait piloter mieux que toutes les personnes que je connais, s’il y a un problème sérieux, je ne suis pas certaine qu’elle soit capable de gérer la situation. Je m’assieds à ses côtés. « Qu’est-ce qu’il se passe ? » Je la regarde fixer le tableau de bord à la fois paniquée et tentant de garder son calme. « Rien de grave, mais il va falloir atterrir quelque part, on a une panne. » Je lui fais un signe de tête en guise d’approbation. « C’est toi le capitaine, Allyria. »

Et nous avons entamé une descente vers la planète la plus proche, à savoir Corellia. On ne pouvait prendre le risque d’aller plus loin et même si Corellia n’est pas une de mes planètes favorites, je crois qu’il faut parfois savoir prendre sur soi. Je tente de cacher à ma sœur mon inquiétude, elle n’a pas encore tout à fait terminé sa formation, alors je ne veux pas l’embêter pour d’aussi petites choses. Mais les Corelliens, je ne les porte pas vraiment dans mon cœur. Evidemment, pour Allyria, c’est autre chose. Elle et moi avons grandi différemment et je ne sais pas d’où elle tient cette passion pour le pilotage. Forcément, se rendre sur Corellia la rend complètement surexcitée. Elle m’a d’ailleurs demandé durant tout le trajet si elles pourraient s’acheter un vaisseau plus puissant plutôt que de faire réparer cette vieille carcasse. Je me contente d’un sourire. Elle est si naïve et innocente encore, j’espère pouvoir la préserver ainsi le plus longtemps possible, que rien ne vienne perturber sa vie insouciante. Mais je sais que ce ne sera pas comme ça très longtemps. Dès lors qu’elle sera une véritable chasseuse de prime comme moi, elle changera, je le sais.

On nous fait atterrir sur une plateforme d’urgence, le genre où tout un tas de mécanos vont nous sauter dessus pour offrir leurs services et il va falloir faire un choix entre le plus intéressant au niveau du prix et surtout le plus à même de réparer notre épave. Ça, c’est une autre paire de manches. Allyria se pose et me demande d’attendre là, le temps d’aller trouver notre homme – ou femme, sait-on jamais. Je l’attends donc sagement, inversant les rôles pour une fois, comme si j’étais la cadette et elle l’aînée. Elle revient finalement alors que je m’apprêtais à piquer du nez. « J’ai trouvé quelqu’un qui va s’occuper de nous ! » Je sors du bolide pour la suivre et j’aperçois un homme d’environ la trentaine. « Bonjour. » Je lui serre la main. « Ma sœur m’a dit que vous sauriez réparer notre vaisseau. Vous êtes certain ? C’est une épave et pour être honnête, je n’ai aucune idée d’où peut venir le problème. Le devis va nous coûter cher ? » L’argent, toujours l’argent. Malheureusement, on doit vivre avec ce qu’on a et cette panne risque de nous coûter un bras.

Nous n’avions pas eu d’autres choix que de nous poser là, sur la planète de Corellia. Je l’ai fait à contrecœur, mais il se trouve que parfois, les choses n’arrivent jamais au bon moment. Par chance, nous avions terminé notre course à temps. Sans perdre de temps, ma sœur nous avait trouvé apparemment l’homme de la situation. Je n’en attendais pas moins qu’elle bien que méfiante dès le moment où je lui ai serré la main.

Je n’étais pas certaine que ce soit la bonne méthode, le laisser s’occuper du vaisseau et ensuite voir pour le devis. Généralement, c’était plutôt l’inverse pour éviter de se retrouver avec de mauvaises surprises. J’ai rencontré beaucoup trop d’arnaqueurs dans ma courte vie pour me montrer méfiante. Sauf que devant ma petite sœur, je préfère ne rien dire. Elle est responsable de son vaisseau et même si je paye, elle doit apprendre à être responsable des décisions qu’elle prend, même si elles sont mauvaises. Elle n’apprendra que de cette manière. Son père lui aurait dit la même chose. Et de toute manière, je ne connais pas trop le milieu des mécaniciens, je ne sais pas lire dans leur petit jeu et je ne suis donc pas la mieux placée pour donner mon avis. Cet homme-là semble plutôt arrangeant, je ne saurais dire s’il a l’air honnête mais je préfère me fier à l’avis de ma petite sœur. Je lui lance un regard interrogateur ce à quoi elle me répond avec un grand sourire et un hochement de tête. « Bon bah, très bien. Faisons comme ça. »

Je jette un coup d’œil au vaisseau, me demandant s’il pourra le réparer rapidement ou non. « Vous pensez prendre beaucoup de temps ? Vous avez l’habitude de ce type de vaisseau ? Si vous pensez que ça prendra plus d’une journée, dîtes le moi. On ira faire un tour avec ma sœur pour éviter de vous déranger. » A vrai dire, ça ne m’enchante pas trop de devoir passer plus d’une journée sur cette planète, mais je crois que nous n’aurons pas le choix. Ce qui m’inquiète le plus, c’est qu’Allyria pourrait me soudoyer de lui acheter un nouveau vaisseau. Je n’ose pas lui dire que ce n’est pas réalisable.

Je me tourne à nouveau vers le mécanicien. C’est fou ce qu’il ressemble à mon père biologique. Je n’aime pas penser à ça, avoir ce souvenir honteux, mais physiquement, je ne peux m’empêcher de le voir. J’essaye de continuer la conversation pour m’ôter cette stupide idée de mon esprit.  « C’est réparable au moins ? Vous avez trouvé d’où ça vient ? Je ne m’y connais pas du tout dans ce domaine, je dois l’avouer. C’est ma sœur la pilote, une sacrée. » Je profite qu’elle s’éloigne un peu. « J’espère vraiment que vous allez savoir le réparer. Faudrait réussir à dissuader ma sœur de vouloir acheter un nouveau bolide. J’ai entendu dire que Corellia était spécialisé dans les vaisseaux… » Si c’est quelqu’un d’autre que moi qui tente de la dissuader, alors peut-être qu’elle sera plus raisonnable. J’ai espoir en tout cas.