L’échelle menait au top mais on pouvait toujours tomber et Carth avait l’art et la manière de voyager parmi les loyautés des soldats du premier Ordre.

La veste sombre et cintré, arborant l’écusson si reconnaissable de sa faction, passa sous les regards et murmures dans le couloir limpide aux couleurs lumineuses des bureaux des services secrets. Ici, les chuchotements prévalaient, les murs avaient des oreilles, les ascenseurs avaient des yeux et les sous-sols des mains capable de vous faire disparaître de la galaxie en un temps négligeable.

Son bureau était froid mais pas impersonnel, des photos holographiques de paysages et de cartes étranges s’affichaient tout autour, l’ordinateur de contrôle était surmonté dans l’angle d’un petit vaisseau miniature dont les lumières étaient éteintes en cet instant. Son robot de protocole H-244 le suivait et ferma la porte derrière lui tandis que Carth déposa nonchalamment un dossier estampillé du sceau de l’Ordre sur le bureau. « Emploi du temps ? Briefing premier rendez-vous, H-244.» demanda t’il quand bien même il connaissait ce dernier par cœur. La voix métallique ne tarda pas. « Gal’aad Serke. Chevalier Ren. Efficace. » Oui, oui. Carth s’installa sur sa chaise, glissant une de ses balles pleines de caoutchouc organique dans sa paume, la malaxant d’un air lointain en se balançant. « Biographie. » Ne jamais rien laisser au hasard, avoir une connaissance aiguë de ceux qui vous entourait, des ennemis de ceux là-même et tant d’autres. Le droïde protocole récita avec dextérité ce que contenait le dossier sur le bureau. Gal’aad Serke, embrigadé vers ses onze ans au sein du Premier Ordre, porteur de la Force, admirateur de Kylo Ren, disciple, spécialisé dans les missions dangereuses. « Il semble souffrir du syndrome post-traumatique depuis quelques temps. » Carth fronça légèrement les sourcils, le regard tourné vers l’hologramme d’une image montrant Mustafar et ses rivières de lave.  Un général qui partait en vrille n’était jamais une bonne chose : trop de connaissances et de savoir-faire. Il fallait dorloter, charmer, contenir. « Nombre de victimes élevé. » Cru bon de rajouter le droïde et le directeur du bureau d’analyse fronça le nez.

Il laissa glissa glisser la balle dans son tiroir de gauche et se repositionna correctement. « Les guerres ne se font pas sans quelques sacrifices, H-244. La cruauté au nom de la liberté. » Il n’avait jamais été espion. C’était important de le notifier : Carth Morningstar n’avait jamais été espion. Ces derniers avaient - croyaient avoir- le glamour et les louanges et les armes… Travailler pour le bureau des services secrets avait toujours été étrange pour ceux qui n’y baignaient pas h24, c’était un mélange de sang sur les mains et de paperasse interminable. Serke y officiait un peu par hasard, un peu par inadvertance, un peu parce que beaucoup le considérait trop cassé, trop dangereux, trop instable. Un homme, une machine à tuer comme disait certains, qui ne savait s’acclimater au poids du quotidien. Comme si le chaos n’était justement pas propice à ce qu’ils voulaient soulever au sein de cette vaste galaxie…

Carth enleva ses lunettes, les glissant dans un étui transparent et, sans consulter sa montre, se plaça dans une position que la plupart jugerait convenable pour un homme occupant son poste : dossier ouvert, ordinateur en marche, micro enregistrant dorénavant la conversation placée suavement dans l’intérieur du second tableau, celui dont les volutes rouges de Mustafar brillaient toujours de mille feux.
Les lumières du petit vaisseau, jouet inoffensif, se mirent à clignoter. D’un geste, Carth fit signe à H-244 de se ranger dans un coin et le bruit sur la porte le fit sourire. « Entrez. » Fit-il en se levant, main tendue, vers le brun dont les iris bleuté étaient autant de fenêtres sur les guerres traversées. « Un honneur, Excellence. Je sais que tout ceci vous semble superflu mais vous n'êtes pas sans savoir que les rapports ont toujours une importance capitale pour l’Ordre que nous servons. » L’aspect bienveillant était de mise et Carth fit signe à Gal’aad de s’installer. « Je peux vous assurer que votre temps sera utilisé ici à bon escient. » Carth lissa sa cravate s’installant sur sa chaise enfin, la posture droite mais sans trop de rigidité cette fois-ci et le regard calme sur son interlocuteur. « Commençons par ce qui est évident votre Excellence, vous trouverez de l’ambiguïté dans tout ce que vous accomplirez lorsque vous sortirez d’ici. »

Actions et réactions, on apprenait vite au sein du bureau des services secrets. La première règle était la plus importante des règles, celle qui était tacite : On ne pouvait faire confiance à personne, même pas à soi-même.

Il était rare que les bureaucrates de l'Ordre recherchent sa compagnie. Quelques uns essayaient parfois, des fraîchement promues essayant de trouver un quelconque respect, voir une protection, des hargneux voulant se servir de lui pour se faire un nom aussi. Ils échouaient, ils échouaient tous, Gal'aad était une Force, une entité en lui-même bien plus qu'un homme parfois. Les alliances d'hier ne définissaient en rien celles d'aujourd'hui, le respest se mouvait, bougeait, et l'honneur qu'il portait au coeur, jamais il ne l'offrait.
Morningstar savait se méfier, assez pour survivre et être compétent. Il avait contourné le problème en s'adressant aux autres chevaliers de Ren plutôt qu'à leur chef, Gal'aad ne s'intéressait pas assez à lui pour savoir si cela était déjà le cas du temps de Kylo.
Il laissait faire, déjà par trop occupé par ses propres missions. De temps en temps ils se croisaient pour un rapport également, mais le chevalier ne souhaitait pas plus que cela sa compagnie.
La demande de rendez-vous l'avait intrigué vaguement, sans plus. Une simple contrariété lors d'un séjour sur Borosk, quelque chose à évacuer rapidement pour vaquer à ses occupations en paix.

Il portait son casque pour faire face au bureaucrate, une déshumanisation de plus, un moyen de se couper de l'humanité. Le casque, accessoire indispensable d'un chevalier de Ren. Aller tête nue n'était pas quelque chose de toujours toléré, on pouvait l'accepter de Gal'aad cependant car l'homme portait bien des masques et ne savait plus depuis bien longtemps quel était son vrai visage. Et la voix modifiée montait également d'une gorge insoumise, qui n'aimait pas parler pour une quelconque civilité.

”Cessez vos bêtises, vous avez peut-être du temps à perdre à flagorner, je n'en ai pas à vous écouter. Venez en au fait, vous parlez de rapidité mais tournez autour du pot depuis trop de temps maintenant”

Les mains étaient gantées de cuir, on ne pouvait deviner sans savoir quel était le bras qui manquait avec la prothèse ainsi recouverte. Rien ne montrait un membre plus faible que l'autre, la puissance et le danger émanait de l'homme avec la même noblesse primaire qu'une statue antique dont on ne savait si elle possédait un pouvoir quelconque mais que l'on craignaitquand même.
Des pouvoirs, Gal'aad en avait, de même que la plupart de ses chevaliers. Il était le loup sauvage à la tête d'une meute de chiens de guerre que l'on lâchait pour des chasses d'horreur et de tourments.
A sa ceinture, le poids du sabre. Il ne faisait rien pour le cacher, ne craignait également pas qu'on le lui vole, le lui dérobe. Personne ne le pouvait, on ne volait pas un sabre à un jedi pas plus qu'un chevalier.
La représentation holographique de Mustafar vola soudain à travers la pièce, preuve de l'énervement de l'homme. Il n'avait pas deviné pour le micro caché, évidemment, cherchant simplement un objet pour défouler sa colère. La lave avait attiré son regard, malheureusement pour le bureaucrate, et le cri d'agoni du micro fut audible par les deux hommes présents dans la salle.

”Vous outrepassez vos droits...”